Chapitre 37
— Reste ici et ne pars pas, claqua-t-elle soudainement, me stoppant donc dans tous mes moindres gestes.
— Désolé, je ne peux pas. Je préfère plus les jeunes de mon âge... répliquais-je rapidement, tandis qu'elle allumait la lampe.
La grand-mère me fixait désormais droit dans les yeux, les mains jointes sur son ventre. Enfermée dans ses nombreux draps, elle me faisait signe que je devais vite m'asseoir sur le fauteuil. Ne voulant accélérer la date de ma mort, je m'exécutais, prenant donc place à quelques pas d'elle. Torse nu, j'attrapais une couverture pour m'enrouler autour. Cette scène était déjà assez gênante comme ça, c'est clair. J'inspirais un petit moment pour me détendre, regardant ensuite la grand-mère. Elle aussi continuait de me juger, replaçant ses lunettes de vue sur son nez.
— Que ressens-tu pour ma petite-fille ? me demanda-t-elle subitement, un air toujours aussi sérieux au visage.
Ah. Net et précis. Sans aucun détour possible.
— Je... l'aime bien...
— Tu l'aimes bien ? C'est quoi cette réponse de merde ? Précise et dépêche-toi, claqua-t-elle de nouveau, les sourcils froncés.
— Es-tu amoureux d'elle, oui ou non ?
— Je...
— J'ai un couteau dans ma table de nuit, me coupa-t-elle, ce qui renforçait bien son côté psychopathe.
Ok. Elle est bien tarée.
— Pour couper les pommes, c'est ça ? renchéris-je, tandis qu'un mince sourire malicieux venait courir ses lèvres.
— Plus que les pommes, vois-tu... dit-elle dans d'une voix plus basse, l'air meurtrier.
Violette est mignonne.
Elle, c'est un monstre.
— Allez, réponds à ma question.
— Non. Je ne suis pas amoureux, décidais-je finalement d'avouer.
La grand-mère Fleur haussait un sourcil, croisant ensuite ses bras plus haut, contre sa poitrine. Elle continuait néanmoins de me fixer avec ses yeux inquisiteurs et reprenait la parole :
— Es-tu attaché à elle ? reprit-elle, le visage fermé.
— Oui. Je ne sors pas avec elle comme ça, sur un coup de tête, dis-je avec sérieux, tandis qu'elle hochait sa tête, d'un geste très lent.
— Tu as donc quelques sentiments pour elle ? continua-t-elle, intéressée.
— Je m'attache de plus en plus. Je pense que je commence petit à petit à développer quelque chose, oui, avouais-je, en me rendant compte que je me livrais presque à une psychologue.
C'était bien la première fois que je me livrais sur mes sentiments, et il avait fallu que ce soit pour cette sorcière. Bon sang. Je suis vraiment trop bizarre. Ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas ressenti ces trucs, sans déconner. Je ne savais même plus ce que ça faisait d'être amoureux. Enfin. Je me demandais même si je l'avais vraiment été un jour. Certes j'étais attaché à cette fleuriste et assez grognon lorsqu'elle se trouvait avec d'autres mecs, en particulier l'autre con, mais étais-je réellement amoureux ? Non, pas encore. J'en suis sûr. Il me fallait plus du temps, en espérant que la vieille ne me déglinguerait pas la gueule avant.
— Tu as eu combien de relations avant ? me relançait subitement la grand-mère, tandis que je cachais vite mon sourire.
Oula si elle savait, elle risquerait d'aller rejoindre son mari au cimetière. J'avoue que j'avais beaucoup joué dans mon passé et même si je ne regrettais rien, je pense qu'elle ne s'attendait pas à cela. Après je m'étais quand même calmé. C'est bon ; j'étais devenu un vrai homme, rempli de valeurs. Je pouvais tout avouer, sans ne recevoir aucun jugement.
— Trois. Juste ça, répondais-je avec honnêteté, après quelques secondes de silence.
Mamie Fleur se tournait soudainement pour ouvrir le tiroir de sa table basse. Croyant qu'elle allait sortir un mouchoir en tissu pour se moucher, je souriais, avant de la voir se redresser et...
Mon Dieu.
Soudainement elle me balançait un couteau en ma direction, qui venait ainsi effleurer de très près mes cheveux. Cette arme diabolique finissait ensuite sa course contre le mur, derrière moi. Immobile, je restais la bouche grande ouverte, observant sur mon genou gauche, de toutes petites mèches de cheveux bleus. À moi, pas à elle, ça c'était clair. J'avais perdu deux mèches au combat, mais je sais que j'aurai pu en perdre plus.
— Mais ! Vous êtes...
— Combien de relations. Dis-moi et vite, répliqua-t-elle sèchement, prête à recommencer son geste.
— Mais je croyais que c'était pour couper les pommes, pas pour couper les têtes ! m'emportais-je, encore choqué de ce lancer de couteau.
— Oui. Pour les pommes bleues, plus particulièrement. Maintenant réponds.
Voyant que j'étais bloqué, je décidais d'avouer la vérité une bonne fois pour toute :
— Je ne sais pas ; j'ai dû en avoir environ... une petite vingtaine.
— Ok. Une trentaine, repris-je lorsque je voyais qu'elle relevait sa main.
— Ok ! Un peu plus de quarante-cinq, c'est bon ! abdiquais-je. Mais ce n'était pas sérieux alors qu'avec Violette ça l'est !
— Enfin tu avoues, sale gosse... grommela-t-elle, en mettant étrangement un masque sur ses yeux.
J'observais la vieille s'engouffrer dans ses couettes, éteignant ensuite la lumière comme si de rien n'était. Perdu, je restais toujours assis sur ce fauteuil verdâtre, tandis qu'une autre commençait bel et bien sa petite nuit.
— Tu comptes dormir ici avec moi, ou quoi ? Allez pars et va te coucher, reprit cette voix rocailleuse, teintée d'ennuie.
— Mon Dieu non ! Je m'en vais, répondais-je, un frisson de dégoût me traversant tout le corps.
Sans tarder, je me barrais de cette chambre maudite. Dans le couloir, je restais appuyé contre un mur, laissant un long soupir s'évader de ma bouche.
Putain. J'ai eu chaud.
Je passais une main dans mes cheveux, heureux de m'en être sorti en vie après avoir visité l'antre de la sorcière. Heureux, je soufflais une seconde fois, avant d'entendre un bruit vers ma gauche. Je tournais la tête, remarquant donc qu'une charmante jeune fille se baladait ici, l'air tranquille. En pyjama manches longues et jogging noir, elle se frottait les yeux, puis fronçait les sourcils quand elle croisait mon regard.
— Tu fais quoi ici ? Devant la chambre de ma grand-mère, en plus ?
— On faisait des cakes au citron, en mode petit moment de famille bien mignon. D'ailleurs le thé est servi à deux heures ; tu viendras, j'espère ?
Violette levait les yeux, puis attrapait ma main pour me guider ailleurs. Nous finissions donc dans son immense chambre de princesse, un lit King size m'attendant enfin. Heureux d'être en vie après ces péripéties, je me jetais dessus, puis poussais un soupir de bonheur quand je sentais ces draps doux et surtout, très moelleux.
— Quelle chance tu as... J'espère que tu t'en rends compte, princesse, murmurais-je, pendant qu'elle me rejoignait.
— Alors, tu m'expliques ce que vous avez trafiqué ensemble, à part faire des gâteaux ? me demanda-t-elle, curieuse.
— Rien de spécial. On a joué à un jeu de fléchette. Et visiblement, c'était moi sa nouvelle cible...
— Laisse-moi deviner. Tu t'es trompé de chambre ; elle t'a fait un interrogatoire, c'est ça ? continua-t-elle, tandis que je claquais mes doigts.
— Bingo l'escargot.
— Et tu es sorti vivant de cette chambre ? Waouh, chapeau quand même.
— Elle m'a balancé un couteau en pleine tête. Par chance, celui-ci n'a effleuré que mes pointes de cheveux, grommelais-je, toujours pas remis de cette folle excursion.
— Ah oui, d'accord... Et à part le jeu de fléchettes, vous avez fait quoi d'autres ? Tu m'avais l'air assez essoufflé, une fois sorti de sa chambre.
Je me suis fait agresser avec un couteau et elle n'a que ça à dire ? Ok. Cette nana aussi n'est pas très nette. Il faudrait que j'en parle à Max ; lui si connaît très bien dans la psychologie et tout le bordel féminin.
— J'étais essoufflé car je me suis barrais en vitesse, ne vois rien d'autre, idiote. Et sinon on a un peu discuté par rapport à toi, répondais-je, en retirant mon jogging.
Violette me balançait déjà une couverture sur mes jambes, m'intimant du regard de ne rien retirer de plus. Si elle croyait que j'allais l'écouter, elle se trompait assez. Je suis libre comme l'air et dans tous les sens du terme, ouais. Sans aucune gêne, je retirais donc mon caleçon, le balançant de l'autre côté. Enfin. Violette se trouvant sur mon passage, elle se le ramassait en pleine face, un rire m'échappant aussitôt.
— Putain Ciel ! gueula-t-elle sans tarder.
Je continuais de rire, tout content de voir son petit minois énervé. Quelle est chou.
— Sois un peu respectueux, mince. Tu crois que je vais te balancer ma culotte en plein visage, moi !
— Hum... Disons que ça ne me déplairait pas... murmurais-je avec un clin d'œil, la faisant toujours plus rager.
— Retourne dans ta chambre. Immédiatement.
Je secouais la tête de droite à gauche, puis m'engouffrais dans les draps et la couverture toute douce. Je calais le coussin derrière ma tête, déjà prêt à partir pour une merveilleuse nuit dans une merveilleuse chambre, avec une merveilleuse femme.
— La lumière, s'il te plaît., chuchotais-je, des magnifiques jurons s'envolant déjà de sa bouche.
— Je vais dormir ailleurs, salut, dit-elle, avant que je ne me surélève.
Rapidement j'attrapais son bras pour la ramener contre moi. Enfin, je restais dans les draps car je pense qu'elle aurait été trop gênée de côtoyer mon corps nu contre le sien.
— Lâche-moi idiot... grommela mon adorable chiot de trois mois, prêt à sortir ses minuscules crocs.
— Chut, fais dodo... Demain risque d'être une journée très mouvementée, je le sens...
— Parle pour toi... bougonna-t-elle, avant que je ne tende mon bras vers la table de chevet.
J'appuyais sur l'interrupteur, resserrant contre moi ce corps ma foi, très confortable. Si ses seins l'étaient, c'était sûr que le reste l'était davantage. Ah, c'est mieux que de dormir dans le grenier, avec ses couvertures qui te grattaient presque jusqu'au sang.
— Tu n'as pas trop froid ? Tu veux me rejoindre sous les couettes ? demandais-je, toujours serré contre elle.
— Non. Je préfère rester en dehors pour éviter d'attraper quelque chose.
— Un bébé ? Tu rejettes déjà notre pauvre petit Nuage chéri ? Qui n'a rien demandé en plus ?
— C'est ça, oui. D'ailleurs j'adorerai te voir avec un bébé, un jour. La situation doit vraiment être risible.
— J'ai déjà gardé des jumeaux, tu sais, avouais-je. Ma voisine avait besoin de quelqu'un une matinée et c'était donc le super babysitteur Ciel qui s'était retrouvé sur le podium.
— Sérieux ? C'est vrai ou faux ? me demanda-t-elle, suspicieuse.
— Non c'est vrai. Ils s'appelaient Paul et Louis ; ils avaient deux ans à l'époque, deux poils sur le crâne, et toujours de la morve qui sortait du nez.
— Et alors... comment ça c'était passé ? me questionna-t-elle, d'une voix remplie d'appréhension.
— Ça va. J'ai juste appelé les pompiers en fin de journée, répondais-je, pendant que je sentais son corps se raidir contre le mien.
— Tu avais fait quoi comme connerie encore !
— Relax, ils n'ont rien eu, eux. En revanche moi... Ils m'ont super bien entaillé la main avec un ciseau, ces petits cons.
— C'est vrai ? renchérît-elle, toujours prise de stupeur.
— Oui. Tu n'as jamais vu ma cicatrice au creux de main ? Elle se voit pourtant.
J'avoue avoir souvent menti avant, à propos de cette blessure. J'appâtais les jolies femmes, en disant que cette sublime cicatrice venait tout droit d'un rude combat que j'avais eu lors de ma superbe carrière de militaire. Un mec bien viril qui avait affronté tant d'épreuves dans sa vie, oh ouais. Après avoir été pompier, médecin, cuisinier, garagiste, le petit côté militaire avait toujours bien fonctionné.
Ça faisait fondre les nanas, ça.
Bon là je préférais avouer la vérité à Violette. Je sais qu'elle ne me jugera pas. Enfin... voilà quoi. Trois minutes plus tard, elle finissait de rire, avec j'en suis sûr, encore un grand sourire accroché aux lèvres.
— J'adore tes anecdotes ! À mourir de rire, sérieux ! Tu n'en loupes jamais une, toi !
— Ce n'était pas ma faute sur ce coup-là. Après je t'avoue que c'est deux morveux m'ont bien aidé finalement... Je me suis fait deux infirmières, sexy comme je ne sais quoi et...
Violette posait une main contre ma bouche, avec un regard noir que je distinguais même sans aucune présence de lumière dans la pièce. Je lâchais à mon tour un rire contre sa peau, avant qu'elle ne m'assène une bonne claque contre la tête.
— Allez on dort. Peut-être que tu rêveras de nouveau de tes charmantes infirmières, râla-t-elle, en quittant donc mes bras pour se décaler sur ma droite.
Je l'entendais bouger puis grommeler je ne sais quoi. Un nouveau sourire me prenait, ne m'attendant pas à cette fin de discussion plutôt rigolote. Elle est jalouse. C'est mignon.
— D'accord, bonne nuit chouchou. Oh et tu sais, il n'y avait pas que des infirmières. Dans le camion des pompiers, y avait aussi trois belles nanas qui ne demandaient qu'à...
— Il va fermer sa bouche ou quoi ! Il va vraiment finir par aller dormir dans la cabane du jardin, ce foutu gamin ! gueula soudainement une nouvelle voix, horrible et tonitruante, traversant sans grande peine les murs épais.
Waouh. C'est qu'elle m'a fait peur, celle-là !
Mon cœur se calmait finalement au bout de longues secondes, où je n'avais toujours pas osé bouger un seul orteil. Je restais bien bloqué, droit comme un I sur le matelas. Je n'osais presque plus respirer, sans déconner.
— Ça va être dur de rêver de tes belles infirmières et de toutes les autres. Tu m'as l'air bien refroidi, désormais. Allez, à demain chéri... me chuchotait désormais Violette, la voix bien marquée d'amusement.
Vite. Vivement qu'on se barre d'ici, bordel.
**
(Ciel a désormais un petit problème avec les ciseaux et couteaux... En espérant que la deuxième journée se passe mieux ! Merci de vos commentaires et messages, et à bientôt !)😊♥️
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