~~ Crystal ~~

En ce beau jour de pluie, je me retrouve assise entre mon père et ma mère dans une salle d'attente plus froide qu'un congélateur. Serrant ma veste contre mes épaules, je me met à souffler froidement. 

-Encore un peu de patiente, mon ange. m'encourage mon père. 

Il sait que ça n'a pas été facile de m'emmener ici et que ce sera encore plus dur de me retenir. Je n'attend qu'une chose est que l'heure du rendez-vous passe et que je trouve une bonne raison pour rentrer chez moi. Je ne veux vraiment pas voir cette personne. Le seul point positif de cette journée est que je vais rater ma matinée de cours.

-Mademoiselle Taylor ? 

Je relève les yeux et aperçois une dame dans la quarantaine portant un brushing relevant ses parfaites boucles blondes. Ses yeux bleus me regardent en m'invitant à la rejoindre. Je me tourne vers mes parents.

-On va aller prendre un café en bas, tu nous appelles quand la séance sera fini. 

J'hoche la tête et me lève. Je récupère mon sac au sol et entre dans la pièce. Comme toutes les psychologues au monde, la décoration est sobre, quelques photographies de plantes ou d'animaux ornent les murs. J'aperçois un grand bureau d'un bois clair au fond de la pièce alors qu'un canapé gris est placé au milieu de la salle en face d'un simple fauteuil en cuir. 

-J'ai vu dans ton dossier que ce n'est pas la première fois que tu rencontres un psychologue, je crois donc que tu sais comment ça se passe. 

Je pars m'asseoir sur le fameux canapé et m'enfonce directement dans ce dernier. Qu'est ce qu'on est bien dedans. 

-Je l'appelle mon canapé magique, il a le pouvoir de faire parler les gens. 

Je croise son regard. Elle me sourit et je l'ignore, caressant seulement la texture agréable du mobilier.

-Tu n'es pas bavarde à ce que je vois. 

-Mais vous le saviez déjà, n'est ce pas ? lui demandais-je soudainement en plissant les yeux. Si vous avez lu mon dossier alors vous devez savoir que ne pas parler n'a pas arrangé mon dernier psy. 

 -D'où l'intérêt du canapé magique. 

Je lève les yeux vers le plafond. 

-Je suis flattée que vous ayez changé le mobilier seulement pour moi. 

Elle sourit légèrement, sûrement heureuse que je parle. Elle s'assoit en face de moi et prend un bloc note ainsi qu'un critérium. Elle appuie frénétiquement sur le stylo pour en faire sortir un morceau de mine. Je la vois déjà écrire quelques mots dont certains mouvements que je reconnais par être mon prénom. 

-Vous commencez déjà à écrire alors que je vous ai encore rien dit sur moi ? Vous m'impressionnez. 

-Tu sais, même si on ne fait que parler de la pluie et du beau temps, j'en apprend sur toi. 

-Vous devriez m'apprendre votre truc parce que ça a l'air génial. 

Elle croise les jambes tout en réajustant son tailleur noir. Elle plante ensuite son regard dans le mien. 

-Que penses-tu d'une petite présentation pour commencer ? m'interroge-t-elle. 

Je ne répond pas et me met à observer la décoration et en particulier la moquette verte sur les murs. Je grimace face à ça. 

-Je vais commencer, espérons que cela t'encourage à faire de même. 

Elle prends une grande inspiration. 

-Je m'appelle Linda Matthews mais tu peux m'appeler Linda, je n'y vois rien de déplacé. J'ai 39 ans, un mari et deux enfants. Ça va faire plus de quinze ans que j'exerce ce métier. 

Je n'étais pas loin du compte pour son âge. En revanche, je lui aurait plutôt attribuer le nom de Géraldine. Linda me fait signe de me présenter à mon tour et je souffle. 

-Je m'appelle Crystal Taylor, comme vous l'avez vu dans mon dossier. Mais je ne veux que personne m'appelle Crystal mais Crys. J'ai 18 ans, j'ai redoublé ma dernière année au lycée car je n'ai pas eu mon diplôme ou plutôt parce que je ne m'y suis pas présenté.  

Tout en parlant, je la vois prendre de rapide notes.

-Amis ? Copain ou copine ? 

-Non rien de tout ça. 

-Tu ne t'ai pas encore fait d'amis dans ton nouveau lycée ?

-Non et je ne m'en ferais pas. 

-Pourquoi ? 

Elle ancre son regard bleuté dans le mien. Je baisse les yeux vers mes mains qui jouent avec la texture du canapé.

-Je sais que c'est écrit dans ton dossier. Je sais déjà ce qui est arrivé mais je veux l'entendre de ta voix. Si nous voulons travailler ensemble alors tu dois me faire confiance. 

Je tire sur les fils dépassant du meuble en les attrapant avec mes ongles.

-Tu n'es pas obligé de me raconter toute l'histoire aujourd'hui. On peut commencer par cette histoire avec Evan. 

Je ferme les yeux et aperçois son beau visage et ses grands yeux marrons m'observant avec tendresse enfin ce qui me semblait être de la tendresse. 

-Qu'est ce que vous voulez savoir ? demandais-je en reniflant. 

-Votre rencontre, votre relation et comment cela s'est fini. 

Je prends une grande inspiration en détachant mes mains du canapé. Je les passe sur mon jean en les sentant devenir moites. 

-Je venais de rentrer en première année dans mon lycée à Detroit, avec ma meilleure amie, Alicia et quelques un de mes amis proches. C'était un grand lycée mais tout le monde se connaissait de vue. Il y avait, comme dans tout les clichés américains, ce groupe populaire avec ce fameux couple populaire. Tout le monde voulait être comme eux, les élèves les idolâtraient. Ici, il y avait Evan et Elena. Evan était un très beau garçon et il était le fantasme de toutes les filles dont moi. Et il y avait Elena, une très jolie fille, pleine de confiance en elle qui était gentille avec tout le monde. Ce n'était pas le genre de populaire à faire régner la loi, ils étaient vraiment gentils. Pendant notre première année, tout se passait bien, nous n'étions pas populaire mais nous nous en fichions. On était tous ensemble et c'était ce qui comptait. Mais lors de notre deuxième année, on s'est rapproché d'Elena qui était dans notre cours de littérature. On a commencé à traîner avec elle et donc avec ses amis populaires. On est devenu amis avec eux ce qui voulaient dire qu'on était devenu des populaires. Pendant le reste de l'année, on n'a formé qu'un seul groupe uni, tout le monde était accepté, il n'y avait pas de différence, c'était vraiment super. Je craquais toujours sur Evan mais je ne tentais rien en respect pour Elena qui était une amie très proche. Pendant les vacances d'été avant notre dernière année, Evan a fait une fête chez lui pour fêter les beaux jours. Tout le groupe était là et il y avait vraiment une superbe ambiance. A la fin, tout le monde était partit sauf moi et Evan bien sûr. On était dans la piscine et d'un coup, il s'est approché de moi. Je pensais qu'il voulait qu'on parle mais on a commencé à jouer, on se balançait de l'eau, on faisait semblant de noyer l'autre et sans que je ne comprenne comment, on s'est soudainement mit à s'embrasser. Je ne sais pas comment c'est arrivé. Lui et moi dans la piscine alors que sa copine venait de partir dix minutes avant. Quand on s'est séparé, je me suis excusais et j'ai voulu partir mais il m'a retenu. Il m'a dit que son couple battait de l'aile et que je lui plaisais depuis le premier jour où Elena nous avait présenté. Imaginez-moi, le garçon sur qui je craque, me dit que je lui plais et que son couple n'en a plus pour très longtemps. On a continué à s'embrasser jusqu'à que j'ai dû partir. Le lendemain, il est venu toquer chez moi et on en a parlé tranquillement. Il a dit qu'il ne regrettait pas et qu'il voulait recommencer mais seulement si j'étais d'accord. Il me disait qu'il ne voulait pas me mettre dans une position délicate. A cet instant précis, il me semblait être le parfait gars, il tenait à moi et voulait passer mes besoins avant les siens. Et à cause de ça, à ce moment, je suis tombé amoureuse de lui. Les vacances d'été sont passées et nous les avons passé ensemble étant donné que Elena était en vacances avec ses parents. Au début, je me sentais coupable par à apport à elle mais j'aimais tellement Evan que rien ne comptait plus que lui. Il a été mon premier baiser, ma première fois et mon premier copain. J'étais tellement heureuse que je voulais rendre ça public mais Evan ne le voulait pas. Il me disait qu'il voulait d'abord le dire à Elena pour qu'elle ne l'apprenne pas de quelqu'un d'autre. Je me suis dit qu'il avait raison et qu'on lui devait au moins ça. Alors on a attendu la rentrée de notre dernière année au lycée. Evan m'avait dit qu'il me préviendrait quand il lui aurait tout avoué. Je me souviens qu'un soir, j'étais rentré chez moi et lorsque j'étais allé sur les réseaux sociaux, j'avais vu un défilé de message de haine de personne me disant que je n'étais qu'une salope, une traînée et que je pouvais aller me faire foutre. J'ai pas compris au départ et surtout, je n'avais pas fait le lien entre Evan et tous ces messages. Le lendemain, lorsque je suis allé au lycée, je me suis dirigé comme tous les matins vers mon groupe d'amis, ils se sont ensuite écartés et je me souviens encore du visage trempé de larme d'Elena. J'ai instantanément fait le lien entre les messages, les pleurs et le regard de mes amis. L'enfer a commencé à partir de là, je me suis fait insulté par les élèves du lycée et par mes amis, les profs me méprisaient en m'ignorant en plein cours, le directeur n'a rien fait pour dissuader les autres de m'emmerder. Evan m'a plaqué pour revenir dans les bras d'Elena qui lui a pardonné au bout de quelques jours. Je suis resté populaire mais pas dans le bon sens du terme, j'étais littéralement devenu la peste du lycée qui couchait avec les mecs des autres ainsi que la fille harcelée par ses camarades de classe. 

Je me met enfin à souffler. Je baisse les yeux vers mes mains et je remarque que pendant mon récit, je me suis rongé tout les ongles de ma main droite. Je peste en silence alors que je sens les larmes me monter aux yeux. 

-J'imagine que ça n'a pas été facile. intervient finalement Linda. 

Je ris nerveusement. 

-Sans blague. lâchais-je méchamment. 

-C'est donc pour ça que tu es devenu froide ? 

-Je ne sais pas. 

Je relève les yeux vers elle et la vois me regarder avec beaucoup d'intérêt, mon discours a dû la passionner. 

-Je pense au contraire que tu le sais mais est ce que je peux me permettre d'exposer ma théorie ?

-Faites-donc. 

Elle hoche la tête et s'avance un peu plus dans son siège. 

-Je pense que si tu agis de cette manière, comme si tu ne te préoccupait de personne, c'est pour te protéger. Cette trahison de la part de Evan mais aussi des autres t'a profondément déçu et brisé. Tu as perdu confiance en l'amitié et l'amour et tu n'y crois plus. 

Jusque là, elle résume plutôt bien ma vie. 

-Tu te dis que agir de la manière que les gens pensent te voir, te permettra de te protéger. 

Je plisse les sourcils.

-Je n'ai rien compris à ce que vous venez de dire. 

Elle esquisse un sourire. 

-Les gens te voient comme une personne froide alors tu agis comme telle pour qu'ils ne s'approchent pas de toi, qu'ils ne tentent pas quelque chose et donc pour être sûr qu'il n'y ai aucun risque que tu sois blessé à nouveau. Est ce que j'ai raison ? 

-Il se pourrait bien. soufflais-je. 

Soudain, un petit minuteur se met à sonner derrière ma psy qui se retourne pour l'éteindre, j'aperçois en même temps l'heure sur la pendule au plafond et je sens mes yeux s'écarquiller. 

-Ça fait déjà une heure ? demandais-je en me relevant brusquement. 

Je n'avais pas prévu de rester tout ce temps, qu'est ce que c'est passé vite. 

-Je t'avais bien dit que mon canapé était magique. 

J'ignore sa remarque et sors de la pièce pour me trouver dans la salle d'attente. Je prends une grande inspiration en m'agrippant à la poignet derrière moi. 

-Crys ? 

J'ouvre les yeux que j'avais fermé pour découvrir mes parents devant moi, mon père s'approche de moi et passe une de ses grosses mains dans mes cheveux bruns. Il caresse ensuite ma joue. 

-Ça va ? 

Je cligne plusieurs fois des yeux en reprenant mes esprits. Ma mère me regarde aussi avec inquiétude. 

-Euh ouais, je vous laisse, on se rejoint dans la voiture.

La porte derrière moi s'ouvre et Linda me regarde quelques secondes avant que je ne décide de sortir de ce foutue cabinet de psychologie.  

J'arrive en dehors du bâtiment et souffle lentement tout en m'asseyant sur les premières marches présentes. Je pose ma tête entre mes mains et me met à sangloter silencieusement. 

Je n'aurais jamais du reparler de ça, je le savais, je le savais mais mes parents ont insisté et je me suis dit que rien ne pourrait empirer. Tu parles, la prochaine fois, je resterais couché. 

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Vous avez aimé ? 

Linda, la nouvelle psy de Crys ? 

Le passé de Crys à Détroit ? Mouvementé, hein ?

Sa meilleure amie, Alicia qui l'a abandonné ? 

Evan qui l'a plaqué ?

Comment Crys sortira de ce rendez-vous ? 

Des théories pour la suite ?