15. Rencontre
26 Juillet 1975
Freddie et Roger se dirigeaient vers le bar dans lequel ils célébreraient le vingt-sixième anniversaire du batteur.
Londres était plutôt calme pour un soir d'été, mais malgré le peu de passant, ils ne pouvaient se résoudre à se tenir la main, désormais un peu trop connus pour passer inaperçus.
Ils revenaient de la St. Stephen's Tavern, le pub le plus connu de Londres pour sa localisation grâce à laquelle on peut observer le Big-Ben situé en face de celui-ci depuis l'intérieur. Mais Freddie n'avait pas eu l'occasion de réserver car il voulait absolument faire la surprise à son amant, et que dans ce cas, téléphoner à côté de ce dernier n'était pas envisageable. L'effet était donc raté et le chanteur en était affreusement gêné. Heureusement, il pouvait compter sur l'élu de son cœur pour le rassurer.
Farrokh avait prévu un plan B, moins romantique, mais Roger ne pouvait que l'adorer. Le batteur aimait beaucoup les récits d'épouvante, pourtant, il n'avait jamais mis un pied au Ten Bells, le pub tristement célèbre pour avoir été fréquenté par nul autre que Jack l'Éventreur. L'endroit datait de l'époque Victorienne et l'atmosphère était magique. Les jeunes amoureux s'installèrent à une table de deux personnes près d'une tapisserie dans un recoin étroit qui avait l'avantage d'être isolé.
Freddie consultait attentivement la carte contrairement à Roger qui trouvait l'objet sans utilité car une bonne peinte se trouve dans n'importe quel établissement respectable.
— Tu vas prendre quoi, mon amour ? demanda Freddie au batteur pour se décider dans le choix de son apéritif.
— Comme d'hab.
— Mais enfin, c'est ton anniversaire, honey ! Tu mérites bien mieux qu'une simple chope !
— Alors, surprend moi... répondit Rog' avec un clin d'œil sachant que le chanteur se démènerait pour lui trouver le repas le plus extravagant de la carte.
Ce dernier allait se replonger dans le menu quand la voix de son cher et tendre l'interpella de nouveau.
— J'arrive.
— Tu vas où ? questionna Fred' en posant sa main sur la sienne comme pour l'empêcher de partir.
— Aux chiottes, répondit-il en brisant tout le romantisme encore présent quelques secondes auparavant.
Mais Freddie ne lâcha pas la main du blond pour autant. Une partie de ce qui pourrait être une future chanson germa dans son esprit et il décida de la chanter dans un murmure.
— Love of my life, you've hurt me,
(Amour de ma vie, tu m'as blessé)
You've broken my heart and now you leave me
(Tu me brises le coeur et maintenant tu m'abandonnes)
— J'en ai pour cinq minutes, répondit l'homme à qui ces lignes étaient destinées.
— Mais je ne veux plus jamais te quitter, même pas un instant, Roger. Je te veux dans chaque seconde de ma vie!
Le chanteur avait un sourire triste et des yeux suppliant, ce qu'il pouvait être craquant. Roger caressa sa main de son pouce en lui accordant un sourire accompagné d'un regard rempli d'amour avant de disparaître.
Freddie était désormais seul avec la longue liste de boisson du Ten Bells où il cherchait le breuvage à la hauteur de son amant.
Cela faisait quatre ans qu'il était certain de celui qui était l'élu de son cœur. Depuis son enfance, il attirait l'attention dans l'espoir de recevoir l'amour dont il avait besoin. Il avait toujours été bien entouré, malgré son père sévère, mais il lui manquait quelque chose. Il lui fallait juste quelqu'un qui saurait l'écouter, qui le comprendrait. Quelqu'un avec qui les mots ne seraient que des accessoires et qui le prendrait dans ses bras à chaque seconde de doute pour lui dire "Je t'aime, ça va aller." Quelqu'un à aimer. Et ce quelqu'un, il l'avait trouvé dans la personne de Roger Taylor.
Freddie ne pouvait se douter que pendant ses réflexions un homme installé quelques tables plus loin l'observait. Le chanteur ne le connaissait pas, pourtant, l'homme le connaissait bien. Pour avoir suivi Queen aux dates de leur dernière tournée qui ne passaient pas trop loin, en s'attardant tout particulièrement sur Freddie Mercury. Il avait presque développé une obsession pour le pianiste et le hasard voulait qu'ils se réunissent dans ce pub. L'homme avait le même âge que Freddie mais était plus petit que lui. Il avait une moustache et faisait partie de ces personnes blondes qui ont plutôt l'air brunes, dans son cas, c'était plus précisément aubrun. Il avait presque l'air rouquin et ses petits yeux bleus fixaient Farrokh qui était plongée dans le menu. Mais il avait fini, on voyait qu'il n'y portait plus un réel intérêt et commençait à se perdre dans ses pensées.
Le moustachu se leva en se disant que c'était le bon moment pour lui parler.
— Vous avez une étrange ressemblance avec mon musicien préféré.
— Vous n'êtes pas le premier à me dire que je ressemble à Freddie Mercury, rétorqua-t-il légèrement surpris, car contrairement à ce qu'il venait de dire, on ne le reconnaissait pas si souvent que ça, ou du moins, rare étaient ceux qui l'abordaient. Il conserva cependant son charisme légendaire en répondant sur un ton proche de la provocation.
— Vous voulez que je vous dise un secret ? ajouta-t-il pour attirer l'attention de son fan insoupçonné tout en continuant de jouer le jeu.
— Naturellement.
— Et bien... Peut-être que je suis Freddie Mercury.
— C'est donc ça. Monsieur Mercury, permettez-moi de vous dire que c'est un honneur.
— Tout le plaisir et pour moi. Ça risque probablement de vous étonner, mais on ne rencontre pas de fan tous les jours.
— Vraiment ?
Freddie ne répondit que par un hochement de tête, de toute façon, son interlocuteur faussement étonné n'attendait pas de réponse. Un petit silence s'installa avant que l'inconnu ne reprenne la conversation.
— J'adore votre musique. C'est très innovant.
— Merci, on fait de notre mieux pour sortir du lot, tout en travaillant avec passion, sans pour autant suivre la voie du marketing. Et je dois avouer que c'est pas toujours facile, dit Freddie avant de sourire en prenant grand soin de crisper sa main devant sa bouche.
Ça faisait longtemps qu'il n'avait plus eu à le faire. Roger l'aimait comme il était, mieux, sa dentition le fascinait. Quant à Brian et John, ils étaient amis et ce n'était pas le genre de gars à bloquer sur ce genre de détails. Il était pratiquement décomplexé, il se sentait confiant même avec les journalistes et passait juste sa lèvre supérieure au-dessus de son inférieur pour cacher ses dents de lapin proéminentes.
Mais l'homme qu'il avait en face de lui le mettait mal à l'aise. Pourtant, il libérait quelque chose en lui, de la confiance peut-être. Il avait l'impression d'être important et que tout ce qu'il disait était attentivement écouter et emmagasiné par son auditeur. C'était effrayant, déstabilisant, mais agréable. Il se sentait bien à discuter avec cet inconnu surgi de nul part dont il ne connaissait même pas le nom. Bien qu'agréable, cette rencontre devait prendre fin, car Roger n'allait pas tarder à arriver et que comme c'était son jour, il était inconcevable de gâcher la soirée en amoureux qui lui était promise.
— Je suis désolé, vraiment, mais c'est l'anniversaire de mon ami et... commença Freddie, mais l'homme semblait avoir compris et lui coupa la parole.
— Pas de problème, je comprends. J'espère vous revoir un jour monsieur Mercury.
— Nous nous reverrons, Londres n'est pas une si grande ville, dit Freddie pendant que l'inconnu tournait les talons.
— Attendez ! ajouta-t-il précipitamment. Pourrais-je au moins savoir votre nom ?
— Je m'appelle Paul Prenter, révéla-t-il avant de disparaître.
Mais Paul ne comptait pas en rester là, il reverrait le chanteur pour qui ses pensées s'avéraient exactes; c'était lui le bon. Il ne restait plus qu'au moustachu aubrun à se rapprocher de lui et ce n'était pas une mince à faire. Mais il réussirait, il le reverrait et accomplirait son objectif final.
La serveuse arriva juste attend pour qu'il puisse commander sa surprise avant que Roger ne revienne.
— Désolé d'avoir traîné, Fred'. J'ai discuté un peu avec la gérante. Tu savais que Jack l'Éventreur avait de grandes connaissances en médecine et récupérait la plupart de ses victimes ici-même, à cette table ?
— Heu, non. J'en savais rien. Content que tu aies pu te renseigner.
Ils continuèrent à parler de tout et de rien pendant une minute ou deux avant que la serveuse n'arrive.
— Deux super cocktails The Blood of The Ripper modifiés par monsieur le pakistanais pour l'anniversaire de blondie, annonça la serveuse qui ne les avait pas reconnu et qui à l'évidence n'avait pas beaucoup de respect pour ses clients.
— Je ne suis pas pakistanais, rétorqua Freddie. Et j'espère au moins que vous n'avez pas oublié...
— Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas aussi je m'en foutiste que j'en ai l'air.
Le reste de la soirée se déroula à la perfection, le gâteau arriva avec la musique sur laquelle les deux tourtereaux répétaient pendant leur premier baiser. Ils retournèrent ensuite chez eux.
Freddie avait mis les bières que Roger vénérait de côté et lui avait offert deux places pour le concert de son groupe préféré qui était aussi celui du chanteur.
— Tiens, mon amour. Je t'ai pris deux places pour ne pas que tu y ailles tout seul. Et regarde ce que j'ai pour toi... dit il en lui tendant la bouteille qu'il avait caché derrière son dos tel un bouquet de fleurs.
— Merci, je me demande bien qui je vais inviter, ironisa Rog' avec un clin d'œil pour son bien-aimé. Tu t'es surpassé dis donc.
— Oh, c'est pas grand chose. Et désolé pour le Big Ben, ça aurait dû être mieux...
Le visage de Freddie avait pris une teinte pourpre qui, aussi surprenant que ce soit, augmenta encore d'une teinte quand Roger l'attrapa par le col pour l'embrasser et ainsi mettre fin à ses excuses.
Le reste de l'anniversaire de Roger fut inoubliable grâce à son amant sur qui il pouvait compter. Ils étaient sur le point de s'endormir et commencèrent à parler sérieusement.
— Tu sais Roger, entama Freddie qui était peu sûr de lui, je ne me suis jamais senti aussi bien et heureux que dans tes bras. Tu ne peux même pas imaginer l'effet que ça me fait de me sentir aimé et protégé auprès de toi. Je t'aime...
— Fred' ce que tu as chanté tout à l'heure était magnifique, vraiment. Et tu n'as pas à t'en faire ; je serais toujours près de toi, avoua le batteur en resserrant son étreinte et caressant le torse de son amant avec sa main.
— Roger... murmura Freddie d'une voix presque éteinte.
— Chuttt... maintenant, repose toi. La journée va être longue demain, on a une répétition, clôtura Roger en déposant un baiser sur le front de son interlocuteur.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le chanteur était lové contre le torse de l'amour de sa vie, ce qu'il pouvait aimer les confidences sur l'oreiller.
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