13. Mis en garde
"Dis moi quelque chose, fille
Êtes-vous heureux dans ce monde moderne ?
Ou avez-vous besoin de plus ?
Y a-t-il autre chose que vous recherchez ?"
– Shallow, Bradley Cooper
ft. Lady Gaga
Lycée de Forks. 8h00.
Bureau du proviseur.
Le cœur d'Isaac McFray semblait être défaillant depuis que le petit Martin Achers s'était rué vers lui, annonçant sur un ton mi-compatissant mi-moqueur que l'Ange vengeur l'avait ciblé.
McFray lui avait d'abord ri au nez, sous prétexte qu'il n'était détesté de personne dans ce lycée et en l'occurrence, impossible pour lui de se retrouver dans la ligne de mire d'Hermès. Il raillait ainsi l'absurdité des dires du timide Achers jusqu'à ce que les murmures des élèves prenant la direction de leur salle de classe à une allure trop lente à son goût parvinrent enfin à ses tympans. Ensuite le roux avait alors mécaniquement accroché à tort le regard de tous les passants du couloir, se rendant par la suite compte que c'était en réalité eux qui croisaient le sien, une aura de pitié se dégageant fortement de leurs iris méfiants.
Dès lors, le joueur de baseball s'était instantanément saisi de son smartphone à l'intérieur de son sac à dos avec la ferme intention de confirmer ce que venait de lui faire part le minus aux mèches rebelles verte pomme. Avec un peu de chance, sans doute tout ceci n'était-ce encore qu'une de ces stupides blagues enfantines mais pas des plus angéliques.
— Eh Isaac..., avait tenté de se rapprocher Grenda Fallenson en tenant gentiment les bras du jeune homme.
Après tout, que pouvait bien le lui reprocher Hermès...? Fallenson avait-elle réellement fait appel à lui ? L'autre fois, ce n'était donc pas une simple embrouille entre sexe féminins avec Willey Graham ? Il songea à toutes les raisons qui auraient pu pousser quelqu'un à faire appel à l'Ange vengeur mais celle qui demeurait la plus plausible était signée Grenda Fallenson.
Les yeux ronds et l'épiderme soudainement humide, ses pupilles avait congelé ceux de sa petite amie, cette dernier étant perdue dans l'ignorance totale. Hermès lui avait bel et bien pris pour une hébétée. L'Ange vengeur était au courant d'une chose concernant son petit ami qu'elle, Grenda Fallenson, ignorait. Ce n'était que ces mots qui tournaient dans sa tête, bien que son regard reflétait une profonde inquiétude pour son rouquin.
D'un geste barrière envers la mignonne rouquine étrangement habillée odieusement aujourd'hui, McFray s'était ensuite précipité vers le terrain de baseball, s'attendant sûrement au pire. "Au pire". Rien n'avait jamais égalé la terreur qui s'était attachée à son âme pendant qu'il sprintait vers le seul lieu qui lui apportait du réconfort. Et c'était ce lieu en particulier qu'avait choisi l'Ange vengeur pour envoyer des rafales d'aiguilles sur le rouquin. Quoique, suant et s'époumonant en tenant fermement ses genoux face à ledit message de l'Ange, la fréquence cardiaque de l'adolescent avait redescendu seconde après seconde.
Et sans que personne ne sache le pourquoi, Isaac McFray avait été pris d'une si soudaine hilarité aberrante que sa sublime dentition éblouissait chacun des deux trois élèves curieux et vagabonds des salles de cours qui le dévisageaient.
— Sacré Hermès, hein ?, avait-il persiflé en désignant le gazon revisité de son index tremblant.
La surprise de l'Ange vengeur avait ainsi réanimé la vie absurdement fade du lycée. Les cœurs s'étaient réchauffés d'adrénaline alors que l'esprit tourmenté de l'auteur de ce crime sombrait peu à peu dans la paix, heureux d'avoir rétabli un semblant de justice. Hermès tourna les talons et s'éloigna à grandes enjambées de la scène dramatique dorénavant déserte, laissant là Isaac McFray dans sa démence exhilarante.
Il n'ignorait pas les répercussions que cela engendrerait car les hostilités du proviseur envers lui renaissaient. Ainsi, voilà que les deux personnes évoquées sur la scène de crime morflaient de l'acte d'Hermès et s'enamouraient de la peinture verdâtre des murs du bureau de M. Greenwich, sans oublier les poissons empaillés censés être des accessoires de décoration. Glamour, n'est-ce pas ?
— Vous êtes en train de me dire qu'aucun de vous deux n'a contacté ce soi-disant « Ange vengeur » ?, réitéra le proviseur en faisant pression sur les deux élèves enfermés dans leur mutisme.
Willey Graham balada furtivement ses yeux sur le côté pour guetter la réaction du rouquin qui tapait nerveusement du pied pour on-ne-sait-quelle-raison. Car s'il y avait bien une personne susceptible d'avoir demandé de l'aide à Hermès entre eux deux, c'était bien l'américano-thaïlandaise. Alors d'où venait cette nervosité dont faisait preuve Isaac McFray ?
— Comment pourrions-nous avoir fait appel à cette personne si nos propres noms ont été mentionnés ?, renchérit le rouquin.
M. Greenwich s'enfonça davantage dans son siège de bureau. Puis, les mains jointes et le regard suspicieux, il porta son attention sur la jolie américano-thaïlandaise qui cherchait à fuir ses iris. Par malheur, elle dut mettre fin à son manège lorsque sa fausse inspection visuelle des lieux la mena face au quadragénaire. Celle-ci mit un temps avant de déchiffrer l'air inquisiteur du proviseur.
— Je... Nous n'avons rien à y voir. Isaac dit vrai, M. Greenwich, ça n'a pas de sens.
M. Greenwich se redressa une énième fois, positionna lentement ses coudes sur la surface de son bureau et fit reposer son menton sur ses doigts entremêlés.
— Willey Graham, j'ai entendu dire que cette dernière semaine n'avait pas été de tout repos pour vous. Tu sais, tu peux te confier en toute sécurité, dit-il en soutenant le regard de la jeune fille. Êtes-vous au courant d'une chose qui pourrait m'aider à comprendre l'agissement d'Hermès ?... Lui avez-vous envoyé un mail, mademoiselle Graham ?
Willey bafouilla nerveusement une réponse vague et inarticulée dans un premier temps avant de marmonner ensuite un "non, M. Greenwich" après qu'elle eut retrouvé son calme. Après quoi le proviseur les pria de rejoindre leur salle de cours. Il n'était pas dupe face à tant de nervosité venant de la part de ces deux adolescents. L'un se donna un semblant d'assurance et l'autre ne tenait pas en place. McFray désirait plus que tout que cette histoire se tasse rapidement et le rouquin ne voulait certainement pas que le proviseur en vienne à s'y intéresser de trop près. Graham, elle, ne voulait plus être mêlée à quoique ce soit de bien angoissant pour son esprit sensible, pour ainsi dire ni aux sujets de discussion entre bipèdes commères ni à Hermès, qui n'était pas si menaçant qu'elle l'aurait cru.
— La prochaine fois que t'auras envie de détourner l'attention de toi, assure-toi de ne plus me fourrer dans tes plans, s'empressa de cracher amèrement Isaac McFray à peine sortis du bureau du directeur.
— Alors là, t'es con McFray, rétorqua l'adolescente qui n'en croyait pas ses oreilles tout en faisant barrage au rouquin qui s'en allait déjà. Si j'avais voulu demander à Hermès de faire cesser ces calomnies à mon égard, tu crois vraiment que j'aurais rejeté la faute sur toi ? C'est ton aveugle de petite-amie qui en m'attaquant devant le lycée a rendu les choses encore plus lourdes qu'elles ne l'étaient déjà ! Tout ce que les gens racontaient sur moi n'était que de simples rumeurs mais avec sa petite scène de copine effarouchée, tout le monde a commencé à croire que j'étais bel et bien une traînée !
Willey Graham passa fébrilement une main dans ses boucles tandis que ses yeux s'humidifiaient peu à peu.
— J'ai jamais demandé à avoir cette réputation, crois-moi, bredouilla-t-elle en accrochant le regard soudainement embarrassé du jeune homme. Tout ce que je voulais..., agita-t-elle lentement sa tête de droite à gauche, c'était de m'éloigner de mon ancienne vie. Mais il faut croire qu'anéantir autrui, c'est dans la nature humaine...
Le rouquin déglutit avec peine tant il avait été poignardé par le monologue de la métisse. Bien sûr qu'il ne savait rien de sa vie, même si à vrai dire il avait déjà entendu parlé de Willey Graham. Et évidemment que le garçon compatissait intérieurement avec la fille mais...
— T'es pas la seule à avoir une vie pourrie, Graham. Je suis sincèrement désolé, mais je n'ai rien à voir avec ton malheur, lâcha-t-il tandis qu'il contournait l'américano-thaïlandaise et s'éloignait les mains nonchalamment enfuient dans les poches de sa veste de baseball.
La métisse serra les poings, se retourna vers le rouquin déjà au bout du couloir en même temps deux lignes de larmes abîmaient son fond de teint et rougissaient son regard noisette.
La minute d'après, les haut-parleurs grésillèrent et la voix autoritaire du principal se fit entendre dans tout le lycée, des différentes salles de cours aux toilettes fraîchement nettoyées par les agents d'entretien. Et celui-ci annonçait l'ouverture de la chasse au Messager sur ces dernières paroles bienveillantes et de mis en garde : c'est l'heure de mettre fin à son soi-disant héroïsme. À la prochaine apparition d'Hermès, je me chargerai – enfin – de soumettre ce problème aux autorités de la ville.
Il se crispa net et leva les yeux vers l'enceinte fixée au-dessus de la porte de la salle dans un coin, à l'instar des quelques centaines d'élèves de l'établissement actuellement. Tout le monde se mit à murmurer, chuchoter et tourner des regards inquiets par-ci et par-là.
Que se passerait-il si le Messager en venait à disparaître, lui et son activité avec ?
Qu'adviendrait-il de l'Ange vengeur qui redonnait jusque-là vie à leur vieux lycée ?
Qu'arriverait-il tout simplement à Hermès si la police décidait de remonter jusqu'à lui ?
Voilà donc quelques-unes des questions qui avaient commencées à s'immiscer dans l'esprit de la majorité des élèves du lycée de Forks depuis l'annonce du principal. Parmi ces questions, une seule tourmentait Hermès : devait-il ou non mettre définitivement fin à son activité devenue une entreprise malveillante ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro