Jour 5 : Vacuité
Au milieu de la nuit, 0 h 45.
Lucas ne parvenait pas à dormir, les villageois l'inquiétaient, comment pouvaient-ils être si... si froid ? La mort, l'exécution de plusieurs personnes ne leur faisait rien...
Il se leva et alla dans le bureau, là où Sarah avait l'habitude de passer du temps à dessiner. Il vit un carnet posé sur la table et commença à le feuilleter. Elle aimait reproduire des paysages, des forêts, des montagnes, des levers de soleil, la mer, ce petit village...
En revoyant tous ces dessins, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer Sarah de nouveau à ses côtés...
Une page attira son attention, sur cette dernière il n'y avait pas de dessin, mais des mots.
« Je vous en prie, dieu, faites-moi payer mes péchés, mais laissez ma famille en dehors de ça. »
Des traces de larmes se trouvaient à côté du message.
En dessous, une écriture rouge, séchée... du sang...
« Tu perdras ce qui t'est le plus cher, telle est ta punition. »
— C'est quoi ça ?
Lucas tremblait légèrement, il regarda la note l'air inquiet...
À côté du carnet se trouvait une lettre.
Des taches de sang empêchaient de lire certains passages.
« Je ne pourrais jamais me pardonner... pourras plus le faire toi non plus... Léonard... je suis vraiment désolé... tout ce qui t'est arrivé... de ma faute... »
Et plus bas, cette phrase.
« JE NE SUIS QU'UNE MEURTRIÈRE ! »
— C'est quoi ces conneries... ?
Lucas réfléchit, si Sarah se trouvait là pour expier ses péchés...
Qu'en était-il des autres... ?
Il prit le carnet de Sarah, et commença à noter tous les moments suspects, avant et pendant le jeu. Des habitants, était-il le seul homme saint de ce village ? Un simple dommage collatéral emmené ici à cause de Sarah ?
Lorsqu'il eut fini, il écrivit une dernière phrase sur le calepin.
« Tous les gens de ce village sont-ils réellement des meurtriers réunis ici pour payer les crimes qu'ils ont commis ? »
C'est alors que le carnet lui répondit, formant trois lettres ensanglantées.
« Oui. »
Lucas pris panique et réfléchit, l'unique moyen de s'en sortir était...
Lui et sa fille allaient disparaître, faire semblant d'être morts et se cacher quelque part en attendant la fin du jeu.
C'était la seule solution.
Il se dirigea vers la chambre de sa fille, en ouvrit la porte et regarda sur le lit.
Elle ne s'y trouvait pas.
Sa petite fille ne se trouvait pas dans la pièce.
Plusieurs pensées se bousculèrent dans la tête de Lucas.
Où était-elle ?
Les loups-garous... les loups-garous l'ont emmené pour la manger ?
Elle... elle est morte ?
Comme Sarah ?
Lucas éclata d'un rire dément.
Vous vous foutez de moi, hein ? Elle ne peut pas être morte pas vraie ?
C'est absolument impossible, hein...
Tout ça à cause...
De ce gars...
Il s'amuse avec nous...
Il se joue de nous...
Je ne me laisserai plus faire...
Ce jeu ne se passera pas ainsi !
— RENDEZ-MOI MA FILLE ET MA FEMME ! hurla-t-il.
⟐⟐⟐⟐
35 minutes plus tard, dans la maison du chasseur.
Un homme ouvrit la porte d'entrée, il avait l'air perdu, fou, le regard vide. Le chasseur dormait, son arme près de lui. L'intrus s'approcha discrètement de sa proie qui commençait à se réveiller. Alerté par le bruit, il tenta de saisir son arbalète, mais il sentit la main d'un autre. Il réagit immédiatement en la frappant ce qui eut pour effet d'éjecter l'arbalète.
Il voulut se lever, mais son agresseur se mit sur lui pour l'étrangler.
— Lu... Lucas... ? Que... s'étonna le chasseur.
— Ta putain d'arbalète c'est la seule arme ici ! Je vais mettre fin à cet enfer ! hurla Lucas.
— Que...
Lucas explosa de colère et de folie.
— MA FEMME ET MA FILLE SONT MORTES ! À CAUSE DE CE VILLAGE À LA CON ! JE VAIS TOUS VOUS CREVER ! TOUS ! DE TOUTE FAÇON VOUS N'ÊTES QUE DES MEURTRIERS !
— Ta... fille... elle...
— QUI T'A PERMIS DE PARLER DE MA FILLE ? TU ES DÉJÀ RESPONSABLE DE LA MORT DE SA MÈRE, ENFOIRÉ !
— Pas... morte...
— Pas... morte ?
Il relâche légèrement l'étreinte.
Le chasseur essaya d'en profiter pour saisir son arbalète.
En vain, elle se tenait malheureusement trop loin, il ne parvint qu'à la rapprocher faiblement.
Lucas resserra ses mains autour du cou de sa victime.
— TU MENS ! Et admettons que tu dises la vérité, alors je dois quand même tous vous tuer ! Pour la protéger !
Le chasseur sentit ses forces l'abandonner, il allait succomber, dans un ultime élan, il réussit à attraper son arme et tira sur Lucas qui hurla de douleur.
Le chasseur ferma les yeux, il venait probablement d'accomplir sa dernière action dans ce jeu.
— Enfoiré... j'aurai pu mettre fin... à tout ça...
Un individu vêtu de noir ouvrit la porte de la maison, il s'assura de la mort des deux hommes avant d'écraser l'arbalète d'un coup de talon.
— Plus personne n'en aura besoin.
⟐⟐⟐⟐
Le lendemain matin, alors que la réunion de dix heures devait commencer, la petite fille réalisa que son père ne s'était pas encore levé, elle pénétra dans la chambre pour le réveiller, mais elle ne le vit pas.
Elle entendit quelqu'un frapper à l'entrée, c'était le benjamin qui l'attendait.
— Viens avec moi, tout le monde est regroupé, il ne manque plus que toi.
— Mais... papa...
— Ton papa est déjà là-bas...
Elle sourit radieusement, le benjamin s'en voulait de lui avoir menti, mais il ne pouvait pas lui dire la vérité, pas comme ça. Le maire allait bientôt se charger de lui annoncer, alors...
Une fois qu'ils arrivèrent sur la grande place, l'ancien s'avança et prit la parole.
— Nous pouvons commencer, cette nuit, deux personnes sont mortes... Lucas et le chasseur, les deux étaient innocents, l'arbalète, elle, a été détruite.
— Merde, marmonna la sorcière, déçue.
La petite fille posa les yeux l'ancien sans comprendre.
— Papa... où il est... il ne peut pas être...
— Désolé petite...
Un silence pesant s'installa, la plupart des habitants la regardaient avec une sincère compassion, mais certains comme la sorcière, s'en moquaient. Quand la petite fille réalisa ce qu'il était arrivé à son père, elle éclata en sanglots.
L'aîné des trois frères la raccompagna chez elle, tout en la rassurant, puis il se tourna vers le village.
— La faire venir juste pour lui dire ça aussi brutalement c'est... vous êtes dégueulasses.
Une fois qu'ils eurent quitté la place, l'ancien continua, s'efforçant à faire abstraction de ce qu'il venait de se passer.
— Aussi les loups-garous ne sont pas responsables de leurs morts.
— Comment le sais-tu ? demanda la sorcière.
— Ce matin, en me réveillant, j'ai trouvé la protection de ma maison entièrement détruite, ce qui veut dire que les loups ont tenté de s'en prendre à moi, annonça tragiquement l'ancien.
— Mais pourquoi a-t-il...
Pour la première fois depuis un moment, ce fut Patrick qui émit une supposition.
— C'est pourtant simple, Lucas, de désespoir, a attaqué le chasseur pour récupérer son arme. Il a tué le chasseur, mais celui-ci a réussi à se défendre juste avant de rendre l'âme.
— Comment en es-tu arrivé à cette conclusion ?
— Tuer tout le monde... vous pensez que je n'y ai pas songé ? répliqua-t-il d'un air profondément attristé.
Cette phrase laissa un intense malaise, après tout si Lucas avait pu agir ainsi... et si finalement, les loups-garous ne constituaient pas l'unique menace qui planait sur les habitants ?
— J'ai quelque chose à révéler, annonça le prêtre.
— Quoi donc ? demanda l'ancien.
— La petite fille, elle sort de chez elle la nuit, je l'ai aperçu hier soir.
— C'est effectivement plutôt suspect...
— Attendez ! s'exclama le Benjamin. Elle n'est même pas là pour se défendre !
C'est ce moment que choisit l'aîné pour revenir parmi le village, il avait tenté de consoler la petite fille comme il le pouvait avant de la laisser seule en lui promettant de rentrer vite.
— J'ai raté quoi ? demanda-t-il.
Après un résumé de la situation, l'aîné soupira.
— La petite fille se balade la nuit, et ce depuis bien avant que cette histoire de loup-garou arrive, c'est même comme ça qu'elle peut être au courant de certaines choses...
— Comment le sais-tu ? interrogea l'ancien.
— Elle vient de me l'avouer en fondant en larmes, c'est son pouvoir de ne pas avoir à dormir.
— Et comment peux-tu être sûr que c'est la vérité ?
— Je l'ai déjà vu faire.
— Le fait que tu gardes cette information pour toi est hautement suspect...
Le benjamin s'exclama.
— Notre autre frère était déjà loup-garou ! Vous ne pensez quand même pas qu'il y a un autre loup-garou dans ma famille !
— Très bien, tuons l'aîné, proposa simplement la sorcière.
— Je parle d'avant le jeu, j'avais aucune raison de vous en parler ! s'indigna ce dernier.
— Mon frère est innocent, laissez-le !
— Tu as peut-être confiance en lui, mais nous non... Il est plus que probable qu'ils soient tous les deux des loups.
L'aîné perdit patience.
— C'est qu'une gamine ! Elle a perdu ses parents et personne n'en a rien à battre ! Bien sûr que non c'est pas elle !
— Et évidemment aucun de ses parents n'a été tué par les loups... contra la sorcière.
— Tuons plutôt la sorcière ! Elle est beaucoup plus suspecte que n'importe qui ici ! s'exclama le Benjamin.
— Moi suspecte ? T'es complètement con ma parole, gamin ! La jeunesse d'aujourd'hui ne sait même plus réfléchir... écoutez-moi, votons tous pour l'aîné lui et la petite-fille doivent être loups-garous, il la défend trop !
— Je pense que la sorcière a raison... bien lançons les votes, déclara calmement l'ancien.
Huit enveloppes, sur les cinq premières se trouvaient deux fois le nom de la sorcière, et trois fois celui de l'aîné.
Il en ouvrit une nouvelle, « sorcière », ce qui égalisa les scores.
Les derniers votes, l'un fut au nom de l'aîné, le second fut blanc.
Un éclair tomba, le foudroyant.
L'habituelle lettre apparue, l'ancien en lut le contenu.
« Quel dommage, l'aîné était innocent. »
— Je vous avais dit... que c'était la sorcière.... marmonna le Benjamin d'une voix pleine de colère et de tristesse.
Il alla en direction de la maison de la petite-fille.
— Et comme personne n'a l'air d'en avoir quelque chose à foutre d'elle, je resterai à ses côtés, il faut bien que quelqu'un le fasse maintenant que... bref... allez-vous faire foutre.
— Tu n'es qu'un gamin ! Tu devrais laisser les grands... commença la sorcière.
Le Benjamin lui fit un doigt avant de quitter la place.
Comme d'habitude, le vote du village se termina sur une note amère.
Parmi les huit survivants, trois loups-garous étaient encore cachés.
À ce stade, la moindre erreur pouvait être fatale.
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