Chapitre 32 : Calix
Tu n'aurais jamais dû dire ce que tu as dit alors que je vous espionnais...
Alors comme ça, je mérite de mourir, Hect ?
Moi qui t'ai sauvée d'une condamnation certaine, tu oses comploter dans mon dos, tu oses me trahir ? Très bien. Prépare-toi à le regretter.
Ceux qui ont osé trahir ma confiance, ceux qui ont osé me faire faux bon n'ont rencontré que des malheurs. June est un bon exemple. Cette pute a couché avec Mikay alors que je lui avais fait comprendre qu'elle n'avait pas le droit d'y toucher... En récompense, je lui ai offert un joli collier en lin à mettre autour de son pauvre cou.
Hect ne recevra pas le même traitement, elle aura pire.
Je sais qu'elle fait des plans pour quelque chose avec Até, je vois les regards complices qu'elles échanges quand elles se croisent, ça ne m'annonce rien de bon. Je compte détruire tous ses plans, un par un. Ce qu'elle planifie avec Até ne se concrétisera jamais, car je compte la tuer. Qu'elle n'essaye même pas d'organiser quelque chose avec Jodie, car elle sera la suivante, dans ce cas. Au moment où elle n'aura plus personne vers qui se tourner mis à part moi, j'enverrai Enea la tuer, en lui demandant de lui offrir la mort la plus lente et douloureuse qu'il puisse exister.
En parlant de Jodie, je compte aussi me venger. Elle dit que je suis faible ? Je vais lui montrer tout le contraire. J'ai fini par lui pardonner ses affronts, car elle s'est bien calmée depuis que June est morte, donc je n'ai plus envie de m'en prendre à elle, je n'y trouve plus d'intérêt. Elle ne mourra pas en guise de vengeance, sauf si elle tente de se rebeller. Je n'ai pas encore d'idée de vengeance, mais elle ne s'en tirera certainement pas sans rien avec ce qu'elle a pu dire.
Tandis que je prépare ma vengeance, je fixe Isalys et Hect qui semblent s'extasier tous les deux sur quelqu'un, ou plutôt sur le physique de quelqu'un.
- De qui parlez-vous ? Demandé-je, curieuse.
- Chris, me dit Isalys avec un peu de bave sur le coin de la bouche.
- Un Villageois ? Dis-je. Vous discutez depuis tout ce temps d'un... Villageois ?
Isalys secoue la tête et pose ses mains sur mes épaules.
- Calix, Chris n'est pas un simple Villageois, me dit-il d'une voix grave. C'est le Villageois le plus sexy de tout le Village !
- C'est un crime d'être aussi beau ! Se plaint Hect.
Je lève un sourcil et explose de rire.
- Vous en faites vraiment trop pour un simple Villageois, finis-je par dire. Je pense que je l'aurais remarqué s'il y avait un super beau gosse dans ce Village.
- Je pensais aussi, me répond Hect, mais c'est quand je l'ai vu dans sa chambre, torse-nu, que le mot "sexy" a pris tout son sens.
- Tu es allé dans la chambre d'un homme ? Me moqué-je. Moi qui te pensais plus innocente que ça, je suis déçue.
Hect, vexée, baisse la tête et se tait tandis qu'Isalys lève les yeux au ciel et me dit :
- Rohhh, laisse Hect tranquille, elle fait ce qu'elle veut.
Puis se tourne vers elle et la pointe du doigt.
- Par contre, Hect, dit-il. Tu étais sensé m'arranger un coup avec lui, pas te le taper !
- Je n'ai pas su y résister, il m'a ensorcelé ! Plaide-t-elle avec un gros sourire qui la trahit. Et puis tu peux toujours tenter ta chance, ce n'est rien de sérieux entre lui et moi.
- Il est bi ?
- Je crois.
Sans rien dire d'autre, Isalys se lève et se dirige d'un pas déterminer vers une chambre.
Je regarde Hect en fronçant les sourcils, tandis qu'elle est explosée de rire.
- Tu vas vraiment le laisser faire ? Demandé-je, surprise.
Elle hausse les épaules et regarde Isalys frapper à la porte.
- Ça m'importe peu, me répond-elle.
- Mais, c'est bizarre, non ? Il aura couché avec vous deux...
- A partir du moment où on se protège, le reste ne m'intéresse pas.
- A ta place je n'aurai pas supporté.
Hect me regarde enfin et me sort un beau sourire mielleux.
- C'est pour ça que n'a pas défendu June et Mikay quand le MDJ les a dénoncés ? Parce que tu savais qu'ils avaient couchés ensemble et tu ne l'as pas supporté ? Me demande-t-elle d'une voix toute douce, trop douce.
Ce pique qu'elle vient de me lancer m'atteint droit au cœur...
- Comment le sais-tu ? Dis-je d'un ton neutre pour masquer mon agacement.
- June me l'a dit, elle était tellement contente ce jour-là, elle respirait la joie de vivre, bien que ça n'ait pas duré longtemps, parce qu'elle s'est très vite souciée de ce que tu allais penser. La pauvre...
Je serre les poings et me mords la langue pour me retenir. Elle fait ça pour me déstabiliser, c'est sûr. Jodie lui a certainement dit de faire ça pour lui prouver que je suis faible. Il ne faut pas que je tombe dans son piège, surtout pas...
Tout en jouant avec les plis de ma jupe, je lui réponds calmement :
- Je ne les ai pas défendus parce que leur cause était désespéré, je ne vais pas me mettre en danger alors que c'était voué à l'échec.
- Je vois.
Pour lui renvoyer la passe, je lui demande gentiment :
- Ce n'était pas trop dur d'enterrer les restes de Mikay ? Avec l'odeur du sang et des boyaux découpés en tranche... Tu as dû enterrer sa tête aussi, non ?
Hect frissonne et secoue difficilement la tête.
- J'ai enterré Nahr... Dit-elle tristement. Ce n'était pas une partie de plaisir, c'est vrai.
- Le Maître du Jeu a vraiment fait un carnage...
- Ce n'était pas le MDJ, me coupe-t-elle froidement. C'était Enea, et tu le sais très bien.
La façon dont elle me répond ne me plaît pas du tout. On dirait qu'avoir couché avec ce foutu Villageois l'a rendu bien plus arrogante, je n'aime pas ça.
- Tu sais pourquoi c'était Enea et pas le MDJ, d'ailleurs ? Me chuchote-t-elle.
- Ce ne sont pas mes affaires, répondis-je en haussant les épaules.
En réalité si, ce sont mes affaires, vu que c'est mon Village, je le contrôle. C'est tout simplement parce que le Maître des Cons n'arrive plus à tuer, quel faible.
Mais je ne peux malheureusement pas lui répondre cela, car ça ne risque de ne pas plaire à ses pauvres oreilles de Rebelle.
Au loin, nous apercevons Jodie qui traîne avec elle des sacs poubelles qui ont l'air bien rempli.
- Tu penses que le MDJ éprouve du plaisir à la traiter ainsi ? Me demande Hect, agacée.
- Je pense que cela satisfait son ego de lui faire faire toutes ces tâches, répondis-je tout en fixant Jodie. Depuis le début du Jeu Jodie remettait en question son autorité et balayait constamment du pied l'ego surdimensionné qu'il a, donc maintenant qu'elle ne fait plus ça je pense qu'il en profite.
- Il me dégoûte.
- Ça se trouve donner des ordres à Jodie doit l'exciter. Un vrai sadique.
Au même moment, une puissante main se pose sur mon épaule et une autre sur celle d'Hect. Tandis qu'Hect se retourne en hurlant et en sursautant. Moi, je tourne gentiment la tête et fait un grand sourire à notre gentil Maître des Cons, qui n'a pas du tout l'air d'avoir apprécié ce que l'on vient de dire sur lui.
- Je vous prierai d'être un peu plus discrètes la prochaine fois que vous parlez de moi. Dit-il assez sévèrement. Surtout si c'est pour dire des conneries pareilles.
En guise de réponse, Hect baisse la tête et je lui sors un grand sourire.
- Entendu, chef ! Dis-je en faisant le salut que l'on nous apprend lors de notre formation de tueur à gage.
En voyant ce salut, le visage du Maître des Cons s'est trahi avec une légère grimace qu'il n'a pas pu réprimer. Cette réaction me fait rire et il s'en va sans dire un mot.
Quand il est assez loin de nous, je regarde enfin Hect tout en souriant.
- Ça beau être un gros con, il a tout de même un joli cul, tu ne trouves pas ? Demandé-je.
- Je n'ai jamais regardé, me répond-elle, gênée.
- Menteuse, dis-je en lui donnant un coup d'épaule.
Un petit sourire en coin apparaît sur son visage puis elle finit par avouer :
- Bon, tu as raison !
Nous explosons toutes les deux de rire et regardons la chambre de Chris, Isalys n'est toujours pas sorti.
- Tu pari qu'ils sont en train de le faire ? Demandé-je.
- Non, je ne crois pas, me dit-elle en secouant la tête. Isalys est en réalité assez romantique, il est certainement en train de le draguer actuellement.
Je regarde Hect tandis qu'elle continue de me parler d'Isalys. Ils commencent à devenir trop proche, ce n'est pas bon. Comme on dit, il faut diviser pour mieux régner, et si je ne les séparent pas, ça risque de m'embêter pour mes projets à venir.
Pendant qu'elle continue de parler, mon ventre se tord quand je la vois sourire. Nous nous serions peut-être bien entendues si nous ne cherchions pas à nous entretuer, et si je n'étais pas... Moi...
Mais qu'est-ce que je raconte ?! Me dis-je en sursautant d'un coup. Je vais vraiment remettre en question celle que je suis pour... Pour une pauvre salope, juste parce qu'on semble bien s'entendre ?! Jamais !
De nouveau droite dans mes bottes, je me racle la gorge et observe Marceline, qui rentre dans sa chambre. La plupart des Villageois restent enfermés dans leur chambre toute la journée, ce qui est vraiment ennuyant. Ils ont peur, car ils sentent leur mort approcher, et ils ont raison ! Mais d'un côté, le Village est bien trop silencieux... On dirait un Village fantôme alors que l'on n'est pas encore mort !
Pourquoi le Maître des Cons n'organise-t-il pas une chasse aux Villageois ? Il sait qu'ils vont mourir, alors autant faire en sorte qu'ils meurent de la façon divertissante ! Enfin, je n'aime pas tuer, donc je chasserai juste les Villageois. Je laisse Enea s'occuper du sale boulot.
A côté de moi, Hect sursaute une nouvelle fois car quelqu'un vient de poser ses mains sur ses épaules. Quand nous retournons, nous tombons sur un très bel homme, avec un beau sourire.
Si c'est bien le Villageois dont Hect et Isalys n'arrêtent pas de parler, je comprends un peu pourquoi ils s'extasiaient autant sur lui. Il a de beaux cheveux roux ondulés qui lui tombent sur le front, presque les yeux. Un visage carré, avec une mâchoire imposante et légèrement recouverte d'une petite barbe rousse, qui souligne et met en valeur ses petits yeux remplis d'un bleu azur profond... Pour supplémenter le tout, il est musclé et dégage quelque chose de charmant. J'aurais très bien pu être séduite si ce n'était pas un Villageois. Mais là, je réfléchis plus à comment je vais faire en sorte qu'il meurt, plutôt que de tomber sous son charme.
- Chris ?! S'exclame Hect. Mais... Qu'est-ce que tu fous ici ?!
Ce fameux Chris fronce les sourcils et s'assoit entre Hect et moi en passant par-dessus le banc sur lequel nous sommes assises. Il se met en face d'Hect et, par conséquent me tourne le dos, ce qui m'exclue totalement de la discussion. Super...
- J'étais parti faire une balade dans les bois, répond-il joyeusement. Pourquoi ?
- Bah... Isalys est dans ta chambre, je croyais qu'il était avec toi ?
- Euh... Ça doit bien faire une heure que je ne suis pas dans ma chambre...
Hect, surprise, se lève et se dirige avec Chris vers sa chambre. J'aperçois que Chris essaye discrètement d'attraper la main d'Hect, mais celle-ci ne s'en rend pas compte et range ses mains dans ses poches.
Trop curieuse de savoir pourquoi Isalys est dans la chambre de Chris, sans Chris, je finis par les rejoindre.
Quand Chris ouvre la porte de sa chambre, on voit Isalys allongé sur son lit, le visage couvert par ses mains, certainement pour cacher le fait qu'il est tout rouge.
- Isalys, tout va bien ?! S'inquiète Hect.
Après avoir pris une profonde inspiration, Isalys se relève et nous regarde avec un sourire jusqu'aux oreilles.
- Parfaitement ! Nous répond-il en sautant hors du lit.
- Qu'est-ce que tu faisais seul ? L'interroge-t-elle.
Il hausse les épaules et sautille jusqu'à la sortie tout en chantonnant.
Hect me regarde avec plein d'incompréhension dans les yeux.
Je me tourne vers le lit et analyse la scène.
Isalys était allongé sur le côté gauche, ce qui explique que de ce côté du lit la couverture soit légèrement froissée. Par contre, l'autre côté est aussi froissé, ce qui indique qu'il y avait quelqu'un avec lui. Peut-être que Chris mentait.
Je regarde un peu plus attentivement Chris, et surtout ses cheveux. Ils sont plaqués en arrière avec une bonne dose de gel, et chaque cheveu est à sa place. Soit il s'est recoiffé avant de revenir vers nous, soit ce n'était pas lui.
Un autre indice qui me prouve que ce n'est pas lui, c'est qu'Isalys n'a même pas lancé un seul regard à Chris. Aucun regard complice, rien. Isalys lançait par contre des regards discrets vers l'armoire de Chris, c'était peut-être un assistant avec lui ? Je ne pense pas. Le peu que je sais sur les assistants ici, c'est qu'ils n'ont clairement pas le temps de se poser avec un joueur pour papoter ou autre. Mais qui donc ça pourrait être ? Le Maître des Cons ?
Je vois très mal le Maître des Cons faire autant d'effet à Isalys alors que celui-ci le déteste. Se pourrait-il que ce soit un autre joueur ?
De mémoire, il ne reste plus que trois joueurs de genre masculin dans le jeu : Adei, Chris et lui. Si on exclut l'hypothèse de Chris, ce serait donc Adei qui était avec lui. Adei ? Non, il est tout le temps collé aux baskets d'Até et je l'ai aperçue dans la cantine quand je parlais avec Hect.
Mais si ce n'est pas un mec, qui cela pourrait être ? Une joueuse ? Non, la façon dont il s'est comporté quand on a ouvert la porte indiquait très clairement qu'il venait de passer un moment plutôt romantique avec quelqu'un. A moins qu'il nous ai menti, Isalys n'arrête pas de nous répéter toutes les trente secondes qu'il était à cent pour cent gay et que le corps d'une femme ne lui fait aucun effet, on peut donc exclure l'hypothèse que c'est une femme.
Mais alors qui ? Ceux qui gardent les assistants ? Je pense qu'ils se feraient bien engueuler par le Maître des Cons.
Peut-être... Non, ce n'est pas possible...
Tout en restant complètement muette, je tourne les talons et sors de la chambre de Chris en me ruant vers la Maison Rouge. Sans même toquer, je rentre et cherche dans toutes les pièces ouvertes le Maître des Cons.
Je le trouve au premier étage, torse-nu et allongé sur son lit en train de lire un livre. Quand j'ouvre la porte un peu trop violemment, il sursaute, cache son livre sous sa couverture et commence à me crier dessus en me demandant de sortir.
Pour le faire taire, je monte sur son lit et plaque ma main contre sa bouche.
- Taisez-vous ! Chuchoté-je. Il y a un Rebelle parmi nous.
Il fronce les sourcils et recule sa tête.
- Il y en a plein ici, se moque-t-il. Hect et Isalys sont des Rebelles, tu ne savais pas ?
- Je ne parle pas d'eux ! Dis-je en secouant la tête. Un Rebelle s'est infiltré ici, j'en suis sûre.
- Je le saurais s'il y en avait un.
Je me relève et commence à faire les cent pas.
- Peut-être qu'ils ont désactivé les caméras, supposé-je en me grattant la tête.
Voyant que je ne rigole pas du tout, le Maître des Cons demande de m'expliquer un peu mieux ce qu'il se passe tandis qu'il se rhabille.
Je lui explique donc tout, il me regarde assit sur son lit, en hochant la tête. Quand j'ai enfin fini de lui expliquer mon raisonnement, il se lève, regarde par la fenêtre et prend un air songeur.
Après une bonne minute de réflexion, il se retourne vers moi et me dit :
- Merci de m'avoir prévenu, je m'en occuperai plus tard.
Puis il m'indique de la main où se trouve la porte. Je me mets à rire et secoue la tête.
- Non, vous vous en occupez maintenant ! Il est certainement en train de poser des explosifs un peu partout !
- J'enverrai un groupe de garde s'assurer que ce n'est pas le cas, ça te vas ?
Les poings serrés, je secoue la tête. Non, ça ne me va pas. Si ce Rebelle est encore là, il s'en prendra certainement à moi car je suis une ancienne tueuse à gage (et donc leur ennemie !). Le Maître des Cons est une cible bien plus difficile et risquée !
Me rappelant qu'il a caché un livre sous sa couverture, je tente le tout pour le tout et saute sur celui-ci en récupérant le bouquin. J'ai le temps de lire le nom de l'auteur avant que Bryan ne me l'arrache des mains.
Robert Steven...
J'ouvre la bouche en grand, comprenant ce qu'il se passe réellement ici.
De son côté, Bryan range le livre et me dit qu'il est temps pour moi de partir.
- Tu es un Rebelle ! Je m'écrie.
- Quoi ?! Dit-il en fronçant les sourcils. Non !
- Bien sûr que si, tu lis du Robert Steven, le plus grand Rebelle de tous les temps !
Bryan se met à rire et secoue la tête.
- Tu fais des conclusions trop hâtive, Calix.
- C'est pour ça que tu ne t'affoles pas quand je te dis qu'il y a un Rebelle ici... Soufflé-je. C'est parce que c'est toi-même qui l'a laissé rentrer !
- Ne dis pas de conneries !
Il me regarde droit dans les yeux, l'air très énervé. On dirait qu'il ne ment pas, mais je ne me ferai pas avoir aussi facilement, j'ai tout de même en face de moi le meilleur tueur à gage de l'île, donc le meilleur menteur.
- Alors qu'est-ce que tu fous avec ce genre de bouquin ?! Demandé-je en croisant les bras.
Bryan ouvre la bouche, mais rien n'en sort, comme s'il ne savait pas quoi dire. Il finit par abandonner et secoue juste la tête.
- Je vais te dénoncer, dis-je.
- Ils savent déjà que je lis ça, me répond-il froidement.
- Quoi ? Pourquoi ?!
- Parce que c'est eux qui m'ont demandé de le lire, imbécile !
Il ment. Ce n'est pas possible qu'ils demandent à quelqu'un de lire un livre interdit... A quoi ça peut leur servir ?
- Tu ne sais pas ce qu'il se passe réellement ici, alors évite de faire des suppositions aussi débiles que celle-ci, me conseille-t-il sérieusement.
Je l'observe silencieusement et m'assois sur son lit tandis qu'il me regarde aussi, appuyé contre un mur, bras croisés.
- Qui t'a donné l'ordre de lire ce livre ? Demandé-je.
- Béatrice, me répond-il rapidement sans hésiter. La directrice de notre école.
J'explose de rire et secoue la tête.
- Elle est encore vivante, elle ? Dis-je en riant. Je crois qu'elle avait déjà la trentaine quand elle a commencé en étant la première Maître du Jeu du Loup-Garou.
- Calme-toi, elle n'a que la soixantaine. Toujours est-il que c'est elle qui m'a demandé de le lire.
- Pourquoi ?
Il se mord la lèvre et commence à taper nerveusement du pied.
- C'est confidentiel.
Je croise les jambes et lui sort un beau sourire.
- C'est aussi elle qui t'a demandé de te faire remplacer par Enea lorsqu'il faut tuer un joueur ? Demandé-je d'une voix qui semble innocente.
Soudain, son pied tremblant se fige et il se met à fixer le sol, comme-ci son corps se met sur pause tandis qu'il cherche une excuse.
Après une bonne minute sans réponses, je lui repose la question et il se défige enfin.
- Ça ne te regarde pas, me répond-il froidement.
Je lève un sourcil. Vraiment ?
- Allez, dis-je en m'avançant vers lui. Tu pourrais m'expliquer. Après tout, nous sommes collègues.
Il rit et détourne le regard.
- Nous ne sommes pas des collègues, me dit-il. Je te rappelle que tu n'es plus une tueuse à gage.
Je me retrouve à quelques centimètres de son visage. J'attrape avec deux doigts son menton et le force à me regarder. Nos nez se frôlent.
- Et toi, Bryan, es-tu encore un tueur à gage ?
Ses yeux semblent trembler puis se calment en une fraction de seconde. Il me répond calmement :
- Oui, je suis toujours un tueur à gage. Je serai fidèle à mon pays jusqu'à ma mort.
- Tu mens. Je l'ai vu dans tes yeux, ils ont tremblé.
Il rit en levant les yeux au ciel et me dit d'une voix amusé :
- Ce qui m'a perturbé ce n'était pas ta question, mais le fait que tu sois aussi collé contre moi.
- Ça te dérange tant que ça ? Demandé-je en me collant plus.
- Oui, ça me dérange énormément, jeune fille.
Puis il me repousse et part ranger son lit. C'est à mon tour de m'appuyer contre le mur.
- Nous n'avons qu'un an de différence, ça ne sert à rien de m'appeler jeune fille.
- Je n'en ai rien à faire.
Il m'indique pour la centième fois la porte en me demandant de sortir, mais je décide de l'ignorer. Je ne sortirai pas de cette chambre tant que je n'aurai pas les réponses à mes questions, et qu'il ne s'occupe pas tout de suite de ce Rebelle.
Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit d'autre, quelqu'un vient toquer à la porte d'entrée, ce qui lui donne une raison de sortir de la chambre. N'ayant rien à faire dedans, je descends avec lui pour voir qui a toqué. Bien évidemment, c'est Jodie. Elle vient prévenir Bryan qu'elle a fini la tâche qu'il lui a demandé de faire. Il essaye de lui dire quelque chose, mais n'arrive pas à se concentrer sur ce qu'il doit lui demander à faire ensuite, car il est perturbé parce que je suis en train de prendre mes aises en me servant un verre de vin.
- Tu as fini tes tâches pour la journée, dit-il pour en finir avec elle.
Sans qu'elle puisse dire quoi que ce soit, il referme la porte et se tourne vers moi, exaspéré.
- Calix, sors, m'ordonne-t-il.
Je porte le verre à ma bouche et commence à siroter ce bon vin tandis qu'il s'approche de moi.
- Je ne bougerai pas tant que tu ne te seras pas occupé de ce Rebelle, dis-je en regardant mon verre. En dehors de cette maison, je suis en danger, tu comprends ?
Et puis je compte jouer avec ses nerfs jusqu'à ce qu'il cède.
Bryan souffle et part se chercher un verre.
- Tu seras bien obligé de partir, me dit-il en se servant. Ce soir, si tu n'es pas dans ta chambre à l'heure, tu te feras tuer.
- Par qui, Enea ? Elle ne le fera pas. Elle aime tuer mais n'est pas assez bête pour tuer des personnes de son groupe.
Il part s'asseoir sur son fauteuil et pose ses jambes sur sa table basse. Tout en jouant avec son verre, il me dit d'une voix menaçante :
- Je n'enverrai pas Enea te tuer, je le ferai moi-même.
- Toi ? Me moqué-je, t'es même plus capable de tuer des pauvres abrutis et tu veux me tuer moi ? Bonne chance !
Pendant que je continue de me moquer de lui (j'en ais les larmes aux yeux tellement ce qu'il a dit m'a rire), je n'ai fait que très peu attention au petit sourire que Bryan avait. C'était un sourire malicieux, qui aurait dû m'indiquer que quelque chose allait mal tourner.
***
Bryan, après avoir fait la vaisselle, reviens dans le salon en s'essuyant les mains. Je lui montre mon assiette sale (que je me suis moi-même préparée) encore posée sur la table basse et lui demande :
- Tu ne la nettoies pas ?
- C'est la tienne, tu n'as qu'à le faire.
Je m'essuie la bouche sur un coussin et me lève.
- Tu n'es pas très galant, râlé-je. J'espère au moins que tu me laisseras dormir dans ton lit.
Il rit et secoue la tête.
- Tu dormiras soit dans ton lit, soit à six pieds sous terre cette nuit.
Je fais la moue et secoue les mains avant de dire :
- Oulala, j'ai peur !
Puis j'attrape mon verre et lui tends.
- Resserre-moi, dis-je.
Il attrape mon verre, le sien et vide notre deuxième bouteille. Nous nous asseyons face à face, nous jugeant du regard. De mon côté, je suis tout à fait confiante. Il ne me fera rien, c'est sûr. Au pire, il voudra me faire une petite frayeur en voulant me frapper ou je-ne-sais-quoi, mais il en faut plus pour m'effrayer et me faire changer de position.
Après avoir pris une bonne gorgée de sa boisson, il regarde l'horloge accrochée sur son mur et m'annonce :
- Il te reste quinze minutes pour retourner dans ta chambre.
- Sinon, quoi ? Dans quinze minutes tu vas te jeter sur moi et enfin admettre que je te fais de l'effet ? Raillé-je.
Il secoue la tête et me sourit.
- Dans quinze minutes, ton visage ne ressemblera plus à rien.
- Quoi ? Tu vas me maquiller comme un clown ?
Soudain, il sort de derrière son dos un pistolet et le pose sur son accoudoir, toujours en le tenant en main.
- Non, me dit-il avec un petit sourire. Je vais juste vider tout mon chargeur sur ton joli petit minois.
Je prends un temps pour évaluer l'arme, et réponds tout en portant mon verre à ma bouche :
- Au moins tu viens d'assumer que tu me trouves belle.
Je profite d'avoir la tête relevée pour ne pas avoir à cacher ma surprise. Bon. Vu le regard déterminé qu'il a et le type d'arme qu'il vient de sortir, je devrais peut-être m'inquiéter. Je finis d'une traite mon verre et le pose en regardant droit dans les yeux Bryan. La raison me pousse à m'en aller, mais mon ego me supplie de rester.
- Sans moi, il n'y a plus de vie dans ton Village pourri. Me tuer serait une très mauvaise idée pour ton audience, dis-je sérieusement.
- Je n'en ai rien à faire, me dit-il, toujours avec son petit sourire. Je veux juste te tuer.
- Tu vas le regretter.
Il regarde l'heure, et charge son arme.
- Il te reste encore dix minutes pour te sauver, m'annonce-t-il.
Et si je m'en allais, serait-il plus frustré que s'il me tuait ? Je n'aime pas faire ça, mais mon instinct me fait vraiment comprendre que quelque chose va mal se passer si je reste ici.
Calmement, je me lève et part dans la cuisine pour récupérer une bouteille de vin. Je lui montre et lui avec un grand sourire :
- Je prends ça avec moi pour la nuit.
Il sourit, et m'indique de la main que ça ne le dérange pas. J'allais ouvrir la porte et m'en aller quand il m'interpelle.
- Tu veux passer la nuit avec moi, finalement ? Me moqué-je en me tournant vers lui.
Il secoue la tête et tend le pistolet vers moi.
- Le temps passe trop vite ici, dis-donc.
Puis il tire deux fois d'une vitesse folle. Surprise, je recule et tombe à terre, apercevant l'état de mes genoux. Ce monstre vient de me tirer dessus, pour aucune raison !
Je le regarde et hurle :
- Tu es fou ?! Il me reste encore dix minutes !
- Dix minutes ? Oh, oui sur l'horloge, mais est-ce que j'aurai oublié de te préciser qu'elle avançait de dix minutes ? Peut-être.
J'essaye de me relever, mais c'est complètement impossible. Mes genoux sont totalement bousillés et je pisse le sang !
- Je vais jouer le rôle du bon Maître du Jeu et te dire : Calix, tu as cinq secondes pour rentrer dans ta chambre si tu ne veux pas mourir. Un, deux, trois, quatre, cinq, trop tard !
Il tire une nouvelle fois dans mon épaule droite. Je hurle cette fois-ci de douleur et essaye de trouver désespérément un moyen de me sortir de ce pétrin.
De la main gauche, j'attrape la bouteille de vin et l'explose au sol avant d'enfoncer la partie que je tenais dans la main dans le mollet de Bryan. Il tente de reculer, mais j'attrape son autre pied et il s'effondre lourdement à terre dans un cri de douleur, en se cognant violemment le crâne contre le sol. J'en profite pour ramper jusqu'à lui et planter plusieurs fois sur toute la longueur de son bras gauche le bout de la bouteille avant de récupérer le pistolet qu'il a lâché.
Avec sa main droite encore disponible, Bryan, qui se remet à peine de son choc à la tête, m'attrape les cheveux et essaye de m'exploser le crâne contre le sol, mais par chance je tire involontairement et la balle part se loger dans son avant-bras.
Il pousse un grognement et donne un violent coup de pied dans mon genou gauche déjà blessé. J'ouvre la bouche pour hurler, mais la douleur est tellement violente que je n'y arrive même pas. Ma vision devient noire et Bryan en profite pour m'attraper par le col de mon T-shirt et me donner un puissant coup de tête dans le nez. J'entends un "crack" et sens le sang qui se met à couler dans mes narines.
Cet abruti m'a cassé le nez ! Mon beau nez !
Agacée, je tire une nouvelle fois : la balle atterrit dans son épaule et le sang se met à gicler dans tous les sens. J'en reçois même sur mon visage, ce qui me dégoute au plus haut point. Il cri et me lâche enfin. Je pointe cette fois-ci le pistolet vers son visage et lui dit avec un sourire déformé par la douleur :
- Rappelle-moi qui devait vider un chargeur sur le visage de dit ?
Un sourire sadique se dessine sur les lèvres de Bryan et ce monstre donne un nouveau coup de pied dans mon genou. Recevant la douleur comme une décharge électrique. Je me penche en avant par réflexe, mais Bryan en profite pour me donner un coup de pied dans la main, ce qui envoie le pistolet dans les airs et le met hors-jeu.
J'essaye de donner un coup de poing dans son visage, mais je commence à être à court d'énergie, à force d'avoir perdu autant de sang... Par conséquent, je pose ma main sur son épaule et enfonce mon pouce dans sa plaie et le bougeant dans tous les sens. Il grogne pour étouffer un nouveau cri. Tout en me regardant droit dans les yeux avec un regard plus que déterminé à me tuer, Bryan se met à me donner une série de coups de pied dans les genoux. Je sens mes os grincer et craquer. La douleur est de plus en plus difficile à supporter. Mais si je m'évanouis, il me tuera, c'est sûr... On dirait qu'il n'a presque pas mal, comment fait-il?! Je serre les dents et essaye de tenir le plus longtemps possible, mais, ayant une très faible tolérance à la douleur, je finis très vite par m'évanouir, en me disant que c'est la fin.
***
J'ouvre les yeux et une lumière puissante m'éblouit. Suis-je morte ?
Pour m'en assurer, je tourne la tête et vois autour de moi un plateau avec des instruments chirurgicaux. Ah non, on est juste en train de me réparer.
J'ouvre la bouche et puise le plus d'énergie possible pour leur dire :
- Occupez-vous de mon nez, c'est le plus important...
Puis je m'évanouis à nouveau.
***
- ... Tout ça parce qu'elle pensait qu'il y avait un Rebelle avec moi ? Chuchote Isalys.
- Oui, Loha Noha m'a dit que c'était à cause de ça, lui répond Hect. Elle aurait dû te poser la question avant de tirer des conclusions hâtives...
Pardon ? Qu'est-ce que je viens d'entendre ?!
- Tu as des nouvelles du MDJ ? Demande Hect.
- Non, répond Jodie. La dernière fois que je l'ai vu, c'est quand des urgentistes sont arrivés. Je crois en avoir entendu un dire qu'une de ses artères a été touchée, ce qui explique pourquoi le sang giclait autant quand je lui ai ouvert ma porte...
J'essaye d'entrouvrir les yeux, mais je n'arrive qu'à apercevoir des ombres me regarder.
- Il est vraiment bête, se moque Isalys. Il a préféré traverser tout le Village pour venir toquer à ta porte et risquer de se vider de son sang, juste pour que ce soit toi qui l'aide ! Ça se trouve cette décision lui a été fatal et c'est pour ça que l'on n'a plus de nouvelles de lui !
- Tais-toi ! Râle Hect. Tu ne vois pas que Jodie n'est pas bien par rapport à ça ?
- Roh, tu t'en remettras, ce n'était pas une grande perte !
Quelques secondes plus tard, j'entends la porte claquer et Hect féliciter Isalys d'être aussi con.
Je bouge la tête pour leur indiquer que je suis réveillée et ils se penchent tous les deux vers moi. Isalys explose de rire.
- Comment va notre chère conspirationniste ? Se moque-t-il.
- Ferme... Ta... Gueule... Articulé-je avec peine.
Il rit à nouveau et me frotte gentiment le front.
- Le MDJ t'a bien amoché, ma pauvre, me dit Hect. Par contre, tu l'as peut être tué...
- Tant... Mieux... Soufflé-je avec un sourire satisfait.
Isalys se vante auprès de Hect que je suis moi aussi contente que le MDJ soit probablement mort.
- Moi aussi, je suis contente ! Se vexe Hect. Mais par respect pour elle je ne le montre pas !
Ils continuent de se chamailler comme deux gamins et je me surprends de les regarder en souriant. Pourquoi je fais ça ? Ça devrait m'énerver ! Mais d'un côté... Les entendre se quereller même s'ils s'aiment énormément me fait un peu de bien, je les trouve... Attachant... Ils me donnent une raison de me sentir heureuse d'être encore en vie.
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