Amira
Brieg, assit sur mon lit, m'applaudit avec un grand sourire.
C'est la première nuit que j'ai réussi à passer seule sans faire aucune crise ou cauchemar !
Ça semble banal, mais en réalité pour moi, c'est énorme. Depuis plus d'un an, je ne dors plus correctement, j'avais même perdu espoir. Mais là, j'ai pu passer la nuit, dans le noir, et je n'ai pas vu Bryan une seule fois ! Je me sens tellement soulagée, je vais peut-être finir par revivre normalement.
Voyant que Brieg continue de m'applaudir, je secoue la tête en rougissant.
- Ce n'est pas non plus grand-chose, mentis-je.
- Tu rigoles ? Me répond-il, tu as réussi à dormir seule dans le noir, même moi, je garde ma lampe de chevet allumée ! Je suis fière de toi.
Brieg dit ça en posant sa main sur mon épaule, et je le regarde droit dans les yeux en souriant.
Au fond, je suis quand même triste, car quand je faisais des crises, soit Brieg, soit Nana venaient dormir avec moi (enfin, Brieg n'est pas au courant que je dors avec Nana, je lui faisais croire que j'arrivais à dormir seule avec la lumière de ma chambre allumée.). Autant, je pourrais me passer de ces nuits avec Nana qui ronfle et prend toute la place, mais avec Brieg... Les caresses dans le dos pour m'endormir, les câlins au réveil... Tout cela va énormément me manquer...
Un silence s'installe entre nous. Que dire ? J'aimerais lui avouer que les nuits passées avec lui vont me manquer, mais que va-t-il penser de ça ? Est-ce que ça va le gêner ? Où bien l'énerver parce que ça ravive les sentiments qu'il a envers moi ? Enfin, s'il en a toujours...
D'ailleurs, c'est une bonne question... M'aime-t-il toujours... ?
Bien que je ne sache pas pourquoi une part de moi l'espère... C'est peut-être parce que c'est la seule façon de m'assurer qu'il ne m'abandonnera jamais... Ou peut-être...
- Je me sens vraiment à l'aise, ici, lâche Brieg sans prévenir.
- Moi aussi, soufflé-je.
Il se mord la lèvre.
- Tu sais... De basse, on était sensé rejoindre la base des rebelles, mais...
- Moi non plus je n'ai plus envie d'y aller, lâché-je d'un coup, j'ai envie de rester ici, je m'y sens tellement bien !
Brieg lâche un long soupir et s'allonge sur mon lit.
- Ça me rassure tellement ! Dit-il, j'avais tellement peur que tu veuilles repartir...
- Pour se faire courir après par des tueurs à gages ? Plus jamais !
Il rit et m'attrape par le bras pour m'attirer contre lui. Je le serre fort dans mes bras en inspirant profondément.
Dans ce manoir, je me sens en sécurité, il n'y a aucune arme, personne dans les bois qui nous regardent pour tenter de nous tuer quand nous avons le dos tourné, il n'y a vraiment personne... Nous sommes en sécurité, ici, alors pourquoi ne pas y rester ?
Brieg m'embrasse sur le front puis colle le sien contre le mien. Je regarde ses lèvres qui sont très, très proches des miennes.
Depuis quelque temps, j'ai envie de l'embrasser...
Je remarque que Brieg me regarde droit dans les yeux. Mince, il m'a sûrement vu loucher sur ses lèvres...
- Amira... Chuchote-t-il.
- Oui ?
- Je peux t'embrasser ? Je préfère demander, que j'évite de faire les mêmes erreurs qu'avant...
Surprise par sa demande, je déglutis de travers et m'étouffe avec ma propre salive. Je me relève et essaye tant bien que mal de reprendre mon souffle.
Je profite de ce moment pour réfléchir.
Je réponds quoi ?? J'aimerais lui dire que non, ça ne me dérange pas, mais en même temps, c'est super gênant, j'aurais préféré que cette fois-ci, il le fasse sans demander !
Pour me laisser plus de temps de réflexion, je continue de faire semblant de tousser.
Ou je peux l'embrasser directement ? Me retourner et poser mes lèvres sur les siennes.
Oui, c'est moins gênant de faire comme ça !
Je me retourne vers Brieg et le regarde.
Mon courage disparaît.
Je me remets à tousser.
- Tout va bien ? Demande Brieg qui commence à s'inquiéter.
- Oui, oui, dis-je en faisant toujours semblant de tousser.
Il baisse la tête.
- Tu n'as pas envie de m'embrasser ? Si c'est le cas un non aurais été plus simple que toute cette mise en scène...
Je m'arrête de tousser et déglutis, cette fois-ci, parfaitement.
Non ! Au contraire ! J'ai fait toute cette mise en scène parce que je ne sais pas comment te dire oui !
Je le regarde, il me regarde. J'ouvre la bouche, mais rien ne sort.
Brieg secoue la tête et souffle.
- Oublie ma question, dit-il en se rallongeant.
Il attrape un de mes coussins pour se cacher le visage avec.
Bon, j'arrête de réfléchir et je l'embrasse !
Décidée, j'attrape le coussin posé sur son visage, le jette en l'air et attrape le visage de Brieg et plaque mes lèvres contre les siennes.
Je n'ai même pas le temps d'apprécier ce baiser qu'un cri vient percer le calme ambiant.
D'un saut, Brieg et moi, nous retrouvons debout et nous dirigeons vers le cri.
Un homme, dos à nous, grand aux cheveux noirs, tient Nana qui continue de crier.
Brieg dévale l'escalier et bouscule l'homme qui ne nous avait pas encore vus. Il s'écarte de Nana, en fronçant les sourcils.
- Calme toi Brieg ! S'écrit Nana, c'est un ami !
Un ami... ?
L'homme, habillé tout en noir, avec un gros bouquet de roses blanches se tourne vers nous.
Mon sang ne fait qu'un tour.
Ce visage...
C'est Zac, l'un des chefs des rebelles.
Mais la façon dont il me regarde me glace le sang, bien qu'il me regarde gentiment. Ce regard, son air... Il me terrifie.
Zac, nous sort un grand sourire et passe un bras autour de l'épaule de Nana.
- Oui, je viens en paix ! Je suis ici pour fêter l'anniversaire de ma meilleure amie !
J'ouvre grand la bouche tandis que Nana rougis. Ils sont meilleurs amis ?
- Oh, dit Brieg, gêné. Désolé de t'avoir poussé...
Zac se penche et serre la main de Brieg.
- Enchanté, dit-il avant de tendre sa main vers moi.
Je tends avec méfiance la mienne. Il m'attrape la main et la serre doucement, il a l'air tellement amical, mais pourtant, je n'arrive pas à me détendre, face à lui...
- Ravis de te revoir, Amira, lâche Zac.
- Vous vous connaissez ? Demande Nana.
Je me tends, merde, elle ne sait toujours pas que j'ai fait partie des rebelles...
- Je la connais, car elle est passée à la télé, se rattrape-t-il, ayant remarqué mon stress suite à ce qu'il a dit. C'était une star !
- Oh... Intéressant... Dit Nana en me lançant un clin d'œil.
Je lâche la main de Zac et détourne le regard.
- Tu ne m'avais pas dit que c'était aujourd'hui ton anniversaire, dis-je, pour changer de sujet.
Nana hausse les épaules.
- Je l'avais moi-même oublié, c'est Zac qui me le rappelle chaque année en me rendant visite !
Elle se jette sur les fleures que Zac lui tend et les renifle.
- Elles sentent tellement bon ! Mais j'aurais préféré que tu m'offres un vrai rosier, couper ces belles plantes et les voir faner me rend triste...
- Si je t'offre un rosier, je n'aurai plus de raison de venir !
Toujours le nez dans ses roses, Nana nous quitte et se dirige vers la cuisine, pour les mettre dans un vase.
Zac se tourne vers nous, avec un grand sourire.
- Depuis le temps qu'on vous cherchait ! Dit-il.
Je fronce les sourcils. Brieg se place entre Zac et moi, comme pour me protéger.
- Vous nous cherchiez ? Dit froidement Brieg. Tu es qui, en fait ? Et pourquoi tu nous cherchais ?
C'est vrai que Brieg ne connais pas Zac... Mais celui-ci ne semble pas être perturbé par la réaction de Brieg et lui tend à nouveau la main.
- J'ai oublié de me présenter : je m'appelle Zac, je suis avec quelques autres personnes à la tête des rebelles.
Brieg fronce les sourcils et se tourne vers moi.
- Tu le connais ?
- Oui, dis-je en hochant la tête.
Puis je me décale pour faire face à Zac et lui dis :
- S'il te plaît, Nana n'est pas au courant que je connais les rebelles, ne lui en parle pas, d'ailleurs.
Zac, qui a abandonné l'idée de serrer la main de Brieg, croise les bras.
- Pourquoi tu ne l'as pas mise au courant ?
Je me mords la lèvre et secoue la tête.
- C'est trop long pour en parler maintenant... Dis-je.
Nana revient avec des verres de limonade à la main.
- Il fait beau dehors, dit-elle, et si nous allions boire un coup dehors ?
Nous hochons tous la tête et la suivons jusqu'à son petit pavillon qui fait face à son immense jardin. Nous nous posons autour d'une table tandis qu'elle nous sert sa fameuse limonade. Nana et Zac sont les seuls à faire la conversation. Brieg, lui, semble bouder parce que je ne lui ai jamais parlé de Zac et, moi, j'essaye de comprendre pourquoi Zac me terrifie autant.
Pourtant, avant le Loup-Garou, il ne me faisait pas peur du tout, quand je le croisais...
Le Loup-Garou...
Soudain, mon esprit superpose le visage de Zac avec celui de Bryan. Oui, c'est ça, le même regard, le même air...
Je baisse la tête et essaye de calmer ma respiration. Bryan... Il me hantera jusqu'à la fin de mes jours, décidément...
- Tout va bien, Amira ? Me demande Nana.
Je secoue la tête et me lève, pour aller faire un tour dans le jardin.
Je sens que quelqu'un me suit, j'accélère donc ma marche. J'ai envie d'être seule, je ne veux pas qu'on me demande pourquoi je ne vais pas bien... Comment vais-je expliquer que Zac me fait penser à Bryan ?
- Amira, attends !
C'est donc Zac qui me suit... Je m'arrête, mais n'ose pas lui faire face.
- J'ai fait quelque chose de mal ? Me demande-t-il, inquiet. Tu as commencé à agir bizarrement à partir du moment où tu m'as fixé, je n'ai pas trop compris pourquoi...
- Tu... Bégayé-je, tu me fais penser à quelqu'un... À quelqu'un qui me terrifie...
Zac ne répond rien face à ce que je viens de dire. Il reste silencieux, jusqu'à ce que j'arrive à récupérer assez de courage pour lui faire face. Il a l'air désolé. Du menton, il me désigne le bassin à carpe de Nana.
- Allons discuter là-bas, me dit-il doucement.
Je le suis en silence jusqu'à ce bassin, rempli de géante carpes koï tricolores.
Nana m'a déjà amené ici, elle m'a dit qu'elle a ces carpes depuis qu'elles sont toutes petites, selon elle, elles ont chacune un nom et Nana arrive à toutes les différencier. Moi, j'arrive juste à reconnaître Love, car elle a une tâche en forme de cœur sur le flanc gauche.
Zac s'assoit, enlève ses chaussures et plonge ses pieds nus dans le bassin.
- Je te fais penser à Bryan ? Me demande-t-il gravement.
D'abord surprise par sa question, je finis par hocher la tête. Il souffle et se penche pour regarder son reflet.
- C'est normal, nous sommes malheureusement de la même famille...
Quoi ? Alors comme ça Bryan, le nouveau Maître du Jeu, et Zac, qui fait partie du groupe qui dirige les rebelles, ont un lien de parenté ?! c'est impensable...
- Mais ne le dis à personne, continue-t-il, pour l'instant seuls les chefs des rebelles le savent, je ne tiens pas à ce que tout le monde le sache, surtout juste avant un soulèvement. Si les rebelles venaient à apprendre que j'ai un quelconque lien avec Bryan, j'ai peur qu'ils ne nous fassent plus confiance, et que cela gâche tout.
- Un soulèvement ? Répété-je.
Il me regarde avec un petit sourire.
- Oui, dans quelques mois, nous allons démarrer un soulèvement, pour essayer de mettre enfin fin à cette tyrannie, pour l'instant, nous essayons juste de recruter et former au combat un maximum de personnes.
Zac me fixe, sérieusement.
- Il faut que tu retournes à la base avec nous, Amira, toi et Brieg. Nous avons de vous, de vos témoignages pour faire comprendre aux autres qu'il faut que tout cela cesse...
Je secoue la tête et fixe Love.
- Non, chuchoté-je. Je ne peux pas...
- Pourquoi ? Dit un peu trop sèchement Zac, ce qui a pour effet de m'énerver.
- Parce que je n'ai plus envie d'avoir peur. Cela fait un an que je vis dans l'angoisse de me faire buter à n'importe quel moment ! Ça fait un an que j'attends de voir les rebelles débarquer pour nous mettre en lieu sûr. Vous n'avez rien fait, rien ! Maintenant, j'ai trouvé un lieu où je me sens en sécurité, à ma place. Sortir d'ici c'est devoir faire face à la tonne de tueur à gage qui veulent ma peau et devoir me battre, une nouvelle fois. Alors non, je ne vais pas vous aider, car vous n'avez rien fait pour Brieg et moi... On a failli mourir, plusieurs fois, mais aucun rebelle n'a été là pour nous sauver !
- Je ne pouvais pas gâcher la vie de mes camarades, Amira. Je savais très bien que vous alliez vous en sortir, eux, ils seraient mort, ils ne sont pas aussi compétent que toi.
- On a échappé de peu à la mort, c'était plus dû à la chance qu'à mes compétences !
- Toujours est-il qu'on souhaitait tous que tu reviennes, mais on ne pouvait pas, le jeu n'en valait pas la chandelle.
Mon sang ne fait qu'un tour.
- Tu oses me dire que le jeu n'en vaut pas la chandelle ?! Hurlé-je, j'ai participé à ce jeu, moi, et je peux te dire qu'à ta place, j'aurais envoyé une équipe entière d'hommes pour venir nous sortir de cet enfer ! J'ai vu mon frère mourir sous mes yeux ! Milena est morte pour nous ! Alors si, le jeu en valait la chandelle, parce que tu as besoin de nous pour raconter ce qu'il nous on fait subir, pour que tout le monde sache comment Milena est réellement morte !
- Amira... Milena...
- N'ose même plus prononcer son nom ! Tu l'as laissé crever, elle, et tous les autres joueurs !
- Mais...
- Ta gueule !
J'ai hurlé tellement fort que les oiseaux qui chantaient autour de nous se sont tu. J'essaye de contrôler ma rage, mais c'est impossible, je lui en veux tellement, à lui et à tous les autres rebelles, de nous avoir laissé vivre tout cela...
Les larmes commencent à couler à flots le long de mes joues.
- Je ne veux plus jamais revivre ça... Je ne veux plus jamais perdre quelqu'un que j'aime... Milena... Milena me manque... Son rire, son regard... J'aurais dû me battre contre Bryan à sa place, j'aurais peut-être réussi à le vaincre et elle serait vivante...
Je tombe à terre et explose en sanglot. Les images du jeu commencent à refaire face. Pablo et sa balle entre les deux yeux, l'ancien Maître du Jeu décapité par Milena, Kenya qui a essayé de me tuer... Toutes ces images de corps décapité dont je ne connais plus les noms... Comment je peux les oublier, ils se sont battus pour vivre et j'ai osé oublier leurs noms... Je suis quelqu'un d'horrible...
- Je ne veux plus prendre parti à cette guerre, dis-je après que mes sanglots se soient calmés. Ma décision est prise et je ne souhaite pas en parler d'avantage.
Zac hoche calmement la tête.
- Très bien, c'est ton choix.
- Merci.
Je sèche mes larmes et ferme les yeux en respirant doucement.
Le silence s'installe et les oiseaux se remettent à chanter. Après un long moment, Zac dit :
- Tu ne m'as toujours pas expliqué pourquoi tu n'as pas dit à Nathania ta réelle identité.
Je secoue la tête.
- J'avais peur qu'elle nous dénonce, car je ne lui faisais pas confiance. Maintenant, je ne sais pas comment lui annoncer que je lui ai menti et tout lui avouer.
- Nathania est une femme franche, elle ne demande que deux choses ici : qu'on suive ses règles et qu'on soit sincère avec elle, si tu ne respectes pas ça, tu es bannie de sa demeure, ma copine en a d'ailleurs fait les frais, c'est pour ça qu'elle n'est pas avec moi aujourd'hui. Et puis vu comment elle te regarde, elle a l'air de vraiment bien t'aimer, si tu continues de lui mentir, ça va vraiment la blesser et ça m'attristerai beaucoup...
Je hoche la tête et regarde Love se frotter aux pieds de Zac.
- Je vais essayer de lui parler...
Zac hoche la tête et sort ses pieds du bassin. Il récupère ses chaussures et nous retournons en silence jusqu'au pavillon où seul Brieg est présent. Il nous regarde tous les deux, la mine sombre.
- Qu'y a-t-il ? Demandé-je, inquiète.
Brieg secoue la tête puis souffle.
- Nous t'avons entendu hurlé, Nathania a compris qu'on ne lui a pas tout dit.
Ma bouche devient sèche et mon cœur s'emballe.
- Tu lui as dit quoi ? Demandé-je, sèchement.
- La vérité, sur toi.
Je tape du poing sur la table, enragée.
- C'était à moi de le faire ! Hurlé-je à Brieg, c'est mon passé ! Tu n'avais pas à le faire !
- C'est ton passé, mais c'est notre présent que tu mets en danger, à force de tout lui cacher ! Réplique-t-il en se relevant.
Zac, se sentant de trop, nous quitte, sûrement pour rejoindre Nana.
Les poings sur la table, Brieg me regarde froidement.
- Nathania nous donne beaucoup, elle nous a largement prouvés qu'on pouvait lui faire confiance, et pourtant, tu t'entêtes à lui mentir ! Pourquoi ?!
- Parce que j'avais peur, au moment où j'ai fait ces mensonges ! Tu te sentais capable, toi, d'expliquer à une inconnue que nous sommes des fugitifs recherchés ?!
- Mais on peut lui faire confiance, maintenant ! Alors pourquoi tu continues de lui mentir ?!
- Je ne continue pas de lui mentir ! Je... Je n'arrivais juste pas à trouver le bon moment pour tout lui avouer...
Brieg se met à rire, exaspéré.
- Je t'aime, Amira, mais tu agis comme une gamine, lâche-t-il. Tu flippe tellement pour rien que tu fais des choix ridicules qui nous foutent dans la merde !
Blessée, par ce qu'il vient de dire, je me mets à hurler plus fort :
- Et qui est l'imbécile toujours à côté de moi qui m'a laissé prendre toutes ces décisions sans rien dire ?!
Il ne répond rien, mais me regarde droit dans les yeux, qui sont remplis de larmes. De mon côté, ma voix tremble et je suis tellement énervée par ce qu'il vient de faire que je n'arrive même pas à pleurer, malgré le fait que je sois triste qu'on se dispute.
Brieg se rassoit en silence, mais je n'en ai pas fini avec lui.
- Depuis que Milena est morte, j'ai dû prendre toutes les décisions, tu n'as rien foutu ! Donc, oui, j'ai certainement fait des choix insensés, mais au moins j'en ai fait !
- Arrête de ramener toujours Milena à toi ! Explose-t-il, la façon dont tu parles d'elle, on dirait qu'elle t'appartient !
- Milena était ma meilleure amie !
- Elle ne t'appartient pas pour autant ! Milena s'est mise en danger pour moi, je te rappelle, elle a tué le Maître du Jeu avant qu'elle ne me décapite ! Pour autant, je n'utilise pas sa mort comme excuse pour faire des choix ridicules !
J'ouvre la bouche pour lui répondre quelque chose, mais il me coupe directement la parole et continue :
- Tu sais quel est ton problème ? Tu ne veux pas avancer. Tu t'appropries Milena et sa mort pour rester dans ton monde, car tu as peur de faire ton deuil, parce que faire son deuil, c'est accepter que les choses ont changé, c'est aussi accepter que plus rien ne sera comme avant, et tu as peur de faire ça !
Il en a trop dit, je ne veux plus entendre un seul mot de sa part, sinon je vais exploser.
En silence, je tourne les talons et marche en direction de la forêt, qui est juste après le jardin de Nana.
Quand je pénètre dans la forêt, je ne m'arrête pas pour autant et continue de marcher. J'ai besoin d'être loin, très loin d'ici, je veux me perdre dans la forêt et hurler jusqu'à ne plus avoir d'air dans les poumons.
Comment Brieg peut se permettre de me dire ça, après tout ce que j'ai fait pour lui ?! Pire, il ose comparer la façon de faire son deuil à la mienne !
J'ai fait mon deuil, mais je ne veux juste pas oublier Milena, elle ne mérite pas d'être oubliée ! Elle n'a pas sacrifié sa vie pour nous pour qu'on l'oublie aussi vite !
Je m'appuie contre un arbre et sèche mes joues inondées de larmes.
J'ai l'impression de devenir folle à cause de tous ces événements, mais oublier Milena... Je préfère devenir folle plutôt que de faire ça !
- Madame ? Vous allez bien ?
Un jeune homme blond aux yeux bleus me regarde, inquiet. Son visage me fait penser à Pablo... Pourquoi tout doit me rappeler le Loup-Garou ? J'aimerai tout oublier sauf Milena...
Je hoche la tête et cet homme, qui doit être à une dizaine de mètres de moi, et qui fait un pas dans ma direction.
- Vous vous êtes perdu ? Vous avez besoin d'aide ? Je peux aller en chercher, si vous voulez...
La tête baissée, pour essayer de cacher un minimum mon visage, je secoue la tête. Il fait un autre pas.
- Alors que faites vous ici, en plein milieu de la forêt ?
- Il y a une maison, non loin d'ici et j'y habite, soufflé-je.
Il fait encore un pas.
- Oh, je ne connais pas très bien l'endroit, c'est pour ça. Moi, je me suis perdu...
Cette fois-ci, je lui fais face en fronçant les sourcils. Ne m'avait-il pas proposé d'aller chercher de l'aide ?
J'ouvre la bouche, pour lui faire cette remarque, mais il me coupe juste avant en faisant encore un pas vers moi.
- Je m'appelle Marc, dit-il en me tendant la main.
Silencieuse, je l'observe, il est vraiment bizarre, s'avancer vers moi pas à pas, ça n'est pas un comportement normal...
Ça pourrait être un tueur à gage, mais je pense que s'il l'était réellement, il se serait juste jeté sur moi pour me tuer, et c'est tout.
Sinon, c'est peut-être un pervers qui va me demander dans quelques instants des faveurs sexuelles. Mais il n'a vraiment pas l'air méchant. Et puis je pense pouvoir le maîtriser, ou au moins le repousser, sans grande difficulté...
Il fait un autre pas vers moi et, discrètement, j'attrape un caillou de taille moyenne qui ira se cogner directement dans son front s'il s'approche trop.
Soudain, un bruit dans les arbres m'alerte. Je lève la tête et aperçois quelque chose briller : la lunette d'une arme.
Je n'ai pas le temps de réfléchir que le coup part.
Quelque chose vient se loger directement dans mon cou. Je ne réfléchis pas et me lève pour m'enfuir, mais, trop tard, Marc se jette sur mes jambes et me mets à terre.
Je me retourne et essaye de lui donner un coup au visage, mais mes bras ne répondent plus. J'allais hurler, mais Marc plaque sa main contre ma bouche jusqu'à ce que mon corps tout entier ne me réponde plus.
Les yeux de Marc me fixent avec une lueur amusée. Quelques instants plus tard, la personne qui m'a tiré dessus apparaît, c'est une femme, grande et musclé, qui regarde méchamment Marc.
- On se casse vite d'ici, dit-elle, à cause de ton incompétence, j'ai dû lui tirer dessus alors qu'elle était encore sur le territoire de Nathania.
Marc hoche la tête et se relève en arrachant de mon cou une mini seringue.
- On va la tuer ? Demande-t-il en me posant sur son épaule.
- Bien sûr, crache-t-elle, on ne t'a pas donné le but de notre mission, imbécile ?
- Je...
- Tais-toi et marche, incapable. Pas loin et en dehors du domaine de Nathania il y a une rivière, on ira la noyer là-bas.
- On ne pourrait pas simplement lui tirer une balle dans le crâne ?
- Je t'ai dit de fermer ta gueule ! Tu me rappelles qui est le débutant, ici ?! Tu vas m'apprendre mon métier ?! On maîtrise Amira, alors pourquoi se presser et la tuer aussi rapidement, après tout le mal qu'on s'est donné pour la trouver ? Si j'ai envie de la noyer parce que je trouve ça marrant, on va la noyer !
Tandis que la femme continue de sortir une ribambelle d'insultes à Marc, je sens mes forces me quitter et mes paupières devenir de plus en plus lourdes...
Au fond de moi, j'essaye de puiser le plus de force qu'il me reste mais, c'est déjà trop tard, je n'arrive même plus à ouvrir les yeux.
Je suis prise au piège...
***
Une vive douleur à la mâchoire me réveille d'un coup.
- Bonjour, ma belle, dit Maria avec un grand sourire.
Cela fait trois jours qu'elle me retient prisonnière dans cette grotte.
En effet, juste au moment où elle allait me plonger la tête dans l'eau pour me noyer, son supérieur lui a ordonné de ne pas me tuer, pour qu'ils puissent aussi attraper Brieg, qui est sûrement parti à ma recherche depuis. Maria, énervée par ces ordres, a tout de même obéi. Pour autant, elle en profite pour me torturer.
La nouvelle passion de Maria est d'aiguiser au maximum des silex qu'elle trouve et de me les planter dans les jambes. J'en ai tellement maintenant que je ne peux même plus les bouger au risque de me faire atrocement mal.
Cela va faire trois jours que je n'ai pas mangé, ils me font boire de temps en temps, mais ne me donnent strictement rien à manger. Dès fois, Maria mange même près de moi, me promettant que si je me mets à pleurer devant elle en la suppliant de me donner à manger elle le fera. Quand je m'exécute, me voir pleurer l'énerve et elle finit par me tabasser. Et quand je ne m'exécute pas, cela l'énerve tout autant et elle me tabasse aussi.
Marc, quant à lui, ne fais rien, il ne me regarde pas et se fait le plus discret possible. Maria lui ordonne quelques fois, soit de me tabasser, soit de me violer, mais il refuse catégoriquement, ce qui a pour but d'énerver au plus haut point Maria. Elle le tabasse, lui aussi, car selon elle ce n'est qu'un élève qui doit se soumettre aux ordres, et la meilleure façon de le dresser est de le battre. Marc n'a pas d'autre choix que de se laisser faire car, sinon, il ne deviendra jamais le tueur à gage qu'il a tant voulu et sa vie sera fichue.
La nuit, je ne dors pas, car Maria attend ces moments-là pour me brûler la plante des pieds, ou enfoncer encore plus profondément un des silex déjà planté dans mes jambes.
Un coup de poing de la part de Maria me fais sortir de mes pensées.
Je pose mon regard sur elle en essayant d'être la moins provocante possible.
Me voir me soumettre à elle semble la faire jubiler. J'aimerais lui ôter ce plaisir, mais étant donné que je suis à sa merci, cela ne servirait à rien.
- Tu t'es évanouie, tout à l'heure, me dit-elle en se léchant les lèvres, j'en ai profité pour arranger ta coupe de cheveux.
Soudain, elle sort un petit miroir et me montre ma tête, elle s'est amusée à me couper les cheveux, il ne m'en reste plus beaucoup. Je serre les dents, mais ne dis rien, elle aurait pu faire bien pire pendant mon moment d'inconscience, alors tant pis pour mes cheveux.
Voyant que ça ne m'atteint pas, elle me montre les mèches de cheveux qu'elle vient de me couper et son sourire s'intensifie.
- Tu as faim, n'est-ce pas ?
Au moment où elle allait ouvrir la bouche pour me forcer à les manger, Marc l'interrompt.
- J'ai entendu du bruit aux alentours, dit-il.
- Du bruit ? C'est peut-être des animaux, répond-elle.
- Non, j'ai entendu des voix.
- Tu penses qu'ils sont là ?
- Je les ai aperçu, je suis sûr que c'est eux.
- Ils sont armés ?
- Non.
D'un coup, Maria saute sur ses deux pieds, récupère une arme et sort de la grotte en ordonnant à Marc de me surveiller.
Le silence s'installe et j'en profite pour poser ma tête contre un rocher, un peu de répit.
De qui parle-t-il ? De Brieg et Nana ? Sont-ils partis à ma recherche ? Ils ne devraient pas... Maria est trop forte, elle va les tuer...
Marc s'avance vers moi, récupère mes mèches de cheveux et les jette au feu. Il me regarde avec un air gêné.
- Tes souffrances vont bientôt se terminer, dit-il.
Je ne réponds rien, j'ai déjà assez de mal pour garder les yeux ouvert. J'imagine que Maria va les trouver et les tuer et je les suivrai ensuite... Au fond de moi, ça me tue de savoir ça, mais je suis tellement brisée que je n'arrive même plus à pleurer.
Marc revient une nouvelle fois et s'accroupit devant moi, me montrant une bouteille d'eau.
J'aperçois des larmes couler le long de ses joues.
- Mes parents étaient des tueurs à gage, tout comme mes grands-parents, et ainsi de suite, me dit-il, la voix tremblante.
Il me donne à boire en mettant dans le creux de ses mains un peu d'eau. Je sens ses mains trembler.
- Au fond de moi, j'ai toujours senti que je ne ferai pas un bon tueur à gage... Mais... Je voulais tellement rendre fiers mes parents...
Quand j'ai fini de boire, il me sort de sa poche un bout de pain, qu'il me tend. Je me jette dessus et l'avale.
- On ne m'a pas laissé le choix de devenir qui je suis... je me suis dit que si j'obéissais, mes parents m'aimeraient enfin... Mais ça n'est pas le cas...
En dehors de la grotte, j'entends des hurlements, et des coups de feu.
Il s'essuie les larmes puis me regarde droit dans les yeux.
Il a l'air aussi brisé que moi, ses yeux sont remplis de détresse.
- Je suis désolé, Amira...
Soudain, Maria, blessée par balle à l'épaule, arrive dans la grotte en grognant.
- Toi ! Hurle-t-elle en pointant du couteau Marc.
Celui-ci se tourne vers elle, elle l'attrape par le cou et le plaque au sol.
- Tu m'as menti ! Beugle-t-elle, ils sont armés de la tête aux pieds !
Il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit qu'elle lui tranche la carotide, puis plante son couteau dans le cœur de Marc. Le sang et ses dernières larmes coulent à flots. Marc ne bouge plus.
Puis Maria se tourne vers moi, son regard est rempli de folie.
- Je ne leur laisserai pas le plaisir de te récupérer vivante !
Elle m'attrape par le peu de cheveux qui me reste et m'enfonce le crâne contre une paroi de la grotte.
Le coup est tellement violent et douloureux que ma vision devient noire, bien que je sois encore consciente.
- Amira !
Cette voix...
Je n'ai pas le temps de réfléchir plus, que Maria me cogne encore le crâne contre le mur de la grotte.
Cette fois-ci, je n'arrive même plus à réfléchir correctement, je sens le sang couler dans mes oreilles, j'entends quelques coups de feu.
Soudain, je crois tomber à terre, la vision me revient petit à petit, je crois voir une tête, détachée de son corps, des gens et... quelqu'un, penché sur moi...
Ces yeux... Ces yeux verts... Bien que je vois flou, je les reconnaîtrais entre mille...
Suis-je morte ? Suis-je en train de délirer à cause de tout ce sang que j'ai perdu ?
Je ne saurai le dire, toujours est-il que je perds conscience à la vue du visage de Milena.
***
J'entrouvre les yeux et tombe face au torse de quelqu'un.
Il a l'air de pleuvoir autour de nous, quand je lève les yeux, je comprends que Brieg me porte dans ses bras.
Remarquant que je me suis réveillée, il me sourit, les larmes aux yeux.
- Je te ramène à la maison, me dit-il.
Je tourne la tête et vois Nathania porter Zac sur son dos, qui a l'air inconscient.
Nathania croise mon regard et me sourit doucement.
- Ceux qui t'ont fait du mal ne sont plus de ce monde, me dit-elle, tu n'as plus rien à craindre.
J'ouvre la bouche et articule : « Milena », mais personne ne me répond. De toute façon, j'ai un violent mal de tête qui me pousse à la reposer contre le torse de Brieg.
J'ai dû halluciner, Milena est morte, elle n'aurai pas pu me sauver...
Ils vont encore me prendre pour une folle si je leur parle d'elle...
***
J'ouvre les yeux et regarde Nana qui me tend une cuillère avec du bouillon dedans.
Nous sommes enfin retournés chez elle, et je suis confortablement installée dans un lit, bandé de partout. Brieg n'est pas là, car il aide Zac à retourner chez lui, c'est sur lui que Maria a sauté en premier, il a donc été bien amoché.
J'avale le bouillon et remercie Nana. Elle secoue la tête en riant doucement.
- Tu ne vas pas me remercier à chaque cuillère que je vais te donner.
Je ne réponds pas et esquisse un sourire. Elle regarde mes bandages à la tête et aux jambes puis me caresse la joue.
- Tu devrais dormir, me dit-elle, ça te ferais beaucoup de bien.
En réalité, j'aimerais vraiment pouvoir dormir, mais dès que je ferme les yeux, je vois les images de Marc et sa carotide tranché, de cette tête coupée, qui j'imagine est celle de Maria, plus le visage flou de Milena... Elles ont l'air d'être imprimé sur ma rétine... Ces images me terrifient... Elles me rappellent les trois jours atroces que je viens de passer...
Nana baisse la tête puis me prend la main.
- Tu sais... Je ne t'en veux pas de m'avoir menti... Tu as vécu des choses terribles, et je comprends que c'est dur pour toi de m'en parler... C'est juste que... je t'apprécie vraiment, vraiment beaucoup et... je crois que je pourrais donner corps et âme pour toi... Donc savoir que tu me mentais sur certaines choses m'a un peu blessé...
Je la vois se mordre la lèvre et ses yeux se remplissent de larmes.
- Je me sens coupable, tu as enduré tout ça parce que j'ai mal réagis, je n'aurais pas dû partir dans mon coin...
Puis elle se glisse dans la couverture avec moi et pose doucement ses lèvres sur les miennes.
- La discussion est très importante dans un couple, chuchote-t-elle.
Je baisse les yeux, ne sachant pas comment réagir. J'apprécie Nana, mais certainement pas autant que Brieg...
- J'ai cru voir Milena, chuchoté-je.
- Brieg m'a raconté... Qui était Milena pour toi... Je suis désolé qu'elle soit morte ainsi...
Je hoche la tête et serre les dents, Milena est bien morte, c'était bel et bien une hallucination...
Il faut que je fasse mon deuil... Que Milena, sorte de ma tête...
Je ferme les yeux et serre les poings.
Au fond de moi, je repasse dans ma tête tous les bons moments que j'ai pu avoir avec elle, je me repasse en tête son sourire, sa façon d'être... Tous ces moments où elle a été là pour moi, où elle m'a sauvé... Je serai à jamais reconnaissante envers elle, mais étant donné que je n'arrive pas à vivre normalement en me souvenant d'elle, il faut que je l'oublie.
Ça va être difficile, mais je suis déterminée à trouver la paix, maintenant.
Adieu, Milena.
Hellooo
Bon déso pas déso pour cette période d'absence mais j'étais parti en vacances oupsiiiii 😇
Mais je suis de retour pour vous jouer un mauvais tour 😏
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