J'ouvre doucement les yeux et observe la chambre qui est baignée par la lumière de la lune. Je lève les yeux vers le réveil posé sur la table de chevet et comprends qu'il est encore tôt pour se lever. N'ayant plus envie de dormir, je tends la main et commence à jouer avec les petites poussières en suspension.

Cela fait maintenant quelques nuits que Nana nous héberge dans son manoir et nous ne lui avons pas encore dévoilé notre réelle identité (donc à ses yeux nous sommes toujours Lola et Lolo Numéro). Depuis cette histoire avec Mildred, j'ai beaucoup de mal à faire confiance à quelqu'un d'autre que Brieg.

En parlant de Nana, je l'entends grogner :

- Arrête de bouger, ça me réveille !

Je ris et me retourne en l'embrassant sur le front. Elle grogne de nouveau et me tourne le dos. J'en profite pour l'enlacer tout en lui embrassant sa peau nue.

Bon, j'avoue, j'ai pêché.

Mais Nana (de son vrai nom Nathania) est une très, très belle femme, et puis depuis que nous sommes chez elle, elle interdit Brieg de dormir avec moi, alors que je déteste dormir seule ! Je l'ai donc "convaincue" de venir dormir avec moi, si vous voyez ce que je veux dire...

Au début on devait juste dormir ensemble, et puis... vous voyez la suite.

Brieg, lui, n'est pas du tout au courant de la relation que j'entretiens avec Nana, et j'espère qu'il l'apprendra le plus tard possible, voire jamais. Bien qu'on ait mis les choses au clair, je le sens encore gêné avec moi depuis qu'il m'a embrassé la dernière fois... Je n'ai pas envie de l'embêter encore plus en lui expliquant que je couche avec Nana...

Mon regard, fixé sur Nana, aperçoit dans le coin de ma chambre une ombre.

Mon pouls s'accélère soudainement, tout comme ma respiration, et mes ongles se plantent involontairement dans les bras de Nana.

Cette ombre... je sais que ce n'est qu'une ombre... alors pourquoi je stresse autant ? je ne peux m'empêcher de la fixer...

Ma respiration s'accélère encore, et encore, et encore...

Arrête Amira, ce n'est rien, ce n'est qu'une ombre !

Mais si Bryan était caché dans ce coin sombre... qu'il attende que je m'endorme pour me tuer... ça se trouve il a déjà tué Brieg...

Brieg...

A cette pensée, je saute hors du lit, enfile une culotte et un T-shirt et cours jusqu'à la chambre de Brieg. Enfin, l'endroit où je pensais trouver sa chambre, mais ce n'est qu'une salle vide. Je regarde autour de moi, à quel étage sommes-nous, déjà ? et à quel étage se trouve la chambre de Brieg ? je commence à courir dans tous les sens en cherchant désespérément la chambre de Brieg, mais je ne le trouve pas, ou est-il passé ?!

- Brieg ! me mis-je à hurler.

Ça y est, je commence à paniquer. J'ai peur que quelque chose de mal lui soit arrivé, j'ai peur de me retrouver seule, seule face à Bryan et toutes mes angoisses. Il est le seul qui les fasse disparaître.

Je continue à hurler son prénom. Perdue dans l'obscurité, je commence à désespérer. J'ai l'impression de voir Bryan caché dans chaque recoin, patientant pour m'attaquer au moindre moment de faiblesse.

Dans la pénombre, j'apperçois une silhouette se dessiner, c'est Brieg !

Je cours me réfugier dans ses bras en pleurant, tous ces Bryan tapis dans l'ombre disparaissent instantanément.

Nous restons silencieux jusqu'à ce que ma crise d'angoisse se calme. Après ça, Nana, qui nous observait de loin, nous propose d'aller boire une tisane dans le salon, pour nous détendre.

- Tu as fait un cauchemar ? me demande Brieg, inquiet.

Je secoue la tête.

- J'avais l'impression que Bryan était tout autour de moi... qu'il me surveillait... je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit qu'il s'en était pris à toi... j'ai eu tellement peur !

Il pose sa main sur la mienne.

- Je suis là, maintenant, tu n'as plus à avoir peur.

Je souris pour lui faire plaisir. Quand il est là mes angoisses disparaissent, mais je sais très bien que, faible comme nous sommes, si Bryan décide de s'en prendre à nous, il nous tue tous les deux à mains nues. Nous ne faisons pas le poids face à lui...

Nana débarque avec ses tisanes fumantes, les pose devant nous et arrange son beau peignoir blanc, de façon à ce que tout soit bien caché.

- Vous allez enfin me donner votre réelle identité ? lâche-t-elle en remuant sa tisane.

Elle a dit ça d'une façon tellement calme que Brieg et moi restons bouche bée. Elle souffle doucement sur sa tisane et nous regarde.

- Cela fait trois jours que je vous héberge, et je n'ai toujours pas vos vrais noms. J'ai très bien compris que Lola et Lolo n'étaient pas vos prénoms, et que Numéro était encore moins votre nom. Surtout que je viens de t'entendre prononcer un prénom qui n'était pas Lolo...Puis dire que vous êtes frère et sœur, c'est grotesque ! dit-elle en me regardant avec un petit sourire.

Nous restons toujours muets, le fait qu'elle ne nous reconnaisse pas ne me surprend pas vraiment, car je n'ai pas vu de télévision autour de moi. Mais je ne sais pas si nous pouvons lui faire confiance...

Elle secoue la tête et repose sa tisane sur la table basse.

- Vous n'avez jamais entendu parler de l'hôtel Nana ? enfin, c'est plutôt un refuge mais ça parait plus classe de dire ça.

Brieg et moi secouons la tête. Elle lève les yeux au ciel.

- Franchement ! vous n'en avez jamais entendu parler ? certains l'appelle aussi le Paradis Neutre.

Je claque des doigts.

- Oui ! je connais ! on m'en a déjà parlé.

J'en ai vaguement entendu parlé quand j'étais chez les rebelles. Mais je n'y suis jamais allée car, méfiante comme je suis, je n'y croyais pas trop.

Elle sourit, satisfaite.

- Eh bien vous y êtes ! vous êtes dans l'endroit le plus neutre de l'île. Ici, pas de guéguerre entre les rebelles et le Gouvernement, rien ! on est là pour se reposer, panser ses blessures et passer du bon temps. Personne n'attaque personne. Il est d'ailleurs formellement interdit d'attaquer qui que ce soit, sous peine d'être banni de ce petit coin de paradis !

- Mais ça n'arrange pas le Gouvernement d'avoir un lieu pareil, non ? s'étonne Brieg.

Nana hausse les épaules.

- Avec un peu d'argent, on arrange tous les problèmes au monde ! j'aide le Chef à renforcer ses armées avec tout l'argent que j'ai, et lui m'autorise à avoir un endroit où je peux faire ma propre loi.

- Mais, quel est votre métier pour réussir à payer tout ça ? demande Brieg, impressionné.

Je lui écrase le pied en fronçant les sourcils. Ce n'est pas quelque chose qui se demande ! Nana rit.

- Je ne travaille pas. Mes parents travaillaient et ont amassé tellement d'argent que je pourrais jeter la moitié de ma fortune à la poubelle qu'il m'en resterait assez pour vivre aisément toute une vie entière !

Brieg a la bouche grande ouverte, je crois qu'il admire beaucoup les femmes avec du pouvoir. Il doit sûrement se demander comment est-il possible d'avoir autant d'argent ? moi aussi je me le demande...

- Bon, dit-elle en soufflant sur sa tisane, à vous de parler, maintenant. Qui êtes-vous ?

Brieg se racle la gorge.

- Je m'appelle Brieg, et voici Amira. Nous sommes d'anciens joueurs du Loup-Garou.

Ses yeux s'ouvrent en grand, un petit sourire soulève ses lèvres.

- Vous êtes des gagnants du jeu ?

- En quelque sorte... dis-je, pour empêcher Brieg de dire toute la vérité.

Bien que cet endroit soit réellement un lieu neutre, on est sûr de rien. Il vaut mieux lui cacher le plus important.

Nana me regarde de la tête au pied en se mordant la lèvre.

- Mais si vous êtes des vainqueurs, que faites-vous ici ? vous ne devriez pas être dans un lieu réservé aux vainqueurs ?

- On était en route pour y aller, dis-je en fixant Brieg, mais on a été attaqué par des Rebelles. On s'est donc enfui pour sauver nos vies.

Ça me fait énormément mal de devoir dire ce genre de choses sur des personnes dont je défends les valeurs. Mais là, j'ai l'impression de ne pas avoir le choix. Ça se trouve, elle pourrait nous vendre à cet enfoiré qui nous sert de chef pour se remplir un peu plus ses poches déjà pleines à craquer.

Nana plisse les yeux.

- Je connais bien les rebelles, ce sont ceux qui viennent le plus souvent me rendre visite. Je ne les pensais pas être capable de faire de genre de chose. Et puis, pourquoi avez-vous l'air de vous cacher du Gouvernement, il ne vous veut pas de mal, non ?

Pour mettre un terme à la discussion, je hausse les épaules et me mets à boire sa tisane. C'est vrai qu'elle est plutôt bonne.

Brieg a l'air d'admirer Nana, certainement par le charisme qu'elle dégage. Elle en impose énormément, c'est vrai. C'est une femme d'environ 25 ans, indépendante, qui sait ce qu'elle veut et qui n'a peur de rien. J'apprécie beaucoup ce genre de caractère, mis à part le fait qu'elle a l'air un peu trop curieuse.

Nana s'étire et pose son regard sur Brieg, puis moi.

- Donc vous êtes ensemble, en réalité ? dit-elle avec un petit sourire.

- Non, non, dit Brieg, gêné. Nous aimons tous les deux les femmes, c'est donc impossible que nous puissions être ensemble.

Je sens une pointe d'amertume dans sa voix. Tout aussi embarrassée que lui, je décide de changer le sujet de conversation.

- Il y a combien de chambres dans ce manoir ?

Elle hausse les épaules.

- Alors là, je n'en ai aucune idée. C'était le manoir de mes parents. J'ai toujours vécu ici mais je ne me suis jamais amusée à compter le nombre... je dirais une dizaine, voire plus si on considère que les salles vide peuvent servir de chambre.

- Votre famille doit être géante pour avoir autant de chambre ! s'exclame Brieg.

- Non, au contraire, rit Nana, j'étais fille unique. Mais mes parents faisaient comme moi, ils accueillaient des gens. Ce manoir a depuis toujours été un refuge pour certaines personnes, surtout les rebelles, car avant que je ne dirige ce manoir, ce n'était pas du tout un lieu neutre. Mes parents étaient eux-mêmes des rebelles, ils sont mort à cause de cela, d'ailleurs. C'est moi qui eus l'idée d'en faire un terrain neutre.

- Mais tu es seule à t'occuper de tout ce terrain ? demandé-je.

Brieg me regarde en fronçant les sourcils, certainement surpris que je la tutoie.

- Oui, répond Nana. Mais je ne nettoie que ma chambre, la salon et la cuisine. Le reste je laisse ceux que j'héberge ranger.

Je regarde le salon où nous sommes posés.

Il est au moins quatre fois plus grand que les chambres qu'on occupait quand nous étions des joueurs du Loup-Garou. Un gigantesque lustre en cristal est suspendu au plafond, qui est d'ailleurs un dôme en vitre qui laisse la lumière de la lune nous éclairer. Deux grandes cheminées se font face avec chacune quatre fauteuils qui les entour. Pour finir, une table longue de plusieurs mètres est posée en plein milieu de la salle. Je comprends pourquoi elle ne fait que ces trois salles, nettoyer correctement le salon prend au moins une demi-journée.

Nana baille et regarde une horloge posée sur la table basse.

- Bon, moi, je retourne dormir.

Elle me lance un regard comme pour m'inviter à la rejoindre, mais je secoue la tête pour décliner sa proposition.

- Je vais rester un peu ici, bonne nuit, lui dis-je.

- Pareil, lance Brieg.

- Si vous avez trop froid, dit Nana en regardant mes jambes nues, n'hésitez pas à allumer un feu.

Elle pointe du doigt la cheminée. Brieg acquiesce et se dirige vers celle-ci pour tenter d'allumer un feu. Je ne remarque que maintenant que, lui aussi, n'est pas très habillé : il ne porte qu'un simple jogging. Je me décale et me pose sur la banquette la plus proche de la cheminée, tout en regardant Brieg s'embêter à faire un feu.

Même avec la faible lumière de la lune, j'aperçois les blessures de Brieg qui finissent de guérir. J'en profite pour toucher celle sur ma fesse, il n'y a presque plus rien, Nana nous a vraiment bien soigné.

Je ne sais pas si on peut réellement faire confiance en Nana. D'un côté, elle a l'air réellement désintéressé par toutes ces histoires, mais d'un autre, elle collabore quand même avec le Chef, alors que ses parents étaient des Rebelles. Bien que les Rebelles vont depuis toujours se réfugier chez elle quand ils n'ont pas la possibilité de rentrer à la base, nous ne sommes pas à ses yeux des Rebelles. Et puis le gouvernement souhaite nous tuer, car nous connaissons la vérité, il serait près à payer cher pour voir notre sang couler. Pouvons-nous alors faire confiance en Nana, qui collabore avec l'ennemi ? Je ne pense pas.

- Brieg, lancé-je, tu fais encore des crises d'angoisse ?

- De moins en moins, me dit-il doucement.

Il réussit enfin à faire une petite flamme.

- J'ai l'impression d'en faire de plus en plus, moi, dis-je d'une voix tremblante.

Après avoir démarré le feu, il vient s'asseoir à côté de moi et me prend dans ses bras.

- C'est normal, je te rappelle que nous avons quitté Mildred d'une façon assez spéciale...

- Mais alors pourquoi toi, tu en fais de moins en moins ?

Il hausse les épaules et fixe le feu.

- J'essaye juste de ne plus y penser.

- J'essaye aussi, mais j'ai toujours quelque chose qui est là pour me rappeler ce qu'il s'est passé... j'en ai marre de paniquer dès que je me retrouve seule dans le noir...

Quelques larmes commencent à rouler le long de mes joues.

- J'ai l'impression d'avoir toujours un mauvais pressentiment, Brieg. Plus le temps passe et plus cette sensation s'intensifie, comme si quelque chose de terrible allait nous arriver. Ça se trouve, Bryan est en route pour venir nous tuer...

- C'est impossible, murmure Brieg en me caressant doucement le bras, Bryan est devenu le nouveau Maître du Jeu, je te rappelle.

- Oui, mais... imagine que ce ne soit pas le vrai Bryan et que le vrai nous espionne ?

Brieg rit et commence à se moquer de moi. Vexée, je m'écarte de lui et croise les bras.

- Ce n'est pas possible, finit-il par dire, mit à part si Bryan est un robot, et là je m'inquiéterai.

- Qui sait.

- Mais non, j'en suis sûre.

Je hausse les épaules et pose ma tête sur la sienne.

- J'ai juste peur de me retrouver face à lui... je ne sais même pas comment j'agirai s'il apparaît d'un coup face à moi...

- On fera comme il y a un an : on prend nos jambes à notre cou et on s'en va le plus loin possible.

- Mais il nous suivra.

- Alors on se met en forme pour être prêt à se battre contre lui, et avec un peu de chance, on réussira à le tuer.

- On n'y arrivera jamais, soufflé-je, Bryan est un tueur à gage... il nous cassera en deux même si on s'entraîne plusieurs années.

Il m'attrape par le menton et me force à le regarder droit dans les yeux.

- Tu es forte, Amira. Tu es la personne que j'admire le plus au monde. Ne laisse plus jamais quelqu'un te faire autant de mal, plus jamais. Je te connais et je sais que tu as les capacités de battre quiconque sur cette île. Ne te sous-estime pas.

Il me prend dans ses bras et me serre fort.

- Tu as déjà réussi à tuer celle qui nous a attaquée chez Mildred. Alors pourquoi pas Bryan ? on va profiter d'être dans ce lieu neutre pour nous remettre en forme et être prêt à toute éventualité.

C'est peut-être parce qu'il vient de me flatter, ou à cause de cette ambiance, ou encore parce que je suis tellement désespérée que je ne sais plus quoi penser. Mais là, à ce moment bien précis, Brieg me parais terriblement séduisant et je n'ai qu'une envie, c'est de l'embrasser.

Heyyyyy !

Alors ? Team Brieg ou team Nana ? 😇

D'ailleurs : vous en pensez quoi de Nana? Elle a l'air d'être une bonne ou mauvaise personne ? 🤔

À la prochaine !

Bisouuus ❤