1-Prologue
Il s'élève là, sur le bord du sentier, silencieux et immobile. Les passants ne prêtent pas attention à lui, comme s'il n'existait pas ou ne respirait pas. Pourtant il est bien là, haut et droit, attiré par le soleil qui le maintient en vie. Il passe son temps à réfléchir, à penser, à se nourrir et à s'occuper de ses congénères, et même si les humains ne lui accordent aucun intérêt, il connait et sait bien plus de choses qu'eux. Si je parle des humains en dehors de lui, c'est qu'il n'est pas humain, c'est que je ne suis pas humain. Il, c'est moi. C'est un arbre, je suis un arbre. Dans la forêt on me nomme Teer-Il. La branche de l'arbre des espèces à laquelle j'appartiens est le Mahua Indica, comme mes voisins Froulit et Bown-R. Nous sommes aussi appelés les Mahua Longifolia, Bassia Catifolia, Madhuca Butyracea, arbre à beure ou encore Honey tree chez les anglais, Kuligam, Mavagam, Tininam, et Mahua, Moha chez les indiens ( dans mon pays ), ou Ni et Nattilupai au Sri Lanka... Je connais beaucoup de mes voisins car nous sommes en communication permanente, communication que l'homme ignore. Pour lui nous sommes ses meubles, son papier, son carton, un outil pour faire du feu, mais un être vivant, ça non, c'est absurde ! L'homme représente une peur permanente chez l'arbre, ce qui n'empêche pas ce dernier de toujours suivre sa racine. L'homme abat beaucoup les arbres pas assez espacés les uns des autres car ils se volent la lumière solaire. Il les juge inutiles. Mais l'arbre est beau, et majestueux, et moi je pense que si quelque chose est vraiment beau, il est inutile, et s'il est utile, alors il n'est plus beau. Tout comme une amitié est perdue lorsqu'elle a besoin d'être défendue. Ou fendue. Car oui, les arbres sont amis, espacés ou rapprochés, même si le fait qu'ils soient de la même espèce fait d'eux des amis plus proches. Les hommes et les femmes fréquentent la forêt, ils y vivent et y racontent des histoires, que nous nous communiquons à notre tour entre arbres, lorsque nous nous ennuyons. Nous adorons rêvasser et échanger les derniers potins, de tout et de tous ceux qu'il y a aux dix kilomètres à la ronde. Et comme nous vivons jusqu'à des centaines d'années, nos connaissances remontent à longtemps. Moi j'ai choisi de vous raconter une histoire récente, qui est à la fois la mienne et celle d'un homme nommé Bryce Tolman. Si ça ne vous intéresse pas, refermez ce livre, mais j'espère vous avoir assez captivé pour que vos yeux continuent à parcourir ces lignes et à tourner ces pages, dont nous les arbres, sommes l'origine. Pour clore cette introduction je me dois de vous expliquer d'où me vient cette histoire ; j'estime que cela est indispensable. Au nord-est de notre forêt, le sanctuaire Sanjay-Van, se trouve une vaste ville, que l'homme appelle New-Delhi, ou simplement Delhi, à moins qu'il n'y ait les deux côte à côte. Dans cette ville, il y a des humains, et parmi eux des chasseurs. Ces chasseurs viennent souvent dans la forêt, et le récit de leurs histoires arrive de toutes parts à mes racines. Tantôt rapporté par Froulit, l'arbre voisin, d'autres fois par Bown-R, mais le plus souvent ce sont Syvel et Gol qui m'en parlent. C'est de ce dernier que je tiens l'incipit. Bryce Tolman est anglais. Son physique : Bryce est un sac de graisse et de biscottos, et il a peu de poils sur le caillou. Il vit dans une cabane à l'orée du bois. C'est un chêne de son petit jardin qui a relaté à la forêt les premiers évènements. La fenêtre de la chaumière était ouverte et de la neige se déversait lentement sur le rebord puis sur le parquet. Le vent sifflait en hurlant sa colère, à moins que ce ne soit l'écho de celle des loups. Bryce trembla à la pensée des loups, il savait que les bêtes sauvages étaient nombreuses et qu'il était seul dans son vingt mètres carrés en bois moisi. En frissonnant, il referma la fenêtre et ajouta du bois dans son feu, avant d'entamer un bon livre. Horreur ! Le premier chapitre était sur la relation entre les loups et les chacals. L'esprit du chasseur se glaça et il jeta violemment le livre au cœur du bûcher. Les flammes crépitèrent avant de profiter de leurs repas. Bryce se tourna vers les flocons qui coulaient sur sa vitre et se mit à marmonner contre lui-même entre ses dents tordues et écartées :
-Reprend-toi, mon grand. A chaque fois qu'il neige, tu perds ton sang-froid et prend racine. Tu as pour métier d'abattre des loups et tu t'y réussis, pas de raisons d'avoir peur tout à coup. Mais quel sale temps !... Tu vas te choper un microbe que ça ne m'étonnerait pas. Et avec ce sale arbre dans le jardin et ce maudit vent, tu vas encore passer une nuit blanche. Mais enfin, arrête de trembler !
Car le chêne était sensible au vent et chaque fois qu'il y en avait, ses branches frappaient et glissaient contre les carreaux en projetant des quantités de glands. Ce vacarme nocturne était épouvantable. Bryce avait songé à abattre l'arbre, avant de se rappeler qu'il n'était pas propriétaire de la cabane, seulement locataire. L'homme fronça les sourcils, il venait d'apercevoir un rapide éclair pâle passer dans le houppier en décrivant un arc de cercle et il entendait à présent des coups sourds accompagnés des gémissements de l'arbre. Bryce tourna la poignée de la fenêtre et le verre se sépara de l'encadrure en grinçant. Immédiatement, le froid pénétra dans la vieille cabane et une silhouette massive le suivit en aboyant. Bryce voulut refermer la fenêtre mais trop tard. Le loup indien était entré en poussant Bryce, qui haletait à terre, et la gueule salivait son futur repas avec impatience. Bryce recula contre la cheminée, et le monstre hésita à la vue du feu à faire un pas de plus. Mais à ce moment-là, la fenêtre claqua contre le mur, et un souffle de vent glacé étouffa le feu. Le loup avançait, Bryce était perdu. Alors qu'il allait le tuer, il tourna la tête et grogna. Un autre animal à quatre pattes avait sauté du rebord de la fenêtre, et défiait le loup en lui présentant ses crocs. Le loup fonça, mais l'autre l'esquiva avec agilité, et planta ses crocs dans la gorge du loup indien. Celui-là résista longtemps, il dodelinait de la tête en essayant de se dégager de l'emprise de son agresseur. Mais son agresseur tenait bon, et le loup accepta son destin et s'écroula dans son bain de sang. Mais moi, ça ne m'avançait à rien, j'allais être dévoré par un loup, et maintenant mon sort était entre les crocs d'un être encore plus gros et robuste.
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