③
Lou courait.
Lou courait de toutes ses forces, comme un fugitif, il courait.
Il courait, ignorant les douleurs qui meurtrissaient sa poitrine contrainte.
Il courait, ignorant le tesson de verre qui s'enfonçait cruellement dans sa cheville, emprisonné entre sa chaire et sa chaussure maintenant tachée de sang, trempée d'eau.
Il courait, ignorant les cieux qui se percèrent au dessus de lui, laissant se déverser ses torrents sur la ville.
Il avait du mal à respirer, haletait en saccades, trébuchait, glissait, manquait de chuter à chaque pas, son corps ne suivait pas.
Ses membres maigres n'avaient plus aucune énergie, l'adrénaline passée, il manqua de s'écrouler plusieurs fois.
Il ne voyait plus rien autour de lui, ne faisait plus attention ni aux passants sans visages, déformés, qui coulaient pour se mettre à l'abri et qu'il manqua plus d'une fois de renverser, ni a la pluie qui lui fouettait le visage et noyait son corps dans un amas de vêtements collants et détrempés.
Son cœur s'emballait, souffrait.
Une sueur froide roulait le long de sa colonne vertébrale, la tête lui tournait et son sang cognait à ses tempes.
Mais il voulait continuer à courir, il voulait fuir, fuir son quotidien, quitter cette vie comme il l'avait déjà fait, quelques mois plus tôt.
C'était un jour de printemps, il rentrait de son établissement scolaire de l'époque quand il l'avait décidé.
Comme ça, calmement, sans aucun élément déclencheur, il avait décidé de ne pas faire un pas de plus dans la direction de l'appartement.
Alors, il s'était arrêté, et avait fait demi tour.
Tout naturellement.
Durant quatre jours, il avait passé son temps à arpenter la ville au hasard, à voler pour survivre.
Voler, c'était une des rares choses qu'il savait faire correctement.
C'est dans une ruelle salle que l'avait retrouvé son deuxième frère.
Lou discutait avec une mère-chat qui venait de perdre sa portée.
Cinq petits corps gelés.
Lou lui parlait de tout et de rien, du monde et de sa cruauté, qu'il aurait bien voulu offrir une tombe plus correcte aux chatons, au lieu de les abandonner aux pieds des sacs poubelles à attendre qu'ils se fassent démembrer par des corbeaux, ou bien des chiens errants.
M
ais son frère l'avait coupé dans ses explications et l'avait ramené chez lui, s'effrayant des multitudes de plaies qui couvraient son corps.
Il l'avait suivi sans protestations.
Il n'était ensuite pas parvenu à revoir la mère-chat endeuillée, malgré qu'il soit retourné là où ils s'étaient rencontrés de multiples fois. Peut-être était-elle morte, elle aussi.
Fin de l'histoire.
Lou arriva enfin, après ce qui lui sembla une éternité ou une poignée de secondes, sur le palier de l'immeuble où habitaient les McCann.
Il sonna à l'interphone, exténué, pantelant, transpirant, chaque goulée d'air passait douloureusement dans ses poumons qui peinaient à se soulever.
Le monde autour de lui se déformait, n'était plus tangible, il semblait danser, ignorant les lois de la physique.
S
on corps entier le brûlait, comme des milliers d'épines planté à l'intérieur même de ses organes.
Déchiré de l'intérieur.
Comme une tonne de plomb pesant sur son torse.
Écrasé de l'extérieur.
Il tenait à peine debout.
Il n'entendait plus que son sang qui battait sourdement au creux de ses oreilles.
Il n'arrivait plus à respirer.
Ce fut Selly qui répondit de sa voix monocorde et traînante, après une poignée de secondes qui lui semblèrent interminables.
- C'est pour quoi ?
- Selly. A-Appelle les secours, chez-moi.
Il resta un moment interdit. Pourquoi était-il là ? Il ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était dirigé chez son amie.
Et il ne savait encore moins pourquoi il lui avait adressé cette requête. A vrai dire, il n'avait pas pensé une seule seconde a l'état de Walter, et encore moins à lui porter secours.
Il était venu chez elle inconsciemment, son corps l'y avait guidé, comme si il avait décidé de prendre, pour une fois, soin de cette âme qui l'habitait.
De la même façon, sa voix avait jaillit pour aider la seule personne qu'il détestait de tout son cœur.
- Lou ? C'est quoi ce délire ?
Il ne répondit pas.
S'écroula sur le palier.
Il ne remarqua même pas que ses jambes avaient flanché.
Il était déjà parti dans les méandres de l'inconscience.
Il laissa la jeune fille seule au bout du fil, qui s'inquiétait dans le vide.
Son corps torturé qui avait réussi a bâtir une force désespérée était arrivé à sa limite.
Il avait rendu le contrôle.
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