Juliette gagna la salle d'eau et se laissa glisser dans la baignoire. L'eau chaude lui faisait du bien et lui permettait de se décontracter. Nul doute qu'elle appréciait grandement ce moment. Cependant, si elle avait traîné des pieds, c'est qu'elle avait d'autres choses à faire. Mais autant profiter de l'instant présent. En même temps, elle réfléchissait à la conversation mouvementée qu'elle venait d'avoir avec sa mère. Son initiative ne lui plaisait donc pas ? Elle ne tenait donc qu'au fait que sa fille paraisse "présentable" ? Juliette en était d'autant plus offusquée que sa mère elle-même n'apparaissait guère comme une personne convenable avec ses habits usés et salis, et sa coiffure toujours en désordre. Elle aurait peut-être dû lui en faire la remarque, mais elle ne tenait pas à l'énerver car quand elle se mettait en colère, ce n'était pas de la rigolade !

Elle ne pouvait pas non plus lui en vouloir. Sa mère n'avait pas eu une vie facile et avait dû se forger un caractère en acier. Le père de Juliette, dont cette dernière ne voulait pas entendre parler, n'était qu'un homme ignoble. Il disait aimer sa mère plus que toutes les merveilles du monde réunies, mais quand il a pris connaissance de sa grossesse inattendue, il l'a lâchement abandonnée, sans pitié, seulement en pensant à sa petite personne. Il ne voulait pas se compliquer la vie avec un bébé à s'occuper. Juliette lui en voulait. En apprenant la raison pour laquelle elle n'avait pas de père, elle avait tant haï cet homme qu'elle n'avait même pas voulu connaître son nom. À quoi cela lui aurait-il servi ? À rien. Elle en était persuadée. Elle avait essayé de sonder sa mère mais elle n'avait vu aucune once de tristesse, de culpabilité ou de regret. Juste une haine mesurée envers cet incapable, et une détermination inébranlable. Juliette était fière d'être la fille de cette femme forte, même si vivre ensembles n'était pas toujours facile, à cause du travail qui prenait tout le temps de sa mère et la rendait assez nerveuse, tandis que Juliette faisait de son mieux pour survivre aux cours du collège et à l'ambiance souvent pénible de leur foyer.

Juliette pensait justement au collège. Avec ses cheveux roux et ses lunettes rondes, elle ne passait pas inaperçue. À vrai dire, on la comparait aux intellos de la classe, ceux qui se vantaient toujours d'être les meilleurs. Pourtant, elle était loin de leur ressembler. Assez timide, elle tentait, vainement, de se faire discrète, et ses notes étaient plutôt moyennes. Elle se démenait pourtant pour réviser et apprendre ses leçons. Malheureusement, elle avait quelques difficultés à comprendre et à mémoriser ses cours. Elle faisait quand même de son mieux, et espérait ne pas décevoir sa mère. S'il y avait bien une chose qu'elle lui avait appris, c'était qu'il ne fallait jamais abandonner, quelles que soient les épreuves à endurer. La persévérance était la clé du succès, d'après elle.

Et Juliette comptait bien appliquer ces conseils. Elle ne le savait pas encore, mais elle aurait bientôt besoin de suivre ces recommandations.