Chapitre 36: Illégitimité
Illégitimité : se réfère à l'état ou à la qualité de ce qui est illégitime, c'est-à-dire qui ne répond pas aux normes, aux lois ou aux critères établis pour être considéré comme légitime ou valide. Cela peut s'appliquer à différents domaines, tels que la politique, le droit, les relations familiales, etc.
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PDV Extérieur
Les mots.
Les mots et leurs significations.
Les mots et leur impact.
Les gens disent, les autres entendent.
Les autres écoutent. Les autres interprètent.
Ils interprètent ce qu'ils veulent alors qu'ils n'ont pas toujours écouté, ils ont simplement entendu.
Et ce qu'ils entendent peut vite devenir un problème, surtout si les mots prononcés pointent une faiblesse, une douleur, un manque de confiance ou un mensonge.
Taehyung avait récupéré son sac de sport alors que le cours n'était pas fini. Il était seulement vêtu d'un ensemble Nike, un tee-shirt et un short.
Il n'était pas vêtu pour la saison. Il faisait froid et il pleurait. Et quelle importance ça avait quand les mots qu'il avait entendu avait touché à son amour propre, quand ces mots lui avaient redonné envie de manger et de vomir après.
Quand ces mots lui avaient rappelé qu'il n'était pas fort. Qu'il se sentait fort mais qu'il ne l'était pas finalement.
Son père ne devait le récupérer que dans une heure. Jungkook et lui.
Mais Taehyung ne pensait pas vraiment, il voulait seulement s'empêcher d'être faible. Alors, il avait longé la rue vide qui menait à la voie principale, en ville.
Il s'était foutu des regards outrés, ou même inquiets dû à son apparence ou à son corps si peu vêtu.
« Tae!! »
Jimin avait réussi à le rattraper et quand Taehyung s'était retourné, ses larmes avaient doublé d'intensité. Il respirait si fort que la brume s'imageait dans l'air.
Jungkook avait couru pour le rattraper avec ses amis mais Jimin était arrivé avant.
« Pourquoi !!? », Taehyung avait crié de frustration, de colère, de honte et de haine.
Jimin ne comprenait pas, il ne comprendrait peut-être jamais. Il savait seulement que ça faisait mal. Que ça avait fait mal trop longtemps et que ça ne s'arrêtait toujours pas.
Que Taehyung avait mal et que ce n'était pas aussi simple que ça. Qu'il ne pourrait pas le soulager de cette douleur, c'était à Taehyung de s'en débarrasser.
Seul.
Les mots. Soit ils blessent, soit ils construisent.
Les mots ont plus de pouvoir que la lame d'un couteau.
Les mots sont un fléau, une arme parfois utile.
« Pourquoi les gens se sentent obligés de le dire? Pourquoi faut-il que ce soit toujours moi que l'on pointe du doigt? »
Jimin n'avait pas la réponse ou peut-être que si, mais est-ce que Taehyung serait en mesure d'admettre que les mots de bonheur succèdent parfois ceux de malheur?
Admettrait-il, et ce seulement parce que Jimin le lui avait dit, que s'il attirait autant de malheur c'est parce que les gens enviaient ce pour quoi lui même était aveugle?
Taehyung, accepterait-il un jour l'idée qu'il était une personne enviable, belle à l'intérieur comme à l'extérieur ?
Était-ce si difficile d'y croire?
Peut-être que oui, mais ce ne serait pas pour aujourd'hui, il n'y croirait pas maintenant et ne voudrait peut-être même pas l'entendre.
Parce qu'aujourd'hui encore, les mots et la signification qu'il s'en faisait l'avaient blessé.
« Ils sont jaloux c'est tout, je te le promets Tae. Ils t'envient et se sentent obligés d'être méchants pour te briser »
Le visage de Taehyung s'était déformé dans une expression de profonde tristesse parce que les mots de Jimin ne suffisaient pas, les mots de Jimin n'avaient pas eu de signification pour lui.
Il avait entendu mais pas écouté. Il ne voulait pas écouté.
C'est pour ça qu'il avait couru, il avait couru parce que quand les mots ne le disent pas, les expressions, surtout les plus silencieuses peuvent suffire à traduire l'intention du cœur.
Il avait couru, vite, très vite, laissant tomber son sac qui contenait téléphone, affaires personnelles et autre. Il s'était enfoncé dans le bois en traversant la route sans regarder.
Il avait fait preuve de négligence, d'indifférence parce qu'il s'autorisait à avoir mal. Il ne voulait pas faire semblant, prendre sur lui, il voulait sentir ses émotions prendre le dessus.
Il avait oublié sa responsabilité de parent, de petit-ami, d'ami. Il n'était plus que lui-même, lui face à un flot d'émotions qui le brûlait de l'intérieur.
Jimin ne l'avait pas suivi.
Jungkook non plus et les autres avaient finalement réussi à les atteindre.
« Qu'est-ce qu'il a dit? »
Jungkook ressentait de plus en plus de colère. À mesure qu'il vivait à Ilsan. À mesure qu'il regrettait sa présence, leurs présences ici.
Jimin se retourna.
Il se retourna avec rage parce que quand l'humain se sent incapable, accablé et impuissant, il cherche un accusateur.
Ça en devient plus facile à supporter, on se sent moins pitoyable parce que c'est la faute d'aucun.
Et l'homme oublie que les mots signifient quelque chose que son interlocuteur peut ne pas oublier. Jamais.
« Ils ont !! Ils Jungkook, avec un s. Ils ont dit qu'il était gros, que ses cuisses dépassaient de son short et que sa poitrine se voyait. Ils ont dit que ce cours n'était pas fait pour lui et ils ont parlé au nom de tous les gros parce qu'ils sont plus illégitimes que les autres de faire des activités qu'on n'a pas le droit de leur refuser. Ils ont chuchoté et ensuite, ils ont jugé utile de se faire entendre. Il a été fort, il a fait comme s'il ne se passait rien, comme si ces connards ne se gênaient pas de mentionner son prénom dans leur discussion. Le problème, c'est que Taehyung n'est pas gros et même s'il l'était, ça ne donne à personne le droit de lui dicter sa conduite. Pour tout arranger, Hiro lui a demandé pourquoi il avait une cicatrice aussi voyante sur son 'gros ventre' »
Les mots sont dit avec un ton, une intonation qui peut traduire le sentiment avec lequel s'exprime notre interlocuteur.
Les mots sont dits avec des expressions faciales qui peuvent aider à déterminer le niveau de conviction avec lequel ils sont exprimés.
Jimin avait les deux. L'intonation et l'expression faciale.
Comme s'il vivait ce qu'il disait.
Comme si un jour, ce gros, ça avait été lui.
Impuissant et ne sachant pas où chercher, Jungkook était resté perdu dans cette rue.
Perdu et en colère.
« ... »
Beom-Seok était doué pour de nombreux sports.
Comme Jeon Jungkook.
Ils aimaient le football, le tennis, les sports de combat, la natation.
Mais rien n'égalait son amour pour le football Américain et le baseball.
Il n'y avait pas d'équipe junior pour le baseball, rien qui puisse le propulser à l'université. Mais le football Américain, avec ça il avait une chance.
Une chance que Jeon Jungkook venait mettre à rude épreuve.
Il n'était pas aussi bon que lui en classe, Beom-Seok était un élève moyen, se contentant du minimum pour passer en classe supérieure et valider ses acquis.
Et si Beom-Seok avait été honnête, il se serait avoué que seuls ses résultats scolaires constituaient un véritable frein à sa carrière.
Les joueurs devaient avoir un certain nombre de points pour pouvoir être accepté à la fac et sur ce point, Jungkook n'était certainement pas le problème.
Mais il était trop fier. Et il ne se méfiait même pas de la façon dont le besoin d'être pris prenait de la place. Le besoin d'être vu, félicité, reconnu.
Ça le dévorait de l'intérieur, il voulait vivre de cette manière. Avec la reconnaissance et les bons vœux, il voulait que l'on s'arrache sa personne.
Il s'autolâtrait et ne s'en rendait même pas compte.
Sûrement parce qu'il ne savait pas la signification de ce mot.
L'ancien quarterback aimait s'exercer en plein air avec sa machine à balles qu'il avait reçu en cadeau de son père.
Un vieil acariâtre n'exprimant sa minuscule paternité que par le biais des prétendus actes de bravoure de son fils.
Avec sa batte, il renvoyait la balle au loin, dans une clairière dégagée spécialement pour lui et son majordome se dépêchait de repêcher tout son matériel à travers les bois.
Ce sont des sanglots qui l'avaient alerté, une situation qui normalement paraîtrait triste mais qui chez lui, réveillait des instincts auxquels il voulait répondre.
Une envie de revendiquer un pouvoir qu'il se sentait avoir sur un petit être qui ne s'empêchait pas de montrer sa faiblesse.
Taehyung suscitait chez Beom-Seok un sadisme, un plaisir outrageux à lui faire du mal, comme un besoin mal exprimé qui dissimulait sans aucun doute autre chose.
Quelque chose qu'il n'était pas prêt à assumer.
« Qui vois-je? Ne serait-ce pas mon donneur de leçon préféré ? »
Taehyung était tombé sur ses genoux, il était sale, frileux et les yeux rougis par les larmes. Ses jambes ne le portaient plus tellement il avait marché.
« B-beom-Seok? J-je suis perdu, tu peux m'aider s'il te plaît, mes parents doivent être si inquiets et ma petite fille elle- »
« Est-ce que tu es en train de me supplier? »
L'ancien quarterback s'accroupit pour se retrouver à sa hauteur. Taehyung tremblait, il avait froid, peur et il regrettait d'être parti comme ça.
« Pauvre petite chose »
Beom-Seok parla en posant ses doigts sur le menton du plus jeune, pour redresser son visage.
L'animosité était addictive pour lui. Dans son cas, la colère avait quelque chose de si plaisant, de si bien ingéré qu'il trouvait dommage de ne pas l'exprimer ouvertement.
« John j'ai fini, ramenez le matériel à la voiture et ne revenez pas, je vais m'occuper du petit »
Le majordome se retourna conscient des penchants inhumains de son jeune maître, il effectua le signe de croix en fixant le ciel bientôt entièrement noirci.
Pendant ce temps, un véritable tapage se faisait au commissariat central d'Ilsan.
« Il s'appelle Kim Taehyung, bientôt 16 ans, il portait- »
Jungkook essaye de parler sans trembler, il a déjà passé des heures à chercher et la peur ne cesse de grimper. Il ne peut pas l'expliquer, mais il n'est pas lui-même. Son cœur bat trop vite, et les idées dans sa tête se mélangent.
Ses parents, ceux de Taehyung et même ses amis sont là.
« Il porte!! », Noah crie, coupant Jungkook dans sa lancée
« Ne parle pas au passé, mon fils porte un ensemble nike, un haut blanc et un short noir, il fait 1m76 voici ce qu'on nous a rapporté, ce sont ses affaires », Noah s'emporte
« Il - il n'est pas couvert, il n'a même pas sa veste- il- il a les cheveux bruns foncés et un bijou en argent avec la lettre A. Il est fragile s'il vous plaît », Haneul continue en se retenant de pleurer.
L'officier tente de les calmer en leur faisant comprendre qu'une disparition ne peut être déclarée qu'une fois les 48 heures passées. Katsumi sort de ses gonds mais même là, ce n'est pas suffisant.
« Argh!! », Jungkook tombe sur ses genoux.
Il perd l'équilibre et tombe d'abord sur ses genoux puis tout son corps finit par atteindre les carreaux froids.
Il crie à nouveau en se tenant les côtes, ses yeux rougissent et se remplissent de larmes. Il hurle si fort, et personne ne comprend ce qui se passe. Jungkook est comme pris de frénésie, il parait incohérent, douloureux, évasif.
« Jungkook, oh mon dieu, mon bébé qu'est-ce qu'il y a ? »
Jungkook crie encore en tenant son épaule comme s'il venait de recevoir un coup violent à cet endroit. Les autres entendent le son profond d'un craquement quand-
« Aaargh m-maman j'ai mal- je mam- maman !! »
Katsumi essaie de soulager son enfant mais rien n'y fait, elle ne sait pas où agir.
La scène est incompréhensible, irréaliste. Ils cherchent tous à l'aider mais ils ne voient rien, d'où est-ce que ça peut venir.
Et quand le regard de Katsumi rencontre celui de Seo-Jun puis de Jimin, ils comprennent.
Ils comprennent ce que vit Taehyung en ce moment même.
Jungkook tombe dans un état d'inconscience et l'affolement qui gagne le groupe ne se dissout pas.
Au contraire.
La tension grimpe.
« ... »
« Et un autre »
Taehyung reçoit la batte directement contre son ventre.
Cette fois, il ne tait pas la douleur. Il crache du sang et crie avec le peu de force qu'il lui reste.
« J-je t'en supplie- j-j'ai un enfant - u-une fille qui doit sûrement quémander ma présence en ce mom- »
Taehyung ne finit pas sa phrase qu'il reçoit un coup sur son visage déjà tuméfié. Beom-Seok se retient à peine de fracasser sa batte sur sa tête.
« Si seulement tu étais resté dans ton coin perdu... Je te préviens, j'ai quelque chose sur Jungkook, une vérité qui éclatera si jamais tu oses révéler qui t'a fait ça. Encore faudrait-il qu'on te retrouve. À plus ! »
L'ancien quarterback essuie sa batte ensanglantée sur des feuilles mortes avant de rebrousser chemin.
Taehyung tombe finalement sur le sol, la douleur est si insoutenable qu'il a l'impression de ne plus rien sentir.
Il lève la main en l'air et il sourit, il rit comme s'il était devenu fou.
Son corps entier évoque la souffrance. La manifestation physique des mots, leurs conséquences l'auront mené ici.
A cette mort qu'il s'est souhaité il ne sait combien de fois.
La forme de la lune lui rappelle vaguement le visage de sa fille à la naissance.
Et Taehyung se dit que finalement, il n'aura pas totalement raté sa vie.
Il en aura engendré une et qu'il l'aura laissé entre les mains de personnes formidables.
Il fait probablement une hémorragie interne, peut-être pas, c'est juste que son cerveau trop renseigné tente de le garder éveillé en évoquant toutes les raisons qu'il aurait de mourir maintenant.
Il pense aussi à l'amour qu'il porte à sa fille, il se rend compte qu'il ne peut même pas quantifier à quel point il l'aime.
Et c'est en acceptant la possibilité qu'il n'ait plus jamais l'opportunité d'ouvrir ses yeux qu'il les ferme, se laissant porter par cette profondeur intérieure et vide.
« J-Je crois que- je crois que je t'aime bien Jeon Jungkook »
[...]
Vous êtes punis, je ne publie pas demain.
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