Sunset Season
C'était pathétique, cette façon qu'avait Lee Minho de se vanter de son petit-ami à tous les coins du campus. Il était pitoyable. Cette façon de surfaire les choses, de traîner son copain par-ci, par-là, de ne pas le lâcher d'une semelle. Et "mon copain par-ci", et "mon mec" par là, Han Jisung en avait ras le bol.
Il vouait un mépris sans fin à cet homme. Peut-être que c'en était devenu malsain de le dédaigner autant, mais son comportement l'énervait. La raison pour laquelle il l'exécrait à ce point était bien simple, puisque c'était de sa faute. Ils étaient sortis ensemble quelques mois, avec Minho. C'était terrible, parce qu'ils avaient filé le parfait amour jusqu'à ce soir de juillet. Ce fameux soir où Minho était si torché qu'il tenait à peine droit, celui où il avait filé avec la première fille venue dans une chambre à l'étage. C'était cette fameuse soirée où son copain avait refusé de venir parce qu'il devait réviser pour ses derniers examens, celle-là même.
Ca avait fait pas mal de bruit le lendemain. Jisung n'avait pas voulu y croire, il avait confiance en son copain. Il le pensait incapable de lui faire du mal délibérément, et pourtant. Lorsqu'il était arrivé à sa table le midi, il n'avait même pas essayé de cacher la marque violacée qui ornait son cou. Jisung n'était même pas sûr qu'il l'ait remarqué lui-même avant la dispute qui avait suivi. Minho avait essayé de s'excuser, mais en vain. Le plus petit l'avait envoyé chier, il n'avait même pas perdu son temps avec des explications. Il était parti sans regarder derrière lui. S'il l'avait fait, il aurait sûrement vu Minho fondre en larmes à l'idée de l'avoir perdu. Il l'aurait vu se maudire d'avoir été trop bourré pour penser décemment, d'être allé se vider les couilles chez une parfaite inconnue dont il se rappelait ni le nom, ni le visage parce qu'en plus, il n'avait même pas apprécié.
Il avait passé des mois à se morfondre, Jisung. Il pensait avoir perdu son temps avec le plus âgé. S'il n'était pas capable de se retenir de sauter sur la première personne qui le voulait dans son lit, alors ils n'avaient rien à faire ensemble. Jisung détestait la tromperie, parce qu'une fois le pas franchi qu'est-ce qui pouvait empêcher le second ? Non, il était persuadé que s'il pardonnait ça une fois, il pardonnerait encore dans le futur et c'était hors de question. Peu importe s'il y avait une excuse, cela n'aurait jamais dû arriver en premier lieu. Il refusait de devenir une victime ou, encore pire, passif à la tromperie de son partenaire.
Depuis, il s'en était remis, il était allé de l'avant. Ce qui n'était pas le cas de tout le monde apparemment. Minho, lui, avait un nouveau copain. Enfin, nouveau... Son copain actuel n'avait l'air de rien de plus qu'un accessoire, un animal de compagnie qu'il promenait un peu partout. Ce qui énervait le plus Jisung, c'était leur ressemblance. C'était si flagrant que s'en devenait choquant. Au départ, les autres étudiants avaient pensé que Minho et Jisung s'étaient remis ensemble. C'était comme ça que Jisung l'avait appris, quelqu'un était venu le féliciter pour s'être rabiboché avec le plus grand, hors, il n'en était rien. Si la plupart des étudiants l'avaient remarqué, alors Minho aussi l'avait fait. Jisung avait pu le constater par lui-même et ça le mettait hors de lui. C'était juste une pâle copie de lui-même.
Au début, c'était cocasse parce que la ressemblance était frappante. Mais quand il avait été assez clair que leur relation était plus ou moins sérieuse, il avait vu rouge. C'était inconcevable pour lui que Minho regarde son copain sans penser à lui. Et puis son copain n'avait-il pas compris ? N'en avait-il donc rien à faire de jouer les pansements ? Il ne pouvait pas être aussi naïf, c'était impossible. Comment ce couple pouvait se regarder dans le miroir, comment pouvaient-ils se regarder dans les yeux sans éprouver une once de dégoût l'un pour l'autre ?
Le pire dans tout ça, c'était d'assister à leur échange buccaux au quatre coins de la fac. Dans ces moments-là Jisung ne pouvait faire autrement que de détourner le regard. C'était plus fort que lui, il le haïssait encore plus de jour en jour. Voir Minho le prendre par la taille de l'exacte même façon qu'il le tenait le répugnait, il devrait en avoir honte. Si les autres en avaient simplement décrété que le plus âgé avait juste un type d'homme particulier, Jisung savait que ce n'était pas la raison. S'il n'avait pas déconné, Minho aurait pu le tenir dans ses bras en ce moment même. Le vrai lui, et non cette vulgaire reproduction sans saveur.
Maintenant, Jisung pouvait enfin dire qu'il comprenait la phrase populaire "toujours copié, jamais égalé". Il voyait bien dans les yeux de son ex petit-ami, quand il regardait cette copie carbone, qu'il n'y avait plus ce même éclat. D'un côté il s'en réjouissait, puisqu'il ne supportait pas cette idée d'être remplacé par un clone sans âme, mais de l'autre ça lui faisait de la peine car il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.
Il était persuadé que le plus grand pensait à lui chaque fois qu'il plongeait son regard dans ceux de son nouveau prétendant. Il savait que lorsqu'il souriait, Jisung était la seule chose qui traversait l'esprit du plus vieux. Il lui avait dit et redit, répété des centaines de milliers de fois à quel point il était amoureux de son sourire. A présent, ses cheveux étaient d'un blond cendré, mais il savait que ce nouveau Jules n'était là que parce qu'il ressemblait physiquement au Jisung dont le plus grand était tombé amoureux. Il le savait. L'autre pourrait bien essayer de dire le contraire, ou au moins tenter de s'en convaincre, mais le plus jeune l'avait bien compris : il n'était qu'un sosie, une coquille vide dont l'enveloppe charnelle lui rappelait celui qu'il aimait vraiment.
Celui qu'il aimait, mais qu'il n'avait pas pu s'empêcher de tromper. Jisung jura lorsque quelqu'un le bouscula en perdant l'équilibre, faisant rouler sa pomme à moitié mangée sur le sol. Rien que pour ça, il aurait souhaité que cet imbécile tombe réellement.
-Jaehwa ! Est-ce que ça va ? Tu t'es pas fait mal ?
Rien que sa voix toute mielleuse lui donnait des frissons. Au moins, son prénom n'était pas similaire au sien. Jisung ne retint pas un rictus lorsqu'il vit que ledit Jaehwa aussi avait un grain de beauté sur le visage, mais sur l'autre joue. C'en était trop, Minho avait vraiment dû chercher une réplique bon marché. Il ne s'était même pas défendu quand, avant même de voir qui c'était, Jisung lui avait balancé un juron. Pourtant, et il le savait, ce n'était pas Jaewha qui était en faute ici mais bien lui, qui s'était arrêté en plein milieu des escaliers.
-C'est vrai qu'il me ressemble beaucoup, ton mec, lança-il à Minho en ignorant complètement l'autre personne entre eux. Minho lui avait décoché un regard mi furieux, mi triste.
-Faut croire que j'ai un style de mec, il avait simplement répondu.
-C'est dingue quand même, on pourrait croire que t'as fait passer une audition pour trouver la parfaite copie. Dommage qu'il ait pas la personnalité qui va avec.
Minho avait dit à son copain que ce n'était rien et qu'il devrait y aller s'il ne voulait pas être en retard, ce à quoi il avait acquiescé avant de détaler. Sincèrement ? Jisung avait laissé échapper un rire moqueur.
-Il est vachement bien dressé.
-C'est quoi ton problème à la fin ? Minho avait l'air déjà épuisé. Je t'ai foutu la paix quand tu m'as dit que tu voulais plus me voir, alors laisse moi faire ma vie aussi de mon côté.
-Je suis censé te laisser faire ta vie alors que tu sors avec un mec que t'aimes même pas juste parce qu'il te fait penser à moi ? L'aîné ouvrit la bouche pour protester mais n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit. Tu peux même pas le nier, tout le monde le sait.
-T'es qui pour dire ça ? T'as aucun droit d'assumer des choses comme ça, je l'aime vraiment et ça va au-dessus de son apparence.
Le brun était sur les nerfs. Il parlait plus vite que d'ordinaire, preuve que Jisung tapait juste. Il le connaissait trop bien, lui et ses réactions.
-Tu l'aimes vraiment, tu dis ? Personne n'y croit, Minho. Alors tu vas oser me dire que c'est pas à moi que tu penses quand tu le regarde dans les yeux ? Que c'est pas moi que t'aimerais avoir dans les bras quand tu serres sa taille de la même façon que tu le faisais avec moi ? Il fit une pause, et aucun des deux ne parlait plus. Ose me dire que cette expression que t'as quand t'es avec lui a le même sens que l'étincelle qui dansait dans tes yeux quand tu me regardais. Peu importe à quel point tu essaies de le cacher, moi je le vois.
Il avait prononcé cette dernière phrase d'une manière si douce qu'on aurait presque pu la traduire par de la douleur. Le court silence qui s'était imposé était pesant. En lui planaient tous les non-dits, les sous-entendus et les je t'aime qu'ils n'avaient jamais eu le temps de se dire.
-J'avance. Je m'efforce de passer à autre chose alors fais-en de même, Jisung, avait-il prononcé d'un ton froid. T'as aucun droit d'être jaloux, t'as fait ton choix.
-Un choix ? J'ai pas choisi tout ça.
-Pas plus que moi.
-Peut-être que oui, après tout, je suis jaloux. Parce que j'admet que parfois, il m'arrive encore de penser à toi, la nuit. Peut-être même toutes les nuits. Les larmes montaient, des larmes plus enragées que tristes. Des larmes qu'il ne laisserait pas Minho voir. Il ne le laisserait pas avoir raison. Le dernier mot serait sien. Moi aussi, j'aurais aimé te trouver une réplique, une qui aurait tes erreurs en moins. Une qui n'ait pas abusé de ma confiance pour me la rendre en miettes.
-Parfait. Tu veux entendre à quel point je m'en suis voulu ? A quel point je me suis détesté ? Parce que, bordel, j'étais plus rien sans toi. T'es parti en m'arrachant une partie de moi dont j'avais besoin pour fonctionner. J'avais besoin de toi, Jisung. Tu peux pas savoir à quel point je me suis maudit pour tout ça, à quel point je me maudis encore. Lui ne cachait pas la larme qui perlait au coin de son œil. Mais maintenant c'est trop tard pour nous, je l'ai compris. Je respecte ton choix, alors, je t'en supplie, me complique pas la tâche.
Sur ce, il s'en était allé dans le même sens qu'il était arrivé, d'un pas furieux. Jisung restait pantois, toujours au beau milieu des escaliers. Il porta une main à son cœur, qui s'emballait.
-Moi aussi, j'avais besoin de toi...
Ils ne pouvaient pas effacer le passé, défaire ce qui a été fait. Réécrire l'histoire ne faisait pas partie de leurs projets, mais à présent plus aucun doute n'était possible. Ils en avaient fini l'un avec l'autre. Ils pouvaient bien le cacher, mais ils ne pouvaient pas effacer l'autre de leur esprit parce qu'ils l'occupaient depuis le premier jour. Il n'y avait eu aucune compétition, ils le savaient : ils avaient gagné une chose inestimable et ils avaient tout foutu en l'air.
Qu'est-ce qu'il pouvait être agaçant, Lee Minho, de ne pas vouloir quitterses pensées.
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