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Chapitre 22

[Et voici la version achevée du dessin en espérant qu'il vous plaira. La douceur de ses traits lui ressemble et j'en suis plutôt contente :)

/!\ Le chapitre qui suit comprend une scène à caractère sexuel. Soyez-en avertis avant de vous aventurer plus loin]

Lyssandre toqua deux coups à la porte de la chambre. Située sur le flanc nord de Yersach, l'exposition était l'une des pires que proposait le château. N'importe quelle chambre, même la plus miteuse, restait préférable aux cachots de la forteresse. Des compartiments qui emmuraient presque vivants les prisonniers tant il semblait rare qu'ils en sortent vivants.

Sans que la réponse ne lui parvienne, Lyssandre ouvrit la porte. Il ne pouvait plus attendre et les battements de son cœur emballé imitaient l'écho d'une course folle. La nuit était avancée et le prince venait à peine d'échapper à la discussion de rigueur que Tryarn lui avait imposée. Il y avait une autre conversation qu'il brûlait d'alimenter.

Cassien avait ignoré les coups portés au battant. Lyssandre le surprit en train de verser de l'eau de son bras intact dans la grande bassine en étain. Il finit d'en remplir le contenu avant d'adresser au visiteur un regard furtif. L'ombre d'un regard qui contraria profondément Lyssandre.

— Vous êtes libre, chevalier, lui annonça-t-il, d'une voix désintéressée.

Cassien porta la bassine jusqu'à la table de chevet et s'assit sur le lit sans répondre. La manœuvre, ce silence qui sonnait comme la plus insupportable des provocations, conforta Lyssandre dans ses soupçons. Qu'avait-il fait pour mériter un tel mépris ? Il avait le sentiment de retourner huit mois en arrière, lorsque le poids de la couronne pesait sur son crâne comme un châtiment, lorsque Cassien s'était réduit à sa fonction pour taire son identité.

À quoi se réduisait-il cette fois ? Au rôle qu'on lui prêtait et qu'il était trop las pour nier ? Lyssandre avait envie de tempêter, une rage folle embrasait ses entrailles, une rage qu'il avait récoltée au cours des mois écoulés, des silences rencontrés, et de la solitude endurée. Les rôles auraient dû s'inverser. Cassien aurait dû quémander l'attention de son prince, son pardon, et non l'inverse.

— Je présume que je vous dois cette magnanimité.

— Tryarn ne m'accorde pas autant de confiance.

— Il a renoncé à me tuer.

— Pour l'instant !

Cassien ne paraissait pas s'en épouvanter. Lyssandre suivit ses gestes lents et calculés. Il remonta la manche de son vêtement pour découvrir la plaie dont le sang avait partiellement coagulé. Il poissait les pourtours de la plaie dont les bords étaient nets. Le chevalier s'était infligé une blessure propre, mais profonde.

— Pourquoi ? lâcha Lyssandre, à mi-voix.

Cassien cilla, mais ne répondit rien. Il examinait lui aussi la blessure et s'apprêtait à se donner les premiers soins. Les hématomes qui violaçaient ses joues, ceux qui se fondaient dans l'ombre de sa mâchoire, son corps entier supposait des épreuves dont Lyssandre n'avait pas la plus petite idée.

Il le rejoignit en quelques enjambées et se planta devant lui. Il réitéra, avec plus d'assurance :

— Pourquoi ?

— Vous êtes venu pour des réponses.

— Et vous allez me les donner !

— Êtes-vous sûr que vous désirez les entendre ?

— Je suis prêt à tout entendre si les réponses m'épargnent l'ignorance que vous m'avez imposée pendant deux mois ! Je... Je ne sais pas ce que vous avez fait, ni pourquoi, mais il y a une raison. Il y a une raison derrière vos actes et je veux l'entendre. Vous me la devez après m'avoir abandonné, après m'avoir laissé croire qu'il ne me restait plus rien !

— Vous m'avez cru ? demanda Cassien, sans le regarder.

— Bien sûr que je vous ai cru ! Après votre prouesse au palais, il a fallu que vous vous illustriez au Ciamon ! Quand vous m'écrasiez sous votre poids, lorsque vous me brutalisiez sans même sourciller, comme si nous étions que des inconnus, j'ai pensé que vous m'aviez trompé vous aussi. Vous ne comprenez pas, cela vous semble ridicule, sans doute, mais vous m'avez asséné le coup de grâce. De tous les coups que j'ai reçus, de toutes les épreuves, de tous les revers, celui adressé de votre main a été le plus douloureux. Personne ne m'avait jamais autant blessé, chevalier !

Cassien soupira. Il y avait de la lassitude dans la courbure de son dos, moins de rigueur dans son attitude. Il était encore raide, mais au moins son attitude trahissait-elle une émotion. Une mosaïque de sentiments dont les couleurs se chevauchaient sans s'accorder de sens.

Il se redressa soudain pour planter son regard dans celui de Lyssandre et lâcher, du bout des lèvres :

— Vous n'aviez plus besoin d'un héros, mais d'une raison de vous battre. La perte de Loajess aurait pu vous rendre fou après tout ce que vous lui aviez sacrifié. Je vous ai aidé à ne pas perdre la raison. Vous aviez besoin d'une personne à haïr de toute votre âme pour résister, c'est ainsi que les hommes fonctionnent, et j'ai choisi de remplir ce rôle ingrat.

Lyssandre leva la tête, la bouche entrouverte sur une exclamation qui ne monta pas jusqu'à elle.

— Vous... m'avez laissé croire en votre trahison. Non... Vous avez tout mis en œuvre pour la rendre crédible afin que je vous haïsse...

— Et vous avez survécu. Mieux que si vous me saviez à votre recherche. Vous avez survécu par vous-même, seul.

Le poing de Lyssandre tremblait. Il attrapa la bassine par son bord et en déversa le contenu sur le visage de Cassien.

— Vous ne m'avez pas sauvé, chevalier, vous m'avez imposé l'errance en espérant que j'y survive ! J'aurais pu mourir mille fois, j'aurais pu...

Lyssandre se détourna. Il ne voulait pas offrir au chevalier le spectacle de son désarroi. Il avait intériorisé des mois durant, sans réussir à mettre des mois sur les émotions qui plantaient ses griffes de son cœur à son âme en passant par sa chair. Bouleversé par le désir de déballer chacune d'elles pour prouver à cet homme combien son initiative était condamnable, il s'imposa le silence. Il avait besoin d'entendre les raisons de Cassien, d'écouter le récit des derniers mois.

— Dites-moi ce qu'il s'est passé. Vous n'êtes pas bavard, c'est entendu, mais je vous laisse la parole. Expliquez-moi, contez-moi ce qu'il s'est passé. Soyez convaincant, prouvez-moi que j'ai eu tort de vous penser coupable.

— Vous n'avez pas eu tort, déclara Cassien, j'ai tout fait pour que vous le pensiez.

Il chassa les gouttes d'eau qui longeaient son front, retraçaient la chute de son nez, humectaient ses lèvres, avant de consentir à prendre la parole.

— Après les événements au palais, je me suis lancé à votre poursuite lorsque j'ai compris que je ne pourrai pas duper Amaury. Je détenais trop d'informations précieuses pour qu'il place en moi une confiance compromettante. J'ai décidé qu'il valait mieux pour moi fuir et j'ai intégré l'un des groupes chargés de vous retrouver. Amaury n'a pas prêté grande attention à ses hommes, surtout le menu fretin qu'il envoyait dans les lieux les plus reculés du Royaume. Il avait besoin d'assez de soldats et la plupart d'entre eux ne possèdent en réalité aucune formation. Il a été aisé de m'intégrer à leurs unités, surtout au début. Amaury a vite compris qu'il lui faudrait organiser ses forces armées s'il voulait parvenir à un résultat correct. Dans la précipitation et au cours des premiers jours, ces précautions n'ont pas été prises.

— Mon oncle est un homme méticuleux, il est... plus qu'étonnant qu'il ait commis une telle négligence.

— Votre oncle est humain et s'il avait tout prévu, la seule possibilité qu'il n'avait pas assez étudiée était celle de votre fuite.

Pris de court, Amaury avait organisé des recherches sur le tas, avant de corriger le tir. Trop tard, puisque Cassien s'était intégré dans les rouages le temps de retrouver la trace de Lyssandre et de la perdre immédiatement après.

Le prince s'était radouci et buvait les paroles du chevalier. Il avait le verbe rare et lui prêter un discours aussi construit tenait du miracle. Lyssandre s'assit à côté de lui et de la flaque qui imbibait les draps.

— J'ai commis plusieurs erreurs, admit Cassien. Je devais brouiller les pistes au Ciamon et j'y ai compris qu'Amaury ne tarderait pas à envoyer des hommes à ma recherche. J'ai compris que je ne ferais que vous mettre en danger et qu'il était préférable de diviser l'attention d'Amaury. Les recherches à l'encontre du prince déchu se poursuivent, mais les traces que j'ai dispersées sur mon passage ont resserré l'attention que le roi vous témoignait.

Cassien avait semé la pagaille parmi les défenses d'Amaury. Pas suffisamment pour remettre en doute son assise sur le pouvoir ou pour ébruiter l'affaire, mais assez pour enrager le souverain.

— Il y a eu quelques... étincelles, mais je m'en suis tiré sans grands dommages, tout en cherchant des...

Lyssandre approcha sa main du visage de Cassien et souleva son menton d'un doigt léger. La lumière chatoyante, chaleureuse, que diffusait les bougies contre les murs nus, éclaira l'ombre portée par son visage. Comme Tryarn les avait pointés quelques heures plus tôt de sa lame, Lyssandre posa son regard sur les stigmates autour de la gorge. Les traces s'évanouissaient avec le temps, moins vives qu'au premier jour.

— Qui ?

— Un groupe de trois, répondit Cassien, avec une désinvolture que Lyssandre savait honnête. Le meneur était plus coriace que prévu.

— Y en a-t-il d'autres ?

— Des... Oui, il...

— Excusez mon égarement, se reprit Lyssandre.

Son doigt quitta la peau de Cassien.

— Reprenez.

— L'espion envoyé par Amaury n'aurait jamais atteint Yersach sans mon aide. Je n'ai eu qu'à me faire passer pour des renforts, offrir quelques preuves de ma bonne volonté, et nous avons cheminé ensemble. La suite, vous la connaissez.

— Si je suis parvenu jusqu'ici en ayant vent d'une potentielle présence du prince dans ces régions de Loajess, alors...

— Alors mon oncle ne tardera pas à l'apprendre lui aussi.

Deux jours avaient suffi pour que la nouvelle fuite. Lyssandre avait pourtant la certitude que Tryarn avait tu l'affaire avec une étonnante efficacité. Une anxiété maîtresse souffla son haleine fétide contre la peau du prince. Elle ne lui avait pas manqué.

— Si Amaury a envoyé un espion, c'est qu'il soupçonne quelque chose.

— L'insubordination, en vérité, répondit Cassien. Amaury voit d'un mauvais œil le silence de Tryarn et l'absence de réponse des régions du Nord. Yersach étant un exemple à suivre, peut-être le plus grand pôle de ces territoires, il a choisi d'envoyer un espion s'assurer qu'une révolte n'est pas en train de se fomenter dans son dos.

— Son espion ne reviendra sans doute pas au palais. Si on ajoute à cela les éventuelles rumeurs à mon sujet, on obtient...

— Amaury ne tardera pas à rendre au Nord une visite de courtoisie, compléta Cassien.

— Vous m'avez sauvé, déclara brusquement Lyssandre, en indiquant le bras blessé de son chevalier. Tout à l'heure, vous m'avez sauvé.

— J'aurais agi autrement si vous aviez accepté de coopérer.

Lyssandre avait refusé de se tenir tranquille, alors Cassien avait dû sévir. Il ne disposait que de peu de temps, alors il avait fait glisser la lame contre la gorge du prince. L'illusion avait été parfaite, pour le spectateur de la mise à mort comme pour la victime supposée de celle-ci. En sentant le sang jaillir de la plaie et moucheter son visage, Lyssandre avait attendu que la douleur s'annonce. Cassien, dont la main s'était emmêlée dans les cheveux blonds, avait incisé son propre bras pour parfaire l'illusion. Il n'avait eu ensuite qu'à couper une mèche de cheveux et à refermer la fenêtre. Il avait accompli ce qui devait être fait.

Lyssandre se leva. Il remplit à nouveau la bassine en étain et posa l'avant-bras de Cassien sur ses genoux. Il entreprit, à l'aide d'un linge propre, de nettoyer les bords de la plaie et de retirer le sang qui recouvrait la blessure.

— Si vous n'aviez pas eu ce geste, je crois que je n'aurais jamais accepté de vous écouter.

— Je comprends.

— Vous faites un coupable très convaincant, vous savez.

— J'ai détesté vous brutaliser au Ciamon, j'ai détesté vous laisser partir en sachant ce que je vous avais infligé.

Lyssandre avait cru être parvenu à échapper à ses poursuivants seul. L'exploit aurait été recevable, si Cassien ne figurait pas parmi eux. Le chevalier lui avait permis de fuir, peut-être même avait-il mené les soldats sur de fausses pistes pour sauver la peau de celui qui, dorénavant, le haïssait.

Lyssandre ne put s'empêcher de penser aux autres possibilités. Au couvent, lorsque les Oiseaux d'Amaury avaient visité les lieux, que ce serait-il produit s'ils avaient mis la main sur le prince ? Il avait eu l'occasion de mourir à maintes reprises et Cassien aurait pu ne jamais le retrouver.

— Vous disiez que personne ne vous avait jamais blessé comme je l'ai fait...

Le chevalier laissa sa phrase en suspens. Lyssandre releva les yeux de son œuvre alors qu'il achevait de panser la plaie pour cueillir son aveu :

— Jamais il ne m'a été aussi pénible de blesser quelqu'un.

Lyssandre enroula une bande propre autour du bras de Cassien, plus pour s'occuper les mains qu'autre chose. Son cœur s'était emballé et la peur était innocente. Le prince était parvenu à ses limites émotionnelles pour une seule soirée.

— Me pardonnerez-vous ?

Cassien avait mâché ces mots comme s'ils, à l'instar des précédents, lui coûtaient. Il était un homme d'action, un être auquel les paroles ne réussissaient guère.

Lyssandre réfléchit longuement et logea une mèche de cheveux derrière son oreille.

— J'en ai envie et... et je pense que vous le méritez, seulement... j'ignore si j'en suis capable.

Cassien s'était attaqué à lui de la plus vile des manières. Plus que les coups, l'abandon qu'il lui avait infligé aurait pu avoir raison de lui. Rien ne terrifiait tant Lyssandre que cela, que cette solitude hantée par les figures du passé. C'était le sort que la vie lui réservait, ces pertes qui s'additionnaient. L'appétit de la mort ne connaissait pas la moindre limite lorsqu'il s'agissait de se repaître d'innocents. Durant ces mois de règne, Lyssandre s'était reposé sur Cassien, sur ce rempart infaillible et infatigable. Il l'avait abandonné sans un regard, ou du moins l'avait feint. Le rempart s'était retiré et le prince qualifiait de miracle le seul fait d'avoir survécu.

Ce soir encore, il était partagé entre le bonheur absolu d'avoir retrouvé cet homme qui lui était si cher et la rancœur, sourde, dévorante, sans doute un peu injuste. C'était ainsi, les lois du cœur n'exigeaient nulle justification. L'amertume rongeait Lyssandre.

— Vous étiez la seule chose en laquelle j'ai eu l'audace de croire, même lorsque j'avais perdu confiance en mon Royaume. C'était sur vous que j'ai commencé à établir la confiance en mes capacités. Lorsque vous m'avez tourné le dos, tout s'est effondré. Je m'étais toujours convaincu que vous seriez là, quoi qu'il advienne. Je suis un naïf, un idéaliste, ils se plaisent tous à me le répéter et ils ont raison, car je vous ai cru intouchable. Jamais je n'ai imaginé que vous puissiez me trahir comme vous l'avez fait. Jamais je... Quand vous êtes parti, au palais, puis au Ciamon, je me suis senti seul. Véritablement seul.

Cassien l'avait laissé affronter le deuil de sa tante sans lui prêter main forte, sans qu'il puisse se raccrocher à lui.

— Pourtant, j'ai demandé à Tryarn une faveur pour vous.

Lyssandre aurait voulu avoir le cran de se détacher de Cassien comme il l'avait prétendu après le repas, plus tôt dans la soirée. Il ne pouvait pas se voiler la face. Il était soulagé de retrouver cet homme, un peu plus que cela, même.

— J'ai demandé une autorisation pour que vous puissiez demeurer ici. Vous avez prouvé votre dévouement, Tryarn ne sait pas tout, et je me suis montré convaincant.

— Si vous m'ordonnez de quitter Yersach, de délester ma charge de chevalier, alors j'obéirai. J'ai juré de toujours vous obéir.

— Vous avez manqué à vos devoirs, alors, lui fit doucement remarquer Lyssandre.

— À aucun moment vous m'avez ordonné quoi que ce soit.

Cassien rivalisait d'une lâcheté qui lui était étrangère. Il avait cherché à se convaincre qu'il ne manquait pas au plus petit de ses principes, s'était raccroché à ce mirage pour ne pas sombrer. Si les paroles du chevalier éveillèrent une quelconque colère en Lyssandre, l'idée d'une telle faiblesse l'adoucit. Il n'avait jamais imaginé que Cassien puisse commettre des erreurs, qu'il puisse fauter et se répandre en culpabilités par la suite. L'humanité ressurgissait là où on l'attendait le moins.

— Je ne suis plus roi, lui rappela Lyssandre.

— Vous l'êtes toujours, c'est à vous de décider si ce titre vous est légitime ou non. Pour ma part, je reste votre chevalier, et...

— Je n'ordonnerai pas votre départ. Je n'en ai pas l'intention de vous retirer votre charge et vos fonctions.

Un silence s'immisça entre eux et Lyssandre plongea son regard dans celui de Cassien. L'attirance se précisait, aussi évidente qu'elle l'avait été, et l'envie de lutter faiblissait. Le prince proposa une piteuse diversion :

— Il y en a d'autres, n'est-ce pas ? Des blessures.

— Rien qui ne soit alarmant.

— Montrez-les-moi.

Avant d'obéir, Cassien posa son pouce sous le menton de Lyssandre et l'incita à dégager sa gorge. Le prince hésita, le souvenir de la brutalité de la main du chevalier dans ses cheveux encore vif, mais obtempéra malgré tout. Cassien épousa du regard l'ancienne cicatrice de la bataille du palais, puis la blessure fraîche infligée par Tryarn.

— Les coutumes du Nord sont différentes des nôtres.

— Plus brutales, approuva Cassien.

— Plus portées sur l'action. Vous vous entendrez bien avec eux.

Si le chevalier émit quelques réserves, il se garda de le préciser et retira les haillons dont il était couvert. Il dévoila des bras endurcis, comme si sa fuite avait été un prétexte aux yeux du chevalier pour s'adonner à des entraînements plus épuisants que jamais. Des hématomes s'éparpillaient des épaules aux côtes en passant par le torse et le ventre. Quelques blessures couronnaient le tout, des coupures qui ne tarderaient pas à dessiner de nouvelles cicatrices sur l'épiderme de l'ancien soldat.

Lyssandre plongea sa main dans les cheveux de Cassien et en retrouva le contact inimitable. Les mèches étaient plus longues, comme il avait eu l'occasion de le remarquer. Elles coulaient le long des épaules et de la nuque et, à l'aide d'une légère pression, Lyssandre intima au chevalier de lui offrir l'accès à sa gorge. Il y vit à nouveau les marques violacées et il aurait presque pu redessiner l'empreinte des doigts de l'agresseur.

— Elles vous sont douloureuses ?

— Pas vraiment.

La tolérance à la douleur du chevalier n'étant pas celle du commun des mortels, Lyssandre comprit que l'atténuation ne signifiait pas que les hématomes étaient indolores. Lentement, et parce qu'il n'était pas bien certain de son geste, le prince se pencha pour effleurer de ses lèvres la peau de Cassien. Celui-ci suivit du regard son visage qui approchait sans se débattre, sans chercher à se dérober. Lyssandre goûta la saveur de sa peau sans s'y attarder trop longuement. Le chevalier le retint toutefois en arrimant sa main contre le visage de celui qui avait été son amant.

— J'obtiendrai votre pardon.

Lyssandre opina un peu faiblement. Son regard s'était égaré sur les lèvres de Cassien et il sut qu'il venait de signer sa perte. La bouche de l'homme faucha la sienne au terme d'une hésitation interminable. Leurs dents s'entrechoquèrent et Lyssandre gémit. Le désir rencontra l'urgence, et l'urgence l'ivresse.

Ce fut violent, presque aussi violent que la blessure que Cassien s'était infligé pour l'épargner à Lyssandre. Presque aussi violent que deux lames qui se heurtent.

— Vous... Nous ne devrions peut-être... pas... articula le chevalier, entre deux assauts qu'il accompagnait.

Lyssandre s'écarta, une mèche folle suspendue devant ses yeux. Les lèvres humides, les yeux brillants, il ressentait le besoin de se libérer des émotions qui l'abrutissaient.

— Je peux vous laisser, murmura-t-il, dans un souffle épuisé.

— Non.

Cassien chercha dans l'attitude de Lyssandre un indice qui aurait supposé une retenue particulière, voire du dégoût. Il ne trouva rien de semblable. Seule la luxure se dessinait, suggestive et délicieuse.

Ils s'embrassèrent, goûtèrent une saveur qu'ils avaient cru perdue, l'un comme l'autre. La précipitation dictait leurs gestes, incita Lyssandre a l'audace. Ses mains dévalèrent le cou de Cassien, délicatement, puis cheminèrent le long des épaules et des bras. Partagé entre l'envie de prendre son temps, de s'offrir des retrouvailles dignes de ce nom et par l'envie impérieuse qui le ravageait, Lyssandre trembla. Il avait besoin de recouvrer la passion qu'il avait pensé éteinte.

— Je... J'ai...

Lyssandre ferma les yeux de frustration. Exprimer ce qui était enfoui en lui n'avait rien d'un exercice aisé et le regard de Cassien le déstabilisait.

— J'ai envie de vous. S'il vous plaît...

Le chevalier souffla un baiser sur ses lèvres et le fit taire. L'urgence embrassa la passion telle que Lyssandre l'avait envisagée. Un souffle brûlant contre sa peau. Celui de Cassien descendit jusqu'à son oreille à laquelle il murmura :

— Moi aussi, Lyssandre.

— Vous n'en avez plus honte.

— D'autres s'en chargent pour moi.

— Vous me... désirez comme un homme désire une femme ? s'entendit articuler Lyssandre.

— Non, comme un homme en désire un autre.

Il imprima une morsure appuyée sans être douloureuse et sa bouche descendit. Il libéra la peau de son carcan de tissus à mesure qu'il traçait un chemin imaginaire entre les clavicules. Fut découverte la marque de la méduse. La peau s'était décolorée sous le contact gélatineux des filaments et le cœur de Cassien fut comme broyé dans sa poitrine.

— Vous est-elle encore douloureuse ?

Lyssandre secoua la tête et ajouta :

— Seul son souvenir l'est encore.

Les lèvres de Cassien s'attardèrent sur l'empreinte blafarde et la main de Lyssandre lui indiqua de poursuivre, de ne pas s'éterniser davantage. Les habits tombèrent au sol dans un bruit mou et le prince se chargea de se soulager de son pantalon dont il délaça les liens sous le regard perçant de Cassien. Les yeux de celui-ci ne se cachèrent pas pour fixer l'excitation de Lyssandre. Son expression était toujours un exemple de neutralité, mais le prince pouvait y deviner une forme de satisfaction avant qu'il ne monte sur le lit et s'y installe.

Lyssandre se glissa jusqu'à lui et se fit violence pour ne pas céder à l'emprise de l'urgence, de cette envie qui lui vrillait la tête. Il ne l'avait pas ressentie depuis deux mois et après avoir nargué les lèvres de Cassien sans les embrasser, il le repoussa du plat de la main et l'allongea. Il sut qu'il avait cédé à l'ivresse lorsqu'il surplomba les hanches de son amant et posa ses deux mains contre son torse. Le chevalier s'était immobilisé, captivé par le geste, par le corps gracile de Lyssandre, par sa peau de nacre, par ses cheveux dont l'or s'écoulait le long de ses épaules.

Il était d'une beauté sans pareille.

— Vous êtes...

Cassien s'étrangla. Lyssandre avait esquissé un mouvement du bassin. Leurs excitations se rencontrèrent et le prince se délecta de la sensation.

— Exquis, compléta le chevalier.

Lorsqu'il tenta de se redresser pour mettre un terme à ce jeu, son amant l'en empêcha en appuyant ses mains contre son torse.

— Je vous en prie, laissez-moi.

Laissez-moi mener la danse.

Aux yeux de Lyssandre, cela avait un sens particulier, intime, personnel. Il avait besoin de ressentir le contrôle, d'esquisser chaque geste en étant certain qu'il lui appartenait. Cela ressemblait à une revanche contre Amaury qui l'avait manipulé, contre ces mois où il s'était égaré et retrouvé.

Cassien ne bougea pas d'un cil. Il cédait la maîtrise des événements à laquelle il tenait tant et si Lyssandre ne témoigna pas sa reconnaissance par les mots, le regard qu'il lui adressa en fut comblé.

Le prince décomposa chaque geste avec attention et Cassien le retint :

— Vous allez vous blesser.

Lyssandre secoua la tête. Il aimait le sentiment qui l'enivrait et qu'il connaissait si peu. Un sentiment d'invulnérabilité, de puissance, de grandeur. Il était ironique qu'un souverain goûte à cette émotion si tard, mais le chevalier retint son souffle et s'abandonna.

Lyssandre descendit sur le sexe érigé de Cassien et s'y empala lentement. Il haleta, apprivoisa la douleur logée au creux de ses reins et la sensation vertigineuse qui l'étreignait. Il rejeta le visage en arrière, déglutit, avant d'entamer un geste un peu maladroit, rectifié par Cassien qui avait refermé une main sur la cuisse de son amant et l'autre dans le creux de ses reins. Il ne se lasserait jamais de cette vision.

Lyssandre perdit le contrôle plus vite qu'il ne l'avait imaginé. Le plaisir gonfla, enfla, lui arracha son souffle, sa raison, et le gava de son ivresse. Il aurait aimé s'attarder, savourer l'écho de sa propre félicité gagner le visage de Cassien. Il se mordit la lèvre, puis renonça à étouffer les gémissements qui remontaient à la surface.

Au fond, Lyssandre sut qu'il avait rassemblé tous les fragments de lui-même à cet instant.

Cassien ne quitta pas son amant des yeux, pas un seul instant. Il s'abîma au-dessus de sa volupté et se consuma à son côté. Il n'y avait pas vision plus enchanteresse, plus digne de lui ôter sa lucidité. Un grondement jaillit de ses lèvres et Lyssandre planta ses yeux dans les siens une dernière fois avant qu'il ne cambre les reins, ne laisse rouler sa tête en arrière, et ne lâche une plainte.

Un soupir qui les perdit, l'un comme l'autre, et qui jura la plus exquise des pertes.

Ensemble, enfin, ils volèrent en éclats. 


Votre (vieille) auteure prend un an de plus aujourd'hui (on approche dangereusement de la vingtaine) et j'espère que ce chapitre d'anniversaire vous aura plu. Je passe en coup de vent, mais je vous embrasse <3

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