Chapitre 24
– Pourquoi as-tu paniqué ?
C’est Inacio qui avait posé cette question, au plein milieu de déjeuner. Soraia déglutit difficilement, ayant préféré que l’on ne revienne pas sur ce malencontreux évènement. Joâo, qui se tenait à sa droite, attendait patiemment la réponse de la brunette. Son frère lui avait en effet raconté ce qui s’était passé à l’aéroport, et il attendait lui aussi les explication de leur femme à tout faire. Celle-ci prit la parole d’une petite voix, comme à son habitude :
– Je… ne vous inquiétez pas c’est normal ça m’arrive fréquemment. Avait-elle dit le plus sereinement possible. Mais à peine avait-elle terminé sa phrase que le futur Parrain avait lancé sèchement :
– On sait. Ce pourquoi on te demande la cause de ces crises.
La brunette se figea, et Inacio rajouta donc comme pour la rassurer :
– C’est inscrit sur ton dossier médical.
Elle eut un léger mouvement de recul. La peur, la détresse se lisait sur son visage. Ce fut Joâo qui intercepta cette émotion le premier, et l’avait expliqué à son frère par un simple coup d’œil. Les épaules de ce dernier s’affaissèrent. Être impuissant face à cette crainte que la brunette ressentait envers eux le rendait fou. L’ainé de la famille, lui, se contenta de soupirer avant de boire une gorgée d’eau. La jeune femme aurait bien dû se douter que ses embaucheurs allaient lire son carnet médical tout de même…
Mais ce qui inquiétait Soraia, c’était bien autre chose. Ses crises de panique étaient apparues à la mort de sa mère. Pas de réel problème jusqu’ici. Cependant, elles s’étaient intensifiées lors de sa condamnation en prison. Plus précisément, le jour même du décès de Ermolai Kravstov. Ce directeur de banque dont elle avait été accusée du meurtre.
Et si les deux frères savaient pour la fréquence de ses crises, ils avaient des chances qu’ils sachent pour la prison.
Ce qu’elle redoutait plus que tout.
Ils ne devaient pas savoir. Ils ne pouvaient pas savoir. Ça ruinerait sa vie, la détruirait encore plus qu’elle ne l’était. Elle avait voulu reprendre à zéro, oublier cette époque.
Tous ses plans n’avaient pas le droit de s’effondrer ainsi.
– Donc, pourquoi fais-tu ces crises de panique ? Redemanda calmement Inacio, plantant ses yeux vers dans les iris violets qui le regardaient avec effrois.
– Je… Ce… C’est personnel.
La jeune femme elle-même réalisait à peine me fait qu’elle ait réussi à prononcer ces mots. Face à eux, ses deux supérieurs haussèrent les sourcils une fraction de seconde, étonnés de voir que la brunette leur tenait tête.
– C’est arrivé à tes dix-sept ans, et nous savons à la suite de quel évènement. Mais qu’est ce qui les déclenche ? C’est pour t’aider, et éviter que ça ne se répète trop souvent.
Soraia voyait flou. Un long frisson parcouru son corps. Voilà qu’ils commençaient à parler du décès de sa mère. Savaient-ils, au moins, à quel point ça lui faisait mal ? À quel point ils faisaient saigner son cœur rien qu’en énonçant son sujet ?
– Vous ne pouvez pas m’aider… Avait-elle répondu d’une voix étouffée, sentant les larmes lui monter aux yeux.
Non, ils ne pouvaient ni faire revenir sa mère, ni son grand amour, ni Ermolai Kravstov dont la mort avait ravagé le peut de vie qu’il lui restait, à elle. Ils ne pouvaient pas la faire revenir en arrière, dans le passé, du temps où sa vie était heureuse et satisfaisante.
C’est là que la main de Joâo se posa sur sa cuisse. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait ce geste. Avec toujours autant de dédain, donnant l’impression de n’y attacher aucune émotion. Elle sursauta, se crispa, mais la pouce de l’homme se mit à caresser calmement ses corps. Soraia sentit son souffle saccadé se calmer en quelques secondes et ses muscles de décrisper un peu. Un chatouillement agréable lui saisissait le ventre alors qu’elle savourait cette main masculine, brûlante.
– Nous ne pouvons pas t’offrir ce que tu as perdu, en effet. Avait dit Inacio, les yeux perçants fixant dangereusement son ainé dont il avait deviné le geste.
– Tes crises se sont empirées il y a un an et demi, environ. Continua le garçon. Et nous savons ce que tu as enduré à cette période.
Soraia ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n’en sortit. Son corps était rigide, tétanisé par la peur. Ses yeux violets erraient du visage d’Inacio à celui de Joâo, de Joâo à Inacio, mais aucun des deux homme ne semblait s’en soucier. De longues secondes, très vites traduites en minutes s’écoulèrent en silence. Jusqu’à ce qu’Inacio reprenne encore une fois la parole, d’une voix marmoréenne :
– White Swan.
La respiration de la jeune femme se bloqua, alors qu’elle sentait son corps trembler violemment. Des points noirs se formaient déjà devant ses yeux, mais elle cligna brusquement des paupières pour les faire disparaitre.
– Vous… vous savez ? Arriva-elle à prononcer fébrilement.
Qu’allait-elle faire, maintenant ? Elle allait surement être licencié pour son passif judiciaire. Et puis elle leur avait menti ! Son père allait la tuer une bonne fois pour tout en apprenant ça, à coup sûr.
Ce fut Joâo, dont pour l’instant aucun mot n’était sorti de sa bouche, qui prit la parole, froidement :
– Nous t’avions pourtant déjà dit, Soraia, que nous savons tout de toi. Il avait terminé sa phrase en plantant ses yeux dans ceux de la jeune fille. S’en était trop pour elle. Elle avait envie de vomir, et un haut le cœur la saisit alors qu’elle bloqua son vomis dans sa bouche pour le ravaler. Des larmes s’affichaient déjà dans ses yeux violets, alors que des spasmes s’affichaient peu à peu sur son corps.
– L’affaire Kravstov. Continua fermement l’ainé de la famille.
La brunette se sentait prise au piège. Le chaton prenait enfin conscience qu’il se tenait face aux lions. Lions affamés, assoiffés de faire couler du sang, toujours et encore plus. Elle voulut parler, se défendre, dire quelque chose qui aurait pu la sauver. Mais ce ne fut que quelques mots pathétiquement tremblants qui réussirent à sortir de sa bouche :
– Je… Je suis désolée… Vraiment désolée ! Je… je sais que… je… j’aurais dû vous le dire…
Elle n’arriva pas à prononcer ne serait-ce qu’un mot de plus, et de toute façon le geste autoritaire que lui fit Joâo lui intima de se taire. Son nez lui piquait atrocement. Elle sentait les flots salés envahir ses yeux, prêt à sortir, mais renifla maladroitement pour les ravaler. Elle avait honte d’elle. De cette femme faible qu’elle était, sur les point d’éclater en sanglots devant ses supérieurs.
– Tu es innocente. Avait alors rappliqué le deuxième frère en haussant les épaules. Il voyait la détresse dans les yeux violets. L’inquiétude de la jeune femme. Ah, si elle savait que niveau emploi, ils auraient eux-mêmes préférés qu’elle le tue, ce banquier. Quoi de mieux sur un CV pour postuler auprès de grands mafieux…
Face à lui, la portugaise acquiesça lentement. Il voyait la respiration féminine de saccader de plus en plus, alors que ses yeux erraient dans le vide. Le jeune homme comprit immédiatement que c’était les souvenirs qui affluaient dans la tête de la brunette. Souvenirs qui la rongeaient toujours un peu plus chaque jour.
La corps de Soraia tremblait. On la voyait lutter pour cesser ces spasmes, mais sans succès. Il avait envie de se lever, la serrer dans ses bras, encore et encore. Lui embrasser les cheveux, le visage, le cou. Les lèvres. Lui chuchoter que tout irait bien, qu’il allait l’aider à ne plus y penser. Mais non. Il était un fils Osabio, futur Consigliere de la Mafia Européenne. Et la seule chose qu’il arrivait à faire, c’est regarder froidement ce petit bout de femme. Et se demander pourquoi.
Pourquoi donc Anastasia leur avait recommandé Soraia ?
Pourquoi avoir dirigé cette jeune femme innocente dans les bras de la Grande Mafia Européenne ? Dans les griffes des frères Osabio ?
Les yeux de la portugaise étaient ouverts en grand. Horrifiés. On aurait presque dit le visage d’une mort figé pour l’éternité. Elle tentait en vain de contenir la violente crise de panique qui prenait peu à peu le pas sur elle, mais sans succès.
La réalité, encore une fois, s’heurtait face à elle. Sa mère était morte, emportant avec elle ce qui faisait de Prokhor un père et de Tamryn un merveilleux garçon. Son ex petit-ami lui manquait terriblement, à chaque jour qui passait. Et surtout, surtout, son talent informatique l’avait emmené dans les rouages les plus obscures de notre monde. Jusqu’à l’impliquer directement à un meurtre. Et l’envoyer en prison, dans un des plus gros centre de Russie, durant un an. Son psychisme était ravagé, son cœur en miette et son âme défragmenté. Elle était juste là, au bord du précipice. Et rien ni personne ne semblait vouloir lui tendre la main. L’aider à remonter. Ne serait-ce qu’une fraction de seconde.
En fait, elle ne demandait que ça. De l’aide.
Quelqu’un pour la protéger de ses peurs.
Elle tenta de se lever, mais ses muscles ramollis la firent brusquement retomber sur sa chaise.
– Soraia ? La voix lointaine d’Inacio parvint à ses oreilles. C’était sa deuxième crise de panique de la journée. Très mauvaise pour sa santé, autant psychologique que physique. Elle ravala difficilement sa salive, sentant ses yeux se fermer alors qu’elle luttait à respirer. Les souvenirs l’assaillaient, entremêlées à d’horribles sensations. Mais pourtant, tout restait noir. Il y avait à la fois un million de chose et rien. Le néant. Et ses oreilles bourdonnaient.
Tout a coup, elle sentit le contact de Joâo quitter sa cuisse. Elle se disait que lui aussi allait l’abandonner, mais au lieu de ça, le garçon avait vivement pris la main féminine pour la plaquer contre le ventre de la jeune femme, et poser la sienne par-dessus.
– Soraia.
La voix du plus âgé des frères parvint calmement à ses oreilles, et l’homme continuait à parler, distinctement :
– Tu vas te concentrer sur ma voix. Et respirer. Calmement. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Sens chacune de tes inspirations avec ta main posée sur ton ventre. Je veux que tu fasses entrer dans tes poumons un maximum d’air. Inspire. Voilà. Expire. C’est bien.
Il y avait de quoi s’étonner dans ce scénario. Car c’était si rare de Joâo débite autant de mots. Et puis, il y avait aussi ce regarde jaloux et possessif qu’Inacio lançait inconsciemment envers son frère. Sans oublier ce semblant de douceur qu’utilisait le futur Parrain. Sans oublier Soraia dont le début de crise de panique disparaissait peu à peu.
Ses tremblement cessèrent parallèlement à sa respiration qu’elle avait réussi à stabiliser. Elle s’était parfaitement calmée au bout de quelques minutes. Ses yeux violets ne savaient plus où se mettre, honteuse de ce qui venait de se passer. Ils finirent par se plonger sur Joâo. L’homme l’observait calmement. Ses cheveux noirs, légèrement longs, tombaient dans son cou et sur son front. Ses perçants yeux verts se mariaient à merveille avec la peau presque métissés de son magnifique visage. Sans un mot, il enleva sa main de celle de Soraia, lâchant la pression exercée sur le ventre de celle-ci. Il resta quelques secondes à l’observer, comprenant très bien l’effet qu’il avait sur sa femme à tout faire. Puis, par des geste contrôlé, il se retourna bien en face de son assiette, enfonçant une fourchette dans sa bouche tout en tendant un verre d’eau à la brunette.
Celle-ci fronça les sourcils, hésitante, mais Inacio lança :
– Bois un peu ça va te faire du bien. Tu es toute blanche.
Elle hocha la tête et s’exécuta.
Ainsi ils savaient. Elle déglutit difficilement.
– Je suis désolée. Avait-elle dit d’une voix honteuse, baissant les yeux vers son assiette car n’osant par regarder les deux garçons.
– Tu es innocente. Dit le plus jeune d’une voix lasse.
– Mais je vous ai menti. Je… Et la jeune femme n’arriva même pas à terminé sa phrase, ne sachant pas quoi dire. Elle leur avait caché la chose la plus importante de sa vie. Elle avait laissé des hommes d’affaires extrêmement important l’embaucher alors qu’elle avait un passif judiciaire. Eux qui semblaient si droits, quoique flippant, et qui prônaient l’anonymat et la loyauté.
Les deux frères, eux, se regardaient. Ils avaient eu la réponse à leurs questions. Au niveau de l’origine des crises de panique de la jeune femme : elles étaient dues à la remémoration de son passé douloureux. Entre autres White Swan.
Qu’allait-il se passer lorsqu’elle allait revoir Anastasia ? Cette dernière avait assuré que tout allait être parfait et sous contrôle, mais ils ne comprenaient pas comment.
Et puis, pourquoi donc avait-elle fait une crise à l’aéroport le matin même ?
– Tu n’as pas menti, simplement caché quelque chose. C’est naturel.
C’est Inacio qui avait donné cette réponse. Face à lui, la portugaise ouvrit grand les yeux, étonnée de ne pas se faire rabrouer :
– J’aurais dû le mentionner, vous n’avez pas fait de contrat en tout connaissance de cause. Dit-elle en haussant les épaules d’un air désespéré.
Et ce fois ce fut Joâo qui répondit, d’une voix froide. Soraia en eut des frissons dans le dos. Sa peur qui se mouvait en elle :
– Nous savions. Avant même de te rencontrer, nous connaissions cette épisode de ta vie.
Elle n’arriva pas à répondre. Un mauvais pressentiment s’emparait d’elle, comme l’avertissant du danger qui la guettait, ici, dans cette villa, entourée des deux frères. Et alors qu’elle sentait sa tête peser sur ses épaules, ayant du mal à assimiler ou comprendre ces informations, l’homme continua :
– Nous t’avions pourtant déjà dit. Que nous savons tout de toi.
Sa salive se bloqua dans sa gorge alors qu’un frisson de mal-être arcouru son épiderme.
Mais non, ils ne savaient ni que la brunette se faisait battre. Ni qu’elle vouait un amour réciproque et détruit pour son ex petit-ami. Entre autres… Car la vie tourmentée de Soraia Sonhador possédait bien plus de secrets inavoués qu’il n’en paraissait.
⭐⭐⭐
Alors comme ça on en sait un peu plus sur l'état psychique sur la "peur permanente" de Soraia... Mais on comprend aussi que sa vie est bien compliqué et qu'on n'en connaît qu'une partie !
Que pensez vous d'elle, se qu'elle cache, ce que l'on sait déjà...
Et au niveau des Osabio, les deux frères semblent bien déterminés à la charmer... Mais entre nous vous prenez que c'est avec leur comportement froids et flippant qu'ils vont y arriver ?
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