Chapitre 16
Troisième et dernière enfant, Idalina était tout juste âgée de dix-huit ans. Mais ce n’est pas son âge encore jeune qui l’empêchait d’être un puissant assassin. Spécialisée dans les techniques asiatiques, d’où les armes et la tenue qu’elle arborait.
– Papa m’a dit que vous aviez de la chaire à lui ramener.
Comprenant tout de suite où l’adolescente voulait en venir, Edouardo plongea sa main dans sa poche pour en sortir le cœur ensanglanté. La conductrice s’arrêta à un feu rouge pour l’observer et un sourire machiavélique se dessina sur son visage.
– Joli. Dit-elle simplement. Vous êtes où ?
– Kerry Hôtel.
– Je vous emmène au Soleil pour nettoyer tout ça.
Ils acquiescèrent, sachant très bien de quoi elle parlait. La Sun Yee On était la plus puissante Triade. Une alliée importante de la Grande Européenne. De signification « Nouvelle droiture et paix », l’habitude avait été prise d’utilisée le code « soleil » en rapport avec la signification de « sun » en anglais.
La Sun Yee On n’était pas favorable à la 14-K, et ne voyait pas d’un bon œil l’alliance de celle-ci avec deux autres triades nommés La Fédération Wo et la Bande des Quatre Mers. Voir ses alliés débarquer avec sur les mains le sang de leurs ennemis n’allait donc pas les déranger.
– Tuan ? Lança alors Joâo. Sa petite sœur mit quelques temps avant de répondre d’une voix glaciale :
– Pas là.
Tuan était le petit-ami d’Idalina. Un jeune asiatique avec qui elle formait un amour passionnel. Mais ils n’arrêtaient pas de se disputer. S’engueuler. Tout de temps. Ils se trompaient, revenaient l’un vers l’autre, parlaient d’un futur commun mais se chiffonnait même sur le côté du lit qu’ils s’attribuaient. Tuan et la jeune portugaise s’étaient rencontrés il y a quelques années. Tous deux l’âme noire et obscure, mais alors que la femme était autoritaire et implacable, le garçon était quant à lui d’un tempérament assez doux. Ils se complétaient, mais si les contraires s’attirent comme on aime tant le temps le dire, ils sont aussi en perpétuelle confrontation.
Ils finirent par arriver au QG des Sun Yee On. À peine eurent-ils garés leur véhicule que quelques hommes armés déboulèrent, sur leurs gardes. Mais à la vue de la portugaise qui descendit de la place conductrice, leurs visages se décontractèrent et certains d’eux sourirent même. Ils se savaient en présence d’alliés.
– 我需要一个医务室来清理我的兄弟和朋友。J’aurais besoin d’une infirmerie pour nettoyer mes amis. Lança-t-elle alors que les trois hommes descendaient à leurs tours. Les chinois parurent inquiétés en observant le sang qui dégoulinaient sur leurs corps et immédiatement une petite troupe les escorta jusqu’à l’intérieure du bâtiment. On demanda aux trois blessés si on voulait qu’on les aide mais leur orgueil leur fit immédiatement répondre par la négative. De toute façon, rien n’était bien grave.
Ils arrivèrent rapidement dans l’infirmerie de la triade. Le médecin leur demanda s’ils avaient besoin de lui mais les européens avaient, encore une fois, préféré refuser. Ils se retrouvèrent donc seuls, sachant tout de même qu’il y avait des soldats devant la porte. Les hommes du Sun Yee On connaissaient bien Idalina, bien que n’ayant aucune idée qu’elle était la cadette Osabio, fille du Parrain. En effet, la Mafia Européenne était la plus discrète sur sa vie privée. Le monde connaissait le nom du chef, actuellement Getulino, et lorsqu’il y avait femme on pouvait aussi laisser son identité à découvert. Mais personne ne savait pour les enfants et famille la plus proche.
On ne savait même pas combien Getulino avait-il d’enfants. On ne connaissait ni leurs prénoms, ni leurs visages. Ceux qui avaient ce privilège étaient, le Consigliere ou conseiller juridique, Sottocapo ou bras-droits, les Capis. Ainsi que tous les futurs successeurs de ce petit monde. Et sans oublier, bien-sûr, leurs plus grands Alliés. Le Parrain de la Bratva, sa femme et ses enfants savaient par exemple la véritable identité de Joâo, Inacio et Idalina. Et Tao, Tête du Dragon du Sun Yee On, c’est-à-dire le chef, avait été mis au courant il y a peu de temps. Mais aucun de ses hommes n’avaient été alerté : telle était la règle imposée.
De ce fait, personne ne savait que Joâo était l’héritier de la Grande Européenne et Inacio son frère. Tandis que pour Edouardo, libre à lui de vouloir dire sa véritable fonction ou non.
Les trois hommes se mirent sans plus attendre torse-nu pour se passer de l’eau sur le sang encore visqueux qui leur collait à la peau, et nettoyer les quelques blessures qu’ils avaient reçus. Le bras droit de Joâo saignait encore et celui-ci lança un juron.
– Poison ? Demanda sa petite sœur qui s’était tranquillement assise sur une table. L’homme appuya légèrement sur les bords de la plaie avant de répondre :
– Non.
– Ok.
– Sers à quelque chose et vient m’aider. Lui relança alors son ainé d’une voix ironique. La brunette leva les yeux au ciel en soupirant, prit une bande et du désinfectant pour se mettre au travail.
– Et voilà ! Dit-elle une fois le tout terminer, avant d’observer le visage de son grand frère, sourire, et l’enlacer d’un seul coup.
– J’avoue vous m’avez quand même manqué !
Elle se dirigea ensuite vers Inacio pour répéter son acte, et celui-ci répondit à son étreinte avec plaisir. Déjà plus que Joâo, qui s’était contenté de serrer le brunette deux secondes à peine avant de la relâcher. Trop d’émotions et de bonté, ça lui donnait envie de vomir.
La fratrie Osabio était au grand complet. Tous avaient cette même folie meurtrière qui brillait dans leurs yeux.
Personne non plus ne savait qu’ils étaient frères et sœurs entre eux. Pour les deux hommes qui vivaient ensemble, le lien était facilement discernable donc peu caché. Mais avec Idalina… Non, seules quelques rares personnes en plus de celles citées plus hauts savaient leur situation familiale.
La porte de l’infirmerie s’ouvrit sans prévenir pour laisser place à Tao. C’était un homme d’une cinquantaine d’années. Cheveux et yeux noirs, peau semblant très douce, le dirigeant de la plus grande Triade au monde avait le physique typique d’un grand homme d’affaire. Mais il ne fallait pas se fier aux apparences, car en plus d’être un fonctionnaire important, Tao était aussi un glorieux combattant.
– 伊达利纳 您没有告诉我您的兄弟和… 一个朋友,路过!Idalina tu ne m’avais pas dit que tes frère et… un ami, étaient de passage ! Lança l’homme d’une voix amicale, s’adressant à la brunette mais ayant choisis l’usage du Chinois classique mandarin que les trois hommes devaient comprendre.
En effet, il faut savoir qu’Idalina vouait une passion envers l’Asie. Sa culture, ses arts, sa technique de combats et donc par nécessité ses langues. Elle parlait à la perfection le Chinois mandarin et le Japonais qu’elle connaissait depuis son plus jeune âge. Elle avait aussi commencé il y a quelques années à apprendre le Cantonais et s’était mise depuis peu à l’étude du Corréen. Cela lui faisait un total de sept langues en comptant le portugais, l’Italien, et l’anglais. Et tout cela à seulement dix-huit ans. La jeune fille était brillante, sur tous les niveaux. Ce n’est pas pour rien qu’elle avait décidé de devenir assassin avec ces techniques guerrières, en suivant notamment un apprentissage des moines Shaolin. La portugaise connaissait donc très bien Tao, avec qui elle collaborait facilement.
– 我父亲直到今天上午才告诉我。Mon père ne me l’a annoncé que ce matin. Répondit la jeune fille en haussant les épaules.
– Cos'è successo? Que s’est-il passé ? Demanda alors la Tête du Dragon en direction des trois européens, en Italien cette fois pour montrer l’amitié qu’il leur renvoyait. Car bien que la Grande soit actuellement portugaise, elle fut historiquement Italienne et le restera à jamais, faisant ainsi de l’italien sa première langue.
– Grazie per la vostra accoglienza. Avevamo un po 'per accontentarci del 14-K. Un po' di vendetta. Merci de ton accueil. On a eu une légère chose à régler avec la 14-K. Petite vendetta.
Le chinois sourit machiavéliquement :
– È andato tutto bene? Tout s’est bien passé ?
Joâo, qui remettait tranquillement sa chemise ayant pris une teinte rouge sang à certains endroits, fit un signe de tête à Edouardo. Celui-ci en comprit immédiatement la signification et se dirigea vers sa veste pour en sortir le cœur de leur victime.
Les yeux de Tao s’illuminèrent alors qu’un sourire mauvais prenait place sur son visage, montrant bien qu’il était entièrement satisfait de la situation.
– Ti farò portare sacchi di gelato. Je vous fait apporter des sacs de glace. Dit-il alors avant de lancer quelques ordres à deux soldats derrière lui qui détalèrent sans demander leur reste. Puis, la Tête du Dragon prit un air presque mauvais avant de faire trois pas vers Edouardo et, une fois à sa hauteur, planter ses yeux dans les sien et lui demander d’une voix autoritaire :
– Non credo che le presentazioni siano state fatte. Je ne crois pas que les présentations aient été faites.
L’italien soutint sans ciller le regard du chef de la triade avant de répondre d’une voix sèche, montrant bien qu’il ne comptait pas se faire écraser :
– Edouardo. Futuro membro del Caporégime. Edouardo. Futur membre du Caporégime. Et comme pour affirmer ses propos, il tendit son bras gauche pour laisser à la vue de tous le magnifique tatouage, symbole de son appartenance à la Mafia et sa place élevé sans la hiérarchie de celle-ci. Un mince sourire se dessina sur le visage de l’asiatique, puis celui-ci lança avec un enthousiasme déstabilisant :
– Beh, ho solo ospiti illustri!Perché non rimani a cena? Eh bien, je n’ai donc que des invités de marque ! Restez donc dîner !
C’est ainsi que toute la famille Osabio, accompagnée d’Edouardo, restèrent dans les bâtiments du Sun Yee On toute la soirée pour partir le lendemain matin, aux premières lueurs de l’aube. C'est que leur vol de quinze heures pour arriver jusqu’au Portugal ne leur permettait pas de partir trop tard, d’autant plus qu’ils devaient encore récupérer leurs quatre millions. Ils s’étaient donc occupés de cette affaire d’argent durant leur trajet. En effet, pendant que le futur Capi Italien se chargeait d’arracher le cœur de Lim Cao, il en avait profité pour mettre une petite clef USB dans le téléphone portable de celui-ci, qu’il avait également récupéré, ni vu ni connu, juste avant de se redresser. Toutes les données bancaires de l’homme avaient été réquisitionnées. Il leur avait donc suffit, à l’aide d’un algorithme prévu pour, et qui leur avait été donné juste avant leur départ, de se filler un chemin jusqu’à l’un des comptes bancaires du 14-K avec qui l’homme recevait des transferts. L’ordinateur se chargea lui-même de voler l’argent. Cela était très long et risqué, mais aucun des trois hommes et d’Idalina ne savait mieux le faire. C’est qu’ils étaient malheureusement en manque d’hackers dans la Grande Mafia. Ce n’était pas non plus très grave, mais l’un de ces postes était libre et n’hésiterait pas à engager, voilà tout.
C’est donc succès en poche qu’ils atterrirent sur le sol portugais, descendirent de leur jet privé et se rendirent jusqu’au QG de la Mafia. Celui-ci était une villa, située en périphérie de Lisbonne, qui comme leur propre demeure était assez éloignée de la ville et se trouvait plutôt dans un paysage campagnard. C’était également là où vivait Getulino.
– En fait, commença Idalina, je suis étonnée que votre Cygne ne vous ait pas accompagné jusqu’en Asie. La 14-K et pourtant l’un de ses domaines de prédilection. Finit-elle en ricanant.
Un air satisfait s’installa sur le visage des deux hommes. « Votre Cygne » avait-elle dit. Bien que l’on ne parlât nullement ici d’un objet, ce pronom possessif utilisé les satisfaisait profondément.
– On n’est pas magicien. On a déjà réussi du vingt décembre au vingt janvier. Lui répondit Inacio, ce qui fit sourire la brunette.
Mais cette référence à celui ou celle qu’ils appelaient « le cygne » fit rappeler quelques chose à Joâo qui lança sèchement :
– Préviens la violette qu’on est de retours.
Le portugais acquiesça tout en fouillant dans sa poche pour saisir son téléphone portable.
– La violette ? J’ai loupé une étape je crois. Lança alors leur petite sœur en fronçant les sourcils avant de lancer un sourire amusé et remplis de sous-entendu à ses deux ainés. Ceux-ci soupirèrent à l’unisson, et ce fut Inacio qui répondit :
– Nouvelle femme de ménage.
– Haaaaaa… D’accord. Elle parut réfléchir quelques secondes avant de redemander :
– Pourquoi la violette ?
Les deux garçons s’échangèrent un regard, mu d’un dialogue silencieux, et ce fut le plus âgé des deux qui répondit d’une voix mélangeant le malice et l’indifférence :
– Tu verras.
Idalina croisa les bras sur sa poitrine d’un air frustré, mais sachant très bien qu’elle n’en tirerait pas plus de la part des deux hommes, et qu’Edouardo ne prendrait jamais le risque de tout lui expliquer car la sentence des deux frères tomberait violemment. La brunette reposa son regard à travers la vitres, observant la route filer devant elle.
Elle se demandait comment donc était cette « violette ». Elle détestait la plupart des femmes à tout faire de ses frères. Souvent hautaines, surfaites et à observer les deux hommes avec des airs aguicheurs. Elle haussa les épaules. Cette fille allait probablement être comme toutes les autres…
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