Lizbeth eut tout d'un coup un peu peur. Qu'arriverait-il s'il voulait abuser d'elle ?

Jacob dut voir une crainte apparaitre sur son visage, car il se déplaça au même moment.

- Hey, dit-il, je plaisantais. Je vois que tu ne te rappelles pas mon sens de l'humour. En plus, ajouta-t-il, tu n'es pas vraiment mon genre.

- Toi non plus, tu n'es pas mon genre alors ça règle la question, répliqua Lizbeth, plus qu'offensée.

En fait, c'était un mensonge car elle le trouvait craquant.

- De toute façon, tu dois attendre la Virgin Night avant de penser au sexe, dit-il sans gêne.

- Virgin Night ?

- C'est, comment dire, le passage à l'âge adulte pour les filles. Elles n'ont pas le droit d'avoir aucune relation sexuelle avant seize ans. C'est une soirée spéciale, comme un gala. Pour chaque fille, un nom de garçon est pigé au hasard. Il y a ensuite un souper, puis une soirée et, à la fin, chaque couple part et passe la nuit ensemble.

- Es-tu en train de me dire que je ne peux même pas choisir le garçon avec qui je vais perdre ma virginité ?

- Ouais. C'est une tradition. Mais ce n'est pas n'importe quel gars qui se retrouve dans la boîte à pige. Il doit passer plusieurs épreuves afin d'être éligible. Souvent, ce ne sont même pas eux qui choisissent s'ils font partie du tirage.

- Donc, les gars aussi n'ont pas le choix.

- Exact.

- C'est dégueulasse ! Je pensais que ma première fois serait avec l'homme de ma vie !

Elle avait encore les mêmes pensées que les gens de son village. Jacob devait la convaincre que leur philosophie de vie ne se limitait pas juste à faire des bébés.

- Et si tu ne le trouve jamais ? répliqua-t-il. Vas-tu l'attendre indéfiniment ?

- Chaque personne a une âme sœur. Il suffit de savoir patienter.

- Mais en attendant, pourquoi se priver de plaisir charnel ?

Lizbeth plissa le nez de dégoût.

- Tu réagis comme toutes les vierges, mais crois-moi, quand tu y auras goûté, tu ne pourras plus t'en passer.

Elle en doutait vraiment.

- C'est obligatoire cette soirée ? Interrogea-t-elle.

Jacob hocha la tête.

- Je sens que je vais détester, ajouta-t-elle.

- Mais non. Ces gars-là sont choisis avec soin. Ils vont te faire passer une belle soirée, tu n'as pas à t'en faire.

Lizbeth soupira.

- Et si je refuse ?

- Crois-moi, c'est à toi de faire en sorte d'aimer ou pas ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Que si je refuse, il va me violer.

Jacob haussa les épaules.

- Aucune idée, répondit-il. Ça ne s'est jamais produit, car elles sont toujours consentantes. Comme je t'ai dit, c'est une tradition.

Le garçon savait que la jeune fille avait vécu bien autrement et probablement que son subconscient aussi. Personne ne l'avait habituée à leur façon de vivre. Malheureusement, ce serait à lui de le faire.

- J'espère que ce sera dans un long moment, pensa Lizbeth à voix haute.

- Eh bien, tu auras 16 ans dans trois semaines et la prochaine initiation est dans trois samedis alors c'est pour bientôt.

- Ah merde !

- Relaxe. Crois-moi tu vas en redemander.

- Et ce ne sera pas à toi.

- J'espère bien !

Elle lui lança un regard noir. Il la trouvait laide à ce point ?

- Je ne savais pas que j'étais aussi repoussante, dit-elle en se levant. Ou c'est toi qui es trop exigeant.

Il secoua la tête en souriant.

- Je vois clair dans ton petit jeu. Tu veux que je te dise que tu es belle.

- Pas du tout, répondit Lizbeth, outrée.

Sur ce, elle se dirigea vers la cuisine.

- En tout cas, je vais être bien lorsque je vais ravoir mon logement à moi tout seul. Je vais enfin avoir la paix !

Lizbeth se sentit blessée. Pas de parents ni d'amies à qui parler. Seulement un garçon qui se foutait de ce qu'elle pensait. Au lieu d'ouvrir le frigo comme elle avait l'intention de faire, elle se dirigea vers le séjour fermé et y entra. Elle aperçut alors une magnifique peinture d'un couche de soleil sur le village. En se rapprochant, elle remarqua son nom signé au bas de la toile et elle éclata en sanglot. Elle ne se souvenait même pas l'avoir fait.

Elle s'assit sur le fauteuil et resta un long moment à fixer la toile comme si sa mémoire allait revenir. Ses larmes eurent le temps de se tarir, mais son chagrin était toujours présent.

Elle ignore combien de temps elle resta ainsi mais contempla tous les petits détails de sa toile. Comment avait-elle fait pour peindre le village tout en étant dedans ? Est-ce que c'était sorti de son imagination ? Elle avait l'impression d'avoir peint le village d'ailleurs, comme si elle avait été en bas.

Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas Jacob entrer.

- Ça fait trois heures que tu es enfermée ici, lui dit-il alors en s'asseyant à côté d'elle.

Lizbeth ne dit rien.

- Vas-tu bouder encore longtemps ? C'est à cause de ce que j'ai dit tantôt ? J'ai exagéré un peu. Ce n'est pas si pire à deux. Ça me fait de la compagnie. Je suis sûr que je vais m'ennuyer lorsque tu ne seras plus là.

- Cette fille qui a peint cette toile, elle était comment ? Demanda alors Lizbeth comme si elle ne l'avait pas entendu.

Il resta silencieux quelques instants.

- Elle n'était pas bien différente de toi. Ce n'est pas parce que tu as perdu la mémoire que tu n'es plus la même.

- J'ai peut-être oublié comment peindre...

- Impossible. C'est comme marcher, ça ne s'oublie pas.

- Et comment ai-je fait pour peindre le village de cette vue ?

- Aucune idée. C'est probablement comme ceci que tu te l'imaginais.

- Peut-être...

- Combien de temps comptes-tu rester ici à regarder ta toile ? Demanda alors Jacob.

Lizbeth haussa les épaules.

- Je pourrais rester jusqu'à ce que j'aie retrouvé la mémoire.

- Et si on sortait un peu ? Proposa alors Jacob. On pourrait aller se promener au village. Peut-être que ça t'aiderait à retrouver la mémoire ?

- Pourquoi pas !