défi n°7 : Lyra
Bonjour, juste avant que vous ne lisiez mon texte, sachez qu'il y aura une courte explication à la fin, donc si vous trouvez des choses étranges, merci de lire le texte jusqu'à la fin et de lire ensuite la petite explication. Si elle ne répond pas à toutes vos interrogations, alors je serai ravie d'y répondre ; ) Sur ce, bonne lecture !
Ma main dans sa main, nous nous baladions tous les deux, le soleil était haut dans le ciel, et ses rayons chaleureux caressaient délicieusement ma peau. Les quelques arbres du parc s'élançaient vers le ciel d'un bleu sans aucune imperfection dans une course gracieuse, et des enfants jouaient au ballon dans l'herbe jaunie pas la chaleur. Je sentis la main de l'homme que j'aime desserrer son étreinte et je me tournais calmement vers lui pour voir ce qu'il avait à dire.
« Il y a des glaces là-bas » me signa-t-il gentiment. Je hochais la tête et il me reprit par la main et m'entraina vers le cabanon qui vendait des glaces. Leur odeur me parvenait déjà, et ma main libre rejoignit mon ventre inconsciemment. Tu veux une glace mon ange ? Vanille ou chocolat ? Je souris en sentant ce petit bout de moi bouger dans mon ventre. Mon mari se tourna vers moi un peu avant d'être arrivé au cabanon.
« Alors ? Vanille ou Chocolat, lus-je sur ses lèvres.
- Vanille.
- Va pour vanille ! Je vais nous chercher ça, tu m'attends sur le banc ? »
Il m'aida à m'asseoir, vérifia que tout allait bien, déposa un baiser sur mon front et prononça « Je t'aime » avant de s'éloigner. Il avait toujours été au petit soin avec moi, pas à cause de ma surdité mais par amour, et son attention se renforçait encore à mesure que la date de l'accouchement approchait. Je le regardais parler au vendeur. Ses lèvres bougeaient, mais je n'entendais rien de ce qu'il disait. Je n'entends jamais rien. Jamais personne. Mon monde est silencieux. Je m'amusais à m'imaginer sa voix, encore une fois, car c'était quelque chose que je ne connaitrais jamais, une facette de lui qui me restera inconnue pour toujours, lorsqu'une contracture plus forte que toutes les autres me secoua.
Sous le coup de la surprise, je me levai, ma tête tournait. Un liquide chaud se vidait dans mon legging et il ne me fallut qu'une seconde pour comprendre que je perdais les eaux. Je retombai assise sur le banc derrière moi tandis qu'une immense joie m'envahissait. Mon petit ange allait enfin naître ! Une angoisse m'enserra le cœur juste après. Je ne voulais pas que cette petite chose soit sourde, je voulais qu'elle soit comme son père, qu'elle ait une vie normale. Qu'elle ne reçoive pas tous ces regards méchants, toutes ces remarques malveillantes. Pourtant, était-ce ce que je voulais vraiment ? Au fond de moi, j'espérais que ma fille serait comme moi, que j'aurai un lien spécial avec elle, que je ne serais pas seulement la mère handicapée qui fait honte. Non il fallait que je me calme, mon bébé sera parfait, est parfait, et mon lien avec elle sera spécial. La seule chose à faire à ce moment-là n'était pas de paniquer mais de prévenir mon mari pour qu'il m'emmène à l'hôpital. J'essayais de crier, mais l'air me manqua, et les mots ne me vinrent pas. Mon legging était trempé et mon ventre commençait à me faire si mal que j'avais du mal à respirer. Il se retourna enfin avec deux cornets de glace en main, il croisa mon regard et courut vers moi, lâchant les cornets dans sa course.
Il me prit la main avant de parler.
« Tout va bien ? Mon cœur tout va bien ? »
Sa main tremblait, son souffle chaud s'emballait. Son état me fit sourire, ce qui le rassura un peu. Je posais ma main sur sa poitrine, comme à mon habitude quand il était stressé. Je sentais son cœur battre la chamade sous la pulpe de mes doigts. Je finis par articuler difficilement qu'il fallait qu'il m'emmène à l'hôpital. Il passa mon bras autour de ses épaules avec délicatesse et m'emmena à la voiture.
Il roulait vite, et j'avais mal. Je devinais qu'il disait des choses car je voyais sa mâchoire bouger dans le coin de ma vision, mais je ne voyais pas ses lèvres suffisamment bien pour lire dessus. Je me souvenais des exercices de respiration que m'avait appris la sage-femme et essayai de les mettre en application. Le trajet jusqu'à l'hôpital était plus long que je ne le pensais, et la douleur augmentait toujours plus, car les contractions se faisaient de plus en plus nombreuses.
Quand enfin il se gara sur le parking de l'hôpital, j'ignorais complètement si j'étais capable de marcher. Mes jambes trempées me donnaient la chair de poule malgré la température étouffante de l'été. De la sueur glissait sur mon front et mon t-shirt collait ma peau avec cette sensation détestable de saleté. Mon mari ouvrit ma portière et m'aida à marcher jusqu'aux urgences. Les lumières trop fortes des plafonniers m'aveuglèrent momentanément, tandis que cette odeur de propreté maladive propre aux hôpitaux agressait mon nez. Une femme nous guida vers un ascenseur en faisant de grands gestes : il lui avait certainement dit que j'étais sourde de naissance. Ce comportement qui d'ordinaire m'énervait au plus haut point m'aida énormément. Ma vision était trop troublée pour que je puisse lire sur les lèvres de quiconque.
Mon ventre me faisait horriblement mal, j'essayais de concentrer mes sens sur le mouvement régulier du pouce de mon mari sur mon épaule et sur le léger tremblement du sol de l'ascenseur. Je tentais de me redresser et fixait mon propre regard dans le miroir du fond de la cage. J'étais effectivement trempée de sueur, et sur mon visage se lisait la peur plus que la douleur. J'avais si peur, et refouler cette angoisse ne faisait que l'agrandir. Pour me rassurer, je lui parlais : Tout va bien se passer mon cœur, tu vas bientôt venir au monde, attend juste encore un peu, encore un tout petit peu. Comme à chaque fois que je lui parlais, elle bougea dans mon ventre, ce qui m'arracha un petit sourire.
On me dirigea vers la salle d'accouchement et on m'installa le plus confortablement possible. La sage-femme passa une large ceinture autour de mon ventre et elle la relia à un écran. Des courbes eurent à peine le temps d'apparaître sur l'écran que la sage-femme me fit de grands gestes qui m'indiquaient quand je devais pousser. Je ne dus pousser que deux fois avant que mon enfant ne naisse. Beaucoup de femmes au cours de ma grossesse me l'avaient dit, donner la vie est la plus belle chose qui soit, et un sentiment de plénitude vint chasser toutes les angoisses qui logeaient au fond de mon cœur.
La sage-femme déposa ce petit ange sur mon cœur tandis que mon mari me prenait la main gauche. Je me tournai vers lui, il avait les larmes aux yeux. Je me plongeais dans son regard doux lorsqu'une sensation inconnu chatouilla mon oreille droite. Ce n'était pas un toucher, c'était quelque chose d'indescriptible, d'incompréhensible. Mon cœur s'emballa immédiatement, faisant s'affoler les courbes sur l'écran. Je me tournais immédiatement vers ma fille alors que ce phénomène devenait de plus en plus présent, de plus en plus fort, presque insupportable. Ma fille avait la bouche ouverte, j'en déduisit qu'elle pleurait. Sa bouche se referma, et immédiatement cette sensation s'arrêta. Mon mari vint lui caresser le ventre, et cette chose se reproduisit quand ma fille ouvrit la bouche.
Alors je compris. Cette chose étrange, c'était elle, je ne faisais pas que lire sur ses lèvres, je l'entendais. Quand je compris cela, tout changea. C'était comme si tout ce que j'avais fait avant n'avait servi qu'à me porter jusqu'à cet instant, pour que je trouve enfin ma vraie raison de vivre. Sa voix résonnait dans mon esprit aussi clairement que son visage s'imprimait sur ma rétine. J'adorais cette sensation, c'était la plus belle chose du monde, pourtant mon crâne me faisait horriblement mal ; mon cerveau n'avait pas l'habitude de traiter ce genre d'information, mais sur le coup, cela m'importait peu. Toutes mes craintes étaient ridicules désormais, ce lien si spécial que j'espérais, je l'avais.
Je me mis à chuchoter son prénom, encore et encore jusqu'à ce que je m'endorme, épuisée.
Voilà ! Maintenant, place à la petite explication.
Les personnes sourdes sont souvent appelée sourdes-muettes, pourtant cette affirmation est fausse dans la plupart des cas. Les cordes vocales d'une personne sourde fonctionnent normalement, mais à cause de leur surdité, elles n'apprennent pas à parler en copiant les sons que font leur entourage. Il existe cependant des cours pour ces personnes où elles apprennent à articuler, et c'est le cas de mon héroïne. Bien sûr, sa prononciation ne sera pas parfaite car c'est très très dur de faire un son sans l'entendre, mais c'est largement compréhensible. Une femme sourde est devenue avocate il y a quelques années, et elle se bat tous les jours pour faire comprendre qu'une personne sourde peut vivre comme tous le monde si son entourage y met du sien. BRUT l'a d'ailleurs interrogée, je vous conseille d'aller voir, c'est très intéressant.
D'ailleurs, un autre petit fait intéressant que j'ai découvert en écrivant ce texte, les personnes sourdes pensent en figurant les choses, ou bien en langue des signes. En effet, il ne peuvent pas s'imaginer une petit voix dans leurs têtes, car ils ne savent absolument pas à quoi ressemble une voix.
J'espère qu'au moins vous aurez appris quelque chose !
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