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défi n°3

Bien le bonjour ! Voici ma version du troisième défi du concours organisé par @Light_Help ! Si c'est pas encore fait je vous conseille d'aller voir son compte et aussi d'aller lire les textes des autres participants (vous trouverez certainement des perles !). En ce qui concerne mon texte, le nombre de mots sur wattpad est 5626 et sur word 5676 (ouais je sais pas...) et vu que j'ai largement dépassé le maximum de mots, j'aurai des points en moins, mais c'est pas grave, je le dis juste pour que tout le monde soit au clair. 

Sur ce, bonne lecture !


« Dame Germine, je vous implore à genoux pour la cinquième fois, épousez-moi !

- Mon cher Edmond, je crains que ma réponse ne soit la même que les quatre fois précédentes : je ne me marierais pas avec un vulgaire marchand de bas étage comme vous. Ce serait gâcher la perfection que j'incarne, répondit Germine, profondément outragée par cette demande déplacée.

- Votre beauté et votre intelligence ont fait fondre mon cœur, j'en ai peur. Je vous aime !

- Si vous m'aimiez vraiment, vous travailleriez plus dur pour être digne de moi. Allons, retournez d'où vous venez. »

Germine regarda l'homme se détourner et rentrer chez lui, le dos voûté par la honte, et elle ne pût s'empêcher de sourire, satisfaite. Elle attendit qu'il disparût tout à fait de sa vue pour se mêler à son tour à la foule qui emplissait les rues étroites de la ville française. La jeune femme marcha d'un pas lent. Elle aimait à sentir glisser sur elle les regards envieux des autres filles de marchands, voir le regard des hommes, mariés ou non, riches ou pauvres, être inévitablement attirés comme un aimant vers le creux juste au-dessus de son corset, qu'elle portait volontairement bas et très serré.

Un fiacre tentait de se frayer un chemin dans la rue bondée des jours de marché, mais malgré les demandes du cocher, personne ne daigna lui faire de place. L'un des chevaux, dans son impatience, frappa du sabot une flaque de boue formée par la pluie de la veille. Des éclaboussures atterrirent sur la belle robe de Germine qui poussa un cri d'horreur. Elle tourna sur elle-même, poussant un nouveau cri à chaque tâche brune qu'elle découvrait sur la soie rouge. Le cocher descendit de son siège et se précipita vers elle, croyant qu'elle était victime d'une attaque.

« Sais-tu qui je suis ?! Comment oses-tu me salir, l'agressa-t-elle. »

L'homme se répandit en excuses, ce qui énerva encore plus Germine. Le vieil homme essayait tant bien que mal de calmer la fureur grandissante de celle-ci, mais c'était comme essayer d'éteindre un feu en soufflant dessus, ça ne faisait que lui donner plus de puissance.

« Je vous rachèterais une robe, proposa-t-il en désespoir de cause.

- Jamais tu ne pourrais, cette robe vaut bien plus que ta misérable vie ! Va plutôt demander à ton maître de réparer tes erreurs. »

Une lueur de peur passa dans les yeux fatigués du côcher, et, le temps d'un infime instant, Germine regretta ses mots. Mais, voyant l'état de sa robe dans le reflet d'une fenêtre, elle s'avança vers la porte du véhicule, poussant au passage le corps frêle du vieux côcher qui ne cessait de geindre bruyamment. Elle ouvrit la porte si violemment qu'elle faillit l'arracher du fiacre d'un noir brillant. Elle passa son buste à l'intérieur et fût surprise par la luxure qui y régnait. Le plafond était orné de dorures, le sol était recouvert d'une belle moquette et les banquettes étaient faites d'un tissus pourpre éclatant. Un jeune homme beau comme l'Amour était assis là et il observait Germine d'un air perturbé. Il jeta un regard glaçant à son côcher par-dessus l'épaule de l'intruse et ses jérémiades s'arrêtèrent immédiatement.

« Que me vaut votre intrusion dans ma voiture jeune demoiselle ?

- Je suis la fille du plus grand marchand de cette ville : Monsieur Beaucarie, et vos chevaux ont taché ma robe, je souhaite que vous me la remboursiez. Comme vous le voyez, continua Germine qui ne voulait pas manquer une occasion de se vanter, elle est faite d'une soie venue de Chine et...

- Je n'ai que faire de votre robe, la coupa-t-il. Cependant, vous avez dit être la fille de Monsieur Beaucarie, n'est-ce pas ? Je lui apporte justement un message de la part de mon père, le duc. Le bateau de marchandises de votre père a coulé, toutes les marchandises sont perdues, votre père doit me rembourser l'entière valeur du bateau et des marchandises qu'il transportait avant demain soir. »

L'information ne fit qu'un tour dans l'esprit de Germine. Le jeune homme au visage plaisant et au regard glaçant assis nonchalamment devant elle était donc le fils d'un duc ? L'idée de le séduire lui parût si plaisante qu'elle ne fit pas attention au reste de ses dires. Si elle le séduisait, elle n'aurait plus à vivre avec sa famille, avec sa sœur Belle, qui l'horripilait par-dessus tout. De plus, elle prouverait enfin au monde entier que Belle n'était rien face à elle.

« Venez avec moi, dit-elle en attrapant le bras du jeune duc, je vais vous guider à mon père. »

Germine tira le jeune homme hors de son fiacre et elle le guida à travers les rues bondées, tachant de montrer au plus de monde l'homme qui avait l'honneur de tenir son bras. Elle lui fit la conversation comme on le lui avait appris, riant en mettant sa main devant sa bouche pour cacher ses dents et papillonnant des paupières dès qu'il la regardait. Au bout de quelques minutes de marche - Germine empruntait des détours - son compagnon de marche daigna enfin desserrer ses dents pour parler. Un sourire tordit même les lèvres de celui-ci lorsqu'il aperçut enfin la majestueuse maison de maître construite spécialement à la demande de Monsieur Beaucarie. Germine trouva ce sourire magnifique, bien qu'en vérité, il ressemblait plus à une grimace qu'autre chose.

Germine entra la première dans la maison, suivie de près par le jeune duc. Ils furent accueillis par Belle qui faisait la vaisselle. La cadette de la famille s'obstinait à aider les domestiques dans leur travail, ce que Germine trouvait tout bonnement ridicule.

« Tu aurais dû me dire que nous avions un invité, je me serais changée, fit Belle avec son sourire trop parfait. Mais qu'est-il arrivé à ta belle robe rouge, s'exclama-t-elle ensuite en voyant l'état de la robe de son aînée. »

Elle se précipita vers sa sœur mais la pauvre enfant se prit les pieds dans son torchon et elle s'étala de tout son long dans la cuisine spacieuse. « Quelle empotée » pensa Germine en son for intérieur. Le jeune homme, voyant que personne ne bougeait pour aider Belle, accouru pour l'aider à se relever. Ils engagèrent tous deux une conversation à laquelle Germine ne prit pas part. Elle était trop occupée à dévisager le jeune duc. Lui qui n'avait que difficilement parlé avec Germine, le voilà qui parlait de bon cœur avec cette idiote. Elle était tellement occupée à détester sa cadette qu'elle ne remarqua même pas l'air de plus en plus inquiet de celle-ci.

S'en était trop pour Germine. Elle monta les escaliers de bois et se dirigea droit vers sa chambre, ne saluant pas ses frères en passant devant eux, ce qui ne les étonna pas. Elle et sa deuxième sœur, Bakony, étaient rarement de bonne humeur après avoir vu Belle.

Devant sa glace en pied, Germine se remémora sa rencontre avec l'homme de ses rêves, enlevant dans le même temps sa robe de soie rouge tachée de boue. C'est en desserrant son corset qu'elle se remémora ce qu'avait dit le jeune duc : « votre père doit me rembourser l'entière valeur du bateau et des marchandises avant demain soir. » Peut-être l'air qu'elle pouvait à nouveau respirer accéléra-t-il la capacité de réflexion de Germine, mais elle comprit très rapidement que son père ne pourrait jamais rembourser tout cela avant le lendemain soir. Germine comprit plus vite que n'importe qui qu'elle était devenue pauvre. Elle comprit qu'elle allait devoir partir de cette ville, qu'elle allait devoir porter des robes laides, des sabots au lieu de ses pantoufles, que ses cheveux ne seraient plus joliment coiffés, qu'elle se marierait avec un fermier et surtout, elle comprit que sa vie allait encore changer. Et quand elle eut compris tout cela, Germine eut peur.

Elle sentait cette émotion nouvelle entrer en elle, serrer ses entrailles plus fort que n'importe quel corset. Ses mains tremblaient, ses dents claquaient. La jeune femme avait chaud et froid en même temps, elle avait le souffle court, sa vue se troublait. Elle sentit toute la stabilité de sa vie lui être arrachée, elle ne voulait pas la perdre. Il devait y avoir une solution, son avenir ne pouvait pas dépendre d'un bateau coulé.

Elle releva la tête et observa son reflet dans la glace. Son corps était d'une finesse sans pareil et sa peau était si pâle qu'on l'eut aisément confondue avec son corset et son jupon blanc cassé. Elle mordillait nerveusement sa lèvre inférieure pulpeuse et rosée. La fine arête de son nez, parsemée de quelques taches de rousseur, était plissée par le trop plein d'émotions qu'elle affrontait et ses yeux sombres étaient baignés de larmes. Elle passa une main tremblante sur ses longs cheveux bruns coiffés en chignon et essaya de se calmer.

« Edmond a raison, se murmura-t-elle à elle-même, je suis belle et intelligente. Je suis parfaite. »

Il l'aimait, il le lui avait dit plus tôt dans la journée. Une poussée d'adrénaline causée par une pointe d'espoir la força à sortir de chez elle, son corset à moitié délacé et en jupon, pour aller demander à Edmond de l'épouser. Elle devait faire en sorte de changer de vie le moins possible, ou elle ne tiendrait pas.

Germine frappa à la grande porte de bois de la maison d'Edmond jusqu'à ce que ses phalanges commencent à saigner, mais Edmond n'était pas chez lui. Germine s'assit donc sur les marches de pierres du perron, les yeux fixés sur l'entrée de la petite cour. Le froid des pierres lui mordait la peau à travers la fine toile de son jupon, cependant, elle ne partit pas avant le retour d'Edmond. Elle s'imagina sa vie future avec lui, à quoi ressemblerait sa robe de mariée, à quoi ressembleraient leurs enfants... étrangement, dans cette vision, Edmond ressemblait au jeune duc qui était certainement entrain de demander Belle en mariage. La nuit tomba sans même qu'elle ne s'en rendit compte.

« Germine ? Que faites-vous devant chez moi, l'interpella la voix rocailleuse d'Edmond »

Encore plongée dans son imagination d'une vie parfaite, l'interpellée ne reconnut d'abord pas Edmond. L'homme petit et grassouillet qui se tenait devant elle lui faisait horreur et une envie de vomir l'assaillit rien qu'à l'idée de lui prendre la main. C'est ce qu'elle fit pourtant, et plus promptement qu'elle ne l'aurait cru possible. Sa grosse main était caleuse et sa peau hâlée à cause du travail, comparée à celle, fine et blanche comme neige, de Germine. Le contraste entre les deux était tout sauf gracieux et encore une fois, Germine dû avaler sa salive pour éviter de vomir. Elle ferma les yeux et pensa à sa sœur Belle et à son horrible air de chien battu. Avec une concentration intense, elle prit le même air et, avec une voix de fausset, elle récita des mots qu'elle avait entendu sortir de la bouche trop parfaite de sa cadette en différentes occasion, bien qu'elle n'en pensât aucun.

« Je suis sincèrement désolée pour tout à l'heure, Monsieur Edmond, voyez-vous, je n'ai pas réfléchi. Mais j'y ai repensé et j'en ai discuté avec mon père. Je veux aussi vous épouser. »

Le gros corps d'Edmond fut secoué d'un rire cynique. Il retira violemment sa main de celle de Germine.

« Vous êtes bien sotte ! Jamais je ne vous ai aimée, vous êtes trop vile et trop laide pour cela. De plus, les nouvelles vont vite, dans cette ville, surtout quand elles concernent la faillite du plus riche marchand de la ville. Vous êtes toujours vile, mais maintenant, vous êtes pauvre. (Il appuya ce mot en approchant sa face de celle de son interlocutrice) Retournez d'où vous venez, comme vous dites, vous n'auriez pas assez d'argent pour vous payer un médecin si vous tombez malade dans cette tenue vulgaire. »

Il passa à côté d'elle et rentra chez lui en riant. Germine, quant à elle, avait toujours aussi peur, mais cette dernière était accentuée par ce qu'elle identifiait comme de la honte. Elle rentra chez elle le plus vite possible, n'ayant que trop conscience des rictus moqueurs des autres filles de marchands et du regard trop lourd des hommes sur son corset délacé et sur son jupon presque transparent. Jamais on ne l'avait regardée de la sorte, du moins, jamais ne s'en était-elle rendue compte. Germine courut dans les rues illuminées à la lueur tremblante des torches, ne pouvant plus supporter le poids des regards. Elle se fichait bien de marcher dans des flaques de boue, tout ce qu'elle voulait, c'était se réfugier dans sa chambre jusqu'à ce qu'elle ne doive la quitter à jamais.

Et c'est ce qu'elle fit. Elle entra dans la bâtisse par la porte de derrière, monta les escaliers quatre à quatre et ferma la porte de sa chambre à clefs. Elle ne descendit pas pour souper, ni pour assister à la réunion de crise de la famille. Elle n'ouvrit pas la porte à Belle quand celle-ci vint s'assurer qu'elle allait bien. Il ne manquait plus que cette fouineuse la voit pleurer. Germine passa sa dernière nuit et sa dernière journée dans sa chambre, oscillant entre deux états. Elle dormait, puis pleurait, avant de se rendormir à nouveau.

A chacun de ses réveils, Germine essayait de faire ses bagages, parvenant parfois à glisser l'un de ses objets favoris dans une malle. A chaque fois, cependant, son désespoir la rattrapait et elle tombait à même le sol, pleurant jusqu'à l'épuisement, où elle se livrait avec joie au bras de Morphée, mais jamais pour une durée suffisante.

Quand le moment fut venu pour la famille Beaucarie de quitter cette maison pleine de souvenirs, cette ville qu'ils aimaient tant, cette vie qui leur manquerait sans doute, Germine était prête. Elle se tenait droite, seul ses yeux gonflés et rougis étaient les témoins des moments difficiles qu'elle venait de passer. Au fond d'elle, une haine plus grande encore avait grandi à l'égard de Belle, alimentée par la douleur du départ. Pourquoi avait-elle essayé d'imiter sa cadette dans l'instant le plus décisif de sa vie ? Parce que Germine savait, au fond d'elle que si Belle avait demandé à n'importe lequel des marchands de la ville de l'épouser malgré sa pauvreté, ils auraient accepté, mais jamais elle ne se l'avouerait.

Sur la misérable carriole où toute la famille était entassée pour le voyage, seul Germine et Bakony ne parlaient pas. Le reste de la famille parlait joyeusement de leur vie future. Heureusement pour la petite famille, ils avaient une maison de campagne où ils avaient passé quelques étés, avant que leur mère ne leur soit arrachée. Germine ne supportait pas de penser à cette maison, car celle-ci lui rappelait sa mère, et sa mort. L'idée d'aller y vivre lui donnait la nausée.

Pour éviter d'y penser, Germine observa sa sœur, Bakony, qui était assise en face d'elle. Les deux sœurs n'avaient qu'un an d'écart, cependant, elles ne passaient que très peu de temps ensemble. Sa sœur était son portrait craché, avec quelques défauts en plus, bien évidemment. Elle était aussi vile et cruelle que son aînée et elle vouait elle aussi une haine sans faille à sa cadette, bien que les fondements de cette haine soient inconnus de tous. Leurs similitudes lui donnaient, aux yeux de Germine, la crédibilité nécessaire pour qu'elle puisse l'apprécier.

La maison était plus petite que dans les souvenirs de Germine. Elle était faite sur deux étages. Le rez-de-chaussée était constitué d'un petit sas, d'un salon-cuisine et d'une petite chambre. L'étage – qui était plutôt un grenier aménagé - était séparé en deux chambres de taille égale. Il y faisait une chaleur étouffante, et le fait que Germine doive partager sa chambre avec ses deux sœurs rendait la chose invivable.

Très vite, la vie s'organisa dans la petite maison de campagne. Tout le monde avait trouvé son rôle, sauf Germine. Belle s'occupait de toutes les tâches ménagères, les hommes de la maison labouraient la terre, car le terrain était devenu une friche depuis leur dernier voyage. Bakony se contentait de se balader, de se plaindre, mais surtout elle n'aidait pas. Germine, quant à elle, l'imitait et souvent, elles partaient en balade ensemble, priant pour tomber sur un prince charmant qui les sauverait de ce cauchemar éveillé.

Lorsqu'elle arrivait à fausser compagnie à Bakony, Germine montait dans leur chambre et sortait sa robe rouge de la malle. Cette robe représentait parfaitement sa vie d'avant. Elle était parfaite, mais un événement la tâcha à jamais. En vérité, la famille Beaucarie avait eu plusieurs phases dans sa vie, et, quand elle prenait sa robe dans ses bras, Germine pensait à la première, celle qu'elle aimait. Cette époque lointaine ou toute la famille était encore soudée. Les trois filles étaient inséparables. Elles jouaient ensemble, mangeaient ensemble, riaient ensemble, pleuraient ensemble... Seulement, un jour d'hiver où elles jouaient sous l'œil attentif de leur mère, Belle était tombée dans la rivière. Leur mère avait sauté dans l'eau sans hésiter pour sortir son enfant des eaux glacées et violentes. Quelques heures plus tard, elle était clouée au lit par une fièvre particulièrement élevée. Elle ne serra plus jamais ses enfants dans ses bras.

Son enterrement fut un choc auquel aucune jeune fille de huit ans n'aurait pu se préparer, aussi Germine n'y fit pas exception. Elle n'avait plus jamais été la même depuis. Elle se sentait constamment comme un chien acculé contre un mur titanesque. Sa seule solution était de feindre une assurance sans pareil pour perturber ses attaquants. Elle avait beau être terrifiée par n'importe quel changement, elle n'en montrait rien, se raccrochant désespérément à quelque chose de réconfortant Il n'y avait que deux choses qui la rassuraient réellement dans sa vie. La constance de celle-ci et sa capacité à pourrir celle des autres. Belle était la seule dont elle n'arrivait pas à pourrir l'existence. Elle avait l'air imperturbable, et s'adaptait à toutes les situations avec une facilité déconcertante, même si elle était la cause du changement. Germine lui enviait cette capacité plus que toutes les autres.

Le temps passa, au bout de quelques mois de cette humble vie, plus personne ne semblait souffrir de la situation, du moins pas ouvertement. Bien sûr, Bakony et Germine se plaignaient encore, pleurant sur leur ancienne vie, mais leurs plaintes se faisaient de plus en plus rares et de moins en moins convaincantes. Les moments de solitude de Germine se raréfiaient eux aussi, elle avait réussi à enfouir sa peine au fond d'elle. Elle appréciait secrètement la sensation de porter des sabots, de même que la compagnie de Bakony. Leur passe-temps préféré consistait à salir ce que Belle avait lavé, déranger ce que Belle avait rangé et casser ce qu'elle filait. Malheureusement, celle-ci ne s'énervait jamais contre elles, ce qui rendait la chose moins amusante.

Parfois, lorsque Bakony était occupée à une autre affaire, Belle venait parler à son aînée avec son air de fausset et une compassion insupportable.

« Es-tu heureuse ici, grande sœur ?

- A ton avis ? Nous sommes pauvres, pourquoi serais-je heureuse, lui répliquait Germine.

- Je pense que tu es malheureuse, mais pas parce que nous sommes pauvres. Je le vois dans le fond de tes yeux, dans tes faux sourires, dans tes faux rires. Si tu veux, on peut en parler, je ne dirais rien à personne. »

Une rage soudaine monta en Germine, elle repoussa violemment la main réconfortante de Belle de son épaule et se leva brusquement. Comment pouvait-elle lui proposer de l'aide alors qu'elle était la cause même de son malheur ? Elle aurait mieux fait de se noyer dans la rivière, ce jour-là, la vie de tout le monde aurait été meilleure ! Sans même qu'elle ne s'en rende compte, ses mots traversèrent ses lèvres, ainsi que bien d'autres insultes que Germine gardait en elle depuis si longtemps. Quand elle se rendit compte de ce qu'elle avait dit, elle n'eut pas honte. Elle n'éprouva aucune peine à voir sa cadette retenir ses larmes pitoyablement.

Germine se détourna, la tête haute, et monta dans sa chambre avant que son masque d'assurance ne tombe. Belle, avec ses paroles, avait fait ressortir toute la peine qu'elle gardait au fond d'elle. Elle ferma à clefs la porte de cette pièce à l'atmosphère étouffante et pourtant si réconfortante. Machinalement, elle sortit la robe rouge, mais elle ne pleura pas. Sa rage était encore là, elle nourrissait un sentiment plus grand, plus fort : de l'incertitude. Lentement, cette incertitude prit le contrôle des pensées de Germine. Sa vie était un tel nœud de mensonge qu'elle ne savait plus qui elle était, en revanche elle savait ce qu'elle n'était pas. Elle n'était pas une dame, pas une pauvre non plus. Elle n'était pas heureuse, elle n'était pas elle. Qu'était-elle, au final ?

« Germine, l'appela-t-on, Germine descend vite ! »

Elle prit le temps de replier la soie rouge pour la ranger délicatement dans la malle, et elle s'obligea à arrêter de penser pour ne pas laisser paraître ses incertitudes sur son visage.

En bas régnait un désordre impressionnant, seule Belle était à l'écart. Tous les autres parlaient sans s'écouter, s'arrachant quelque chose des mains. Germine mis du temps à comprendre qu'il s'agissait d'une lettre. Elle n'en avait pas vue depuis une éternité – personne ne leur en envoyait. Comprenant qu'elle ne pourrait pas la lire vu l'agitation qui régnait, Germine cria dans la petite salle. Tout le monde se tourna vers elle et elle fit attention à ne pas croiser le regard de Belle.

« Est-ce-que je peux avoir une explication ? Pourquoi criez-vous tous, on dirait une basse-cour !

- Germine, c'est fantastique, lui répondit Bakony qui était visiblement aux anges, cette lettre dit que certaines des marchandises ont été retrouvées ! On va redevenir riches ! »

Germine ne savait pas comment réagir, mais déjà sa sœur l'entraînait dans une danse de la joie. Elle dansa, sourit, mais elle était encore plus perdue. Sa vie allait encore changer, mais était-ce vraiment un changement ? ou bien juste un retour aux sources ? Elle n'en savait rien. La fratrie passa le reste de l'après-midi à rire tous ensemble et quand le père rentra, ils lui annoncèrent la bonne nouvelle.

Le dîner fût un festin, ils mangèrent de la bonne viande – ce qui n'arrivait qu'en de rares occasions. Tous festoyèrent jusqu'à tard le soir, et, quand le moment vint de se coucher, Germine était trop fatiguée pour réfléchir. Le lendemain matin, le père partit sur son fidèle cheval, mais avant de partir, il demanda à chacune de ses filles ce qu'elles voulaient qu'il leur offre à son retour. Germine et Bakony lui tendirent toutes deux une longue liste qu'elles avaient préparée la veille, quant à Belle, elle fit celle qui ne voulait rien, ce qui énerva grandement ses deux sœurs. Elle finit par demander une rose, ce que Bakony trouva bon de critiquer. Germine se contenta de rire méchamment, bien qu'elle apprécia l'idée de la rose.

S'ensuivit ensuite une longue attente. Tout le monde s'occupant comme il pouvait. La maison était plus reluisante qu'elle ne l'avait jamais été. Deux fois, des bruits de sabots retentirent sur la petite allée de gravier, mais ce n'était pas leur père. C'était deux gentilshommes, qui, ayant entendu vanter les charmes des filles de la famille Beaucarie, étaient venu demander la main de l'une d'entre elles. Malheureusement, l'homme de la maison étant absent, ils repartirent avec la promesse d'un mariage dès le retour de celui-ci. Bakony avait hâte d'annoncer la nouvelle à leur père qui devait rentrer bientôt, pourtant, à la nuit tombée, le père ne fût pas là. La fratrie se réunit dans le salon et les hypothèses fusèrent.

« Peut-être qu'il a trop de marchandises pour qu'il les ramène toutes, suggéra l'un des frères.

- Peut-être a-t-il eu du :al à trouver tous les éléments de notre liste, proposa Bakony à son tour.

- Peut-être était-ce un piège... »

Ils se tournèrent d'un même mouvement vers la cadette. Les yeux de tous étaient emplis d'inquiétude, mais ceux de Belle encore plus, et sa remarque n'aidait en rien ses aînés à garder leur calme. Personne n'alla se coucher ce soir-là, tous étaient inquiets. Ils dormirent à tour de rôle dans le canapé, attendant impatiemment le retour de leur père, mais il ne revint pas pendant la nuit.

Germine se réveilla en sursaut de son tour de sommeil. Dans le petit salon, il faisait déjà jour, tout le monde dormait sur la table ou à même le sol. Seule Belle ne dormait pas. Elle avait une mine affreuse, son teint était d'un blanc maladif qui mettait ses cernes violettes en avant. Elle s'acharnait à récurer une assiette qui brillait déjà de propreté. Des bruits de sabots d'abord lointains se firent entendre, puis plus proches. Belle et Germine échangèrent un regard, et, d'un même mouvement réveillèrent les autres. Ils sortirent de la maison en trombe, mal coiffés et mal habillés, pour accueillir leur père. Tous le prirent dans leurs bras, soulagés. Germine fût la première à remarquer que leur père pleurait, discrètement d'abord, avant de se laissa emporter, et étrangement, voir quelqu'un pleurer lui fit du bien. Elle n'était donc pas la seule à ne pas aller bien ? Il se libéra de l'étreinte de ses enfants et se tourna vers Belle.

« La Belle prenez ces fleurs ! Elles coûtent bien cher à votre malheureux père. »

A la suite de quoi, il mit une branche de rosier dans les mains de la Belle. Les roses étaient magnifiques, d'une couleur éclatante, et Germine pouvait sentir leur doux parfum alors qu'elle était loin de sa sœur. Le père regarda alors chacun de ses enfants dans les yeux, avec une intensité peu habituelle, et il leur conta un récit inimaginable. S'il n'était pas revenu à l'heure prévue, c'était parce que cette lettre était un piège pour l'attirer en ville et lui faire un procès. Il se débattit corps et âme et finalement, réussit à partir de la ville sans rien avoir perdu, mais sans rien avoir gagné non plus. Seulement, il était tard, la nuit était déjà tombée lorsqu'il pénétra dans la dense forêt et il se perdit. Par chance, il tomba sur un château somptueux et vide. Dans ce château, il trouva un repas et un lit, et, le lendemain matin, son cheval portait un coffre remplit de tous les objets désirés pas Germine et Bakony, pourtant, la rose manquait. Non loin de là, un rosier majestueux poussait. Ses roses étaient magnifiques, et il en prit une branche pour Belle. Derrière lui surgit soudain une grande créature monstrueuse qui se fit appeler « La Bête » et qui lui révéla être le propriétaire du château. Il voulut punir son visiteur d'avoir voulu lui voler des roses et lui ordonna de revenir au château avant la fin du troisième mois, à la suite de quoi il le laissa partir.

« J'irai à votre place, père, déclara Belle d'un ton solennel.

- Voyons, tu n'y penses pas mon enfant, je ne te laisserai pas y aller.

- J'irai à votre place, père, répéta la cadette. Car c'est à cause de moi et de ma demande que cette bête vous a menacé. Ne tentez pas de m'en dissuader, ma décision est prise depuis que vous avez commencé votre récit. De plus, je ne pense pas que cette bête soit si monstrueuse que cela, puisqu'elle vous a laissé revenir à nous avec les cadeaux de mes sœurs. »

Le père prit sa fille dans ses bras, pleurant de plus belle. Tous deux pleuraient et Bakony crut bon de pleurer aussi pour montrer que tout cela la touchait, même si Germine savait qu'il n'en était rien. Elle-même était satisfaite de la situation. Elle espérait au plus profond d'elle que sa sœur se fasse dévorer violemment par cette bête et qu'elle souffre le martyr. Pourtant, un petit bout d'elle-même ne souhaitait pas le départ de cette peste, car sans elle, la maisonnée était fichue. C'était Belle qui faisait les corvées, qui préparait à manger, nourrissait les animaux... Germine se décida, il lui restait trois mois pour observer Belle discrètement, pour que, quand elle partirait à l'abattoir, la maisonnée survive.

Ces trois mois furent les plus longs que Germine eut jamais connus. L'année qu'elle venait de passer lui semblait plus agréables que ces trois mois passés collée à Belle. Même Bakony, qui au début trouvait l'idée bonne, abandonna au bout de deux semaines. Mais Germine voulait apprendre, elle ne voulait pas que sa survie dépende de la cause de tous ses malheurs. Car si avant Germine avait encore quelques doutes, elle en était désormais convaincue. Belle était une erreur, sa mort fera le plus grand bien à tous, et si elle avait pu mourir plus tôt, le monde ne s'en serait que mieux porté.

Le jour du départ de Belle, tous pleuraient, de fausses ou de vraies larmes cela importait peu. Belle serra dans ses bras chacun de ses cinq frères et sœurs et lorsqu'elle serra Germine dans ses bras, celle-ci fut prise par une envie de vomir soudaine. Belle lui murmura quelques mots à l'oreille après quoi elle s'en alla. Il avait été décidé que leur père la guiderait jusqu'au château et ainsi, tous deux disparurent dans la forêt, côte à côte.

Une nouvelle vie débuta, et Germine, pour la première fois depuis des années, accueillit ce changement les bras ouverts. Elle découvrit qu'elle aimait faire la vaisselle et passer le chiffon en chantonnant. Mais quand son père revint le lendemain, elle comprit que toute la famille n'était pas aussi enthousiaste qu'elle sur le départ de la cadette. Rapidement, leur père devint squelettique. Il ne mangeait plus rien, ne se levait plus de son lit. Il passait son temps à pleurer et les seuls mots qui sortaient de sa bouche étaient pour Belle. Germine s'inquiétait, elle voulait rester auprès de son père, mais celui-ci l'avait promise en mariage à l'un des deux hommes qui était venu les voir le jour de son départ. Germine ne savait comment il avait fait, mais celui-ci avait accepté malgré leur pauvreté.

Une bonne s'installa à la maison alors que les trois frères partirent vivre ailleurs avec des femmes du village d'à côté. La vie de tous s'était réorganisée et Germine et Bakony attendaient leur mariage, l'une avec moins d'impatience que l'autre. Le troisième mois du départ de Belle, celle-ci revint. Elle n'était pas morte dans d'atroce souffrances comme le demandait les prières de Germine chaque soir. Au contraire, la Bête était apparemment très raffinée et très riche. Belle était vêtue d'une robe dont même Germine, dans sa vie de riche, n'aurait pu rêver.

Elle leur conta sa vie autour d'un bon repas et leur confia qu'elle devait repartir la semaine d'après, car sinon la Bête serait très triste. Le père, qui avait réussi à sortir de son lit en entendant la voix de Belle, pleura bruyamment, même si Belle lui affirmait qu'elle était sincèrement heureuse là-bas. Heureuse, c'était un mot qui n'avait pas de sens pour Germine. Elle avait appris à vivre avec sa douleur, à tel point qu'elle pouvait parfois l'oublier. Mais Belle, le porte malheur de cette famille, était heureuse ?! Une grande rage resurgit en Germine. Cette même rage qui l'avait un jour amenée à insulter Belle. Ce sentiment grandit en son hôte pendant sept longs jours, et, quand vint l'heure du départ de Belle, Germine décida d'accompagner sa sœur sur un petit bout de chemin.

Elles s'enfoncèrent toutes deux dans la forêt, et, quand elles furent suffisamment éloignées de la maison, l'aînée fondit sur sa cadette, la faisant tomber de son cheval. Elle lui griffa le visage, lui déchira sa robe, la frappa jusqu'à ce que ses poings saignent. Quand ceux-ci lui firent trop mal, elle se leva et frappa violemment le corps recroquevillé de sa jeune sœur que la robe en lambeau ne protégeait pas. En frappant, Germine pensa à sa mère, à son père qui avait lui aussi faillit mourir à cause d'elle, à son propre malheur, à sa propre volonté de mourir. Germine frappa sa pauvre sœur impuissante jusqu'à tomber de fatigue, et quand elle arrêta enfin sa vengeance meurtrière, Belle ne bougeait plus. Elle était là, dans la boue, silencieuse et immobile. Voyant cela, Germine fut prise d'un fou rire nerveux. Elle remonta sur son cheval et regagna sa maison, laissant sa cadette pour morte.

Elle ne dit rien de ce qu'il s'était passé dans la forêt à sa sœur et son père. Qu'ils croient naïvement que Belle était heureuse en compagnie de sa chère bestiole ne la gênait pas. Belle était morte, elle l'avait tuée. Elle avait tué son démon, sa Némésis, sa petite sœur. Et bien que ce geste lui eût procuré beaucoup de plaisir sur le moment, Germine ne se sentait pas mieux, elle se sentait encore moins bien qu'avant. Souvent, sa tête tournait, elle trébuchait et parfois même tombait. Un jour où elle cherchait de l'eau à la rivière pour les poules, une crise la prit par surprise et elle tomba à l'eau. Elle ne se débattit pas, elle se laissa emporter par le courant. Des cailloux plus ou moins pointus lui raclaient le dos, déchiraient sa robe, lacéraient sa peau. Sans s'en rendre compte, Germine se vida de son sang dans cette rivière où Belle était tombée avant elle, mais cette fois-ci, sa mère n'était pas là pour venir la sauver. Dans ses derniers instants où elle fut consciente, Germine se souvint des mots que Belle lui avait murmurés à l'oreille avant son départ.

« Je sais que je suis la cause de ton malheur, alors je pars dans l'espoir que tu vives mieux. Bonne chance ».

Germine ricana. Sa dernière pensée serait donc pour Belle, l'ironie faisait bien les choses. Alors Germine souffla faiblement entre ses lèvres.

« C'était inutile de partir, Belle. Dans cette histoire, le problème c'était moi, pas toi. J'ai mis du temps à le comprendre. Je t'ai tué, et j'en suis désolée, je m'en vais maintenant. »

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