Chapitre 7 - partie 2
Tout en la suivant jusqu'aux sous-sols, il se sentait idiot. Quel argument allait-il avancer pour convaincre sa chef de se battre en duel à sa place ? Elle refuserait. S'il avait eu un autre choix, il ne serait jamais allé la voir. Mais il était dans une impasse.
Signe le mena le long des veines principales avant de bifurquer vers la venelle étroite, puis dans la faille où Eivind, desservi par sa carrure, eut du mal à se mouvoir, se faisant distancer par la panthère. Il finit par arriver au bout, dans ce coin de verdure dont la beauté saisissante lui coupa le souffle.
Ce fut un éclat de rire qui le tira de sa contemplation. Un rire qu'il n'avait jamais entendu auparavant.
Il s'avança en rasant la paroi humide recouverte de végétation. Le bruit des petites cascades était assez important pour couvrir ses pas. Il s'arrêta dans un renfoncement obscur d'où il voyait une grande partie de la grotte. Sighild, vêtue d'une robe de lin trempée, se réchauffait sous les rayons qui couraient le long des conduits naturels du plafond. Signe avait attrapé sa longue chevelure et s'amusait avec, faisant rire la femme aux éclats. Le Pisteur en oublia de respirer pour de bon. Il serait certainement mort asphyxié si la conversation des deux amies n'était pas venue sur un sujet sérieux :
— Tu as des choses à m'apprendre sur Izril ? demanda Sighild.
Sa voix avait retrouvé son timbre tirant vers les graves.
— Je crois, répondit celle particulière de la panthère. Il ne mange pas beaucoup.
La Chasseuse leva les yeux au ciel avant de les reposer sur l'irbis. Il n'y avait plus aucune lueur d'amusement en eux. Signe le regretta et reprit sérieusement. Elle lui rapporta les confidences faites par Izril au sujet de Lehnumia et de l'intérêt qu'il avait de mettre Haydar sur le trône.
— Un homme influençable à la tête de Faror ne vaut pas mieux qu'un tyran, commenta Sighild. Le devenir du pays lui importe autant qu'à moi, visiblement. Comment compte-t-il trouver la cité ?
— Il cache des papiers dans sa tanière, mais je ne sais pas ce qu'il y a dessus.
— Alors on ne peut pas être certain que ça ait un rapport.
— Non. Mais ils doivent être très importants car Izril ne les a jamais montrés à son mâle.
Sighild se redressa légèrement, incertaine de savoir ce que voulait dire la panthère. Elle fronça les sourcils de surprise, tout comme Eivind dans son coin, ce qui n'échappa pas à l'irbis :
— Ce n'est pas le bon mot ? demanda-t-elle.
— Je ne pense pas. Tu as dû confondre avec « ami ».
Signe pencha la tête sur le côté :
— Les amis humains s'accouplent ?
Cette fois, ce furent de grands yeux ronds que la Chasseuse ouvrit. Eivind en fit tout autant, mais sa surprise laissa vite place à un malaise. Il se sentait honteux d'avoir entendu une chose aussi intime au sujet de son frère en écoutant une conversation qu'il avait surprise. Honteux pour lui, mais aussi pour Izril et ses travers. Il réalisa à cet instant qu'il y avait des choses qu'il ne chercherait jamais à savoir à son propos.
— Sighild ? interpela Signe. Je me suis trompée ?
— Il semblerait que non. Mais c'est surprenant pour un humain. Les hommes s'accouplent généralement avec les femmes.
Aborder le sujet ainsi la dérangeait, comme chaque fois qu'elle manquait d'arguments pour expliquer les sentiments humains à l'animal. Ce dernier passa à autre chose et tourna la tête vers l'entrée de la grotte. Contrairement à Sighild, l'once distinguait le Pisteur dans la pénombre. Eivind prit le geste comme une invitation à entrer en scène. Il s'avança.
Dès que sa chef le vit, les traits de son visage se durcirent à nouveau, chassant la douceur qui l'avait illuminé dans un sourire.
Elle se leva et se dressa de toute sa hauteur, dévoilant la robe blanche mouillée qui épousait les moindres courbes de son corps. La vision aurait pu être divine si la femme ne le foudroyait pas d'un regard aussi glacial que la lame de son épée.
— Tu n'étais pas obligée de le mener jusqu'ici, Signe, lui reprocha-t-elle.
— Vous vous êtes encore disputés ? demanda l'irbis en guise de réponse.
Son ton semblait las, même s'il était difficile de le définir réellement. Elle jugea bon de filer avant que la situation ne dégénère, ce qui arriverait forcément avec ces deux-là.
Elle disparut de la grotte en moins d'une seconde. Eivind ne laissa pas le silence s'installer :
— Nous devons mener cette guerre, qu'importent les plans de mon frère au sujet de l'empereur.
— Je vois que tu as tout entendu... et pourquoi venir me trouver pour dire ça ?
— Berkwan est...
— Un dissident, je sais. Amalu m'a raconté. Mais ça n'explique rien.
— Les hommes ont peur, ils n'iront jamais au combat si ce conflit d'autorité ne cesse pas. Mais les chefs refuseront de l'évincer, sauf s'il est défié en duel et qu'il le perd.
— Alors défis-le.
— Je n'ai pas le droit.
La femme s'avança vers lui, soudain curieuse, et se planta sous son nez :
— Pourquoi ?
Il hésita à lui répondre. L'ironie de la situation et des paroles qu'il allait prononcer n'était pas du tout à son goût :
— Je n'ai aucun titre... contrairement à vous.
Sighild eut un pincement au cœur en voyant la mine abattue d'Eivind. Avant, elle aurait pris plaisir à lui répéter mot pour mot ce qu'il lui avait dit le soir de la fête. Aujourd'hui, elle n'en avait tout simplement pas la force. Il ne méritait pas que le destin soit aussi cruel avec lui.
— Je le défierai au crépuscule.
Le Pisteur resta coi un long moment.
— Pourquoi ? murmura-t-il dès que l'usage de la parole lui revint.
— Pour te prouver que je ne t'ai pas menti. J'aurais été capable, l'hiver dernier, de jouer ainsi avec toi. Mais il y a des choses qui m'ont changée, confessa-t-elle en portant la main à sa cicatrice rougie.
Elle voulut s'en aller mais Eivind la retint par le bras.
— Ce sont les Moeth ? demanda-t-il en désignant le stigmate.
— Ça ne te regarde pas.
— Dites-moi.
— Embrasse-moi.
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