Chapitre 5 - partie 3
Eivind se redressa pour s'asseoir, tenant toujours son nez endolori. Un examen rapide lui permit de constater qu'il n'était pas cassé, même si ce n'était pas passé loin. Shaya arriva à cet instant et courut vers le pisteur. Elle s'agenouilla près de lui pour constater l'étendue de la blessure. Eivind la repoussa :
— Je vais bien, assura-t-il en se redressant.
La nièce de Dassine se releva en même temps qui lui :
— Laisse-moi juste regarder.
— C'est bon, répéta-t-il, un peu trop durement. Je veux simplement rester seul. Demain sera une longue journée, j'aimerais me reposer.
Shaya le regarda, hésitante, puis se décida à filer lorsqu'il posa sur elle des yeux brillants d'impatience. Elle lui souhaita bonne nuit avant de disparaître derrière la porte qu'elle ferma délicatement. Il alla jusqu'à son lit et s'y laissa tomber. Là, une longue expiration lui échappa, reflet de sa fatigue physique et morale.
Les choses allaient sérieusement se compliquer si Sighild décidait de lui tourner le dos. Il la savait même capable de repartir sans lui.
Il souffla pour chasser ses pensées dérangeantes avant de se relever pour aller soigner son nez.
Sighild ne se montra pas le lendemain, ni le surlendemain. Les nomades l'aperçurent furtivement durant ces deux jours, errant dans les cavernes, le long des galeries, explorant les moindres recoins des endroits habités, allant même plus loin parfois.
Ce fut au troisième jour qu'elle refit surface, lorsque les guerriers des premières tribus arrivèrent au campement rebelle. Elle s'afficha en toile de fond aux côtés d'Amalu, attirant les regards et soulevant des questions. À eux deux, ils portaient un regard avisé sur les combattants, analysant leurs points faibles et forts. Sighild n'interférait pas dans les entraînements dispensés par Eivind car elle constatait, à contrecœur, qu'il s'en sortait très bien sans elle. À la fin de la journée, les nomades nouvellement arrivés le portaient déjà aux nues comme un héros inattendu venu sauver le pays. Les jours suivants ne changèrent en rien cela, malgré le nombre grandissant de Faroren qui plantaient leurs tentes sur tout le plateau désertique.
Dix jours passèrent ainsi sans que la Sigvaldan n'adresse un mot à son chasseur.
Les entraînements s'enchaînaient, tout comme les réunions entre chefs rebelles durant lesquelles Sighild restait aussi silencieuse qu'Amalu.
L'après-midi du onzième jour, les cris simultanés de dizaines de dragons firent retomber l'animation qui agitait le campement. Sighild, assise à l'ombre au second niveau des cavernes, se leva et courut jusqu'à l'extrême bord d'un grand promontoire rocheux qui servait de plateforme d'atterrissage aux grands reptiles. En contrebas, un vent de panique poussait les nomades à l'intérieur des grottes.
Les hommes criaient de se dépêcher, les femmes pressaient leurs enfants pendant que ceux-ci obéissaient en silence. Ils semblaient les moins en proie à l'affolement car, comme Sighild, ils ne réalisaient pas vraiment ce qu'il se passait. Ce fut en levant les yeux vers l'horizon que la femme comprit : des dizaines de dragons volaient vers la falaise, poursuivis par un mur de sable d'une hauteur incommensurable.
Une tempête.
Un vrombissement sourd commençait à se faire entendre et gagnait en intensité, couvrant presque la voix d'Eivind qui appelait sa chef. La femme fit volte-face et courut se mettre à l'abri dans la grotte. Les hommes avaient déjà commencé à faire rouler sur leurs gonds les immenses et lourds battants des portes. Mais ils s'arrêtèrent lorsqu'ils formèrent un angle droit avec la paroi :
— Pourquoi ne ferment-ils pas ? demanda la chasseuse à Eivind.
— Les dragons arrivent, répondit-il en l'attrapant par le poignet.
Il la tira vers lui et passa derrière le battant. Une fraction de seconde après, six grands Kereoban pénétrèrent à vive allure dans la caverne, largement assez haute et large pour en accueillir dix de plus. Un dragon se tourna vers l'ouverture, paniqué.
— Fermez les portes ! hurla Gildun.
Eivind aida les autres nomades. Même si la tempête n'était pas encore là, le vent était puissant et le sable irritant. Le dragon inquiet grogna.
— Glaam ! Mon petit est dehors ! s'affola la Kereoban.
— On ne peut pas attendre, Hyulha, se désola Gildun.
Les portes étaient presque fermées. Sighild s'avança vers Eivind :
— Ouvre les portes, ordonna-t-elle en tirant le panneau.
— Vous êtes folle ! Si on attend le petit, on ne pourra plus les fermer.
Elle le foudroya du regard.
— Ouvre-cette-porte ! répéta-t-elle.
Eivind la fixa une seconde, soupira de dépit et hurla de rouvrir. L'injonction surprit les hommes qui ne surent pas quoi faire. Sighild tira le deuxième battant, aidée par la force du vent. Il ne lui fallut pas attendre longtemps avant de voir rentrer Glaam qui, poussé par le souffle, heurta sa mère de plein fouet.
— Fermez ! cria Sighild.
Les hommes poussèrent de nouveau mais il leur était impossible de faire bouger la porte cette fois-ci. La tempête était là.
Les dragons vinrent en renforts. Ils appuyèrent leurs pattes avant sur les battants et poussèrent si violemment que les hommes perdirent l'équilibre et tombèrent à la renverse. Les plus dégourdis se relevèrent dans la foulée et verrouillèrent l'entrée.
— Reculez !
En disant ça, Dassine saisit une épaisse corde qui pendait sur le côté et tira. Du tissu lourdement lesté se déplia le long de la porte afin de retenir le plus de sable possible.
Le calme retomba dans la caverne.
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