Chapitre 10.
Minho n’avait jamais été du genre à faire particulièrement attention à sa santé, il n’allait consulter que lorsqu’il était vraiment malade mais il ne s’affolait pas dès qu’il souffrait du moindre mal. Ce qui l’avait amené chez le docteur ce jour-là, c’était cette boule qu’il avait toujours sur la cuisse et qui, malgré le fait que Jisung faisait désormais attention où il mettait ses coudes, n’avait ni disparu, ni rétréci. Ça l'inquiétait de plus en plus et il avait décidé de se rendre chez un spécialiste afin de se rassurer.
Ça n’avait bien entendu pas eu l’effet escompté car, après quelques examens sommaires, le médecin avait conseillé à Minho d’aller passer une radio et une échographie. Il avait essayé de ne pas dramatiser, mais de toute évidence, il n’avait pas pu certifier au peintre que ça n’était rien du tout. Sans savoir de quoi il en retournait, il avait décidé de ne pas en parler à Jisung, il connaissait trop bien son petit ami et savait qu’il allait paniquer et ça ne ferait que fatiguer un peu plus Minho qui n’en pouvait déjà plus de ne pas savoir ce qui lui arrivait.
Il avait profité des jours de travail de Jisung pour se rendre à l’hôpital afin de faire des examens complémentaires, cette boule qu’il avait toujours sur la cuisse avait sérieusement commencé à l’inquiéter en attendant ses rendez-vous et il n’avait qu’une hâte, qu’on lui dise que ça n’était rien de grave, juste un truc bénin.
Cela faisait une heure qu’il attendait dans une petite salle de consultations, il avait passé sa radio et son échographie l’une après l’autre et il attendait les spécialistes qui devaient lui faire part de leurs analyses. Il espérait que ça n’allait pas plus traîner que ça, il n’avait pas envie de rentrer trop tard à l’appartement car il savait que Jisung lui poserait des milliers de questions sur la raison de son retard et clairement, après une demi-journée à traîner à l'hôpital pour des rendez-vous, il avait juste envie de rentrer et de passer une soirée au calme. Peut-être qu’il proposerait à son petit ami de se faire livrer à dîner et qu’ils regarderaient un film dans les bras l’un de l’autre jusqu’à s’endormir dans le canapé.
C’était un bon programme et c'eût le mérite de le faire sourire en imaginant déjà la bouille de Jisung en train de lutter contre la fatigue pour ne pas s’endormir à la moitié du film.
Il fût sorti de ses pensées par la porte de la salle qui s’ouvrit pour laisser entrer deux hommes en blouse blanche. Minho se leva par politesse mais l’un d’eux lui indiqua la chaise.
— Monsieur Lee, asseyez-vous.
Celui-ci ne fut pas particulièrement rassuré par le ton employé par l’homme mais s'exécuta. Le deuxième ouvrit une pochette de laquelle il sortit quelques documents dont les miniatures de la radio et de l’échographie de son patient.
— Monsieur Lee, reprit le premier, moi et mes confrères avons analysé les images de vos différents examens et…
Il tourna l’une des photographies face au patient et indiqua la masse qui semblait être la fameuse boule qu’il sentait sous sa peau.
— Il s’agit d’une tumeur.
L’annonce tomba comme un coup de massue, les oreilles de Minho se mirent à bourdonner, sa vision se troubla l’espace d’un instant et il toussota afin que sa voix ne craque pas lorsqu’il demanda au cinquantenaire de bien vouloir répéter.
— Cette masse que vous sentez sur votre cuisse est une tumeur. Malheureusement nous ne pouvons pas vous en dire plus pour le moment, il faudrait que nous puissions procéder à des examens plus poussés, peut-être une biopsie mais le mieux serait de la retirer au plus vite.
— Qu’elle soit bénigne ou maligne, ajouta son confrère, il faut opérer pour la retirer, ensuite nous pourrons procéder à d’autres analyses et voir s’il y a besoin ou non de mettre en place un traitement médicamenteux voire de la chimiothérapie.
— Vous êtes jeune et en bonne santé, il ne devrait pas y avoir de complications. De plus, la tumeur n’est pas localisée dans une zone sensible. Il n’y a pas de risques à court terme.
Ils continuèrent leurs explications que Minho n’écoutait plus qu’à moitié, les termes médicaux lui passaient par-dessus la tête. Ses doigts se crispèrent sur son jean, il avait envie de tout envoyer valser dans cette pièce, mais il prit sur lui et se contenta d’hocher la tête durant tout le discours des médecins.
— Nous allons vous rappeler ultérieurement pour vous informer d’une date, l’intervention ne prendra que quelques heures et vous pourrez sortir dès le lendemain ou au plus tard le surlendemain. Vous avez des questions monsieur Lee ?
— Non, tout est clair, je vous remercie.
— Il y a quelqu'un qui pourrait venir vous chercher peut-être ? Ou au moins quelqu'un qui vous attend à la maison ? Ce genre de nouvelles peut être assez dur à encaisser.
— Oui, ne vous inquiétez pas, je ne serai pas seul.
— Bien.
Ils se levèrent tous les trois pour se saluer et les deux médecins accompagnèrent leur patient dans le couloir. Ils lui confièrent son dossier.
— Nous vous rappellerons bientôt pour convenir d’une date, en attendant portez-vous bien monsieur Lee.
Minho s’inclina et rejoignit la sortie de l’hôpital, l’esprit totalement ailleurs. Il fourra la pochette dans son sac une fois dehors et se dirigea vers la station de métro la plus proche. Il passa le trajet jusque chez lui dans une bulle. Les sons alentour étaient faibles, brouillés, les images floues, son corps le menait mécaniquement jusqu’à chez lui, comme un robot, comme s’il n’était plus qu’un esprit dans un corps artificiel. Il déverrouilla la porte de l’appartement et retira ses chaussures, il retira sa veste et l’accrocha au mur puis s’avança vers la table de salle à manger sur laquelle traînaient deux ou trois affaires. Minho y posa son sac et soupira avant de passer ses mains sur son visage. Il frictionna rapidement sa peau avant que ses mains n’aillent s’écraser sur le verre de la table. Il baissa la tête et un rire nerveux lui échappa.
— Une tumeur. Une putain de tumeur.
Un autre rire, signe que ses nerfs commençaient à lâcher. Puis le rire se mua en sanglots puis en cris. Minho donna un coup de bras sur la table et envoya valser tout ce qui s’y trouvait, les chaises finirent au sol elles aussi dans des bruits sourds. Il quitta la pièce pour se rendre dans son atelier et s’installa devant une toile vierge avant d’allumer une cigarette. Il valait mieux qu’il passe ses nerfs sur la peinture que sur le mobilier, autant que sa colère mène à quelque chose. Il coucha les formes et les couleurs sur la toile dans des mouvements secs et nerveux. Les émotions quittaient son corps, peu à peu elles s’évaporaient, glissaient jusqu’à son pinceau avant de venir s'écraser sur la surface telles des vagues au bas des falaises lors d’une tempête.
La colère, la tristesse, la folie et la peur, elles avaient vite piétiné l’insouciance, la candeur, la joie et l’amour.
***
— Je suis rentré !
La voix guillerette de Jisung retentit dans l’appartement silencieux. Il n’eut pas de réponse mais devina que son petit ami était là en voyant ses affaires dans l’entrée et une faible lumière qui provenait de l’atelier au fond du couloir sur la gauche. Des bruits de pas puis une porte qui se claque et Minho apparut dans la pièce à vivre, un léger rictus aux lèvres.
— Ça a été ta journée ? demanda-t-il en laissant Jisung venir l’embrasser.
— Oui tranquille et toi ? Tu as réussi à peindre ?
— Hum oui, j’ai été efficace, cinq tableaux.
— Qu-quoi ? Cinq tableaux en une journée ? Eh ben.
Lee Know ne chercha pas à lui en dire plus, Jisung ne devait se douter de rien. Il avait remis la pièce en ordre et le dossier médical était caché quelque part où il ne pourrait jamais le trouver. Il n’avait pas envie qu’on le plaigne, il n’avait pas envie que son petit ami change sa façon d’être avec lui juste parce qu’il était malade. Il n’allait pas si mal que ça après tout, il n’était pas à l’article de la mort, rien ne servait de l'alarmer.
— Je me disais qu’on pourrait se faire livrer à manger et regarder un film dans le canapé, hum ?
Jisung se laissa volontiers étreindre.
— C’est un programme qui me plaît beaucoup.
Il pressa ses lèvres à celle du plus vieux qui le lâcha pour aller chercher son portable afin de commander le dîner.
— Tu veux quoi ?
— Oh je veux bien qu’on reprenne au même restaurant que la dernière fois ! C’était excellent.
Minho hocha la tête et chercha les coordonnées dudit restaurant.
— Tu veux que j’en prenne un peu plus pour qu’on en ait pour demain midi ?
Pas de réponse. L’aîné releva les yeux de son téléphone et paniqua en voyant son petit ami, la main sur la poignée de la porte de son atelier.
— Non !
Jisung se figea au cri de Minho et il lâcha précipitamment la poignée. Lee Know le rejoignit à grandes enjambées et se plaça entre la porte et Jisung qui l’observait les yeux écarquillés.
— J-je voulais juste voir tes peintures ? murmura-t-il encore sous le choc de sa réaction.
C’était quelque chose d’ancré dans leurs habitudes, Minho peignait et montrait le résultat à son petit ami, pourquoi voulait-il lui cacher d’un coup ?
— J’ai pas, c’est- Pas pour le moment, ok ? Je teste un nouveau style et je suis pas encore sûr du résultat donc je préfère pas que tu vois pour le moment.
— Oh euh, d’accord.
Lee Know eut un petit rire nerveux puis pressa doucement l’épaule du plus jeune pour lui faire faire demi-tour.
— Tu devrais prendre une douche avant qu’on nous livre le repas, se justifia son petit ami, je vais commander.
Si la réaction de Minho l’avait surpris, ce qui surprit encore plus Jisung fut d’entendre clairement le bruit de la serrure de l’atelier se verrouiller derrière lui. L’aîné ne fermait jamais son atelier à clé, jamais. Lui et Jisung n’avaient pas de secrets l’un pour l’autre alors s’il agissait ainsi, c’était qu’il avait définitivement quelque chose à cacher à son petit ami.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro