Je trouvai Taïzu en méditation dans la grotte, figé comme une statue en position du lotus. Un sourire paisible flottait sur son visage. J'avais envie de lui sauter au cou et de laisser exploser ma joie, mais je risquais d'effrayer le vieil aveugle. Pour tromper mon impatience, je m'attelai à la préparation du repas. Mon maître ne m'en donna pas le temps, je l'avais malgré moi sorti de ses limbes.

— Je te sens agitée, Liù. Que se passe-t-il ?

Je pris une grande inspiration.

— Votre deuxième fils, Majesté, j'ai reconnu ses idéogrammes sur un panneau d'affichage.

La bouche de Taïzu s'ouvrit, puis sa figure s'éclaira d'un coup.

— Tu es sûre ?

— Il s'agit d'un avis de recherche, Votre Altesse.

Son visage tressaillit. Pour la première fois depuis notre départ, des larmes parurent au coin de ses yeux morts.

— Ma petite fille, murmura-t-il en me pressant le bras.

Je sentis l'émotion me gagner à mon tour. Jamais il ne m'avait appelée comme ça. Le vieil homme tremblait.

— Se pourrait-il que le Ciel m'offre une dernière occasion de bonheur ?

Je l'aidai à s'asseoir sur le banc. Les larmes coulaient maintenant sur ses joues.

— Moi qui pensais finir ma vie dans les ténèbres. Malgré ta générosité, j'ai honte de l'énergie que tu consacres à me servir, je suis devenu un tel fardeau. Aujourd'hui je comprends notre épreuve. Nous allons retrouver Calaf, j'en ai la conviction.

— Mais si sa tête est mise à prix ?

— C'est la preuve qu'ils ont des difficultés à lui mettre la main dessus ! s'amusa-t-il.

J'admirai son optimisme.

Notre repas devint le plus joyeux que nous ayons partagé depuis longtemps. Je lui préparai la rehmannia, mais les nouvelles semblaient avoir guéri mon vieux roi bien mieux que tous les remèdes de l'herboriste.