|| 05 ||
Gare du Capitole , Rocheuses , Capitole , Panem
Comme notre arrivée n'était prévue que pour demain , personne ne nous attend à la gare . Cela me soulage , car être accueillie par des gens à la peau verte , aux faux cils ornés de diamants , aux animaux au poil rose , aux extensions bleues ou aux anglaises rousses , c'est un peu trop pour moi . Une fois même , j'ai vu quelqu'un entièrement habillé en chat , des moustaches en passant par les oreilles jusqu'aux griffes . Ce jour-ci , j'ai passé mon après-midi à vomir mes tripes .
Avons de pouvoir sortir du train , Amela nous réunit tous dans la salle de séjour . Apparemment , elle tient à nous faire un breafing . Cela n'améliore pas l'humeur d'Elsa et d'Irwin . Lorsque nous nous croisons , ils me lancent un regard chargé de haine et de mépris , qui me fait comprendre que la semaine ne sera pas si facile que je ne le pensais .
Je m'assois sur un fauteuil en velours noir et me mordille les ongles en attendant que les autres arrivent . Par les autres , j'entends Samuel , qui est le seul absent du train . Il arrive après environ cinq minutes d'attente de notre part , et se fait sévèrement sermonner par notre hôtesse . Ses yeux sont rouges , je suis sûre qu'il s'est remis à pleurer après mon départ . Il a l'air tellement épuisé qu'il ne rembarre pas Amela , comme il en a l'habitude . Celle-ci est également choquée , mais pas vraiment mécontente .
J'ai beau faire semblant , il m'est impossible d'oublier le couteau planté dans la chair de la fille du Quatre , impossible d'oublier , que , si je veux - comme ma résolution soudaine l'exige - je devrais à mon tour ôter une vie . Une vie , si fragile , si précieuse . Je décide de tout faire pour éviter cette situation , afin que ma résolution ne fléchisse jamais . Evidemment , je ne peux pas me promettre de ne jamais le faire , car on ne sait jamais de quoi demain sera fait .
Et , si je dois sacrifier une vie pour sauver la mienne , je n'hésiterais pas .
Me tirant soudainement de mes pensées , Amela commence d'une voix sèche que je ne lui connaissait pas auparavant :
- Maintenant que vous êtes tous là , je vais enfin pouvoir commencer . ( Elle lance un regard appuyé , que dis-je , très appuyé en direction de Samuel . ) Nous sommes arrivés au Capitole . ( Elle lève la main pour stopper le concert de soupirs que nous dirigeons . ) Je vous prie de ne pas faire de bruit lorsque nous arriverons . La plupart des tributs sont sans doute en train de dormir . Nous allons donc sortir discrètement du train et nous endormir dans nos petits lits douillets !
Elle affectionne ces paroles en lâchant un sourire bienveillant , que je m'efforce de lui rendre malgré tout le dégoût qui me submerge . Elle semble heureuse d'avoir une personne qui la comprend ici , à savoir moi . Voilà que je me mets à lire dans les pensées des autres , moi aussi . Dans celles d'une stupide hôtesse du Capitole , qui plus est .
Nous entrons sans difficulté dans la spacieux bâtiment de verre , qui me fait penser à un hôtel . Il y a beau avoir des riches dans le district Neuf , je n'ai jamais vu luxe pareil à celui-là . Et quand je pense que ce luxe , c'est moi qui vais l'habiter - pendant une semaine , tout du moins - mon cœur s'emballe dans ma poitrine .
Samuel doit percevoir mon excitation , car il me prend par la main et m'entraîne dans l'ascenseur . Il appuie pour moi sur le bouton Neuf , et la cage transparente s'envole assez rapidement pour éviter l'ennui , mais assez lentement pour ne pas me donner de haut-le-cœur . C'est grisant , mais , contrairement à Samuel , je ne veux pas en refaire un tour . Je suis plutôt impatiente de découvrir mes appartements .
Lorsque l'ascenseur arrive à destination , nous nous précipitons vers la porte . Mais , lorsque je remarque une chose , je m'arrête net . La poignée de porte est faite dans une matière blanche scintillante et éblouissante . Lorsque je passe la main dessus , je la découvre aussi lisse que de la soie .
- Qu'y a-t-il ? me demande Samuel en haussant un sourcil .
- C'est vraiment une poignée de porte en platine ?
- Oui . C'est plutôt impressionnant , non ?
- Non . Je trouve ça pitoyable .
Il sourit pendant un court instant , puis tire la poignée qui laisse place à des appartements d'un luxe inimaginable . Je n'ai pas les mots pour le décrire , mais je vais tout de même essayer . La salle de séjour fait la taille de ma maison toute entière , une table noire est disposée en plein milieu , ainsi que quelques fauteuils dorés qui l'entourent .
Comme la première nuit dans le train , je ne prends pas la peine de manger et file directement dans la chambre . Toute cette luxure me donne des hauts-le-cœur .
C'est pourquoi je me précipite dans le couloir , loin de tout l'or , l'argent , le bronze , le platine et autres dans cette monstrueuse pièce . Je ne mets pas longtemps avant de dénicher l'endroit des chambres . Gauche ou droite ?
Soudain , je sens une personne me heurter violemment - nul doute qu'il ou elle l'a fait exprès - et se précipite vers la chambre de droite . Mais , rapide comme l'éclair , je le rattrape au vol , je le gifle d'une main lourde , et pour couronner le tout , je m'installe dans la chambre de droite . Irwin hurle de colère et de dépit , mais ma porte est déjà fermée à clé .
Je ricane un instant , mais pas longtemps , car dès que je m'allonge sur le lit , je ferme les yeux et plonge immédiatement dans le sommeil .
- Debout , mes chers tributs , debout ! s'écrie une voix aiguë qui me sort immédiatement du doux sommeil où je m'étais installée . C'est le début d'une grande , grande journée !
J'enfouis ma tête sous un oreiller , agacée . Elle ne peut pas se taire , oui ? Nous avons toute la journée nous ! Mais sans doute que nos préparateurs prendront une journée entière pour nous rendre les plus beaux possible .
J'espère que mon styliste sera talentueux . Lors des dix-sept autres Hunger Games , les tributs du district Neuf avaient défilé de façon à passer totalement inaperçus . Néanmoins , ils n'étaient pas ridicules . Mais toujours pas ... comment formuler ça ... beaux ? Remarquables ? A sponsoriser ?
J'espère également que j'aurais ... au moins un sponsor . Au moins une chance de survie . Au moins un allié . Peut-être que là-bas , à la cérémonie des chars , je pourrais parler à Clary , Camille et Tamarah . Oui , peut-être qu'elles accepteront . Mais , comme le disaient mes parents , avec des si et des peut-être , on peut refaire le monde .
- Allez , allez , jeunes tributs ! Réveillez-vous ! C'est le début d'une grande et belle journée !
- Lâchez-nous , Amela ! je m'écrie , plus qu'agacée d'avoir été interrompue dans mes pensées de survie .
- Pas question , continue-t-elle d'une voix chantante .
Elle commence à m'énerver . Je me débarrasse des couvertures qui recouvrent mon corps et me lève d'un bond . Je tambourine contre la porte en lui hurlant insanité sur insanité , jusqu'à ce que j'entende les bruits de ses pleurs et de ses talons claquant sur le parquet s'éloigner . Je soupire de soulagement , puis je m'habille d'un simple tee-shirt vert , recouvert par une veste de cuir noir et un leggins également couleur nuit .
Puis j'ouvre la porte de la chambre . Les yeux rouges d'Amela m'accueillent , mais je lui lance un sourire désabusé avant de me diriger vers la salle de séjour . Elle semble outrée , mais je n'en prends pas compte . Après tout , c'est moi qui suis en danger de mort , et non le contraire . Et ce n'est pas parce que je lui ai quelques insanités qu'elle doit se mettre à pleurer .
Je lâche un rire innocent , puis lui lance un sourire radieux , avant de prendre un plateau de petit-déjeuner sans doute préparé par un Muet à mon intention . Il contient quelques mets inconnus de ma part , comme un bol de liquide brun et épais . Il y a également un verre de jus d'orange , que je vide d'un trait avant de m'attaquer au reste . Le liquide brun s'avère également délicieux , et j'imite l'exemple de Samuel en y trempant quelques biscuits .
Une fois rassasiée , je rejoins celui-ci pour qu'il me mène jusqu'à l'endroit où quelques personnes auront pour tâche de me rendre le plus belle possible . J'espère que les Capitoliens font également à la beauté faciale , car même si je n'aurais sans doute pas le plus beau costume , je sais que je ne suis pas vilaine , sans être belle pour autant .
Le blond qui me sert de mentor m'emmène dans l'ascenseur , ou un silence - non pas gêné , mais pensif - règne . J'appuie sur le bouton zéro , et la cabine de verre descend d'une vitesse vertigineuse sans aucun bruit . Je déteste cette sensation du cœur qui se soulève , mais je devrais m'y habituer , car je ne suis pas sans savoir que , dans les Jeux de la Faim , il y aura sans aucun doute quelques sensations semblables .
Plongée dans mes pensées , je ne remarque même pas que nous sommes déjà tout en bas , et Samuel doit me prendre par la main et me tirer vers lui pour qu'enfin je consente à bouger . Je manque de tomber , mais je dois me rattraper à lui en riant . Il rit également , gêné . Enfin , nous nous rendons dans une salle aux murs gris , sans fenêtre , ou une lumière éclatante règne .
Samuel m'adresse un sourire puis me laisse seule dans cet endroit . La seule chose visible est un lit à roulettes , d'une matière de velours . Je le caresse d'une main , rêveuse , puis je m'assois dessus pour attendre mes préparateurs , qui ne se font pas plus attendre . Ils sont trois , deux garçons et une fille , qui se présentent sous les noms de Cornélius , Sirius et Wanheda . Ils sont tous trois monstrueux , peinturlurés de la tête aux pieds en vert , bleu et jaune pastel . Des anglaises violettes viennent encadrer le visage de Wanheda . Son visage est d'ailleurs d'une douceur incroyable , et je me dis que , sans tous ces ornements , elle serait sans doute plus jolie .
Elle tend une main jaune pastel vers moi , avec la plus grande gentillesse possible , et m'ordonne de me déshabiller sur-le-champ . Je m'exécute , quoiqu'un peu gênée par ma nudité devant deux hommes , qui me regardent comme si j'étais un morceau de viande à se départager . Je les fusille du regard , mais , sans même en prendre , ils me trempent dans plusieurs mixtures - boueuses , pour certaines - puis me passent à la brosse dure , me poncent , m'épilent les bras , les jambes , les aisselles , et même le ventre . Enfin , ils m'enduisent d'une lotion qui sent la rose , avant de me laisser , nue dans la pièce , en attente de voir mon styliste .
Une porte s'ouvre , et une tête apparaît . C'est un garçon , jeune , à l'air méprisant . Quand il m'aperçoit , il se frotte les mains et marmonne quelque chose que je ne comprends pas . Pour qui se prend-t-il , celui-là ? Je hausse le sourcil gauche et lui lance :
- Qu'avez-vous dit ?
Il relève la tête , car son regard se baladait entre mon ventre et mon cou , nous savons tous de quoi je parle , et répond :
- Rien d'important .
- J'analyse tes qualités .
- Et quelles sont-elles ?
Il prend encore quelques secondes pour m'observer , ou , comme je préfère le dire , me 'mater' . Puis , pensif , il ouvre la bouche et déclare :
- Tu es fine , élancée , tu as de jolies jambes .
- C'est tout ? je rétorque ironiquement .
- Non . Tu as une superbe poitrine .
A ces mots , je rougis instantanément , ce qui ne manque pas de le faire sourire . Mon premier réflexe est de croiser les bras sur ma poitrine , comme toute personne censée et un minimum pudique le ferait . Il à rire , seul , mais pas méchamment .
Enfin , il se retourne et sort quelque chose de son sac .
- Ça va , détends-toi , Lily .
Il me lance les choses qu'il a sorties de son sac , à savoir des sous-vêtements noirs , donc le soutien-gorge est sans manches . Je me demande ce qu'il va me faire porter . Je m'en saisis rapidement , en protestant :
- Ce n'était pas drôle .
- Ce n'était pas une blague .
Je me retourne , faisant mine d'enfiler les sous-vêtements , alors que mon visage tout entier s'embrase . Depuis quand les gens sont aussi directs ? Et , depuis quand ai-je une jolie poitrine ? Je ne m'en suis jamais rendue compte , mais , tout compte fait , qu'il me dise cela me fait plaisir , même si je n'aimerais sans doute jamais l'avouer .
Une fois prête , je me retourne et lui demande :
- Au fait , comment t'appelles-tu ?
- Je suis ton styliste . Tu es censée me vouvoyer .
- Je ne vouvoie que les personnes que je respecte , je rétorque .
Il grogne.
- Très bien. Si tu ne veux pas me dire ton nom , je t'appellerais Blanc-Dutrouille .
- Joli prénom.
Je souris .
Un toc-toc sonore retentit à la porte , et mes trois préparateurs entrent , un air joyeux fixé sur leurs faces colorées . Wanheda essaye de capter mon regard , et , quand elle y parvient , elle sourit .
Ils emmènent tous trois une jolie robe , très courte , à bustier fait en épis de blé , comme tout le vêtement , en fait .
Ils m'aident à l'enfiler , ce qui n'est pas une tâche très facile. En effet , bien qu'elle soit très légère, la robe n'est pas souple , plutôt rigide .
Enfin , quand le vêtement est en place , ils m'enfilent des chaussures jaunes à talons assez bas , que des paillettes dorées recouvrent . On me maquille peu mais bien , on me vernit les ongles au doré en on me rajoute des extensions de cils .
Une heure plus tard , je suis prête. On me donne l'autorisation de m'observer dans la glace . Je me tourne donc vers celle-ci , et je me découvre comme je n'aurais jamais pu m'imaginer auparavant .
Mes jambes sont découvertes jusqu'en haut de la cuisse , ma 'superbe poitrine' est maintenue avec magnificence par le bustier de la robe . On m'a fait une tresse en épis de blé , dans laquelle on en a glissé des vrais .
Je suis méconnaissable . Mais vraiment magnifique . Néanmoins , je connais les goûts des Capitoliens , et je sais que cette tenue n'est pas celle qui leur attirera le plus l'oeil .
Je me tourne vers Blanc-Dutrouille et murmure :
- Je ne sais pas vraiment si ça va leur plaire ...
Avec une gentillesse absolue , il me prend par le menton et m'adresse :
- On s'en fiche , d'eux . Le principal, c'est comment toi tu te trouves .
Je souris, et par réflexe, lève la tête vers la sienne. Puis, me rendant compte de ce que je viens de faire, je rougis et la baisse , mortifiée.
- Désolé, mais je n'embrasse jamais le premier jour , rit-il .
Néanmoins , je ne manque pas de remarquer qu'il a l'air gêné, lui aussi .
C'est à mon tour de sourire.
- Allez , mademoiselle Smolan , et n'oubliez pas de leur en mettre plein la vue.
- Bien , entendu , chef Blanc-Dutrouille .
Il lève les pouces pour me souhaiter bonne chance . Quant à moi , je m'éloigne vers la grande salle où tous les chars attendent leurs tributs respectifs . Le mien est similaire aux autres , seuls les chevaux qui les tirent sont différents . Ils sont d'une belle couleur brune , et je m'affectionne tout de suite à eux . J'ai toujours adoré les animaux , c'est pour cela qu'en tuer pour ma survie me fend le coeur .
Je flatte l'encolure du premier et lance un morceau de sucre à l'intention du deuxième , lorsqu'un bruit suspect derrière moi me surprend . Je retourne vivement la tête vers la sonorité , ce qui fait lâcher un hennissement nerveux aux chevaux .
La fille du Quatre , Jane , vient de trébucher sur le pied d'Irwin . Je ne m'en formalise pas et j'en profite pour la jauger du regard . En vrai , elle fait beaucoup moins peur que lors de la Moisson . C'est sûrement la mise en scène faite par les monteurs du Capitole .
Elle m'inspire plus confiance , seulement pas question de lui sourire , sinon elle pourrait penser qu'une alliance est possible entre nous, et c'est absolument hors de question.
Je retourne à mes chevaux , je les calme , lorsqu'une voix dans mon dos me lance :
- Lily , c'est ça ?
À nouveau, je me retourne vivement , et découvre Clara White in live , la fille du Cinq avec qui j'envisageais de m'allier . Elle aussi est plutôt sublime . Sa robe blanche vaporeuse lui donne l'air d'un ange , de même que ses ballerines également immaculées. Seulement , ses cheveux bruns et ses sourcils froncés nous ramène aux Hunger Games , son visage laisse deviner qu'elle ne se laissera pas prendre .
Je réponds vite :
- Et toi , Clara ?
Elle sourit et hoche la tête avant de venir à son tour caresser les chevaux du Neuf .
- Alors ? Qu'est-ce que t'en penses ?
- C'est plutôt cool , les Hunger Games , d'un certain point de vue . Car , si t'es en colère d'y participer , au moins tu peux tuer quelqu'un avant de crever.
C'est vraiment ce que je pense , du moins en partie . C'est vrai que je préférerais que ces Jeux n'existent pas , mais au moins ils offrent un moyen de se défouler . Si seulement ils n'existaient pas , au moins on n'aurait pas besoin de se défouler . Ou alors , les ouvrir aux personnes souhaitant y participer , comme les fous furieux ou les suicidaires . Ce qui est sûr , c'est que je n'en ferai jamais partie .
- C'est un point de vue intéressant , fait Clara en clignant des yeux avec malice . Mais , d'un certain point , je suis d'accord avec toi . Moi , je n'ai pas de famille ni d'amis , alors tant mieux si je gagne , tant pis si je meurs . Ce n'est pas comme si quelqu'un me regretterait .
- Ce n'est pas comme si quelqu'un nous regretterait , nous tous . Ils nous oublieront , et nous le savons très bien .
Elle hoche la tête , puis l'alarme qui prévient les tributs qu'ils doivent monter sur les chars retentit dans nos oreilles . C'est une sorte de cri strident très désagréable , je lance un regard noir vers l'endroit d'où il provient , agacée . Clara m'imite , mais avec plus de retenue .
Je m'apprête à partir vers le derrière de mon char , mais Clara me retient par le bras . Elle me détaille de la tête aux pieds , puis déclare :
- On tiendra plus longtemps si on est deux .
- T'as raison .
- Alors ? Alliées ?
- Alliées .
Nous nous serrons la main en signe de pacte , puis je lui souris et monte sur mon char aux côtés d'Irwin .
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