|| 01 ||
Domicile des Smolan, district 9, Panem
Je cours.
Je cours.
Je cours sans m'arrêter, sans me retourner, sans prendre gare à ce qui se trouve derrière moi. Je ne sais pas ce que c'est, mais mon instinct me souffle de le fuir à toutes jambes. Alors j'écoute mon instinct.
Et je cours.
Mes longues jambes me permettent de prendre de l'avance face à cette menace imminente, l'adrénaline parcourt mes veines et atteint mon cœur. Je lâche un un hoquet, de peur ou de gémissement, qu'en sais-je ?
Un souffle chaud se pose sur mes jambes nues, je ne porte qu'un short et une chemise tous deux en lambeaux.
Nouveau hoquet.
Il me suffit de jeter un coup d'œil derrière mon dos pour apercevoir la créature. Elle a de longues dents, ses yeux pendent en dessous de sa grosse truffe, ses griffes sont aussi affûtées que des lames.
Une larme coule sur ma joue, sous l'effet de la peur, sans doute.
Soudain, je sens mon corps tomber vers l'avant après que mon pied aie heurté une pierre. C'en est fini de moi.
Dans un ultime geste de combat, je m'efforce de donner des coups de talons dans la gueule de la bête, mais cela m'englue de sa chaude et épaisse salive.
Un frisson de dégoût me traverse. Les crocs de la créature dégoulinent de bave, ses yeux rouges m'observent d'un air menaçant.
Mon cœur bat à au moins 123 bpm. J'essaie de ralentir mon rythme cardiaque, en vain. La peur me dévore. En ce moment même, je n'ai plus aucun contrôle sur mon esprit. Une larme coule sur ma joue.
L'animal plonge ses yeux dans les miens, je me noie dans son regard de la couleur de la nuit noire, de la nuit qui effraie mon frère Logan.
Sans prévenir, la bête fond sur moi dans un flot de salive et, plonge ses crocs dans ma poitrine.
J'ai le temps d'entendre :
« Mesdames et messieurs, bienvenue aux dix-huitièmes Hunger Games ! »
Avant de rendre mon dernier soupir.
C'est le noir. Est-ce donc cette sensation que procure le fait de mourir ? C'est absurde. Quand on meurt, nos sens meurent avec nous.
Une seule explication ; je ne suis pas morte. J'entrouvre les paupières, dans l'espoir d'apercevoir ne serait-ce qu'une once de lumière, mais la seule chose que je vois est le plafond branlant en bois de ma chambre.
Il est si abîmé que j'ai l'impression qu'il pourrait s'effondrer à tout moment et m'emmener avec lui dans la mort. Une vraie mort, cette fois.
Je mets quelques secondes avant de me souvenir de mon rêve. Et de comprendre que mon rêve n'était qu'un rêve.
Les draps dans lesquels je suis emmitouflée sont trempées de sueur, je n'ai jamais eu aussi chaud de toute mon existence. Je m'en débarrasse à grands coups de pieds avant de me prendre la tête entre mes mains.
- Ce n'était qu'un cauchemar, je murmure pour moi-même . Un affreux cauchemar.
Pendant quelques minutes, je reste en position assise sur mon lit ; je me calme, je m'efforce de faire redescendre mon rythme cardiaque. Avec quelques efforts, j'y parviens : il est maintenant retombé à 71 bpm.
Enfin, je glisse mes jambes souples en dehors de mon petit lit, remarquant que ceux de mes cinq frères sont vides. Je suis la dernière. Ils auraient dû me réveiller, de manière à ce que je ne fasses pas cet affreux cauchemar.
Je me rends dans la cuisine, où une atmosphère joyeuse est dirigée par le plus jeune de mes frères, Logan.
Les autres, ses aînés, le regardent en souriant pendant qu'il effectue la danse des canards.
Quand j'entre dans la pièce, leurs regards s'assombrissent. Ils s'inquiètent pour moi. J'ai quinze ans, je suis la seule de la famille qui suis éligible. Les deux jumeaux – Leroy et Loïc – ont fêté leurs dix-neuf ans le mois dernier, Ray, l'aîné, a presque atteint les vingt et un ans, et Logan vient d'avoir dix ans.
Je suis la seule en danger.
La seule.
Je ne veux pas être la seule. Je veux un peu de soutien. C'est d'ailleurs ce que m'a apporté Ray, en me proposant de suivre un entraînement, un peu comme les carrières, mais en mille fois moins dur.
Comme nous n'avons pas d'armes à notre disposition, je me contente d'affûter mon corps pour qu'il ne m'oppose plus aucune résistance. Cet entraînement a commencé il y a voilà deux ans, je peux maintenant escalader des arbres aussi facilement qu'un écureuil. Pas seulement à cause de mon poids, mais aussi de mon agilité .
Mon corps est assoupli au possible, je peux coller ma jambe contre mon visage. A mains nues, j'ai déjà tué quelques dindes, deux chiens sauvages et quelques écureuils.
C'était plutôt atroce, au début, de voir s'éteindre la vie dans leurs petits yeux globuleux, mais à force, on s'habitue.
- Alors, Lily ? marmonne Loïc, coupant court au silence gêné qui s'est installé dans la pièce.
- Quoi ? je m'exclame, sur la défensive.
Je crois qu'il est inutile de préciser que cette journée me stresse énormément. Mes frères le savent, seuls les jumeaux sont assez audacieux pour lancer le sujet là-dessus.
Ray le fusille du regard , il se tait donc. Quant à moi, je me contente de secouer la tête d'un air las, en me dirigeant vers notre chambre commune.
J'entends Ray adresser quelques reproches à mes frères, puis je ferme la porte dans un claquement avant de m'affaler sur mon lit.
Soudain, quelque chose posé sur le lit de Ray m'attire l'œil. Il s'agit d'une robe , qui se commence en chemisier blanc et se finit en jupon bleu. Elle est pour moi.
Je n'ai pas envie de la mettre.
Je n'ai envie de rien.
Encore moins de me rendre sur la grand place, à guetter l'annonce de mon nom par une hôtesse tout droit sortie du Capitole. Non. Tout sauf ça.
Hélas, le destin a voulu m'infliger cela, et je me retrouve obligée d'enfiler la robe.
Je me regarde dans la glace.
Je ne suis pas si mal.
Cette robe pourrait me plaire, si elle ne me conduisait pas à un destin atroce.
« Lily, tu as fini ? s'écrie Leroy qui m'attend devant la porte. Il s'agit de ne pas être en retard !
- J'arrive.
Quelques secondes après, la porte s'ouvre et je sors de la chambre. Leroy écarquille les yeux devant ma jolie apparence, et murmure :
- Tu es magnifique. Je suis désolé.
Mes bras l'enserrent d'eux-mêmes, écoutant ma pensée, mais dans un geste presque mécanique.
Un frisson me parcourt.
Après être descendus, nous nous dirigeons tous vers la grand-place, qui ne se trouve qu'à quelques quartiers de notre domicile. En un petit quart d'heure , nous y sommes.
Logan s'accroche à la manche de ma robe, il ne veut pas me quitter. Je souris, lui caresse sa petite touffe de cheveux bruns, dans l'espoir de le rassurer. En vérité , je ne suis aucunement plus sereine que lui.
Mes trois frères aînés l'accueillent dans leurs bras et m'étreignent à mon tour, avant de me laisser partir.
Après avoir signé le registre, je me glisse au milieu de tous les adolescents, discrète comme je l'ai toujours été, et je me place ainsi dans la foule des adolescents de quinze ans. Tous sont aussi stressés que moi, ils mordillent leurs cheveux, se rongent les ongles et ont toutes sortes d'autres tics qui ont pour dont de me faire peur.
Quelques minutes après, le maire, et le deux vainqueurs du district ainsi que l'hôtesse s'assoient sur les chaises déposées là à leur intention. Le maire se lève alors, rajuste sa cravate, et nous dévisage d'un air confiant.
Je ne sais pas dans quel monde il vit, celui-là.
Il entame son discours et énonce toutes les catastrophes naturelles qui ont détruit notre ancien pays, l'Amérique du Nord d'ancien nom. Voilà d'où vient Panem. Un pays rayonnant bordé de treize districts, ayant pour seul but d'approvisionner le Capitole, la ville pilier de Panem.
Et enfin vient la révolte. Les treize districts qui se sont révoltés contre le pays qui les nourrissait. Douze districts furent vaincus, le treizième éliminé. Ce qui nous amène aux Hunger Games.
Les Jeux de la Faim.
Un seul but, survivre, à tout prix.
Le maire, une fois son discours fini, laisse place à l'hôtesse du district, plus connue sous le nom d'Amela Finley. Elle est particulièrement attachée à son poste dans le district Neuf, si bien que, comme chaque année, a revêtu son costume entièrement constitué de blé. Sa jupe est faite en épis, et d'épais colliers masquent le haut de son corps. Seuls ses cheveux, bruns, sont restés naturels.
Elle est ridicule.
Ne paraissant pas s'en formaliser, elle avance sur l'estrade avec ses sandales qui lui donnent un aspect bohémien. Elle s'exclame :
« Bienvenue, bienvenue ! L'heure est venue de sélectionner les courageux jeunes gens qui auront le privilège de représenter le district Neuf pour ces dix-huitièmes Hunger Games ! Et, comme toujours, les dames d'abord.
Elle papillonne des yeux, elle a l'air d'attendre quelque chose de notre part. Mais non. La foule est et demeure silencieuse. Pas d'applaudissements, rien. Elle s'en sort avec un sourire gêné, puis promène sa main dans la sphère de verre contenant les noms des jeunes filles. Le souffle coupé, celles-ci boivent les paroles d'Amela. Elles sont suspendues à ses lèvres .
Les yeux de l'hôtesse parcourent le papier jauni, puis elle roule des yeux et lit :
- Lily Smolan !
Q ... Quoi ? Ai-je bien entendu ?
Mes yeux, à la recherche d'un soutien quelconque, balayent la foule d'un air affolé, désespéré. Mais les pleurs de Logan m'en disent plus long que ce nom appelé. C'est la que je comprends. J'ai été appelée. Moi. Lily Smolan. Qui n'avait plus que trois années à attendre avant d'être tirée d'affaire.
Me voilà promise à une mort certaine.
Une larme coule le long de ma joue, je la laisse rouler, pour que personne ne la remarque. Je ne veux pas avoir l'air d'une faible parmi les tueurs expérimentés. Surtout que le district Neuf est souvent oublié dans la masse que représente les autres, alors je veux lui offrir une chance de l'emporter, cette année.
En jetant un coup d'œil à mes frères, tous en larmes, ma résolution se raffermit.
Je dois gagner. Pour eux.
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