Beaucoup de gens n'aimaient pas Scorpius Malfoy. Non pas qu'il leur ait un jour fait quelque chose, ou même parlé. On n'aimait pas Scorpius Malfoy pour la raison la plus simple du monde : Il s'appelait Scorpius Malfoy.

Il avait hérité d'un passé maléfique et il semblait à certains que "Mangemort" était inscrit sur son front. Cela faisait de lui un traître et un mage noir. Tout le monde savait qui étaient les Malfoy, ceux qui avaient hébergé Voldemort pendant la Grande Guerre. Et ceux qui les portaient dans leur coeur se comptaient sur les doigts de la main. Personne ne voulait être associé à un Malfoy... sauf peut-être Albus Potter, le seul ami de Scorpius.

Lorsque Scorpius était devenu Aurore, après des années d'entraînement et de travail acharné, il pensait qu'on le reconnaîtrait finalement pour ce qu'il était. Son ami Albus lui disait souvent qu'il n'y avait rien de bon à être reconnu. Pour sa part, il détestait la célébrité dont il avait lui-même hérité. Le fils des Potter à Serpentard, ça avait fait jaser.

Lorsque Lily les avaient rejoint elle aussi à Serpentard, elle avait échappé au phénomène de la rumeur populaire. De manière globale, elle était plus sociable que son frère et s'en était mieux sortie.

Sociable... Scorpius laissa l'image de la jeune fille errer dans son esprit. Sociable avec tous sauf lui. Elle l'avait toujours évité comme la peste et cela lui restait comme un poids sur l'estomac. Beaucoup de gens n'aimaient pas Scorpius Malfoy. Mais Scorpius, lui, ne souhaitait être reconnu que de Lily. Il y avait cette attraction inexplicable qu'il ressentait pour elle... Qu'elle ressentait pour lui.

Il en était sûr maintenant, c'était réciproque. Il sentait encore le goût de ses lèvres sur les siennes. Si seulement elle pouvait le regarder plus longtemps. Si seulement elle pouvait ne pas le repousser.

C'est sûrement ce besoin intrinsèque qui le poussa à prendre un risque inconsidéré...

Son responsable le regardait droit dans les yeux. Il avait l'expression contrariée de celui qui s'apprête à faire quelque chose sous la contrainte. Rien qu'en analysant son visage, Scorpius avait compris qu'il n'était pas celui à qui il aurait voulu donner cette mission. Il lui rendait son regard. Scorpius n'était pas de ceux qui baissaient les yeux. Il s'était battu toute sa vie.

- Cette mission... Commença son supérieur. ...est une mission de reconnaissance. Au moindre danger, à la moindre suspicion, tu fais demi-tour. J'aurais préféré vous envoyer là-bas en groupe, mais tu connais la situation actuelle, tous tes collègues déjà sont occupés sur d'autres missions.

Scorpius hocha la tête.

- Je ne tolérerais aucune prise de risque.

- C'est noté. Répondit immédiatement Scorpius.

Et sur le moment, il était sincère.

C'était une nuit sans lune. Même avec le sort de vision nocturne, Scorpius peinait à voir. Il longeait le mur de l'ancienne usine désaffectée sans aucun bruit. Ses pas étaient recouverts par un sort de silence. Il s'arrêta une nouvelle fois, vérifiant que le chemin qui s'étendait devant lui ne contenait pas de sort. Il continua d'avancer, attentivement.

Un rayon de lumière jaillit d'une fenêtre un peu plus loin. Puis il entendit des voix. Il se figea plusieurs minutes.

Mission de reconnaissance. Pas de prise de risques, Scorpius.

Il se glissa doucement vers la fenêtre. Il n'entendait pas ce qu'ils disaient. Il fallait qu'il se rapproche. Il était juste à côté, mais il n'entendait toujours pas distinctement. Si seulement il avait pu se rendre invisible, il aurait pu voir ce qu'ils faisaient...

Il entendit un hurlement qui le fit sursauter. Ils torturaient quelqu'un ! Par réflexe, il regarda par la fenêtre. Deux yeux jaunes sortis de l'enfer trouvèrent immédiatement les siens. A vingt centimètres derrière la vitre. Un sourire perfide dévoila des dents mal alignées.

Un nouveau hurlement. Derrière lui. Un hurlement de loup-garou. Scorpius n'eut pas le temps de se demander comment un loup-garou pouvait être présent un soir sans lune. Il plongea sur le côté.

C'était une embuscade !

- Scorpius ! Hurla Lily.

Elle bondit de son lit, suante et tremblante. Elle était essoufflée. De l'air, de l'air. Elle prit une grande inspiration pour essayer de se calmer. L'air ne venait pas. Une nouvelle inspiration. Elle devait se calmer. Elle passa la main dans ses cheveux et se rassit sur le lit doucement.

Pendant plusieurs minutes, elle ne se concentra que sur la paix que lui apportait l'air qui rentrait dans ses poumons et doucement ressortait par son nez. Ce n'était pas réel. C'était un rêve. Un rêve comme elle en avait fait plusieurs cette semaine. Rien de plus. Rien de moins.

Si seulement, ça s'était arrêté là, elle aurait pu s'en convaincre.

- Je t'assure Jane !

Lily était assise à la terrasse d'un café avec Jane Skeeter, son amie de toujours. Celle-ci ne semblait pas parvenir à cesser son ricanement, ce qui énervait passablement la jeune femme.

- Ca fait au moins cinq nuits que je rêve de Scorpius Malfoy !

Une fois de plus, Jane éclata de rire.

- Ah. Répondit Jane avec un petit sourire narquois. Tout va bien. Tu es juste devenue obsédée par Malfoy depuis que tu as vu sa tête en gros plan dans tous les journaux du monde magique. Il a une sacré réputation.

Elle gloussa à nouveau.

- Ne t'inquiète pas, tu ne dois pas être la seule à vivre cet étrange phénomène.

- Arrête... Grimaça Lily. Ça tient beaucoup plus du cauchemar. J'ai même peur de m'endormir le soir.

Pourquoi rêver de lui maintenant ? Il hantait ses rêves comme ses cauchemars. Lily était d'un naturel tranquille, mais à chacun de ces rêves, des centaines de frissons glacials remontaient le long de sa colonne vertébrale. Le rire de Jane repartit de plus belle, ce qui eut pour effet de l'exaspérer plus encore. Croisant son regard noir, Jane se racla la gorge. Elle but une tasse de café pour reprendre son calme.

- Ecoute Lily, peut-être que ton inconscient essaye de te dire quelque chose.

Lily savoura une gorgée de sa propre boisson en réfléchissant.

- C'est le meilleur ami de ton frère. C'est pas difficile pour toi de le voir. Ca te permettra de mettre de l'ordre dans tes pensées. Au pire, tu pourras toujours le féliciter.

- Jane, pour la dernière fois, je NE veux PAS voir Scorpius Malfoy !

Jane haussa les épaules.

- Je n'ai jamais compris pourquoi tu avais une telle aversion pour Malfoy. Honnêtement, c'est un mec plutôt sympa. Il n'a jamais mérité toutes les rumeurs noires qui ciblent sa famille.

Malgré elle, Lily acquiesça.

- Je sais, mais... C'est compliqué.

- Qu'est-ce qui ne l'est pas avec la mystérieuse Lily !

Jane ricana à nouveau, récoltant un regard noir de son amie. La jeune fille blonde soupira, ancrant son regard dans celui de Lily.

- Ecoute Lily, tu as des rêves récurrents dans lesquels il lui arrive des choses terrifiantes dont l'horreur te glace tellement que tu n'es même pas en mesure de me les décrire. Je ne suis pas spécialement superstitieuse, mais ça ressemble à des prémonitions. Tu ne t'es jamais inquiétée pour lui auparavant. Si tu reçois de tels signaux, il y a forcément une signification.

Lily hocha lentement la tête en avalant difficilement sa gorgée de café. Elle grogna une réponse inintelligible.

- Je ne sais pas... Répondit Lily. Je me demande si... Ce n'est pas, enfin...

Elle termina par une phrase tellement soufflée au vent que Jane n'en entendit rien. Jane la regarda, impatiente.

- Quoi ?

- Peut-être parce que je l'ai embrassé.

Lily sortit la phrase d'un coup et se plongea dans son café avec une contemplation sans borne.

- Tu as quoi ?! Cria presque Jane.

Lily lui lança un nouveau regard noir.

- Si tu pouvais éviter de mettre tout le café au courant. Je n'ai pas envie que ça se retrouve en première page des prochains journaux.

- Tu l'as embrassé ! S'écria Jane malgré tout.

Elle s'éventa avec sa serviette.

- Lily Potter ! Non mais c'est incroyable ! Toi qui l'as toujours évité comme la peste. Ohlala, attend, raconte.

Lily rougit jusqu'aux oreilles. Même si les cheveux couleur jais qu'elle avait hérité d'Harry dissimulaient bien les gènes des Weasley, ils étaient sans aucun doute présent dans son patrimoine génétique.

- L'autre soir, à la réunion des anciens, pendant que tu étais occupé avec les jumeaux Scamander... Il m'a ramené chez moi, et j'ai... J'avais trop bu, je n'ai pas pu me retenir. Termina Lily en cachant son visage dans ses mains.

- Tu n'as pas pu te retenir. Répéta Jane avec un grand sourire sur le visage. C'est la meilleure histoire que j'ai entendue depuis un moment !

Elle laissa échapper un éclat de rire.

- A part ça, tu es complètement insensible à son charme hein.

Un oeil vert de Lily fixa Jane entre ses doigts.

- C'est toi qui a dit que je n'étais pas la seule !

Un nouvel éclat de rire de Jane glissa sur la terrasse du café. Cependant, la ride d'inquiétude qui plissait le front de Lily lui ôta l'envie de rire. Lily s'inquiétait, et vu ce qu'elle racontait, elle avait sûrement raison de le faire. Que le baiser ait renforcé ses liens avec Scorpius ou non, ses rêves l'empêchaient de dormir. Et ça, Jane ne pouvait pas l'ignorer. Elle regrettait ne rien pouvoir faire de concret pour son amie.

- Si tu ne veux pas voir Malfoy. Reprit-elle. Tu devrais au moins en parler à ton frère.

La jeune femme réfléchit à la proposition de Jane. Elle la tourna et retourna dans sa tête, comme si une échappatoire allait lui apparaître par miracle. Cependant, aucune pensée ne vint à son secours. Jane avait raison. Scorpius Malfoy devait être alerté d'une manière ou d'une autre.

Lily observa une dernière fois son reflet dans la glace. Ce rassemblement familial tombait à pic. Depuis sa rencontre avec Jane, ses rêves n'avaient fait qu'empirer. Elle n'avait pas réussi à contacter Albus, car il était en mission pour les aurores.

Résultat de son sommeil agité, de larges cernes avaient pris place sur son visage. Elle hésita une dernière fois à les cacher d'un coup de baguette magique, puis elle se mordit les lèvres. La dissimulation n'avait aucune place dans sa famille. Replaçant un cheveu derrière son oreille, elle quitta son reflet pour se diriger vers sa cheminée.

Une poudre de cheminette plus tard, elle apparut dans le foyer du salon du Terrier. C'est à cet instant qu'elle entendit la phrase prononcée par la voix angoissée de son frère.