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Chapitre 2 - La femme de James Potter

Totalement l'un à l'autre, aucun d'entre eux n'entendit la porte se refermer. Aucun d'entre eux ne sentit l'ascenseur redescendre. Essoufflé, Scorpius s'écarta et posa son front sur celui de Lily. Leur respiration erratique se mêlant l'une à l'autre. Ils fermèrent les yeux quelques instants. Ne pas penser, juste profiter de la présence l'un de l'autre. Savourer un moment longtemps désiré.

Ils ne prêtèrent pas attention au petit son de cloche de l'ascenseur qui arrivait au rez-de-chaussée. Ils ne virent pas les portes s'ouvrir. En revanche, ils entendirent très clairement la voix d'Albus.

- Qu'est-ce que vous faites ?

Lily sembla reprendre totalement ses esprits. Elle écarquilla les yeux et poussa Scorpius hors de l'ascenseur. Avant qu'aucun des deux hommes n'ait pu agir, elle avait saisi sa baguette et avait transplané dans son appartement.

Scorpius fut incapable de croiser le regard de son meilleur ami. Il ne put donc pas voir le sourire désolé d'Albus. Ce dernier lui tapota l'épaule.

- Navré mon pote. C'est sorti avant que je comprenne que j'aurais mieux fait de faire demi-tour.

Parmi les enfants des Potter, Albus était sans aucun doute celui qui avait le plus d'empathie et la plus grande habileté pour comprendre ce que les autres ressentaient. C'était comme une seconde nature chez lui. Même si Scorpius n'avait jamais évoqué le sujet avec lui, il savait depuis longtemps qu'il était irrémédiablement attiré par sa petite soeur. Quant à Lily... Si elle pensait qu'Albus n'avait jamais remarqué ses stratagèmes pour éviter son meilleur ami, elle se trompait. Il n'avait pas non plus oublié son désintérêt feint pour tout ce qui touchait au Malfoy. Elle était la première à demander de ses nouvelles, et la première à faire comme si cela n'avait aucune importance.

Les épaules de Scorpius s'affaissèrent davantage. Il secoua la tête. Puis, il retira la main d'Albus de son épaule et transplana à son tour.

Albus resta seul au milieu du hall de l'immeuble. Il soupira. Si seulement il n'était pas arrivé. Il ignorait ce qui c'était passé lors de sa 4ème année à Poudlard, mais la relation de Scorpius et Lily avait radicalement changé. Au fond de lui, il était convaincu que ce qu'il venait de voir exprimait leurs vrais sentiments. Alors pourquoi... Pourquoi Lily évitait-elle Scorpius ? Pourquoi Scorpius refusait-il de parler de Lily ? Ils avaient tous les deux à leur manière érigé un mur impénétrable autour de leur coeur. Voir deux personnes qu'il aimait profondément se repousser ainsi donnait à Albus un profond sentiment de tristesse.


Ce soir-là, Lily fut incapable de fermer l'oeil sans rêver des lèvres du Malfoy, de sa main calleuse sur sa joue, de son bras puissant dans son dos...

Mais le soir d'après, et tous ceux qui suivirent, un autre souvenir, bien pire, revint la hanter.


Le soleil traversait les fenêtres d'un couloir de l'aile Ouest de Poudlard. Dans la pénombre, deux yeux la regardaient fixement. L'ombre d'un serpent se dessinait sur le sol éclatant. Lily plissa les yeux le cœur battant.

- Fourchelangue...


Lily se réveilla en sursaut, essoufflée.

Elle regarda autour d'elle, effrayée. Elle était dans la chambre de son petit appartement sur le chemin de Traverse. Elle était loin de Poudlard. Cela faisait des années qu'elle n'y avait plus mis les pieds. Tout était parfaitement normal. Ses habits étaient éparpillés sur une chaise. Son bureau était couvert de notes. Ses murs étaient épinglés de schémas et de recettes de potion magique.

Ce cauchemar était un de ses pires souvenirs. Chaque fois, elle se réveillait bouleversée.

Elle avait tout ce qu'elle avait un jour désiré. Elle travaillait dans la boutique de Potions de Jun Daniel, la femme de son frère James. Elles avaient récupéré et rénové le vieux local du magasin de baguettes de monsieur Ollivander. Le vendeur de baguettes était mort pendant la guerre. Personne n'avait repris l'affaire après lui. Cependant, personne n'avait jamais su convaincre madame Ollivander de céder le local, personne jusqu'à Jun. Lily se demanderait probablement toute sa vie comment la jeune femme avait convaincu madame Ollivander, têtue comme elle était. Mais personne ne demandait jamais à Jun comment elle faisait ce qu'elle faisait. Elle n'expliquait jamais, sauf à James peut-être. Elle avait érigé au rang d'art sa culture du mystère.

Depuis que Jun l'avait accueillie à la boutique, chaque jour était fait de découvertes et de moments inattendus. Elle ne s'était jamais autant amusée, elle adorait cette aventure.

Ne pouvait-elle pas juste se sentir bien une fois dans sa vie ? Non. Il fallait que ces fichus souvenirs et ce maudit Malfoy reviennent sans cesse la hanter chaque nuit de la semaine. Lily souffla lentement pour calmer le rythme de son coeur. Puis, elle se leva tranquillement pour se verser un verre de jus de fruit. Il fallait qu'elle se concentre sur quelque chose pour faire passer cette désagréable impression. Rien de mieux qu'une recette magique pour commencer la journée en beauté. Ensuite, elle irait informer Jun de sa dernière idée de potion.

Alors qu'elle buvait tranquillement son jus de fruit, Lily entendit le bruit caractéristique du papier qui glisse sous la porte d'entrée. Elle se dirigea vers celle-ci et saisit le journal qui gisait à terre. Elle écarquilla les yeux. En première page, un visage familier l'observait. Le journal avait grisé sa photo, mais Lily imaginait sans peine ses yeux d'un bleu platine la dévisager de la tête aux pieds, comme il l'avait si souvent fait.

- Scorpius Malfoy... marmonna-t-elle entre ses dents.

Son regard détailla lentement le jeune homme. Elle s'était rarement autorisée à le regarder. Rien que sa présence provoquait en elle une véritable tempête émotionnelle, où sa peur et sa foutue attirance se battaient avec acharnement. Pourtant, Lily suivit du regard des lignes qu'elle connaissait par coeur.

Elle se souvenait comment ses cheveux blonds brillaient comme des fils d'or sous le soleil. Rien ne pouvait effacer de sa mémoire la courbe tendre de son sourire. Et si ses yeux étaient d'un bleu froid, Lily savait qu'ils pouvaient dégager une chaleur plus brûlante que le coeur d'un brasier. Elle caressa des yeux la courbe musclée de ses épaules et laissa son regard s'aventurer sur des endroits qu'elle n'aurait jamais osé regarder en temps normal.

Lorsqu'elle parvint enfin à détacher les yeux de la représentation photo-magique du jeune homme, les mots écrits sous celle-ci se faufilèrent dans son esprit.

- Un Malfoy devient Aurore.

Il avait réussi. Elle savait par son frère que Scorpius envisageait de devenir Aurore. Les efforts incroyables qu'il avait dû réaliser pour arriver à une telle position l'éblouissait. Et pourtant, malgré la tempête d'émotions que lui faisait ressentir l'homme qui lui renvoyait son regard dans la photo-magique, Lily n'arrivait pas à passer outre son maelström d'émotions contradictoires.

Elle ouvrit le journal, puis le plia de façon à ne plus pouvoir l'apercevoir.

Lorsqu'elle se rendit au travail ce jour-là, elle fut incapable de se concentrer sur quoique ce soit de productif.


Jun la regardait derrière ses lunettes rondes, sirotant son jus de citrouille, totalement détendue. Elle finit sa dernière gorgée et reposa doucement son verre sur la table.

- Tu sais Lily. Dit-elle. Je trouve toujours que tu as de bonnes idées, mais cette semaine, je n'ai pas vraiment l'impression que tu sois concentrée sur ce que tu fais.

Lily devint muette.

- Tu sais que ça ne posera aucun problème si tu t'arrêtes quelques jours pour régler ce que tu as en tête.

Lily sentit son ventre se retourner. Comment était-elle censée régler ses problèmes ? Elle n'avait pas revu Scorpius. Et cela faisait des années qu'elle ne lui parlait plus ! Que lui aurait-elle dit ? Je rêve de toi tout le temps. Pourquoi tu m'as embrassée ? Fais quelque chose. Tu sais... Comme toi et moi, derrière une porte fermée à clé, tout de suite. De justesse, elle parvint à se reprendre avant que ses pensées n'aillent vagabonder du côté d'un souvenir très précis sur la douceur du Malfoy. Il existait forcément une autre solution.

Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot n'en sortit. Connaissant Jun, elle ne la laisserait pas s'en sortir comme ça. Elle fut sauvée in extremis par l'arrivée bruyante de James dans la cheminée.

- Bonjour mes femmes préférées ! Déclara James en se frottant les vêtements pour en retirer la suie.

- Ah, mon doux mari. Lança Jun avec un sourire mi-tendre, mi-moqueur. Toujours aussi discret à ce que je vois.

- Vu comment je suis couvert de suie, c'est sûr que je passe inaperçu dans les recoins sombres.

Jun laissa échapper un petit rire alors que James s'avançait vers elles.

- Tu n'aurais pas envie de faire nettoyer cette cheminée par hasard ?

- Pourquoi ça ? Ça te donne un côté mystérieux à croquer.

Ils étaient sérieusement en train de flirter devant elle ? Lily aurait dû y être habituée avec ces deux originaux, mais dernièrement, tout ce qui approchait de près ou de loin les relations amoureuses tisonnait chez elle une sorte de jalousie irrationnelle. Elle se leva d'un bon.

- Je dois vous laisser !

James lui lança alors son regard de grand frère protecteur qui essaie en vain de comprendre l'état émotionnel de sa petite soeur. Lily n'était même pas sûre qu'il soit toujours en mesure de comprendre l'état émotionnel de sa propre femme. Elle l'ignora totalement et sortit de la boutique.

- Qu'est-ce qu'elle a ? Demanda-t-il à Jun en attrapant un linge pour s'essuyer le visage.

- Je ne sais pas. Répondit Jun en se levant.

Elle fit quelque pas vers lui et se glissa dans ses bras, sans se soucier de la suie qui tâchait ses vêtements.

- Tu dis ça à tous tes clients qui viennent en poudre de cheminette ? Reprit James.

- Quoi ?

- Qu'ils sont à croquer.

Le sourire de Jun se fit malicieux.

- A tous ceux qui empruntent la cheminée, oui.

Le regard de James se voila. Il passa sa main dans les cheveux blonds de Jun et lui retira délicatement ses lunettes.

- Ah oui ? Demanda-t-il.

- Oui. Et à ma connaissance, la seule personne dans ce monde à utiliser cette cheminée se tient devant moi. Il est sans conteste à croquer.

Un sourire glorieux naquit sur les lèvres de James.

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