Chapitre XXXIV
Lila se réveilla difficilement. Tout lui semblait flou. Elle sentait du mouvement autour d'elle, des personnes discuter mais son crâne lui faisait atrocement mal, elle n'arrivait pas à reconnaître les voix qui résonnaient péniblement dans sa tête.
Elle ouvrit douloureusement les yeux. Les couleurs se mélangeaient face à elle sans créer de réelles formes.
Elle cligna plusieurs fois, parcouru plusieurs fois ce qui s'étendait devant elle. Petit à petit, Lila commença à reconnaître des rideau blanc, des lits tout aussi blanc sur lesquels des ermens se reposaient, des guérisseurs... Elle devait être dans l'infirmerie de la caserne.
- Tu te réveilles enfin, fit une voix à côté d'elle.
Méda était assise sur la couchette voisine et la regardait avec un grand sourire.
Malgré son expression, la légionnaire avait mauvaise mine. Son bras droit était bloqué en écharpe, ses longs cheveux brun étaient grossièrement coupés au niveau du cou et une vilaine trace de brûlure lui décorait le menton.
Voyant le regard de Lila, Méda se toucha les cheveux de sa main valide.
- Edna ne m'a pas épargnée.
Lila se sentit triste pour elle. Cette femme était vraiment belle, ses cheveux dont les reflets roux brillaient au soleil étaient maintenant abîmés par les brûlures. Même si elle tentait de montrer l'inverse, ses yeux ne pouvaient cacher un fond de tristesse.
- Comment te sens-tu ?
- Je n'ose pas me lever, répondit Lila, j'ai la tête qui tourne.
- Tu dois mourir de faim, ça fait cinq jours que tu dors et qu'on te nourrit à petite dose de bouillon.
Cinq jours ? Lila n'en revenait pas. Elle se souvenait d'Edna immobilisée, de Geron qui l'appelait, du regard confiant d'Amin... Elle n'avait aucune idée de comment tout cela c'était terminé.
- Les thyüls vont bien ? demanda-t-elle.
Méda marqua un silence qui n'échappa pas à la jeune fille.
- Ils doivent être en grandes discussions avec le Général. Nous sommes arrivés il y a deux jours et d'après Amin, le Général ne leur a pas laissé le temps de se remettre de leur voyage qu'il entrait déjà dans des conversations politiques.
Une guérisseuse interrompit leur discussion.
- Ah, vous voilà enfin réveillée, dit-elle à l'intention de Lila, je vais m'occuper de vous.
Elle avait un âge proche de celui de la jeune ermen. Elle avait des cheveux blonds attachés derrière la tête et un regard témoignant d'une grande assurance. Après avoir échangé un signe de tête avec Méda, elle tira le rideau blanc qui entourait la couchette de Lila. La guérisseuse aida sa patiente à s'asseoir. La jeune fille avait du mal à tenir à la verticale. Sa tête tournait et demandait à être reposée sur l'oreiller. Tout en maintenant Lila, la guérisseuse ouvrit la chemise de la jeune fille et lui enleva le bandage qui protégeait son buste. Une belle cicatrice venait décorer son ventre, en symétrie avec la marque des Cracheurs de Feu.
Lila se sentait mal à l'aise. Elle regarda les yeux de la guérisseuse qui ne semblait pas perturbé par sa marque. Après tout, si cela faisait deux jour qu'elle était arrivée, toute l'infirmerie devait l'avoir vu. Il n'y avait plus de quoi être étonné.
La jeune fille regarda la guérisseuse appliquer un nouveau bandage. Elle se crispa lorsque celle-ci serra un peu trop fort. Elle n'avait pas l'habitude d'être à la place du patient. D'autant plus qu'elle rêvait de pouvoir se rallonger.
Une fois que la guérisseuse eut finit de rebander sa cicatrice, elle aida Lila à se reposer contre la tête du lit pour être à moitié assise.
- Je vais vous amener de quoi manger, dit-elle en ouvrant le rideau et se retrouva nez à nez avec Lionel.
- Lila ! Je suis heureux que tu sois en forme, il va falloir que tu me suives.
- Hors de question, s'imposa la guérisseuse, elle a besoin de repos et de manger.
- Le capitaine la demande.
- Eh bien le capitaine attendra. La patiente n'a pas le droit de sortir sans l'autorisation du guérisseur en chef.
Sur ses paroles, la guérisseuse parti d'un pas décidé. Lionel échangea avec Méda un regard impressionné.
- Les jeunes de nos jours...
Lila sourit.
- Elle a raison, dit-elle, je ne tiens pas débout.
- Je vais donc prévenir Amin, il décidera sûrement de venir ici.
- Qu'y a-t-il de si urgent ? demanda Méda. N'avons-nous pas le droit de nous remettre de nos blessures ?
Lionel eut un sourire en coin.
- Nous devons faire vite avant que les Cracheurs de Feu ne se décident à rattaquer.
Il n'ajouta rien de plus et sortit de l'infirmerie. Méda soupira.
- Ce ne sont pas trois jours qui vont déclencher une guerre civile, quand même. Ils pourraient attendre que tu sois au moins sortie d'ici.
- Beaucoup de Cracheurs ont-ils été arrêtés ?
Méda secoua la tête.
- Quelques-uns sont enfermés actuellement, d'autres sont au cimetière. Mais la majorité d'entre eux est repartie avec un dénommé Samuel.
Lila tiqua en entendant le prénom du chef. Samuel lui avait toujours donné une étrange impression. C'était un chef des Cracheurs et pourtant Edna et lui avaient toujours eu l'air d'avoir des idées contraires. Samuel avait défendu Lila auprès d'Edna le soir de son infiltration dans la serre et elle ne pouvait que lui en être reconnaissante.
- Il a stoppé tout le combat alors que beaucoup de morts commençaient à tomber. Il avait l'air de bien t'apprécier car il a défendu tes idées. Je m'en méfie un peu tout de même car je ne comprends pas pourquoi un homme si pacifiste a pu participer à ce combat.
- Il n'a peut-être pas eu le choix, fit Lila. Moi aussi, je n'ai pas eu le choix...
Un silence s'installa entre les deux femmes. Samuel avait beau être un personnage intriguant et imprévisible, Lila ne pouvait pas lui en vouloir. elle aussi avait été emportée dans une aventure qui ne lui était pas dédiée. Si elle avait pu empêcher ces derniers mois d'exister, elle l'aurait fait. La jeune fille rêvait de revenir au monastère de Dehan, loin de la capitale, loin des conflits, loin des légionnaires et des Cracheurs de Feu.
Samuel n'était qu'un ermen au Don développé qui était obligé de se révolter pour se faire une place dans ce pays, tout comme elle.
La guérisseuse revint avec un plat chaud de légumes et de viande. Lila mangea alors en silence, mettant fin à la conversation avec Méda.
Quelques instants après que Lila ait fini son repas, une agitation se fit entendre dans le hall de l'infirmerie. Des éclats de voix s'approchèrent de la salle où étaient alités les malades. Tous les patient tendirent l'oreille et regardèrent la porte.
C'est alors que le capitaine Er-Payan entra, retenu par la guérisseuse aux cheveux blonds et le guérisseur en chef Er-Venver.
- Vous ne les ferez pas sortir, elles doivent se reposer ! s'agaçait la guérisseuse.
- Je dirige cette infirmerie, capitaine, je décide ce qui est le mieux pour mes patients ! argumentait le guérisseur en chef.
Amin se retourna brusquement vers eux, les deux guérisseurs s'écrasant sur son armure. Lila entendit Méda et quelques patients sur leurs couchettes pouffer de rire.
- Et moi je me soucie du futur des ermens, trancha le capitaine. Méda Er-Frea et Lila Tolen sont essentielles pour cela.
Lila et Méda échangèrent un regard étonné.
- Je ne les ferai pas combattre, j'ai seulement besoin de m'entretenir avec elles.
Sans attendre la réponse des guérisseurs, Amin se tourna vers les deux blessées.
- Me voilà heureux de vous voir réveillées, toutes les deux. Pouvez-vous vous lever ?
Méda le fit sans peine, elle semblait heureuse de mettre les pieds hors du lit. Lila, quant à elle, eut plus de mal. La jeune fille aurait préféré rester allongée, mais la curiosité la piquait. Elle voulait savoir où en était la rébellion. Lorsqu'elle tenta maladroitement de se redresser, Amin esquissa un mouvement pour la soutenir mais la guérisseuse blonde le devança et aida Lila à se déplacer jusqu'à la porte.
- Merci, lui dit Lila, je vais pouvoir continuer.
Puis elle se tourna vers le capitaine.
- Par où devons-nous aller ?
Amin lui indiqua le bureau du guérisseur en chef et la laissa passer devant lui.
En entrant dans la pièce, Lila se fit sauter dessus par Tao qui faillit la faire tomber. La jeune fille sentit la main d'Amin se poser sur son dos pour la retenir en cas de chute. Lila lui adressa un sourire de remerciement puis se concentra sur le garçon qui la serrait si fort qu'elle allait bientôt étouffer.
- Comment vas-tu ?
- Très bien, Madame Lila ! Maman aussi va mieux ! Elle est rentrée à la maison !
Lila fut ravie d'entendre cette nouvelle. Elle tourna la tête vers Amin qui s'approchait d'eux. Le capitaine s'accroupit au niveau de Tao et posa une main sur son épaule.
- Mon brave Tao, est-ce que tu pourrais nous laisser discuter à présent ? Lionel va te faire un entraînement digne d'un légionnaire.
- Allez, vient mon garçon ! encouragea Lionel en sortant de la pièce.
Le bureau de guérisseur en chef était décoré de toutes sortes de babioles. Lila avait un vague souvenir du bureau de Kylen, le guérisseur en chef du monastère de Dehan, qui était bien plus sobre. Sur un bureau en bois sombre était posé une figurine de grand oiseau que Lila n'avait jamais vu, recouverte d'or. Un tapis rouge et or habillait le sol, les murs étaient recouverts de tableaux, certains représentant des personnes, d'autres des paysages...
C'est alors que Lila se rendit compte de la présence d'une dernière personne dans la pièce. Une personne que l'on ne remarquait pas, discrète comme le vent et pourtant, quand on croisait son regard, on sentait une sagesse et une puissance qui vous faisait sentir tout petit.
Samuel Laden, chef des Cracheurs de Feu.
Voyant le regard étonné de Lila, Amin expliqua à la jeune fille tout ce qu'il s'était passé à la fin du combat. Le repli des Cracheurs de Feu, l'emprisonnement de Godfred, Edna et quelques autres Cracheurs, la promesse de Samuel de discuter avec les légionnaires, l'arrivée des thyüls à Jayal, les longues discussions entre Amin et Samuel depuis leur retour pour trouver un moyen de détrôner Thémis Er-Payan... Ce dernier point, Lila ne l'écouta qu'à moitié. A l'évocation de la fin du combat, Lila constata qu'Amin ne mentionnait pas le nom de Yakulu.
Sans déceler son trouble, le capitaine continuait ses explications. Lila ne remarqua pas le silence qui s'installa. Ses pensées étaient seulement tournées vers le vieux thyül. Elle l'avait vu chuter. Elle n'avait pas pu vérifier s'il était encore en vie. Au fond d'elle, la réponse était claire mais elle ne pourrait pas l'accepter sans l'avoir vu.
- Lila.
La jeune fille sortit brusquement de ses pensées. Samuel avait murmuré son prénom mais sa voix avait résonné dans son crâne comme le son d'un cornet qui annonçait l'arrivée victorieuse d'une légion.
Samuel, Amin et Méda l'observaient. Elle croisa chaque regard, l'un confiant, les autres inquiets. Sa gorge se serra.
- Où se trouve Yakulu ? demanda-t-elle, la voix tremblante.
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