Chapitre XXXI
L'horloge sonna l'heure du souper. Amin se dirigea vers la salle à manger, le cœur lourd. Il avait ruminé tout la journée sa conversation avec Lila et Geron. Une colère s'installait en lui, contre les Cracheurs d'user de manipulation et violence pour arriver à leurs fins, contre le système qui ne respectait pas son peuple et contre lui-même d'avoir embarqué une jeune fille si gentille dans toute cette bataille. Amin restait tout de même très impressionné par la capacité de Lila à s'être adapté à sa nouvelle vie.
De toutes ses reflexions, un sentiment de révolte en ressortait. Le capitaine en avait assez de suivre les ordres d'un fou, même s'il était son frère. Les Cracheurs de Feu devenaient de plus en plus dangereux pour les nobles mais aussi les habitants du rempart extérieur de Jayal. Nombreux ont été les marchands blessés ou morts dans le dernier combat.
Une rage emplissait le cœur du capitaine. Que les Cracheurs le considèrent comme un allié ou non, Amin était déterminé à arrêter le règne de Thémis et dissoudre les Cracheurs de Feu.
- Ton regard me semble bien sombre, mon frère, dit Thémis en le voyant arriver dans la salle à manger.
Amin hocha la tête sans dire un mot et s'assit à côté de Yakulu qui lui adressa un regard peiné, comme s'il savait tout ce qui se passait dans la tête du capitaine.
A peine eurent-ils commencé leur repas qu'un serviteur entra dans la pièce.
- Général, quelqu'un est à la porte et demande à parler au capitaine Er-Payan.
Amin échangea un regard interrogateur avec Thémis. Qui pouvait bien vouloir lui parler à cette heure ? D'un hochement de tête, Thémis lui permit de sortir de table. Amin se dirigea donc rapidement à l'entrée du palais.
Son cœur manqua un battement lorsqu'il aperçut la silhouette de Lila, caché sous un manteau à capuche.
- Lila ! l'appela-t-il avec soulagement.
L'avait elle pardonné ?
- Bonsoir capitaine. J'ai besoin de votre protection, les Cracheurs de Feu vont me chercher et sûrement me tuer s'ils apprennent que je suis venue ici.
Lila n'était sensiblement pas aussi heureuse d'être là que lui de la voir. Amin se tourna alors vers le serviteur.
- Je vais aller discuter avec cette jeune fille dans le salon, laissez-nous seuls.
La jeune fille eut un léger mouvement de recul qu'elle sembla vouloir cacher mais qui n'échappa pas aux yeux d'Amin.
- Non... j'aimerai discuter avec Yakulu, dit-elle.
Amin sentit comme une épine lui rentrer dans la poitrine. Les évènement de la journée avaient-ils détruit la confiance qu'elle lui avait accordé ? Blessé, il ordonna au serviteur d'aller chercher le conseiller thyül et dirigea Lila dans le salon.
Une fois entré, il hésita à la laisser attendre seule. La jeune fille observait la pièce sans rien dire tandis qu'e le capitaine restait sur le pas de la porte. Une ambiance pensante s'installa. Amin voulait exprimer tellement de chose, mais il avait l'impression qu'un mur invisible était dressé devant lui. Le silence lui faisant tourner la tête, puis sur une impulsion, il ferma la porte et se lança tout de même :
- Avant de commencer Lila, j'aimerai te faire savoir que je ne vais plus laisser le Général dicter ma façon de faire. Je vais me débrouiller pour protéger le peuple mais je t'assure que les Cracheurs de Feu, malgré leurs intentions, invitent à un monde où chacun règle ses problèmes par la force.
Lila sourit. Amin se sentit désemparé.
- Cela me rassure que vous soyez déterminé, capitaine. Et j'espère que vous garderez cette détermination pour Yakulu, car il faut éviter une catastrophe.
- Quoi donc ?
- Les Cracheurs veulent attaquer le convoi qui amènera les conseillers Thyül à la capitale. Ils veulent les prendre en otage et obliger le Général à leur laisser le pouvoir.
- Ce n'est pas une si mauvaise idée... soupira Amin.
Lila fronça les sourcils, n'appréciant pas vraiment cette remarque.
- Mais comme vous l'avez dit tout à l'heure, je ne suis pas sûre de la manière dont sera gérée le pays après cela.
Amin prit un temps pour répondre.
- Je suis sûr que Thémis seras heureux si tu lui indiques l'entrée du repère des Cracheurs.
- Je peux l'indiquer mais y aller serait de la pure folie. Les sous-sols sont sur-protégés et se déplacer à l'intérieur serait comme vous guider dans un labyrinthe rempli de pièges.
Le capitaine acquiesça. Lila n'avait pas tord. Ils devaient trouver une tactique pour éviter un bain de sang.
Il y eut un silence pendant lequel les deux ermens réfléchissaient à une solution. Il était évident qu'ils allaient tout faire pour arrêter ce convoi faire échouer les Cracheurs de Feu. Mais il était également certain que Thémis ne pouvait pas rester à la tête des ermens. Il leur fallait un dirigeant.
- Nous allons en parler à Yakulu. Il aura sûrement une idée, suggéra Amin.
Soudain la porte s'ouvrit.
- Moi avoir entendu, fit le thyül qui entra dans le salon, un sourire aux lèvres. Content voir toi Lila.
Lila sauta au cou du petit thyül.
- Je suis désolée, j'ai vraiment cru que tu nous avais abandonné ! s'exclama-t-elle.
- Aucun problème.
Lila semblait tout à coup soulagée, comme si voir Yakulu était une preuve qu'Amin était honnête envers elle.
- Nous avons besoin de tes conseils, Yakulu. Les Cracheurs veulent faire de la réunion entre les dirigeants ermens et thyüls leur bataille pour renverser le pouvoir. Si nous les laissons faire, j'ai peur des conséquences...
- Mais vous contre Général.
Amin et Lila hochèrent la tête. Sans aucune hésitation, Yakulu se tourna vers Amin.
- Solution vous est capitaine devenir Général.
Amin se figea. Bien-sûr qu'il avait réfléchi à cette possibilité mais il ne pouvait pas s'empêcher de repenser aux décisions qu'il a prises, aux erreurs qu'il a faites, au mal qu'il a causé à Geron, Godfred, Lila et bien d'autres. Il ne voulait pas porter sur ses épaules le poids d'un peuple.
- Vous être bon. Vous connaître diriger. Vous avoir confiance moi. Thyüls toujours respecteront vous.
- C'est vrai, renchéri Lila, les légionnaires vous respectent énormément, les habitants vous admirent...
- Parce que je suis le frère du Général, coupa Amin. Me respecteront-ils lorsqu'ils me verront voler la place de mon frère ? Lorsque je dissoudrais les Cracheurs de Feu qui leur ont apporté tant d'espoir ?
Ces questions résonnaient dans la pièce comme des couteaux qui se plantaient dans le cœur du capitaine. La réalité était qu'il était réellement tétanisé de prendre le pouvoir. Il y a quelques heures, il était déterminé à tout chambouler, à changer les choses de la bonne manière. Mais il n'avait pu s'empêcher d'espérer qu'il resterai un gentil capitaine et qu'un nouveau Général pointerait son nez.
- Les Cracheurs se dissoudront tout seuls s'ils n'ont personne contre qui se battre, fit remarquer Lila.
- Qui te dit que je serais un bon Général ?
Sa question avait fusé, plus dure qu'il ne le pensait. Il sentit la surprise sur le visage de Lila mais la jeune fille planta ses yeux dans les siens avec assurance.
- Vous m'avez arraché à ma maison et pourtant, quelques jours ont suffit pour que je vous apprécie. Vous avez une bonté qui se ressent, capitaine, et les ermens ne pourront pas fermer les yeux éternellement.
Amin fut touché. Cette jeune fille avait réellement changé quelque chose en lui. Sans elle, il n'aurait pas cette envie de renverser le pouvoir immédiatement. Amin se sentait reconnaissant d'avoir croisé son chemin.
- Thyüls soutiendront vous, ajouta Yakulu.
Le capitaine sourit. Qui l'eut crû, qu'une ermen recluse dans un monastère et un Thyül rêveur de paix l'aideraient à détrôner son propre frère ? Amin sentait sa colère contre cette situation politique devenir une force qui les reliait tous les trois. Ils allaient réussir.
Quelques instants plus tard, Lila, Amin et Yakulu se tenaient devant le Général et sa femme. Lila avait une énorme boule au ventre. Les trois amis avaient décidé de réfléchir à un plan pour détrôner le Général plus tard. L'urgence se trouvait dans la protection du convoi des dirigeants thyüls.
Ils se trouvaient dans le grand salon du palais. Le Général et sa femme étaient tous deux assis sur un grand canapé décorés de tissus et coussins en velours. Tandis qu'Héléna Er-Payan semblait à Lila simplement un être exécrable, le Général la terrifiait.
- Donc les Cracheurs veulent prendre en otage des dirigeants étrangers pour m'atteindre ? Fit Thémis d'un air narquois.
- C'est cela, acquiesça Amin.
- Comment avez-vous eu l'information ? fit Héléna d'un ton aussi mauvais que celui de son compagnon.
Lila déglutit pendant qu'Amin se tournait vers elle. Elle s'avança d'un pas et souleva son gilet pour montrer son ventre.
La première réaction de Thémis et Héléna Er-Payan fut de détourner le regard. Mais lorsqu'ils reconnurent la marque en forme de souffleur qui décorait la peau de la jeune fille, les deux dirigeants écarquillèrent les yeux.
- J'ai rejoint les Cracheurs de Feu, annonça timidement Lila.
Héléna la regarda, le dégoût imprimé sur son visage. Thémis, quant à lui, avait un sourire en coin. Lila rabaissa son vêtement et baissa les yeux. Le Général lui donnait froid dans le dos. Comment Amin et lui pouvaient-ils être si différents ?
- Qui me dit que tu ne viens pas nous entourlouper ? demanda le Général.
- Car j'ai confiance en elle, assura Amin.
- Tiens-donc. Je devrais te croire alors.
Il n'y avait aucune sincérité dans la voix du Général. Lila avait la nette impression qu'il se moquait d'eux. Il lui faudrait donc être très convaincante. Le Général posa son regard sur elle.
- Les Cracheurs veulent attaquer le convoi thyül ?
Lila hocha timidement la tête sans relever les yeux. Soudainement, le Général eut un rire qui terrifia les trois amis.
- Et bien qu'ils les gardent comme Thyül de compagnie.
Le rire d'Héléna se joint au sien. Lila sentit Yakulu se tendre à côté d'elle. Tout comme il l'avait fait pour elle chez les zurks, Lila lui prit la main pour le rassurer. La colère commençait à monter en elle aussi mais ils ne devaient pas faire un seul faux pas.
- Thémis, dit Amin, tu ne peux pas insulter un peuple devant un de ses représentants.
- Je le loge et nourris depuis des semaines !
- C'est notre faute s'il a été attaqué sur nos terre ! s'indigna le capitaine.
Le Général se leva brusquement et se tint devant Amin. Les deux frères ne parlaient plus, leurs yeux le faisait d'eux-même.
- Amin, cela suffit, ordonna Héléna Er-Payan qui semblait vouloir calmer la situation.
- Tu sais à quel point les thyüls sont une force pour nous, insista le capitaine sans se soucier de la femme. On en a déjà discuté.
- Oui, nous avons également discuté de ton impertinence, trancha le Général.
Amin resta droit et fier.
- Pour le bien de notre peuple, j'irai défendre nos alliés.
- Non. JE t'ordonne d'y aller et de m'exterminer tous ces Cracheurs de Feu. Pour le reste, je ne veux plus en entendre parler.
Puis il fusilla Lila du regard.
- Si tu oses nous mentir, jeune fille, je te tuerai devant tous tes petits camarades.
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