Chapitre XXVII
Lila n'était venue qu'une seule fois dans la maison de Tao. C'était une vieille bâtisse en bois située au bord du quartier sud dont les planches commençaient à être sérieusement abîmées.
Lila passa le pas de la porte, la boule au ventre. Tao et sa mère avaient aménagé deux pièces. L'une faisant office de salon et cuisine pauvrement aménagé tandis que l'autre était une chambre.
C'est là que la jeune fille trouva la mère de Tao, allongée sur un lit, dans un sommeil agité.
- Elle ne s'est pas réveillée depuis hier, sanglota Tao.
Le petit garçon avait des cernes sous ses yeux. Il n'avait pas dormi de la nuit, attendant l'aube pour toquer à la porte de Lila.
La jeune fille posa une main rassurante sur l'épaule du garçon.
- On va éloigner cette vilaine maladie, dit-elle en souriant.
Puis elle s'approcha de la femme et posa une main sur son front. Elle était brûlante. Les draps étaient trempés de sueur. La femme gémissait.
Lila se tourna vers Tao, le visage le plus confiant possible.
- Peux-tu préparer une casserole d'eau pour la chauffer ?
Content de se rendre utile, le garçon s'exécuta et sortit de la pièce. Lila se mit alors à réfléchir très vite. Il lui fallait de quoi réveiller la mère de Tao.
Son cerveau bouillait. La jeune fille n'avait jamais fait face à cette situation. Elle n'arrivait pas à se souvenir de toutes les plantes que lui avait appris Eona. Elle n'avait clairement pas les compétences pour soigner la mère de Tao proprement. Mais elle allait tout de même tout faire pour la garder en vie.
Lila se leva et fit les cents pas. Tao revint dans la chambre avec une bassine et un chiffon.
- J'ai pensé que de l'eau fraîche pourrait aider, dit-il.
Lila se sentit stupide. Un enfant avait de meilleurs réflexes qu'elle, comment avait-elle pu oublier les bases ? Que lui arrivait-il ? Elle avait combattu et soigné des entailles profondes et voilà qu'elle paniquait pour une femme n'arrivant pas à se réveiller ?
La jeune fille ne put s'empêcher de penser qu'elle redoutait ce moment depuis des semaines. La mère de Tao aurait dû être guérie depuis bien longtemps. Voilà ce qui l'inquiétait. La femme était proche de la mort, c'était certain.
Lila prit la bassine et le chiffon qu'elle trempa avant de le poser sur le front de la mère de Tao.
- L'eau est en train de chauffer, annonça fièrement le garçon.
Lila l'en remercia. C'est alors qu'une idée lui vint en tête. Elle se leva brusquement.
- Tao, je vais te laisser t'occuper de la préparation, tu as toutes les langollis dans mon sac, quand l'eau bout, mets-les dedans. N'oublie pas d'enlever toutes les tiges, je reviens !
- Mais...
Lila n'attendit pas de réponse, elle avait confiance. Tao l'avait observé et assisté assez longtemps pour mener à bien cette mission. En attendant, elle devait trouver un marchand.
Lila parcouru les rues de Jayal. Le début du printemps amenait tous les agriculteurs ayant les premiers fruits et légumes de saison dans les villes. Lila en voyait des dizaines se succéder dans les rues. Mais elle cherchait précisément des fruits venant des Terres de Pan où il faisait plus chaud à cette période.
Lila traversa donc la foule matinale pour se frayer un chemin jusqu'au port de la capitale. Ce dernier était toujours bordé de nombreux marchands venant du monde entier et d'autant plus depuis le début du printemps. On y trouvait principalement des vendeurs de poisson mais également certains produits venant des pays étrangers.
Le port était probablement la zone la plus propre du rempart extérieur, car les nobles passaient régulièrement par là afin de voyager sur les mers. Les pierres étaient claires, le bois était propre et solide et les habitants y discutaient joyeusement sous la douceur du soleil.
Lila repéra alors une orienne qui présentait toutes sortes de fruits et légumes sur son étalage.
Les oriens vivaient dans les Terres de Pan. C'étaient des êtres poilus des pieds à la tête. Il avaient un petit museau, des joues qui se terminaient en petits triangles de touffes, de mignonnes petites oreilles pointues et une queue touffue dont les poils s'hérissaient lorsqu'ils étaient en colère.
Lila avait découvert leur existence dans des livres de grands guérisseurs au Monastère de Dehan. En voyant l'orienne devant son étalage, la jeune fille se précipita vers elle et observa chaque espèce de fruit qu'elle vendait. Ses yeux s'arrêtèrent sur un fruit rond et brun. La vendeuse la regarda avec un sourire en coin.
- Vous connaissez les polemons ?
Lila n'avait pas le temps de discuter. Elle en acheta trois, paya précipitamment et se détourna sans dire un mot. A peine eut-elle fait un pas qu'elle se prit quelqu'un de plein fouet. Les polemons qu'elle venait d'acheter tombèrent au sol. Lila se pencha pour les ramasser en bégayant des excuses mais l'homme qu'elle venait de percuter la devança. Lorsqu'il lui tendit les fruits, Lila se figea.
L'homme qui se tenait devant elle avait une armure rouge et dorée. Il était plutôt grand, une légère couche de barbe, des cheveux brun, des yeux marrons adressant une bienveillance infinie à ceux qu'il croisaient.
Amin Er-Payan, le capitaine, se tenait devant elle, souriant. Lila le regarda stupéfaite. Elle ne s'attendait absolument pas à le voir. Elle jeta un coup d'œil derrière lui. Il ne semblait pas accompagné.
- Tu n'es pas très couverte pour quelqu'un qui a infiltré la légion la veille.
Lila se braqua. Amin avait le même ton bienveillant que lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Après tout ce qui s'était passé depuis, Lila avait peur du piège. Le capitaine touchait tout de même un point. Elle était tellement préoccupée par la mère de Tao qu'elle n'avait pas pensé à porter sa capuche. Quelle erreur. De plus, il l'avait reconnu lors de son excursion nocturne. Si Edna apprenait ça, elle la brûlerait vive.
- Lila j'aimerai discuter avec toi.
Amin fit un pas en avant alors que Lila recula. Voyant sa méfiance, il tendit une main amicale.
- Je ne veux te faire aucun mal. C'est même plutôt l'inverse.
En regardant sa main tendue, la jeune fille ne pu s'empêcher d'imaginer l'épée sanglante qu'il tenaient la dernière fois qu'ils s'étaient vu. Était-il réellement le capitaine doux et bienveillant qu'elle avait rencontré à Dehan ?
Mais Lila reprit ses esprits. Ce n'était pas le moment de se poser des questions, une vie était en jeu.
- Si vous n'avez seulement l'envie de me parler, je n'ai pas le temps, je suis pressée.
Lila regardait autour d'elle un moyen de fuir rapidement sans se faire attraper. A sa surprise, Amin s'écarta pour lui laisser le passage.
- Alors je t'attendrais là le temps que tu fasses ce que tu as à faire.
La jeune fille commença par faire un pas timide puis, voyant que le capitaine ne bougeait pas d'un poil, elle se mit à courir en direction de la maison de Tao.
Le garçon l'accueillit, paniqué.
- Madame Lila, la préparation de langollis est prête, mais je ne sais pas comment...
- Ne t'inquiète pas, coupa Lila, je m'en occupe.
La jeune fille mit sa rencontre avec le capitaine dans un coin de sa tête et son concentra sur l'urgence du moment. Elle attrapa un couteau dans la cuisine dont la pointe était cassée et s'approcha de la mère de Tao devant laquelle elle découpa un des fruits qu'elle venait d'acheter.
- Qu'est-ce que tu... Bwah !
Tao se boucha le nez et Lila, qui avait les mains prises se concentra pour ne pas tout lâcher. Les polemons étaient connus pour avoir une odeur atroce qui pouvait réveiller un mort. L'odeur finit par remplir toute la pièce. Lila approcha le fruit des narines de la mère de Tao qui esquissa un léger mouvement de mécontentement.
- C'est bien, elle n'est pas loin, se rassura la jeune fille. Je vais tenter de lui donner un peu de remède avant qu'il ne refroidisse.
Elle se leva pour aller à la cuisine, Tao sur ses talons. Le garçon observa Lila mettre la préparation dans un bol.
- Aide moi à la redresser, demanda Lila.
Ils installèrent la mère de Tao en position semi-couchée, le haut du dos coincé sur le mur puis Lila versa quelques gouttes du remède sur les lèvres de la femme.
Sa bouche était légèrement entrouverte, assez pour laisser entrer la préparation.
Lila lâcha un soupir de soulagement. Elle se tourna vers Tao qui semblait partager sa joie.
- On va y aller doucement, mais on va y arriver, dit-elle avant de se retourner vers la mère de Tao.
Alors que Lila s'apprêtait à verser une nouvelle fois quelques gouttes entre ses lèvres, la femme se tordit de douleur. Tao laissa échapper un cri de peur, Lila se pencha sur la mère du garçon pour tenter de la calmer en lui attrapant les épaules.
- Tao, ramène moi un sceau d'eau et un chiffon ! ordonna la jeune fille.
Le garçon s'exécuta. Le cœur de Lila battait très vite. La femme se tournait et retournait violemment en respirant fort et vite, la jeune fille avait du mal à la maîtriser. La mère de Tao donnait des à-coups de plus en plus violents. Elle avait toujours les yeux fermés, comme si elle restait bloquée dans ses rêves.
- Madame, calmez-vous, tentait Lila, désespérément.
Plusieurs minutes passèrent, la jeune fille sentait qu'elle allait lâcher.
Tao arriva alors avec un sceau. Lila porta le chiffon trempé sur le visage de la femme qui continua de s'agiter un moment avant de se calmer petit à petit.
Le garçon observait sa mère, terrifié.
- Tu vas réussir à la soigner, hein ? demanda-t-il.
Cette fois, Lila ne répondit pas. Elle avait peur de savoir la réponse. Elle porta le bol de langollis aux lèvres de la femme. Aucune goutte ne passa ses lèvres qui étaient serrées au point de faire presque qu'une. Le rythme cardiaque de la mère de Tao était toujours très rapide, Lila était inquiète. Elle tendit désespérément un polemon sous le nez de la femme qui cette fois ne réagit pas. La maladie était trop forte, Lila n'avait pas les compétences pour la soigner.
La jeune fille se tourna vers Tao mais n'osa pas le regarder dans les yeux. Le garçon pleurait.
- Il faudrait amener un vrai guérisseur, murmura-t-elle.
Elle savait que le garçon n'avait pas les moyens de payer un guérisseur et encore moins de faire un voyage pour en trouver un. Sa mère n'avait que très peu de temps à vivre si elle ne recevait pas le bon traitement.
Or les guérisseurs les plus proches étaient ceux du rempart intérieur mais jamais ils n'accepteraient des pauvres ermens comme Tao et sa mère.
C'est alors que Lila pensa à Amin qui l'attendait patiemment. Le visage de la jeune fille s'illumina et sous les yeux ahuris de Tao qui ne comprenait rien à son manège, elle courut en direction du port.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro