Chapitre XIX
La nuit de Lila fut courte. Elle s'était tournée et retournée sur sa couchette sans trouver le sommeil. Son dos lui avait fait atrocement mal et des stratégies pour mener à bien sa mission avaient fusé dans son esprit. La jeune fille avait également passé un long moment à réfléchir au comportement de Godfred qu'elle n'arrivait pas à expliquer. Était-il réellement le personnage joyeux et amical qu'elle avait connu jusque là ? Est-ce que Geron jouait également la comédie devant elle ? Allait-elle découvrir deux personnes totalement différentes une fois entrée chez les Cracheurs de Feu ?
Ces idées et sa douleur dans le dos l'avaient maintenue éveillée jusqu'à l'aube.
A peine réussit-elle à s'endormir que Geron la réveilla.
- Allez, jeune apprentie, au boulot !
Lila tenta de se lever mais son dos lui fit si mal qu'elle se replia sur elle-même.
- Reste allongée quelques minutes de plus, dit-il, inquiet, je te prépare à manger, tu vas avoir besoin de forces.
Lila hocha la tête et se recoucha délicatement. Cependant quelque chose l'interpella. Elle tourna la tête vers les couchettes de ses deux amis. Godfred n'était pas dans la tente.
En la voyant se relever et passer sa tête à l'extérieur, Geron se tourna vers elle, intrigué.
- Je t'ai entendu bouger toute la nuit, viens manger pour récupérer de l'énergie. Je suis allé prendre de l'écorce à ton infirmerie, dit-il en montrant un petit tas au centre de la tente. J'ai pris celle que tu me donnes quand je me blesse. J'espère que ça t'aidera pour la journée.
La jeune fille fut touchée de cette délicate attention. Elle s'approcha douloureusement des braises au centre de la tente et prit un bout d'écorce de maviridis qu'elle laissa doucement fondre dans sa bouche.
- Godfred est déjà parti ? finit-elle par questionner.
- Oui, en ce moment les chefs lui en demandent beaucoup.
Geron tendit un bol de bouillon à Lila qui le prit avec plaisir.
- Qu'est-ce qu'ils lui demandent ?
- Godfred a toujours été très impliqué dans la cause. Je crois que cette situation le touche plus qu'il ne veut le faire paraître.
Lila but une gorgée de la préparation encore brûlante. Elle apprécia la chaleur qui réchauffa tout son corps.
- Être impliqué dans une cause justifie-t-il de me broyer le dos ?
Elle ne put retenir la déception dans sa voix. Geron soupira.
- Il a vraiment envie qu'on réussisse...
La réponse ne convint pas à Lila mais elle ne dit rien de plus. Elle ne voulait pas se disputer avec ses amis. Elle finit donc tranquillement son bol et se leva doucement.
- Il est l'heure pour moi de mener à bien ma mission.
Geron lui adressa un sourire.
- Je ne serais pas loin.
Elle hocha la tête et se dirigea vers le point indiqué dans la lettre. Troisième rue à droite après le cavalier. En se mettant en chemin, elle pensa à la mère de Tao. Cette dernière allait bien mieux qu'à l'arrivée de la guérisseuse mais Lila continuait de donner des boissons de renforcement afin d'éliminer totalement sa toux. La jeune fille effectua donc un détour par l'infirmerie où elle déposa devant la porte le remède pour la mère de Tao. Elle en profita pour prendre dans sa sacoche quelques écorces ou fioles au cas où cela s'avérait utile puis elle se remit en route.
Geron et Godfred ainsi ses petits tours dans la ville lui avait fait connaître presque tous les recoin du rempart extérieur.
Le cavalier était facile à repérer, c'était une grande statue située sur une grande place marchande près du port. Il n'était pas compliqué de comprendre le « après le cavalier » car en venant depuis le quartier sud, on se retrouvait derrière la statue. Lila n'avait qu'à prendre la rue juste en face du cavalier. En tous cas, elle pariait tout sur cette logique.
Elle s'y rendit, compta les rues, une, deux, trois, et s'engagea dans la dernière.
La jeune fille se retrouva dans une rue où passaient très peu d'habitants. Elle parcouru l'allée en observant chaque recoin mais fut étrangement déçue. Elle s'attendait à une rue spéciale où elle trouverait un renfoncement dans lequel se trouverait la lettre qu'elle devait remettre, disposée en évidence.
- Pourquoi un groupe secret mettrait une lettre aussi importante à la vue de tous ? se raisonna-t-elle.
Lila parcourut deux fois la rue sans rien voir. Lorsqu'elle commença à perdre patience, une goutte d'eau tomba sur son crâne. Surprise, elle leva la tête. Le ciel était bleu sans aucun nuage. Elle avait dû rêver. La jeune ermen reprit donc son inspection.
- Allez, cela ne doit pas être si compliqué !
Une deuxième goutte, plus grosse que la précédente lui tomba dessus.
Cette fois-ci, elle observa le toit de la maison au dessus d'elle. Il n'était pas mouillé, rien. Peut-être cela était-il une épreuve des Cracheurs et qu'elle devait trouver la cachette sans se laisser distraire.
En partant sur cette conclusion, Lila continua ses recherches. Au bout de plus d'une heure, elle n'avait pas trouvé la lettre. Alors qu'elle désespérait, elle entendit un grand bruit au dessus d'elle. Cela commençait à faire beaucoup. Elle avait cherché partout dans la rue, la jeune fille se demandait si la lettre ne se trouvait pas en hauteur.
Rien que d'y penser, son dos la lança. Lila attrapa dans sa sacoche une écorce de marividis qu'elle mit dans sa bouche. Ensuite elle chercha un petit espace entre deux maisons afin de monter sans attirer les passants curieux. Une fois trouvé, elle réprima la douleur qui lui déchirait le dos et se mit à grimper.
La jeune fille appuya son dos sur un mur et poussa avec ses pieds de l'autre, comme Geron et Godfred lui avaient appris. Elle serra les dents en se demandant dans quel état sa colonne allait se retrouver après cette journée. Mais celle-ci était à peine commencée, Lila ne devait pas se décourager. Elle donna une impulsion pour monter un peu plus vite en reposant rapidement son dos sur le mur afin de ne pas perdre l'équilibre. La deuxième fois, elle lâcha un cri.
Elle était en train de s'enfoncer une poutre sur sa colonne meurtrie. La jeune fille resta quelques secondes sans bouger et sans faire de bruit, pour s'assurer que personne ne l'avait entendue.
Heureusement, nul ne sembla s'intéresser à ce petit espace entre deux maisons où une jeune ermen grimpait pour une raison totalement obscure. Si la lettre ne se trouvait pas là haut... Non. Elle devait continuer.
Elle se remis douloureusement en mouvement et arrivée au sommet, elle se cala contre une cheminée et s'allongea. Elle était à bout de souffle et son dos lui faisait atrocement mal. La jeune fille avait l'impression que sa colonne allait se casser.
Mais elle devait continuer. Les Cracheurs de Feu étaient son seul objectif. Il ne lui restait que Geron et Godfred et ce combat contre le Général. On lui avait tout enlevé, elle pouvait enfin vivre en tant que guérisseuse, elle ne pouvait pas abandonner si vite.
Lila souffla un bon coup et se redressa doucement. Elle sortit de sa sacoche une seconde écorce de maviridis qu'elle suça lentement afin d'en récupérer tous les bienfaits. Pendant ce temps, elle en profita pour regarder autour d'elle.
La ville était plutôt jolie, vue d'en haut. La lumière du soleil rendait de beaux reflets aux toits de pailles. De l'autre côté du rempart intérieur, on ne voyait que la tour centrale. Lila enviait le Général de vivre dans ce palais rayonnant. Le sommet en cristal de la tour renvoyait une jolie lumière sur les environs. Sa tête commença à tourner face au vide qui s'étendait devant elle. Elle ferma rapidement les yeux en s'accrochant solidement à la cheminée.
Lila inspira longuement pour calmer son cœur qui s'emballait. Son esprit divagua vers Geron qui avait dit qu'il l'aiderait en cas de besoin mais elle n'en voyait aucune trace. Etait-il en train de la surveiller ? Avait-il vu la catastrophe de sa montée ?
Lila secoua la tête, il valait mieux ne pas se poser trop de questions et se concentrer sur sa mission. Elle rouvrit doucement les yeux et respira lentement tandis qu'elle cherchait quelque chose sur les toits environnants.
Malheureusement, aucun indice sur où pouvait se trouver la lettre. La jeune fille se décida tout de même à se relever et poursuivre ses recherches. Les souvenirs de la veille l'ayant marqué, elle s'agrippa à la cheminée sur laquelle elle s'était reposée.
C'est alors qu'elle sentit un morceau de pierre bouger sous ses doigts. Étonnée, elle l'observa de plus près.
Comment avait-elle pu être aussi bête ? Elle s'était reposée sur un symbole de Cracheur ! Grâce à ses petits doigts fins, Lila put facilement déloger la pierre et découvrir un trou dans lequel se trouvait une lettre.
- Je l'ai ! s'écria-t-elle en manquant de chuter.
Elle se rattrapa de justesse sur la cheminée. La jeune fille se stabilisa et attrapa la lettre au fond du trou avant de le reboucher. La lettre était en fait fermée et attachée à un petit bout de papier sur lequel était écrit un message qui lui était destiné.
« La lettre doit être livré à l'homme aux plumes, près du chausseur Chaussermen. Personne ne doit te voir entrer dans le rempart intérieur. Si tu te fais repérer, la mission est un échec et nous risquons tous la mort. »
Lila déglutit en lisant la dernière phrase. Elle ne pensait pas qu'on lui donnerait une première mission aussi importante.
La jeune fille repoussa l'angoisse qui commençait à lui serrer le ventre et elle observa autour d'elle un chemin pour atteindre discrètement le rempart intérieur.
Lila soupira. Il était vrai que lorsqu'on regardait les toits de Jayal, tous montaient pour rejoindre le rempart. D'autant plus qu'aucun légionnaire ne semblait faire de ronde. Si elle pouvait se déplacer sur les toits comme Geron et Godfred, Lila avait un chemin parfait pour atteindre le cercle intérieur de Jayal.
La jeune fille jeta un coup d'œil vers la rue. Sa tête qui avait arrêté de tourner repris. Elle détourna les yeux vers le ciel. Elle n'avait pas du tout la force de redescendre, si elle ne regardait pas vers le bas, elle pouvait passer par les toits. Elle opta donc pour avancer tranquillement vers le rempart. Après tout, Lila devait simplement traverser cinq toits.
Tout simplement.
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