Chapitre XI
Une semaine passa avant qu'ils ne quittent les ponts de l'Archipel. Nyla avait passé des jours à trouver un marchand acceptant de transporter quatre voyageurs.
Pendant ce temps, Lila et Yakulu étaient restés coincés dans la petite maison de la sympathique zurk. A part la salle principale, il y avait une chambre dans laquelle ils avaient difficilement réussi à placer des couchettes pour tous et une salle de bain. Lila avait l'impression d'avoir passé tout ce dernier mois enfermée. Mais cette fois, c'était en bonne compagnie. Entre la gentillesse de Yakulu et les blagues de Geron et Godfred, il n'y avait pas de quoi s'ennuyer. Pendant une partie de carte, Lila en avait profité pour se renseigner plus précisément sur les Cracheurs de Feu.
- Qu'est-ce que vous faites tous les jours ?
- Cela varie, répondit Geron. Nous essayons de voler les riches marchands pour récupérer principalement de la nourriture pendant que d'autres prennent les vivres déjà récoltés et les donnent aux sans-abris. Le plus compliqué c'est lorsqu'ils sont malades, ils finissent tous par attraper la maladie en un rien de temps !
La situation de la capitale ermen que les deux jeunes hommes décrivaient fendait le cœur à Lila.
- Je pourrais participer, dit-elle. Je connais des plantes médicinales et quelques-unes peuvent remplacer certains aliments !
Penser à ce qu'elle ferait une fois rentrée en ermen la sortait de sa déprime. Elle ne supportait plus ces journées où elle devait uniquement attendre qu'on décide des choses pour elle ou qu'une porte de sortie apparaisse.
En pensant à tout ce qu'elle pourrait faire pour les habitant de Jayal, l'enthousiasme s'emparait d'elle car rien que l'idée de pouvoir être utile la réjouissait. Et Lila voyait bien que sa joie se transmettait aux deux autres ermens. Yakulu, lui, restait silencieux.
- Il faudra être prudente, les légionnaires nous traquent...
- Mais pourquoi les légionnaires feraient-ils ça ? s'indigna la jeune fille. C'est normal de s'entraider !
Geron lui adressa un beau sourire. Elle aimait bien quand il souriait comme ça. Cela rendait son visage doux et chaleureux.
- Nous sommes des rebelles, Lila. Avec notre Don, nous n'avons pas le droit de nous trouver en dehors de la légion.
- Et accessoirement, je rappelle que nous volons les riches, fit Godfred, je ne vois aucun dirigeant de pays à qui cela plairait.
- Vous rendre riches aussi pauvres vous ! s'indigna Yakulu qui sortit de son mutisme.
- Pfff ! Ils ont largement les moyens de nourrir cinq personnes chacun !
- Vous pas diplomates.
- Nos chefs ont essayé bien des fois de trouver un accord avec le Général. Et ce connard nous a rit à la tronche avant de nous renvoyer dans nos rues poussiéreuses !
- Jamais entendu discussion avec Général.
- Tu devais être en haut d'un arbre de ta forêt lorsque c'est arrivé, grogna Geron. Ou alors tu es autant manipulé que les autres.
Yakulu soupira.
- Vous souffrir autres pour bonheur vous, Général aussi, ermens égoïstes.
Et il partit s'enfermer dans la chambre. Lila comprenait le thyül. Il était réellement dans une mauvaise posture. Comme elle, savoir qu'un souverain maltraitait ses sujets le rendait malade. Mais alors que la jeune fille avait le choix d'aider les pauvres gens, lui était obligé, pour son peuple, de négocier avec le tyran. D'un autre côté, il pouvait être un atout pour atteindre le Général...
- Il ne comprend vraiment pas, râla Godfred.
- Il vous aidera, assura Lila.
- Comment peux-tu en être sûre ?
- C'est un thyül. Ils détestent la violence et tiennent leur promesses.
- C'est lui qui te l'a dit ?
Lila ne répondit que par un sourire en coin. Il avait raison, tout ce qu'elle connaissait des thyüls venait de la bouche de Yakulu. Mais après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, elle lui faisait confiance. Il leur avait promis de demander au Général un entretien avec les chefs des Cracheurs de Feu et elle était persuadée qu'il le ferait.
C'est là que Nyla fit son entrée.
- Salut ! J'ai une bonne nouvelle, vous partez demain !
Des cris de joie se firent entendre dans la petite maison. Yakulu sortit de la chambre, souriant, comme si la conversation précédente n'avait pas eu lieu.
- Merci, dit-il à la zurk.
Elle lui rendit son sourire et expliqua le plan du lendemain à ses amis. Ensuite, ils profitèrent de leur dernière soirée ensemble. Godfred et Nyla burent de la liqueur jusqu'à en perdre tous leurs moyens. Ils se mirent à chanter et danser à tue-tête. Lila, Yakulu et Geron les observaient en riant.
- Vous n'êtes vraiment pas obligés de nous infliger ça, soupira Geron. Godfred ne sera jamais en forme pour le voyage, si ça continue !
- Laisse nous vivre, rabat-joie ! Rétorqua Nyla en tapant dans les mains sur l'air que chantait son ami.
Yakulu fit mine de se racler la gorge pour attirer l'attention de Geron. Ce dernier se tourna vers lui, tandis que Godfred et Nyla tentaient d'embarquer Lila dans leur danse folle.
- Moi méfiant ces jours. Mais moi remercier vous.
- Tu n'es pas encore rentré chez toi, mon vieux ! Tu nous remerciera quand tu poseras les pieds au palais.
- Et moi parler Général.
Geron lui donna une tape dans le dos.
- Et là, c'est nous qui te remercierons !
- Si vous stoppez malheur peuple.
Le sourire de Geron s'effaça tandis que Yakulu continua :
- Vous rendre pauvres et riches heureux.
Malgré sa difficulté à parler la langue ermen, le jeune homme comprenait que ce n'était pas une simple demande que faisait le vieux thyül. Il lui donnait des conditions pour que leur échange se fasse. Mais bon, Geron suivra dans tous les cas la décision des chefs.
Pour couper court à la conversation, Geron se leva pour venir en aide à la pauvre Lila qui devait avoir les tympans en sang entre les deux animaux qui criaient dans ses oreilles.
Le lendemain à l'aube, Lila, Geron, Godfred et Yakulu dirent au revoir à Nyla. Puis, accoutrés de vêtements zurks que leur amie leur avait acheté la veille, ils se faufilèrent dans les rues de l'archipel. Il fallait faire vite, la ville allait bientôt se réveiller.
Au détour d'une rue, Lila se pris en plein fouet une charrette remplie de tonneaux qui glissèrent avec un énorme bruit.
- Qu'est-ce qui s'passe à c't'heure ? Braya un homme depuis sa fenêtre. Eh mais... AUX VOLEURS !
Geron attrapa la main de la jeune fille et les quatre amis se mirent à courir.
- On avait bien dit « discrets », grogna-t-il.
- Je... désolée.
Elle n'arrivait même pas à s'excuser à cause de la course qui n'était décidément pas son fort.
- Droite ! Renfoncement ! Hurla Yakulu.
Godfred, suivit des trois autres se faufilèrent dans une petite ruelle à peine visible. Les zurks à leur recherche passèrent devant sans rien voir. Godfred tenta de sortir de leur cachette mais Yakulu l'en empêcha.
- Pas maintenant.
- On a pas le temps, le bateau ne nous attendra pas !
- Chut! Imposa Geron.
Trois hommes repassèrent en sens inverse.
- Ils vont bien se rendre compte qu'on a rien volé, chuchota Lila.
Geron acquiesça et se tourna vers le vieux Thyül, attendant son top départ. Yakulu hocha la tête et les quatre amis repartirent vers le port. Geron tenait toujours la main de Lila qui se sentait rougir. Devait-elle le faire remarquer ? Et s'il la lâchait ? Non. Elle aimait bien se petit lien silencieux qui les rapprochait petit à petit depuis qu'ils s'étaient rencontrés.
Ils avancèrent prudemment jusqu'au grand quai. Ils reconnurent le navire que leur avait indiqué Nyla. Un homme attendait devant. Cela devait être le capitaine. Lorsqu'il vit les jeunes Ermens accompagnés d'un Thyül qui allaient avancer dans la lumière du quai désert, il leur fit un signe de s'arrêter. Lila, qui n'avait rien compris se fit tirer par Geron qui manqua de lui déboîter l'épaule.
- Pardon, chuchota-t-il. On est arrivé trop tard, les marchands ouvrent leur stands.
- Si madame n'avait pas...
Godfred ne put finir sa phrase, il avait le doigt de Geron appuyé sur ses lèvres.
- On s'en fou de ce qu'il s'est passé, il faut qu'on cache Yakulu entre nous trois.
Ce ne fut pas une tâche facile. Les trois ermens n'étaient pas très gros. Leur seul espoir régnait sur la distraction. D'un petit coup de poignet, Godfred guida la mer pour qu'elle recouvre le quai dans la direction opposé. Des exclamations se firent entendre sur la place. Tout le monde tournait le dos aux quatre amis qui en profitèrent pour se frayer un chemin vers leur bateau. Le capitaine signait des papiers avec un zurks et les laissa passer comme si de rien n'était.
Mais juste avant de monter dans le navire, une femme les interpella.
- Eh ! Vous allez où comme ça ?
Lila se figea. Geron se posta de manière à cacher Yakulu du mieux qu'il pouvait et Godfred, avec toute la confiance qu'il pouvait montrer se tourna vers la femme.
- Mon frère, ma sœur et moi avons dégoté un contrat avec ce marchand, ce matin... Excusez-nous mais on ne veut pas être en retard pour notre premier jour !
- Un ermen qui engage des zurks ?
- Hum... Il manquait de monde. Et nous d'argent...
Pendant que leur ami tenait la discussion, Geron poussait Yakulu et Lila vers le bateau.
- Eh ! C'est quoi derrière ?
Geron et Lila se retournèrent. Avait-elle vu Yakulu ? Heureusement, c'est le moment que choisi le capitaine pour s'intéresser à eux.
- Allez les jeunes ! J'ai pas besoin de chômeur, montez vite qu'on quitte cet endroit !
Ils se dépêchèrent tous d'entrer, laissant la femme perplexe.
L'équipage déploya les voiles du navire et ils partirent. Ils allaient tous rentrer chez eux et cette fois, Lila et Yakulu pourraient profiter du voyage à l'air libre.
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