Chapitre VIII
Lila fut réveillée par la ville qui s'activait de bon matin. La jeune fille avait fini par s'endormir. En se redressant, elle sentit ses muscles meurtris par l'inconfort du voyage en navire qui se réveillaient. Une nuit confortable dans un lit l'avait bien détendue.
Il n'y avait personne sur la couchette de Yakulu. Le vieux thyül était à la fenêtre à observer ce qu'il se passait dans les rues. Cela devait être un jour de marché car on entendait des commerçants crier au loin.
- Zurks peuple grossier, dit-il sans se retourner.
Lila ne savait pas s'il s'adressait à elle ou s'il pensait à voix haute.
- Bonjour, Yakulu.
L'intéressé se retourna, adressa un sourire à son amie et lui désigna la petite table dans le coin de la chambre.
- Zurk amené manger, fit Yakulu.
La jeune fille avala son petit déjeuner avec joie : des grandes tartines de pain croquantes sur lesquelles étaient étalé différentes mixtures fruitées. Décidément, la différence de traitement des prisonniers entre le bateau et l'archipel était très grande. Cela semblait suspect.
- J'ai beaucoup réfléchi cette nuit, lança Lila après avoir fini son repas.
Le vieux thyül qui était retourné à son poste d'observation regarda son amie et vint s'asseoir à côté d'elle. Il hocha la tête pour signifier qu'il était prêt à l'écouter.
- L'ermen, Edsy, ne doit pas être si méchant que cela.
Elle attendit une réaction mais l'expression de Yakulu ne changea pas d'un pouce. Il attendait la suite de son raisonnement.
- Il n'avait pas l'air heureux que nous soyons ses prisonniers et je pense qu'il voulait juste nous parler, hier soir, car il avait toutes les chances qu'il voulait pour nous enlever.
Toujours aucune réaction. Si cela continuait Lila irait parler à un miroir.
- Je ne sais pas s'il compte revenir nous voir mais je pense que si l'occasion se présente, nous devrions l'écouter et s'il compte nous emmener avec lui, le suivre. Voilà ma réflexion.
Yakulu inspira un bon coup avant de répondre.
- Si lui enlève nous, lui problème avec zurks, fit-il remarquer. Lui vouloir toi en vie. Moi pas important. Lui vouloir toi fuir.
Yakulu marquait un point. Lila se sentait naïve de croire qu'Edsy pouvait avoir de meilleures intention que le comte Ladell. Le thyül avait raison de se méfier. Cependant elle avait réellement l'impression qu'il ne leur voulait aucun mal et que l'échange proposé par le comte ne lui plaisait pas du tout.
- Mais, reprit Yakulu qui sortit Lila de ses pensées, Esprit parlé moi. Esprit conseillé nous fuir. Si ermen aide nous, nous allons. Mais nous méfier lui pour suite.
Un sourire s'afficha sur les lèvres de la jeune fille. Il ne leur manquait plus qu'à espérer qu'Edsy revienne les voir.
La journée ne se passa pas comme les deux amis l'avaient imaginé. Peu de temps après que Lila ait fini son petit déjeuner, le serviteur du comte Ladell les invita à descendre dans le salon de jeu pour rejoindre leur hôte. La pièce était petite avec quelques éclairage autour d'une table et d'un petit bar recouvert de bouteilles de toutes formes. Les murs étaient recouverts de tapisseries présentant différentes îles sans habitations.
Le comte était assis à la table ronde sur laquelle étaient installés un plateau carré et des pièces rondes de couleurs dorées et noires.
Cette fois encore, deux zurks armés étaient postés à l'entrée de la salle. Cette protection semblait démesurée pour la jeune fille. De quoi avaient-ils peur ? Il n'y avait aucun pot de terre dans la pièce. Pensait-ils que Lila en inventerait un et le leur jetterait à la figure ? Que Yakulu, le thyül pacifiste demande à son esprit de leur mettre des claques ? Contre au moins deux grands zurks armés, un hôte qui pouvait écraser ce qu'il voulait avec ses grosses mains et un serviteur qui devait avoir un talent caché, cela semblait largement trop pour deux frêles personnages tels que Lila et Yakulu.
A l'invitation du serviteur, les captifs s'installèrent autour de la table. Ladell les accueillit avec un grand sourire.
- Bonjour, mes amis !
Drôle de façon d'appeler ses prisonniers, se dit Lila.
- Une grande journée s'annonce, continua le comte. Une fois qu'Edsy m'aura donné ses conditions de rançon, nous enverrons une jolie lettre à notre ami le Général.
Son sourire faisait peur. Il sentait l'entourloupe à des kilomètres. Il était beaucoup trop gentil, beaucoup trop enthousiaste... beaucoup trop de tout comparé à la veille. Cependant, une bonne nouvelle à noter était qu'Edsy avait prévu de venir aujourd'hui.
Alors que le zurk continuait de manipuler ses pièces comme si de rien n'était, Lila sentit une question lui ronger les lèvres.
- Pourquoi ne pas nous traiter comme nous l'avons été dans votre navire ? Demanda-t-elle.
Elle sentit Yakulu se tendre à côté d'elle. Il aurait sûrement préféré qu'elle reste silencieuse, mais trop de choses clochaient dans ces changements d'attitudes. Le grand zurk se racla la gorge et leva les yeux de son jeu.
- Et bien, je suis navré de comment mes hommes vous ont logé pendant votre voyage. Ils ont parfois quelques manières peu adaptées... Mais à présent, vous êtes entre mes mains, vous n'avez plus rien à craindre.
Il bougea une pièce sur son plateau. Lila l'observait attentivement. Il avait une légère cicatrice sur la joue et un œil plus fermé que l'autre, ce qui rendaient son sourire mauvais. Lorsqu'elle voulut reposer une nouvelle question, Yakulu la devança.
- Si nous amis vous. Vous ramenez nous maison.
- Mais votre maison est ici, maintenant ! s'exclama leur hôte en ouvrant grand les bras.
- Nous sommes une marchandise ! C'est vous-même qui l'aviez dit hier ! s'indigna Lila.
Le sourire du comte s'effaça un instant. Il renifla avec un certain mépris puis se mit à rire comme si la dernière seconde n'avait pas existé.
- Allons, allons. Si votre père, le Général, est gentil, vous rentrerez chez vous dans quelques semaines.
Il se reconcentra sur son jeu. Lila commençait à bouillir de l'intérieur. Cette partie de qui serait le plus têtu l'énervait sérieusement. Param l'avait très bien entraînée lors de leurs chamailleries au monastère, elle n'allait donc pas se laisser faire. Il osait se faire passer pour quelqu'un de gentil et accueillant alors qu'il les avait traîné délibérément dans leur excréments pendant des jours pour ensuite les traiter comme de la sale marchandise.
La jeune fille, qui avait toujours été entourée de gens bienveillant, développait une haine envers ce marchand malhonnête. Elle ne se rendait même pas compte que son visage s'était tendu, que ses poings s'étaient serrés et tremblaient légèrement.
Qu'attendait-il d'eux, à jouer à l'ami ? Il pouvait juste les enfermer et ne jamais les sortir jusqu'à avoir son dû.
- Vous juste déclencher guerre, dit Yakulu dont la douce voix détacha un peu Lila de son aigreur.
Ladell ricana et se pencha sur sa table pour fixer le vieux thyül droit dans les yeux.
- A ton avis, la branche d'arbre, qui est le plus affaibli par les années précédentes ?
Yakulu ne répondit pas. Il savait que les ermens ne voudraient jamais s'élancer dans une nouvelle guerre.
Voyant qu'il avait fermé le clapet du Thyül, Ladell se remit à bouger des pièces sur son plateau de jeu. Il avait un sourire narquois, fier de lui.
Il était hors de question que Lila et Yakulu restent prisonniers pendant des semaines en compagnie de ce charlatan. D'autant plus que lorsqu'il se rendrait compte que Lila ne valait absolument rien aux yeux du Général, nul ne sait comment il les traiterait.
Il fallait donc trouver un moyen de fuir avant que le Général ne renvoie la lettre.
Un long silence s'installa dans la pièce. Les deux prisonniers étaient juste là pour servir de décoration. Sûrement aussi pour rester sous la surveillance de leur hôte.
Un temps interminable passa sans que le comte ne leur adresse la parole. Lila et Yakulu n'osaient rien faire ou dire. Ils observaient simplement.
Alors que Lila était en train de s'endormir d'ennui, le comte Ladell se leva joyeusement. Tout d'abord, la jeune fille pensa qu'il allait s'en prendre à elle car il s'avança. Puis elle se rendit compte qu'il regardait derrière, vers la porte.
- Ah ! Viens mon ami, la lettre est toute prête !
Les deux prisonniers se tournèrent vers Edsy qui entrait dans la pièce. Son attitude était bien différente de la nuit précédente. Il ne leur adressa pas un seul regard. A la surprise de Lila et Yakulu, Edsy fut suivit d'un deuxième ermen qui s'arrêta aux côté des deux gardes. Celui-ci avait un chignon brun accroché au niveau du cou. Il avait le même style vestimentaire que son compère, la même veste, la même gourde à la taille. Il portait à bout de bras un sac en tissus qui semblait étrangement lourd.
Ladell sortit un papier de sa veste et le tendit à son soi-disant ami. Edsy lui prit des mains et en lut attentivement le contenu, sans s'asseoir.
Lila observait les deux hommes. Alors qu'Edsy semblait contrarié, Ladell était légèrement tendu, mais faisait tout pour le cacher.
- Veux-tu un verre ? Proposa-t-il en s'approchant du bar au fond de la pièce.
- Non merci. Par contre, tu vas devoir me dire où j'écris les demandes des Cracheurs de Feu.
- J'ai laissé l'espace d'une ligne pour que tu ajoutes la somme, répondit le Zurk avec un hochement de tête.
Le serviteur de Ladell apporta une plume et de l'encre qu'il offrit à Edsy. Ce dernier dégagea violemment le plateau de jeu en faisant virevolter les pièces pour y poser la feuille. Le comte serra la mâchoire mais ne fit rien. Il écrivit sûrement une somme mais ni Yakulu ni Lila ne purent la lire. Il plia ensuite la feuille qu'il tendit à Ladell.
Une fois la somme vérifiée, le zurk ordonna à son serviteur de la donner au prochain navire marchand en direction de Jayal. Puis il revint à son bar où il se servit un verre.
- Avons-nous fini toutes nos affaire, Ladell ? Demanda Edsy avec impatience.
- Si tu n'as rien à me proposer, je n'ai rien de nouveau pour le moment.
- Très bien, alors je te souhaite une bonne fin de journée et j'emporte les deux prisonniers avec moi.
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