Chapitre VI
Les minutes passèrent sans que personne n'ouvre leur cellule.
- Trappe peut être cachée, chuchota Yakulu à son amie.
Des cris se firent entendre à l'étage. Lila voulut signaler sa présence. Sentant ce qui allait se passer, le zurk qui les surveillaient se leva et sortit un long couteau. Yakulu attrapa le bras de son amie pour la faire reculer.
- J'te jure si tu l'ouvre, j'entre et tu r'grett'ras d'êt' née, lança le zurk.
Il l'avait dit tout bas en serrant les dents mais cette menace terrifia la jeune fille. Ici, elle n'avait aucun moyen de se défendre avec son Don et cela n'allait pas être le vieux Yakulu qui allait l'aider.
Elle se tut et s'assit au fond de sa cellule, à côté de son ami.
- Esprit demande calme, souffla Yakulu.
- Sait-il ce qu'il se passe là haut ? demanda Lila, craintive.
Comme pour donner une réponse, un tir de canon se fit entendre.
Yakulu et Lila étaient recroquevillés dans un coin du cachot. Comme si être en boule allait les protéger d'un boulet de canon.
- Ermens pas sur bateau zurks, si nous crier avant eux entendent, nous mourir, fit remarquer Yakulu.
Lila n'avait pas pensé à cette éventualité. Elle se rendait compte à présent, à quel point son Don lui manquait. Avec l'entraînement du Capitaine Er-Payan, elle aurait pu s'enfuir, trouver un moyen de revenir en Ermen.
- Impossible diriger bateau seul, lui dit Yakulu qui devinait à quoi elle pensait.
Elle soupira.
Un autre coup de canon se fit entendre. Puis un autre. Encore un.
Yakulu était mort de peur. Son peuple venait d'achever une guerre atroce. A la réalité se mélangeait ses souvenirs de la bataille contre les falens. Le seul moment de sa vie où il a utilisé sa capacité de rêveur pour se battre. Une période qu'il désirait pouvoir oublier. Mais le vieux thyül entendait toujours l'écho des guerriers falens déchirant l'air.
A ses côtés, Lila croisa les doigts. Elle espérait que cela s'arrêterait, qu'un légionnaire ouvrirait la trappe et les feraient sortir.
Mais rien de tout cela ne se produisit. Les canons continuèrent de tonner. Le bateau tremblait des coups qu'il se prenait des ennemis.
Soudain, un boulet traversa la coque et atterri au milieu de la cellule. Lila hurla de peur. Yakulu et elle se levèrent et se réfugièrent à l'opposé de la pièce. L'eau glaciale commença à s'infiltrer dangereusement dans la cale. Le zurk ouvrit la trappe et s'enfuit en les laissant à leur sort.
- Yakulu, ton esprit ne peut-il pas nous aider ? Supplia Lila qui se collait tellement à la paroi qu'elle aurait pu ne faire qu'un avec le bois.
Le vieux thyül était autant en panique qu'elle. Les conditions de leur voyage se voyaient à la fatigue sur son visage. Il n'avait pas l'énergie d'imposer sa volonté aux Anciens. Tout de même, il essaya de se concentrer. Il ferma les yeux pour puiser toute l'énergie qui lui restait. Le bateau tremblait, les coups de feu martelaient son crâne et l'empêchait de réfléchir correctement.
- Fermer le trou, protéger nos vies, se répétait-il.
Soudain, l'éclat de l'eau entrant dans le navire se tut. Yakulu ouvrit les yeux. Il n'avait pas entendu leur geôlier qui était revenu. Deux autres zurks l'avaient accompagné avec des planches, un marteau et des clous pour boucher le trou créé par le boulet.
Les deux prisonniers furent surpris de la vitesse de réparation des matelots. Ils n'eurent même pas le temps de se dire que la grille était ouverte et qu'ils pourraient s'enfuir. En un rien de temps, le bateau était réparé. Alors que l'un surveillait que Lila et Yakulu ne bougeaient pas, les deux autres prirent des sceaux pour écoper.
Une fois le travail finit, les zurks sortirent de la cale en renfermant bien la grille derrière eux. Les deux réparateurs remontèrent à l'étage tandis que leur geôlier se reposta sous la trappe, prêt à égorger le premier venu.
Lila et Yakulu étaient toujours enfermés, le combat continuait au dessus d'eux. Ils se rassirent sur le sol trempé.
- Pot est nettoyé, fit Yakulu avec un petit sourire, malgré la peur qui lui écrasait la poitrine.
Lila ne put retenir un petit rire. Il avait raison, l'eau avait bien nettoyé toute la pièce. La jeune fille espérait seulement que ce soit le dernier jour où il verraient leur pot de cellule.
Le combat continua. Il dura ce qui semblait une éternité. Lila voyait bien que Yakulu souffrait. Elle essaya de lui changer les idées en racontant des petites histoires tout en sursautant à chaque impact qui raisonnait dans le navire. Elle était persuadée que le capitaine Er-Payan réussirait à ouvrir la trappe qui les enfermaient. La légion avaient des Dons exceptionnels, les zurks ne pourraient rien face à eux.
Enfin, les canons arrêtèrent de tirer. Un zurk vint chercher son camarade.
- On les a semé, tu peux sortir !
Le geôlier sorti de la cale avec grand plaisir, laissant les deux prisonniers dans leur sombre enfer.
Les légionnaires avaient donc échoué à les sauver. Le cœur de Lila se déchira. L'arracher au monastère était une chose, l'enlever à son pays en était une autre. Le désespoir lui donna une rage de s'enfuir. Elle voulait retourner chez elle et personne ne l'en empêcherait.
- Yakulu, je suis sûre que nous somme capables de retourner le bateau.
La peau d'écorce se souleva au dessus des yeux du thyül.
- Nous pas navigateurs, fit-il remarquer.
- On trouvera un moyen quand il sera l'heure de le faire, assura-t-elle.
Ces paroles ne lui ressemblaient pas du tout. Elle était du genre à patienter, écouter, ne pas agir sur un coup de tête. Mais les évènements révélaient d'elle un caractère qu'elle ne se connaissait pas.
- Jamais nous battre cinquante zurks.
Il marquait un point. Voilà pourquoi il était toujours préférable de réfléchir avant d'agir.
Suivant les conseils de Yakulu, Lila décida d'abandonner l'idée de fuir jusqu'à ce qu'ils mettent un pied à terre. Après tout, le Don de Lila était une vraie force non négligeable pour se défendre. Il valait donc mieux attendre qu'elle soit en capacité de l'utiliser.
Le voyage dura sept jours de plus avant qu'ils ne soient poussés hors du bateau.
- Allez, magnez-vous ! Hurlait un zurk qui les poussait vers la sortie.
C'était une énorme brute aux épaules carrés qui pouvait étouffer les deux prisonniers en utilisant pour seul outil son buste. Lila n'avait aucune envie de l'énerver. Seulement, elle devait trouver une porte de sortie.
Pour rassurer la jeune fille, Yakulu avait pris la main de Lila. Ils marchaient et trébuchaient côte à côte sous les coups de leurs gardes.
Quand ils passèrent la tête à l'extérieur, Lila et Yakulu prirent une grande inspiration. Après une éternité enfermés dans la cale, l'air frais leur faisait du bien. Cependant, le retour à la lumière naturelle leur prit du temps. Le soleil les éblouissait et ils durent cligner des yeux presque une dizaine de fois avant de distinguer les différentes formes qui s'offraient à eux.
Comme l'avait supposé le vieux thyül, le bateau était effectivement arrivé sur des gigantesques plateformes de bois qui reposaient sur des petites îles réparties jusqu'à l'horizon. Lila jugea que cela devait être le fameux « Archipel des zurks ».
Le port était tout fait de bois, que ce soit les baraques de marchands, le sol, les piliers... Quand ils dépassèrent les derniers marchands et qu'ils entrèrent dans ce qui pouvait être considéré comme l'intérieur d'une ville posée sur une île. Aux maisons de bois s'étaient ajoutés des fondations en pierre, des décorations comme des drapeaux ou des fleurs que Lila n'avait jamais vu auparavant.
Au désespoir de la jeune fille, les zurks les amenèrent dans une partie de la ville qui ne reposait sur aucune parcelle de terre.
- Un nouvel endroit où je ne pourrais pas utiliser mon Don... marmonna-t-elle.
Lila se tenait droit et ne montrait aucune inquiétude mais Yakulu la sentait trembler légèrement. Tout cela ne devait pas être facile à vivre pour une jeune fille. Il lui donna une petite impulsion en serrant sa main pour la soutenir.
Ils traversèrent de nombreuses rues de bois sous le regard intrigué des habitants. Lila se surprit à penser qu'elle saurait facilement retrouver un ermen dans cette foule. Elle remarqua que, en plus de leur teint halé qui les différenciaient des ermens aux visages blancs comme la neige, les zurks semblaient préférer les vêtements léger en tissus plutôt que des protection de cuir.
C'est pile à cet instant qu'elle en aperçut un jeune homme qui sortait du lot. Il avait les peau blanche d'un manque de soleil, un beau manteau en cuir vert, des grandes bottes, une grande gourde à la taille et des cheveux châtains ébouriffés. Un ermen, elle en était persuadée. Aucun tissus sur la tête, aucune rayure sur ses vêtements. Son visage dégageait quelque chose de différent de tous ceux qu'elle voyait autour. Elle venait de croiser une centaine de regards, aucun n'avait celui de sa terre comme lui, aucun n'avait les vêtement qu'il portait. Et surtout, personne ne la fixait comme il le faisait. Lui aussi, savait d'où elle venait.
Sous la violence d'une poussée d'un zurks, Lila perdit l'inconnu du regard. Et lorsqu'elle releva la tête pour le chercher, il avait disparu.
Ils continuèrent à traverser la ville. Les zurks les escortèrent jusqu'à une grande bâtisse en bois entourée d'une palissade
. Lila et Yakulu se tenaient toujours la main.
- Ce est maison riche zurk, chuchota le thyül.
Ils entrèrent dans la demeure. Des tapis recouvraient tous les murs, des lanternes éclairaient discrètement l'entrée. Un nouveau zurk les accueillit. Il portait un long manteau bleu marine qui le différenciait des zurks aux simples chemises qui les avaient amenés jusque là. L'homme congédia les zurks puis il fit signe à Lila et Yakulu.
- Si vous voulez bien me suivre, dit-il en s'éloignant dans une autre pièce.
Avec une petite peur qui grandissait dans son ventre, la jeune fille regarda son ami. Ce dernier lui adressa un sourire qui fit s'enfuir toute crainte. Ils lui emboîtèrent le pas.
La pièce dans laquelle ils furent amenés les impressionna. Elle était grande et éclairée par des bougies au plafond au dessus desquelles des petits miroirs réfléchissait leur lumière et donnaient l'impression que la pièce se trouvait en plein soleil. A l'entrée se trouvaient deux zurks en position de garde, chacun portant un pistolet à sa ceinture. Les murs étaient recouverts de bibliothèques. On distinguait trois cercles de canapés recouverts de velours rouge, sûrement pour lire confortablement. Dans le cercle du milieu de la pièce étaient installés deux personnes, chacun prenant un canapé. Le premier était un grand zurk qui semblait costaud. Il avait une chemise en lin blanc à moitié ouverte et portait un grand chapeau. Celui qui les avait accueillis se plaça derrière le canapé de l'homme. Lila jugea qu'il devait être un servant se positionnant derrière son maître. Son regard glissa vers celui qui était installé sur le deuxième canapé. Elle retint un cri de surprise.
C'était l'ermen qu'elle avait croisé dans les rues de l'Archipel.
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