Jiwoo marchait dans la rue aux côté des garçons, se raccompagnant les uns et les autres. Ils parlaient beaucoup entre eux et tentaient toujours de faire intervenir la jeune fille ça et là, ne souhaitant qu'une seule chose : repartir de zéro concernant ses choix d'orientation.
En effet, la soirée qui devait auparavant éloigner Jiwoo de ses problèmes et de l'énorme cauchemar qui l'attendait en rentrant au dortoir s'était en réalité transformé en volonté de disparaître de la surface de la Terre. Elle ne pouvait en fait même pas se réjouir en raison de la personne qui allait se trouver dans les dortoirs.
En d'autres termes, elle était maudite.

- Je m'arrête ici les gars, fit Wonjin. Bonne nuit ! A demain Jiwoo.
- A demain, lança-t-elle avec un sourire timide.
- Rêve de moi ! cria Allen en plein milieu de la rue.
- Cause toujours ! lâcha Wonjin avant d'entrer dans son immeuble.
- Ce ne serait pas plutôt un cauchemar ça ? plaisanta Minhee avec une voix bien trop sérieuse.
- Rêver de mon doux visage ne peut être qu'envoûtement, se défendit l'américain.
- Je m'en passerai, continua le blond, je dors bien comme ça.

Hyeongjun se mit à sourire à l'entente de leur blague. D'un côté il souhaitait s'intégrer, mais de l'autre savait à quelle point son amie voulait s'enfuir. Pour ne pas la mettre dans un état encore plus gênant qu'elle ne l'était déjà, en parti par sa faute, il décida de se faire discret, ce qui était plutôt rare venant du jeune homme.
Allen un temps après, leur souhaitant à son tour une bonne nuit, plaisanta en lâchant un "Good night" à Minhee avec une voix plutôt suave. Ce dernier se mit à rire avant de secouer la tête, continuant à avancer.

A présent, le grand blond était accompagné de Hyeongjun et Jiwoo. Même si cette situation était comme synonyme de rêve pour Jiwoo, cela la rendait également on ne peut plus mal à l'aise. Elle était mitigée par un tas d'émotions lui transperçant l'esprit.
Au bout d'un moment, Hyeongjun se décida à briser le silence, ne le supportant plus réellement.

- Donc... Les autres sont aussi ici ?
- Tu veux dire mes amis ? demanda la blond.
- Oui.
- Et bien, Eunji est ici en langues étrangères spécialisation chinois et Seongmin est en littérature. Soyeon n'est pas dans le même campus, elle est à cinq minutes en tram, en marketing de luxe.
- Vous avez l'air de tous avoir su ce que vous vouliez faire dès le départ, sourit ainsi Hyeongjun à l'écoute de tous ces parcours plutôt atypiques.

Seulement, suite à ces mots, le corps de Minhee sembla se raidir presque aussitôt, comme s'il se défendait de ce sujet. Jiwoo le remarqua sans vraiment comprendre.

- On peut dire ça oui, dit-il simplement. Et vous ?
- Je suis en psycho, commença Hyeongjun. Taeyoung est parti en arts du spectacle, Woobin en médecine et...

A ce moment, il se tourna vers Jiwoo, attendant visiblement une participation de sa part. La jeune fille sentit son cœur s'emballer lorsqu'elle comprit qu'elle allait devoir parler.
En réalité, Jiwoo était si timide que parler aux autres en était devenu un défi bien trop complexe pour elle. En plus de cela, il ne s'agissait de personne d'autre que Minhee !

- Moi ? demanda-t-elle.
- Oui, continua Minhee. Tu fais quoi ?
- Je suis en sociologie, répondit-elle rapidement, comme pour couper court à cette conversation.

Minhee leva quelque peu les sourcils, étonné par cette rapide réaction. A première vue, il avait l'air dans l'incompréhension face à cette réponse, mais se mit gentiment à rire, visiblement amusé par son attitude traduisant un énorme appel à l'aide.
Observant cela, Jiwoo crut mourir. Elle eut l'impression de passer pour une idiote, une incapable, ce qui renforça sa volonté de disparaître.

- Taeyoung est donc en arts du spectacle, répéta le blond, lâchant de nouveau un rire moqueur.
- En dehors du fait que je ne t'ai jamais vu rire autant dans ma vie, tu te moques de lui ? fit Hyeongjun.
- Non, c'est juste que je ne l'aurais pas imaginé là-bas.
- Disons... Que c'est un miracle qu'il ait choisi d'aller quelque part. Rien ne l'intéressait réellement.
- Cela m'aurait étonné.
- Tu dis ça comme si tu le connaissais, osa finalement Jiwoo.
- J'ai été son camarade de classe, je sais qui il est et comment il se comporte. Il n'a jamais d'intérêt pour les études, je ne comprends même pas pourquoi il s'est infligé ça.
- Ses parents et ses amis l'ont incité à au moins avoir un diplôme pour être sûr d'avoir un bagage, je suis plutôt ravie qu'il ait suivi nos conseils, continua Jiwoo de manière plutôt renfermée.
- Il a eu la possibilité de faire ce qu'il souhaitait, il aurait dû la saisir et le faire, argumenta Minhee.
- Le domaine de la danse n'est pas aussi ouvert que tu le crois.
- Ah, alors c'est la danse qui l'intéresse. Pourquoi ne pas faire une école ?
- On n'a pas tous les moyens de payer une bonne école de danse dans le but de devenir professionnel par la suite et avoir un boulot sûr.
- C'est vrai, fit Minhee avec un sourire.

Jiwoo refusait que l'ont parle de son meilleur ami de la sorte. Elle savait pertinemment que le garçon n'avait eu aucune pensée le dévalorisant, et pourtant...
Taeyoung avait souvent été moqué par le passé en raison de son absence d'investissement en classe. Hors, dans la société coréenne dans laquelle ils vivaient, chacun savait à quel point la période scolaire pouvait avoir un impact sur l'avenir, ce qui dévalorisait bien trop les disciplines telles que les différents arts existants.

Connaissant son ami sur le bout des doigts, et connaissant son mental de battant ainsi que sa volonté de réussir, Jiwoo était facilement irritable et défendait ce dernier dans n'importe quelle situation.

- J'espère qu'il réussira en tout cas, fit Minhee avant de s'arrêter devant un bâtiment.

Jiwoo, ne s'étant même pas rendu compte que le temps était passé, réalisa finalement que c'était leur moment de se quitter.

- On se voit plus tard alors ? interrogea le garçon.
- Evidemment ! fit Hyeongjun.
- Oui, bien sûr, fit Jiwoo hésitante.

Après avoir quitté Minhee et Hyeongjun, Jiwoo se retrouva à marcher en direction de sa chambre, n'appréhendant même plus les retrouvailles avec Eunji, trop occupée à repenser à cette soirée remplie d'informations... Sûrement trop pour son cerveau.
Finalement, elle entra et découvrit deux filles assises chacune sur un lit. L'une d'elles était Eunji, l'autre lui paraissait complètement inconnue.

- Bonsoir... ? fit-elle doucement.
- Ah, tu es rentrée finalement ? lui fit Eunji en ne quittant cependant pas ses yeux de son téléphone.
- Tu pensais que j'allais dormir dans la rue ? la charia Jiwoo.
- On n'est jamais trop sûr.
- Vous pouvez s'il-vous-plaît faire moins de bruit ? Je n'arrive pas à me concentrer sur mes ongles, lâcha sèchement la fille située à côté de leurs lits.

A ce moment, Eunji et Jiwoo échangèrent un regard lourd de sens.

- Si tu n'es pas contente alors mets un casque pour écouter de la musique et te concentrer, non ? proposa Eunji.
- Il me faut un silence complet pour pouvoir les réussir à la perfection, rétorqua-t-elle avec une voix insupportable.
- Par tous les dieux, grommela Eunji ce qui fit rire Jiwoo silencieusement.

Jiwoo s'assit alors sur son lit, commençant à se préparer pour se rendre dans la salle de bain.

- D'ailleurs, ne faites pas de bruit ou de lumière au delà de vingt-deux heures. Je dois dormir et je suis plutôt sensible à tout environnement extérieur, continua la fille.
- Quoi ? Mais on ne peut pas dormir à vingt deux heures, fit Jiwoo. Je vais devoir travailler lorsque les cours vont réellement commencer. Je ne peux pas tout couper à cette heure-là.
- Débrouille-toi dans ce cas, mais je refuse d'être dérangée.
- Hé, se redressa Eunji, auparavant allongée sur son lit. Pourquoi tu as décidé d'être en chambre étudiante en sachant pertinemment que tu allais devoir la partager si tu imposes des règles aussi ridicules les unes que les autres ?
- Ca s'appelle vivre en société, visiblement tes parents ne te l'ont pas bien intégré.
- On peut choisir d'établir des règles, mais tu n'as pas à imposer aux autres ton rythme de vie. Ne pas faire trop de bruit ou trop de lumière je peux le concevoir, mais je ne raterai pas mon année parce que Madame a décidé de m'empêcher de travailler.
- Tu te fous de moi ? lâcha la fille, presque outrée.
- Peu importe, laissons passer pour ce soir, fit Jiwoo en tentant de calmer la situation.

Les deux filles se retournèrent chacune dans leur lit. Eunji regarda Jiwoo et souffla, lui faisant clairement comprendre qu'elle n'allait pas pouvoir la supporter longtemps. Jiwoo lui offrit une expression de compréhension.

Jiwoo s'assit sur son lit, prit enfin son portable, envoyant un message à Taeyoung.

Jiwoo : Taeyoung, je suis réellement maudite...