Cette journée était la journée "clichée", digne d'un film. Il pleuvait des cordes, et une foule s'entassait dans la petite allée qui menait à l'église. Tout était lugubre et sombre, allant jusqu'à mon parapluie noir, qui se fondait parmi les autres. Je cherchais des yeux Alex, mais il devait déjà être à l'interieur car il était introuvable. Je marchais à côté de ma mère, et je croisais des tas de gens que je ne connaissais pas. Je ne me doutais pas que Diana avait tant de proches...
Nous rentrâmes dans l'église, où régnait un silence pesant. Nos bruits de pas résonnaient dans l'immense voûte au dessus de nous. Les vitraux ne laissaient rentrer que très peu de lumière, ce qui laissait l'espace sombre et étouffant. Nous nous avançâmes jusqu'au premier banc, en première ligne. Je rejoignis Alex qui se trouvait déjà assis.
Il ne m'a même pas regardé. Il fixait le grand cadre orné d'une photo de Diana. Je me mis également à la regarder. Elle était hypnotisante. Je sursautai quand je sentis une main sur la mienne. Je tournai la tête pour découvrir un visage ravagé par le chagrin, qui tentait tant bien que mal d'esquisser un petit sourire triste.
<< - Comment ça va? >>
Pour la première fois, je sentais les larmes qui montaient jusqu'à mes yeux. Le prête ne me laissa pas le temps de répondre et commença la lecture de la Bible. Je ne l'écoutais pas. J'étais perdue dans les yeux d'Alex. Je voulais qu'ils m'engloutissent pour que je puisse me noyer et ne plus jamais ressentir le vide que laissait Diana dans mon coeur. Je ne voulais plus souffrir. C'est alors qu'Alex se leva. Il se dirigea vers l'estrade. C'était son tour. Il baleya du regard l'assemblée et arrêta son regard sur moi. Il prit alors la parole et commença son discours. Je n'écoutais pas. C'était trop dur. Il continuait de me fixer, et je crois qu'il tirait sa force et son courage en moi. Comme si j'étais une bouée de sauvetage et qu'il s'y accrochait désespérement tandis qu'il luttait pour ne pas se faire emporter par le courant violent. Puis soudain il se tut. Il descendit et se rassis près de moi. Il me souffla "bonne chance" avant que je me lève et que je prenne sa place sur l'estrade. Je regardais l'assistance avec silence. Tous ces yeux braqués sur moi. Je croisais des regards chargés de tristesse. Puis je reportai mon attention sur le petit bout plié devant moi. Je le dépliai lentement. Puis je commençai d'une voix tremblante:
<< - Tout d'abord... Je me présente. Je suis la meilleure amie de Diana. Enfin... je l'étais...>>
Je me tue. Je voulais être à 6 lieux sous terre, n'importe où sauf ici.
<< - Une meilleure amie... se doit de toujours... être présente. Je l'ai fait. Mais peut être pas... assez. Diana était comme une soeur jumelle que la vie avait oublié de me donner. Nous étions inséparables. Je...>>
Je ne pouvais plus. Je me mis à éclater en sanglots. Toute cette tristesse enfoui en moi venait de ressurgir brutalement tel un geyser. Je pleurais violement. Je titubais, je n'arrivais même plus à tenir sur mes jambes. Je me suis effondrée, devant tous ces regards qui semblaient me juger. Des mains fermes me retenirent. Je pus me remettre debout et, toujours avec ce support, je sortis de l'église. Je me laissai tomber sur le sol et je pleurai. Je pleurai, pleurai, pleurai. Des bras m'entourèrent pour me serrer fort. Je sentis l'odeur d'Alex.
<< - Ne pleure pas autant, ta peinture va couler.>>
Je relevai ma tête vers lui avant de lui balancer qu'il n'avait pas de coeur à faire de l'humour dans un tel moment mais je remarquai que son visage était strié de larmes.
Une fois ma crise finie, je n'avais plus de force. Je regardais le ciel qui lui aussi pleurait.
<< - Tu devrais rerentrer, ne rate pas l'enterrement de ta soeur.
      - Je ne peux pas rerentrer. C'est trop douloureux. Des larmes en plus ne changent pas le fait qu'elle soit morte. On a qu'à attendre le cortège funèbre dehors si tu veux.>>
J'acquiescai. Nous nous dirigâmes vers le cimetière, derrière l'église.
<< - J'ai reussi à déchiffrer le message codé.
     - Que disait-il?
     -Tu veux vraiment le savoir?
     - Oui.
     - Il disait "Tout s'éclairera au 901"
     - Quoi?
     - Ne me regarde pas comme ça. Je ne sais pas ce qu'est le 901. Je n'ai fait que traduire le message. >>
Il fronçait les sourcils alors qu'il réfléchissait.
<< - Je ne vois pas ce que c'est. Je chercherais sur internet.
     - Sur internet?
     - Oui.
     - Dit...
     - Mmh?
     - Tu as toujours son ordinateur?
     - Son ordi? Oui je crois.
     - Je pourrais l'avoir? J'ai... des souvenirs d'elle et moi dessus. J'aimerais bien les copier sur mon ordi.
     - Si tu veux.>>
Au loin, le cortège commençait à se rapprocher de nous.

L'enterrement était déchirant. J'ai du jeter une rose sur le cerceuil au fond de la fosse. Je lui ai fait un dernier adieu. J'y ai mis tout mon coeur, enfin ce qu'il en restait.
Voilà. Diana était morte. Enterrée. Je ne la verrai plus jamais.

Adieu, Diana.