Chapitre 9
Samuel
Mercredi 23 octobre 2018
Demain marque l'inauguration tant attendue du Green Cell. L'excitation m'envahit. Une semaine s'est écoulée depuis notre ouverture, et les retours sont très positifs. Le bar attire un public nombreux, avec même quelques habitués qui apprécient notre ambiance. Du côté de l'hôtel, une poignée de clients ont déjà franchi nos portes.
Ce n'est pas énorme, certes, mais ça viendra, j'en suis sûr. En une semaine de temps c'est plutôt pas mal.
Ces derniers jours, j'ai eu plusieurs rencontres fortuites avec la petite brune, notamment au bar, toujours en compagnie d'une ou deux amies : une à la peau mate foncée et une rousse. Puis, une autre fois, c'était à la boulangerie.
C'est peut-être un signe du destin.
Si seulement je connaissais son prénom ! Enfin bon, je suis convaincu de la recroiser au Green maintenant. Alors, si un jour je prends mon courage à deux mains, je lui demanderai.
Dans vingt minutes, je suis attendu devant ce restaurant italien pour célébrer l'anniversaire de Robin. Oui, c'est son jour spécial ! Je lui ai dit que je l'invitais au resto pour l'occasion, mais ce qu'il ignore, c'est que j'ai également convié sa mère, sa sœur et son mari, ainsi que leur petite fille de trois ans et demi.
Avec le travail et la distance d'une heure trente, ils ne se voient pas aussi souvent qu'ils le voudraient. Il me semble qu'ils ne se sont pas réunis depuis mars ou avril, je ne sais plus exactement. La petite Rose a dû bien grandir depuis tout ce temps ! Pendant la fin des travaux, j'avais suggéré à Robin de prendre une semaine pour aller les voir, mais il est plutôt du genre à terminer ce qu'il commence, reportant sans cesse. Je suis sûr que cette surprise lui fera plaisir. C'est une famille incroyablement unie, et je les envie énormément.
Moi, j'ai brisé la mienne.
Je termine de boutonner ma chemise, laissant délibérément ouverts les trois premiers boutons – je veux paraître sérieux, mais tout de même décontracté. Ensuite, je saisis mon long manteau camel, mes clés, mon portefeuille, et me voilà parti !
Devant le restaurant, Robin m'attend déjà.
— Tu t'es fait beau pour moi ? me lance-t-il.
— Ça aurait été pour toi, je n'aurais même pas pris la peine d'attacher ma chemise. Bon anniversaire mec, dis-je en lui faisant une accolade.
— Merci, Sam.
Nous entrons dans le restaurant, l'odeur délicieuse de sauce tomate fraîche et de feu de bois envahit mes narines immédiatement, me donnant un appétit d'ogre. Une jeune serveuse nous accueille d'un sourire chaleureux et m'informe qu'elle nous conduira à notre table. En chemin, les lumières tamisées et l'ambiance feutrée me plongent dans l'atmosphère cosy du lieu, avec ses murs tapissés de briques apparentes et de vieilles photos en noir et blanc des rues de Rome. Quand la famille de Robin nous voit, tous crient « surpriiiise » à son intention. Les quatre invités se lèvent à l'unisson, et la petite Rose court jusqu'à son oncle qui l'élève dans les airs en la faisant tournoyer, comme elle aime tant. Marie, la sœur de Robin, le rejoint à son tour. Tous deux se serrent puissamment dans les bras. L'émotion est palpable. Marie pleure, et même Robin verse sa petite larme. Putain, j'en chialerais presque. Un moment parfait pour des retrouvailles en famille. Je sens qu'on va passer une bonne soirée !
Une fois la séquence émotion terminée, nous passons à table. Marc, le conjoint de Marie, m'informe qu'il a commandé des coupes de champagne juste avant notre arrivée, et je l'en remercie. Tout le monde est heureux, même la petite Rose à ma droite. Oui, mademoiselle a insisté pour être entre ses deux oncles. Bien sûr, je ne suis pas réellement son oncle, mais à ses yeux, je suis Tonton Sam, son tonton de cœur, et j'en suis fier.
Elle commence à me raconter qu'elle adore l'école, que sa maîtresse hurle tout le temps sur Estéban, un de ses camarades, à cause de ses bêtises, et qu'elle, elle est très sage. Elle me parle aussi de ses talents de chanteuse, de ses comptines qu'elle maîtrise à la perfection. Cette petite pipelette ne s'arrête jamais. Et moi, je l'écoute, la tête tournée vers elle, sourire aux lèvres, jusqu'à ce qu'un mouvement attise mon attention. C'est là que tout ralentit. J'ai l'impression de ne plus rien entendre autour de moi, si ce n'est que les battements de mon cœur.
Elle est là.
Quand elle arrive à notre table, elle sort son plus beau sourire et nous sert à chacun notre coupe. Arrivée à côté de moi pour me servir, elle reste bloquée. Elle est comme figée. Je me demande même si elle ne retient pas sa respiration. Ses yeux ancrés dans les miens et la bouche entrouverte, elle ne bouge plus d'un poil. Je pense qu'elle est aussi surprise que moi. Agréablement surpris, de mon côté.
Son regard croise le mien, le monde entier semble s'arrêter. Les bruits autour deviennent un murmure lointain, laissant place à une tension électrique entre nous. Ses yeux reflètent une émotion que je ne saisis pas.
C'est comme si, en un instant, tout était suspendu.
Je ne sais pas combien de secondes se sont écoulées avant que Rose ne rompe ce moment de blanc :
— Pourquoi la dame elle veut pas te donner ton verre, tonton ? dit-elle de sa petite voix.
La belle brune revient à elle, joues cramoisies, elle glisse un petit « voici » avant de filer comme une voleuse.
— Vous vous connaissez ? demande Robin.
— On s'est croisés la semaine dernière, je t'expliquerai, je réponds, sourire aux lèvres.
— À moi aussi ? s'enchante Rose.
Euh, joker !
La soirée se déroule à merveille, une ambiance joyeuse, des rires et des souvenirs partagés tout au long du repas. Tout est parfait, cependant, la petite commence à montrer des signes de fatigue, donc nous n'allons pas tarder à partir, juste le temps de finir nos desserts.
Un peu plus loin, j'aperçois ma brune. Je ne l'avais pas beaucoup vue depuis notre échange de regards. Je suis persuadé qu'elle évitait délibérément notre table. À juste titre ! Elle plisse les yeux depuis quelques minutes, laissant penser qu'elle est agacée. Elle ne supporte pas ma présence à ce point ?
Je continue de l'observer quand je pense comprendre pourquoi. Un de ses collègues, au sourire salace, lui colle au train. Dans tous les sens du terme ! Ce n'est pas comme s'il y avait un espace d'un mètre cinquante entre les tables... Au moment où elle passait avec ses assiettes vides, se déplaçant sur le côté pour lui permettre d'accéder au passage, il s'est littéralement collé à elle, se pressant contre son dos et ses fesses. Pour des employés, je trouve ce comportement plutôt inconvenant, là devant tout le monde. Franchement, c'est moyen.
Ce qui me perturbe le plus, c'est qu'elle ne bronche pas. Rien. Elle a clairement l'air agacée, mais elle ne dit rien. Peut-être qu'ils ont une relation ensemble. Je comprends mieux sa réaction quand elle m'a vu dans ce cas. Elle me fuit, elle est contrariée, je ne vois que ça ! Madame se serait envoyée en l'air avec le premier venu à cause d'une dispute de couple, et elle craint que ça se sache. C'est sûrement ça.
Je suis sorti de mes pensées quand la jeune serveuse qui nous a accueillis à notre arrivée apporte l'addition.
Une fois à l'extérieur, je sors mon porte-clés et décroche le double des clés de Robin que je possède, et les donne à sa sœur pour qu'elle puisse rentrer afin d'aller coucher la petite.
La petite famille a prévu de repartir demain après-midi plutôt que ce soir pour pouvoir profiter un peu plus d'être réunis tous les cinq.
Plus je les regarde, plus je les envie. Avoir une famille aussi aimante, c'est tout ce dont j'ai toujours rêvé. Il y a quelque temps, j'aurais pu avoir tout ça. J'y croyais.
Ces moments me touchent au plus profond de moi, réveillant une nostalgie douloureuse. Une part de moi s'en réjouit pour eux, mais une autre part souffre en silence, cherchant à étouffer des émotions trop intenses.
La mère de Robin décide de rentrer également, car selon elle, elle n'a plus l'âge pour les afters. Bien, ce sera donc entre hommes pour la suite, Robin, Marc et moi.
*****
Enfin ils se recroisent ces deux-là. Et encore... la soirée n'est pas encore fini 🫣
À très vite,
FleurAzur 🤍
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