Chapitre 38
Samuel
Je me réveille avec une sensation de lourdeur dans la tête, comme si j'avais reçu un coup. Je cligne des yeux, l'éclat des lumières au-dessus de moi me force à détourner le regard. Les draps sont blancs, l'odeur d'antiseptique flotte autour de moi... Je suis à l'hôpital. Je tente de me redresser, mais mon corps proteste. Rapidement, des flashs de ce qu'il s'est passé me reviennent : Élise, le café, le feu.
Deux coups se font entendre contre la porte avant que celle-ci ne s'ouvre sur une infirmière.
— Vous êtes réveillé, c'est bien. Comment vous sentez-vous ?
Je la fixe un instant, encore groggy.
— Fatigué... mais ça va, je crois. Comment suis-je arrivé ici ?
Elle m'explique que des passants, étant des clients du bar, m'ont trouvé inconscient sur le palier, à moitié asphyxié par la fumée, mais sans blessures graves. Juste assez drogué pour perdre conscience, à côté de ça, tout va bien, je pourrais partir dans quelques heures.
— Vous avez eu de la chance.
Je secoue doucement la tête. De la chance... J'ai des souvenirs confus, mais je sais que quelque chose de grave s'est passé chez Élise. Je dois sortir d'ici, je ne peux pas rester à l'hôpital. Un fort besoin de voir ma Margot me comprime de l'intérieur. Et mon souhait se réalise quelques minutes après que l'infirmière a quitté ma chambre. La porte s'ouvre brusquement, et je vois entrer mon trio d'amis. Leurs visages sont tirés par l'inquiétude. Quand mon regard croise celui de Margot, je sens une pointe de douleur en moi. La voir soucieuse me serre le cœur. Tout ce que j'ai toujours voulu depuis le début, c'est lui redonner le sourire. Robin et Louise sont les premiers à parler, me demandant ce qu'il s'est passé en gesticulant dans tous les sens. Je tente de répondre, mais Margot les coupe.
— Attendez, laissez-lui quelques minutes.
Elle s'approche alors et prend ma main dans la sienne.
— Comment tu te sens ?
— Disons que ce n'est pas ma plus belle tenue pour un rencard, tenté-je de détendre l'atmosphère.
Robin et Louise esquissent un sourire, mais Margot secoue doucement la tête en me regardant, l'air un peu plus sérieux.
— Sam...
Je cligne des yeux, encore un peu vaseux.
— Un poil vaseux, mais ça va. Plus de peur que de mal.
Je me redresse un peu dans le lit, rassemblant mes pensées.
— Doucement, lance ma brune en replaçant l'oreiller dans mon dos.
— Mec, qu'est-ce que t'as fait après nous avoir déposés ? m'interroge mon meilleur ami, intrigué.
Je m'humecte les lèvres, cherchant dans les bribes de souvenirs qui commencent à remonter.
— Je suis rentré chez moi, j'ai fumé une clope... Et de ma fenêtre, j'ai vu qu'Élise avait l'air d'avoir un problème avec sa voiture...
D'un coup, tout me revient. Mes yeux s'agrandissent, comme si le puzzle se mettait enfin en place.
— Je l'ai ramenée chez elle, elle m'a offert un café... ma voix baisse légèrement, l'amertume me submerge. Ce café... elle avait mis quelque chose dedans. Une faible dose de GHB, d'après les médecins.
Louise tape dans sa main, furieuse.
— J'le savais, cette pute est une tordue !
Margot est sous le choc, presque incrédule.
— C'est impossible... C'est un homme qui a saboté ma voiture, il me l'a dit lui-même ! J'en ai eu la confirmation de ma voisine !
Je sais que c'est dur pour elle d'accepter cette vérité. Elle connaît la rouquine depuis des années, et cette salope est bonne actrice car personne n'a rien vu de son double jeu. Au même moment, un détail particulier me revient. Je tends la main vers la table de nuit tentant de récupérer mon téléphone portable. Robin, qui comprend mon geste, s'en saisit puis me le passe. J'ai le cœur qui palpite j'espère avoir réussi à prendre quelques photos potables vu l'état dans lequel je me trouvais. Une sensation de nervosité m'assaille lorsque je retrouve les clichés, un peu flous, que j'avais pris chez elle. Après une profonde inspiration, je tends le téléphone vers Margot. Je revois cette pièce sordide, dont les murs étaient habillés de photos montées de toute pièce. Il y avait aussi ces objets et vêtements masculins, appartenant forcément à Paul, et des jouets d'enfants.
Ses sourcils se froncent d'abord, puis ses yeux s'ouvrent grand, comme si elle peinait à comprendre ce qu'elle voyait. Elle scrute l'image, ses lèvres se pincent légèrement. Elle se penche un peu plus, comme pour mieux voir, et j'aperçois son souffle devient irrégulier au rythme de sa poitrine qui se soulève. Louise, toujours incapable de rester en place, se glisse à ses côtés. Après un instant, elle pointe du doigt l'écran.
— Mais... c'est pas la peluche de Victoire ? Celle pour laquelle on a retourné la maison pour la retrouver ?
Le temps semble s'arrêter dans la pièce. Robin reste volontairement à l'écart. Margot, elle, reste silencieuse, les yeux rivés sur les autres photos qui défilent. Mon propre cœur se serre en voyant la panique grandir sur son visage, comme si tout se cassait à l'intérieur. Ses mains se mettent à trembler à présent. Elle cligne des yeux, empêchant les larmes de dévaler ses joues, et ses lèvres forment des mots qu'elle ne peut pas prononcer. Je me redresse légèrement, prêt à la rattraper si elle vacille.
— Comment j'ai pu ne pas m'en rendre compte ? murmure-t-elle, presque pour elle-même. Je pensais que les affaires que je ne retrouvais pas de Vic étaient chez mes parents... Et ceux de Paul, mon dieu...
Sous le choc, elle vacille. Ses jambes cèdent et elle se laisse tomber en avant, les bras tendus s'appuyant lourdement sur le pied du lit, mon téléphone dans son poing. Sans réfléchir, je me redresse, ignorant la douleur dans mes côtes. J'ai dû faire une belle chute. Avant même que Louise ne bouge, je l'entoure de mes bras, la tirant doucement contre moi. Elle se crispe un instant, puis je sens son corps céder à la chaleur de mon étreinte, ses sanglots étouffés vibrant contre ma poitrine.
— Ne t'en veux pas pour quelque chose que personne n'aurait pu voir.
— Elle a bien su cacher son jeu, je trouve ça plutôt flippant, ajoute Robin.
Lorsqu'elle relève la tête, je vois la peur, la douleur, et cette culpabilité qui la ronge de l'intérieur. Elle craque, et mon estomac se tord de la voir dans cet état.
Le silence est brutalement rompu par la sonnerie de son téléphone. Elle sursaute, et son visage se fige alors qu'elle regarde l'écran. Ses doigts tremblent en décrochant, comme si elle avait un mauvais pressentiment.
— Maman, tout va bien ? s'enquiert-elle.
— ...
Et puis, son visage change. Sa respiration se fait plus rapide, ses yeux s'embuent.
— Sa tétine ? Attends, quoi ?
— ...
— C'était il y a combien de temps ?
— ...
Et elle raccroche. Elle reste là, immobile, l'air absent. Tous nos regards sont fixés sur Margot, mais elle semble loin. Nous sommes tous pendus à ses lèvres, tremblantes, avant que les mots ne sortent enfin.
— Élise... a kidnappé Victoire.
Un frisson glacial me traverse de la tête aux pieds. Mon corps réagit avant même que je ne comprenne tout à fait. Je me redresse dans le lit, balayant la douleur.
— On va la chercher, maintenant.
Louise et Robin s'avancent pour m'arrêter, mais je suis déjà en train d'essayer de me lever. Le monde tourne légèrement autour de moi, de m'être levé trop vite, mais je m'en fous. Je fais rouler mes épaules, mes jambes sont encore un peu flageolantes, mais ça va. L'effet de la drogue s'estompe enfin.
— Eh ! Qu'est-ce que tu fous ? me stoppe Robin.
— Je ne vais certainement pas rester allongé plus longtemps !
Je jette un œil vers Margot qui n'a pas bougé d'un millimètre, le regard dans le vide.
— Ne laisse pas la peur t'engloutir, mon ange. Sers-toi de cette peur pour te battre, ma voix est autoritaire. Ta fille a besoin de toi, alors on va aller la chercher.
Elle relève la tête, d'un sourire crispé, elle essuie ses larmes et se redresse.
— Et tu comptes sortir en robe ? grogne Robin, un éclat moqueur dans la voix.
Merde, c'est vrai. Alors qu'il hausse le sourcil, moqueur, les bras croisés, je l'observe de haut en bas. Un sourire sadique nait sur mes lèvres lorsque je croise son regard.
— C'est mort ! s'exclame-t-il, devinant mes intentions.
Je hausse les épaules, l'air innocent.
— Je te laisse pas le choix, désolé mon frère.
Il râle dans sa barbe, mais il s'exécute, enlevant son sweat à contrecœur. Louise, qui a tout de suite compris le plan, propose de faire le guet devant la porte.
— Tu es sûr ? demande ma brune qui nous tourne le dos pour nous laisser un peu d'intimité.
Je m'arrête un instant, mes yeux se posant sur elle, et la douceur de son inquiétude me frappe de plein fouet.
— Sûr de quoi ? De vouloir accompagner la femme que j'aime retrouver son enfant ?
Ma voix est ferme, presque brutale dans sa sincérité. Elle ne répond pas, incapable d'ajouter quoi que ce soit. Ses épaules tremblent légèrement. Une fois habillé des vêtements de Robin, je la rejoins. Lentement, je passe mes bras autour de son corps, collant son dos contre mon torse.
— On y va, maintenant, et on va la ramener. Je te le promets, mon ange.
Aucun son ne sort de sa bouche, parce qu'elle serait incapable de dire un mot sans pleurer, je la connaît bien maintenant. Mais elle presse doucement mes mains, comme pour me remercier.
— Allons-y, lui dis-je dans l'oreille.
Je me détourne alors d'elle, échangeant un dernier regard complice avec Robin, qui se glisse dans le lit à ma place. Louise ouvre la porte lentement, vérifiant que le couloir est désert.
— Allez-y maintenant !
La voix de Louise résonne dans le silence, à peine un murmure. Elle nous fait signe, son regard vigilant guettant le moindre mouvement dans le couloir.
— Je vais voir pour récupérer tes fringues et on vous rejoint. On se tient au courant. Maggie, quand vous aurez choppé cette garce, laisse-la moi, je compte bien l'emmener en enfer moi-même, là où est sa place, termine-t-elle en enlaçant son amie fortement.
Je baisse la tête, cachant mon visage, et je me glisse hors de la chambre, Margot sur mes talons. Les battements de mon cœur accélèrent, mais personne ne semble nous remarquer. On rejoint vite la voiture de Louise, dont Margot a les clés. À peine la portière fermée, je démarre.
— Par où est-ce qu'on commence ? demandé-je.
— J'aimerais qu'on fasse le tour près de chez mes parents.
Je hoche la tête et nous partons. Durant les premières minutes, Margot reste silencieuse à côté de moi. Elle tord une mèche de ses cheveux, et fait trembler sa jambe frénétiquement. Mon regard glisse vers elle un instant. Elle est ailleurs, perdue dans ses pensées. D'une main, je pose délicatement ma paume sur sa cuisse.
— On va la retrouver. Je te promets, je souffle tout bas, mais je sens dans ma propre voix une vibration que je ne maîtrise pas totalement.
Malgré moi, l'angoisse me ronge aussi, cette peur viscérale de la perdre, elle, ou Victoire. Qu'elle revive un drame de nouveau. Et pas des moindres.
Elle ne répond pas, ses yeux rivés sur la route. Le silence s'installe, pesant, seulement troublé par le ronronnement du moteur. Mon esprit tourne, essaie de comprendre, de relier les morceaux, mais rien n'a de sens. Élise... Comment a-t-elle pu réussir à faire semblant depuis des mois ? À avoir l'air aussi proche de Margot, de nous ?
Nous arrivons presque devant chez ses parents. Je continue de jeter quelques coups d'œil dans sa direction alors qu'elle observe chaque passant. Puis soudain, elle se redresse brutalement.
— Stop ! Arrête-toi ! sa voix est étranglée par la panique.
Je freine d'un coup, le cœur au bord des lèvres.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
— C'est lui ! elle se tourne sur son siège et désigne du doigt un homme qui marche sur le trottoir, un peu plus loin.
— Cet homme, avec sa veste noire, c'est lui, m-mon agresseur. I-il... il a une cicatrice sur le menton. Cette posture...
Le temps se fige. Mes mains se crispent sur le volant, mon corps réagit avant même que mon cerveau n'ait le temps de comprendre. Je coupe le moteur et saute hors de la voiture. J'entends vaguement la porte de Margot claquer, m'indiquant qu'elle me suit.
— Hé ! je crie après l'homme en veste noire, mais dès qu'il aperçoit ma brune derrière, il détale.
Sans réfléchir, je me lance à sa poursuite. J'ai l'habitude de courir, mon gars. Il prend à droite, mais je gagne du terrain, jusqu'à lui sauter dessus. Je le plaque au sol avec une force que je ne pensais plus avoir. Il tente de se débattre, mais je lui envoie mon poing dans la gueule avant même qu'il le voie venir. Je le maintiens fermement au sol, luttant contre l'envie de lui infliger le même sort que celui qu'il a réservé à Maggie, qui nous rejoint, essoufflée.
— Qui es-tu ? crie-t-elle, la voix brisée par l'incompréhension.
L'homme reste silencieux, mais son sourire dément me glace le sang. Puis, sans prévenir, il baisse subitement la tête vers sa cuisse. Un éclat métallique attire mon attention : son téléphone est allumé. Je comprends trop tard qu'il a lancé un appel.
— Ils sont là, barre-toi, Lyse ! hurle-t-il soudain, brisant le silence.
*****
MAMAMIAAAAA !
Bon, le prochain chapitre sera un peu particulier... un nouveau point de vu !
J'ai hâte de vous le dévoiler mes p'tits bourgeons !
À très vite,
FleurAzur
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