Chapitre 17
Samuel
Nous avons discuté encore deux bonnes heures, tous ensemble. Un moment agréable qui nous a permis de nous découvrir un peu plus.
J'ai appris que le fameux collègue de Margot qui lui tournait autour l'autre jour, n'était autre que son supérieur. Elle nous a expliqué les raisons pour lesquelles elle ne le rembarrait pas, vis-à-vis de ses parents principalement, mais je ne suis pas convaincu par tout ça. Je continue de penser qu'elle devrait porter plainte, mais elle est plutôt obstinée. Belle, mais têtue ma brune.
Louise est revenue en ville très récemment, s'étant séparée de son ancien petit ami, elle a décidé de revenir dans sa ville natale, auprès de Margot et de sa nièce. À la mention de sa fille, la principale intéressée s'est renfermée sur elle-même. Donc j'imagine qu'elle n'est pas prête à en parler devant Robin et moi. Je ne comprends pas pourquoi elle souhaite nous cacher son statut de mère. Étrangement, ça me trouble autant que ça me blesse.
Durant ces deux heures, j'ai eu la sensation d'être épié par Élise à chaque seconde. C'était très perturbant. Limite angoissant. Surtout qu'elle n'a pas cessé de me faire du rentre-dedans toute la soirée. Aurait-elle mal interprété une de mes paroles ou un de mes gestes ? Aucune idée ! Elle est sublime, c'est clair, mais les femmes trop entreprenantes c'est pas mon truc. Pour un soir, probablement, pour une relation évolutive, certainement pas.
Après réflexion, j'ai profité qu'il y ait encore du monde pour annoncer au micro que nous organiserons une soirée à thème pour Halloween. Une soirée sur réservation. Une idée encore une fois soufflée par Louise, et à qui, bizarrement, j'ai fait confiance. Pour le peu que nous en avons discuté, elle souhaite que tout le monde porte la même tenue : une cape et un masque. Robin a approuvé, naturellement. Étant donné que je n'avais, au départ, pas prévu de faire quoi que ce soit concernant ce jour, je lui ai laissé carte blanche. Et ma carte bleue. Nous avons prévu de nous voir en début de semaine pour pouvoir en parler davantage, histoire que je puisse quand même avoir mon mot à dire. Tout de même !
~
Au moment de partir, Robin leur a proposé de nous laisser les raccompagner, puisqu'apparemment elles ne logent pas très loin d'ici. Je dois admettre qu'au fond de moi je ne savais pas si je souhaitais les raccompagner ou rentrer chez moi boire un dernier verre.
Je n'aurais jamais imaginé qu'évoquer un enfant puisse me mettre dans cet état. D'ailleurs, quel état ? Je me sens paumé, là. Me retrouver confronté à mes souvenirs aussi soudainement, alors que je me sentais bien, que je me sentais mieux, c'est déstabilisant. Je n'ai jamais éprouvé ce ressenti, ce manque, avec Rose, la nièce de Robin. Sûrement parce qu'elle était déjà née quand c'est arrivé.
Malgré tout, je tente de ne rien laisser paraître devant Margot. Elle a déjà mis du temps avant de me décrocher ne serait-ce qu'un sourire, alors si je me braque ça reviendrait à faire un pas en avant et deux en arrière. Et je ne le souhaite pas, parce qu'au fond, elle éveille quelque chose en moi. Un sentiment de bien-être quand je la vois, quand elle me parle, quand elle parvient à soutenir mon regard plus de trois secondes.
Alors c'est tout naturellement que je me place à côté d'elle durant ce court trajet. On ne se parle pas, mais sa présence me suffit. Et puis avec le duo de choc à nos côtés, on n'a pas spécialement le temps d'en placer une.
— Brrr qu'est-ce que ça caille, dis donc !
Élise arrive subitement sur ma gauche, s'agrippant à mon bras, dans une tentative – vaine – de se réchauffer.
— Avec une écharpe ça aurait été mieux non ? je réponds blagueur.
Quand on vient à pied, on prend ses précautions.
Elle rit, d'une manière plutôt crispée. Vexée ? Possible. Mais là tout de suite, je m'en moque.
Rapidement nous arrivons devant une grande maison blanche. J'aperçois Margot sortir un trousseau de clefs.
Donc c'est ici qu'elle habite.
— Merci beaucoup pour cette soirée, c'était vraiment sympa, entame Louise.
— C'est nous qui vous remercions, vous avez rendu notre soirée plus... distrayante ! roucoule Robin.
Doucement, il attrape la main de Louise, l'amenant vers lui.
— On se voit très vite, je t'enverrais un message, dit-il avant de lui embrasser la joue tendrement.
Ces deux-là, franchement...
Je ne saurais pas dire s'ils m'énervent ou si je les trouve mignons.
Suivant le mouvement nous nous saluons de la même manière qu'en début de soirée.
Je me rends compte que Louise et Robin, naturels et spontanés, nous permettent vraiment de nous détendre, de faire les choses naturellement sans se prendre la tête. Ils sont les âmes pétillantes du groupe que nous formons aujourd'hui.
La rouquine est la première à me souhaiter une bonne nuit, suivie de Louise. J'approche vers Margot plus confiant que tout à l'heure.
Je m'apprête à me pencher quand sa petite main se pose sur mon bras et qu'elle se met sur la pointe des pieds pour coller sa joue à la mienne. Ma surprise doit se lire sur mon visage puisque Louise se moque, me bousculant affectueusement.
Nous regardons les trois femmes monter les quatre marches du perron, se retournant une dernière fois pour nous saluer avant de s'engouffrer au chaud.
Une fois la porte fermée, nous faisons demi-tour, revenant sur nos pas.
— Bon, entame Robin sortant une cigarette, tu vas me dire ce qu'il t'arrive, maintenant ?
Je soupire.
Il me connait bien.
Il me tend une clope, comprenant que j'en ai bien besoin avant de me lancer, puis, après avoir allumé la sienne, m'envoie son briquet que je rattrape aisément.
— Elle a un enfant, je lance de but en blanc.
— De qui tu p-
— Margot, je coupe. Elle a un enfant. La fameuse nièce de Louise.
Sous l'effet de la surprise, il s'arrête net, la cigarette au bout des lèvres.
— Tu déconnes ?
Je secoue la tête de gauche à droite.
— Et c'est Élise qui te l'a dit, c'est ça ?
— Ouais.
— Waouh... J'aurais pas pensé...
Ouais, moi non plus.
En soit ça ne me dérange pas qu'elle ait un enfant, le problème c'est moi. C'est ce que ça réveille en moi.
Nous nous remettons en marche en silence.
Le Green Cell est maintenant à quelques mètres de nous.
— Comment tu te sens ? commence-t-il sensiblement, Tu repenses à elle ?
— En même temps, comment ne pas y penser...
L'idée de devenir père avait été mon rêve, un rêve éclaté en morceaux lorsque la femme que j'aimais m'a annoncé que le bébé n'était pas de moi. Cette douleur, ce sentiment de trahison, m'ont laissé avec un cœur brisé, incapable de croire à nouveau en un amour sincère.
Comme un idiot, je me suis perdu dans quelques liaisons sans lendemain, évitant les relations sérieuses comme si elles étaient un danger mortel.
Et puis, il y a eu Margot.
Une connexion spéciale, une lueur d'espoir, mais ce passé me hante toujours. Apprendre qu'elle a une fille, un bébé, a ravivé ces cicatrices, réveillant cette peur d'être à nouveau trahi un jour.
Pourtant, quelque part au fond de moi, je ne peux m'empêcher de ressentir une émotion complexe, mélange de peur et d'un désir de guérir, de croire à nouveau en l'amour.
Parce que bon sang, je ne peux pas nier cette attraction que je ressens pour cette femme.
— Tu l'auras ton avenir, mon frère. Tu sais, parfois les meilleures choses naissent de l'imprévu.
Je souris.
— Tu penses à Louise quand tu dis ça ?
— Ouais, rit-il, elle me plaît. Beaucoup. Je compte l'inviter à manger quelque part dans la semaine.
C'est vrai, cette connexion entre eux est flagrante. Je n'ai jamais vu Robin aussi rayonnant. Bien qu'il soit d'un naturel jovial, depuis qu'il a rencontré Louise, c'est différent. Le voir aussi heureux me donne envie de l'être moi aussi. Je ne suis pas malheureux, loin de là, mais le sentiment d'aimer, et d'être aimé est une source de bonheur et d'épanouissement, tout le monde le sait.
L'amour a le pouvoir de transformer nos expériences, d'apporter du réconfort dans les moments difficiles et d'ajouter une profondeur significative à notre existence.
— T'as bien raison, même si par moment je la trouve flippante, elle est cool.
Il éclate de rire, m'entraînant avec lui.
— La positive attitude, tu n'sais pas ce que c'est.
— Avec un duo comme vous à mes côtés je vais vite le savoir !
Une fois devant le bar, je propose à Robin de venir boire un dernier verre avant qu'il ne rentre, ce qu'il accepte.
Nous reparlons des filles. De Margot précisément. Je lui relate la conversation que j'ai eue avec elle quand nous sommes allés chercher à manger, puis celle que j'ai eue avec Élise juste après.
J'en profite également pour lui donner mon ressenti vis-à-vis de ma brune.
Il adopte soudainement un air grave.
— Je te connais, et je sais ce que tu fais. Ne te sers pas de Margot pour apaiser ta conscience débile, gronde-t-il.
— Arrê-
— En fait, reprend-il, plus sérieux que jamais, c'est plus fort que toi. T'es sans cesse en train de remuer le passé. Arrête ça, pointe-il du doigt vers moi. Si tu souhaites te rapprocher de Margot, fais-le parce que tu en as envie, simplement envie.
Il ne peut pas comprendre.
Il n'était pas là ce soir-là. Ce n'est pas lui qui s'est pris la tête avec sa sœur au point de la faire partir, au point qu'elle prenne la route sous un temps de chien pour le fuir.
Au point qu'elle en meure.
Le poids de la culpabilité me pèse de jour en jour. Parfois, il m'arrive de faire des crises d'angoisse quand je prends le volant sous la pluie. Des putains de crises d'angoisse.
Il ne peut pas comprendre.
Il ne l'a pas vécu comme moi je l'ai vécu.
Mais ça, je ne peux pas lui dire.
Parce que la perte de Lana, il en souffre aussi.
Margot
Je referme doucement la porte après avoir fait un dernier signe aux garçons. Enfin au chaud !
— Dis donc, commence Élise, me donnant un coup de coude, tu ne m'avais pas dit que Samuel était aussi canon, cachottière ! termine-t-elle en gloussant.
J'aperçois Louise lever les yeux au ciel, comme chaque fois que notre amie rousse ouvre la bouche pour parler.
— Je ne pensais pas que c'était un élément important, je pouffe.
Est-ce-que je viens d'admettre indirectement que Samuel était canon ? Je crois bien. En même temps, je ne vais pas mentir. Il est très beau.
— Bon, il est tard, là. Je suis crevée, pas vous ?
Louise, subtile comme jamais. L'art et la manière de faire comprendre à Élise qu'il est l'heure de rentrer chez elle.
— Oui, c'est vrai, dit-elle en la fusillant du regard. Je monte récupérer mes affaires et je vais y aller.
— Oui vas-y, tu peux monter.
Elle enlève ses chaussures puis monte les marches sous le regard intransigeant de Louise.
— Arrête de la fixer comme ça !
— Comme ça comment ? Comme si je lui souhaitais de se cogner le petit orteil au pied d'une table en marbre, chaque matin au réveil ?
— T'es méchante, arrête ! je lui tape l'épaule faussement outrée.
Alors qu'en fait j'ai envie de rire.
C'est méchant.
— En plus elle a rodé autour de Samuel toute la soirée !
— Ils sont célibataires tous les deux, je ne vois pas où est le souci. Elle peut flirter avec qui elle veut.
— Rooh je t'en prie ! Si elle en avait eu l'occasion, elle lui aurait fait une turlutte devant tout le monde pour marquer son territoire.
Nom de Dieu !
Directement je plaque mes mains sur sa bouche. On a beau chuchoter, – enfin pour Louise c'est pas gagné – elle pourrait nous entendre.
— Il n'y a rien entre Samuel et moi. Alors si elle souhaite tenter sa chance-
— C'est bon j'ai tout ! lance Élise qui descend les escaliers rapidement.
Je recule, permettant à Louise de respirer de nouveau.
Élise, qui ne nous a absolument pas prêté attention, remet ses escarpins hâtivement et réajuste son manteau.
— Bon, on se voit jeudi soir alors !
— Euh, oui, jeudi soir, réponds-je.
Elle m'embrasse la joue en disant « bisou » d'une voix très aiguë. Puis, sans un regard pour Louise, quitte la maison.
— Eh ben, finalement elle était pressée de rentrer, on dirait. Elle est partie comme une voleuse.
— En même temps, t'es tellement aimable et chaleureuse...je lance sarcastiquement.
Elle sourit, fière d'elle, puis me propose un thé chaud que j'accepte.
Je prends un gros plaid dans le panier qui repose à côté du canapé et m'installe chaudement, allumant la télé sur un programme quelconque.
— Alors, qu'en as-tu pensé de la soirée ?
Louise dépose nos deux tasses chaudes sur la table basse, puis se faufile sous le plaid molletonneux à mes côtés.
— J'ai vraiment apprécié, tu as eu raison d'insister.
Je la regarde amusée alors qu'elle souffle un « comme toujours » d'un air évident. Je dois avouer que c'est très souvent le cas.
— On a discuté de ce qu'il s'est passé avec Samuel. Je pense que c'est exactement ce dont j'avais besoin, j'admets en faisant tourner ma bague autour de mon doigt. Je me protégeais, craignant qu'à cause de notre « aventure », il s'attende à quelque chose de plus de ma part, mais ce n'est pas du tout le cas. Il a été incroyablement compréhensif et rassurant. À aucun moment il ne m'a jugée ni critiquée. En fait, il est vraiment sympa.
Louise passe son bras autour de mes épaules, m'attirant contre elle.
Nous restons là un moment avant qu'elle ne souffle :
— Je suis ravie d'être revenue. Crois-moi, Maggie-Mag, je vais t'aider à retrouver le bonheur.
*****
On en apprend un peu plus sur le passé de Samuel...
J'espère que ce chapitre vous a plu, le prochain sera du point de vue de Louise !
À très vite,
FleurAzur 🤍
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