Chapitre 15
Margot
Deux hommes se tiennent devant le Green Cell Hotel. L'un, de dos, est vêtu d'un long manteau couleur camel. Samuel. L'autre, d'un manteau mi-long bleu marine. Robin. Ils sont très classes tous les deux. On distingue leurs chaussures vernies jusqu'ici. Un énorme sourire plaqué sur le visage, Robin nous visualise en premier. Il souffle un mot à son ami que je ne perçois pas d'ici. Quand Samuel se retourne, tout sourire également, je sens les pulsations de mon cœur augmenter. Il est vraiment très charmant ce soir. Me retrouver une fois de plus à ses côtés, même le temps d'une soirée, me déstabilise. Le plus perturbant est que je ne connais pas cet homme, mais je me souviens de son corps.
Oui, j'ai plutôt une bonne mémoire visuelle, même bourrée.
Pour le coup, c'est déplaisant. Je n'ai pas envie de m'en souvenir. Je me l'interdis.
C'est vrai quoi, ce n'est pas normal d'aller boire des coups avec un homme avec qui on a couché le premier soir de rencontre, alors que je ne sais rien de lui. Surtout qu'à ce moment-là je ne connaissais même pas encore son prénom. Nous avons eu qu'une seule vraie conversation depuis, et encore, elle n'a duré que trois minutes. Ridicule.
— Mesdames, bonsoir, s'incline Robin, écrasant par la même occasion sa cigarette à peine terminée.
Je sens Louise tellement excitée à côté de moi que j'ai presque l'impression de la sentir sautiller de joie.
— Salut les mecs ! crie-t-elle, enjouée.
Nous sommes à quelques petits pas d'eux, et je n'ai aucune idée de comment les saluer. Une bise ? Non, nous ne sommes pas assez proches pour ça. Une poignée de main ? Pff, trop solennel. Une étreinte ? N'y pensons même pas !
Bon sang, pourquoi est-ce que je m'angoisse pour de telles futilités ? Un bonsoir c'est suffisant !
Puis, finalement la question ne se pose plus dès l'instant où Louise leur saute quasiment au cou pour une bise chaleureuse. Super. À mon tour, forcée de suivre le mouvement, je m'approche du blond en premier, retardant autant que je le peux ce moment où je serai à nouveau contrainte d'avoir un contact physique avec l'homme que je souhaite fuir à tout prix. Quand je me retourne, ses yeux sont déjà braqués sur moi. Je me sens rougir. Et ça, c'est horrible. Mon corps, ce traitre, réagit comme si j'étais une ado incapable de gérer ses hormones en folies. Quand sa joue touche la mienne, elle est fraîche, mais c'est pourtant une douce chaleur qui se répand dans mon corps. Son parfum ambré mélangé à l'odeur de tabac est loin de me répugner. C'est mauvais ça. Sa main posée sur mon épaule, sa joue contre la mienne... Un instant court et pourtant appréciable.
Au secours.
L'épaule d'Élise me percutant me ramène à la réalité.
— Oh, pardon, je me suis retournée trop vite, j'en ai perdu l'équilibre ! pouffe-t-elle, s'accrochant à Samuel qui l'a rattrapée par le coude, l'empêchant ainsi de s'écraser sur nous.
Est-ce qu'elle vient de faire semblant de tomber ? J'étais absente pendant quelques secondes, mais j'en ai bien l'impression. Et cette voix criarde ? Est-ce qu'elle essaye de se faire remarquer ?
Je m'écarte furtivement, lui laissant la place pour le saluer. La main droite de Samuel la maintient toujours, tandis que mon amie pose aisément ses deux mains sur son torse couvert d'une simple chemise à pois bleus, sous son manteau ouvert. J'écarquille les yeux, surprise de voir notre belle rousse aussi tactile avec un homme qu'elle ne connait absolument pas. Est-ce que Samuel est son type d'homme ? Je ne l'ai jamais vu accompagné alors je n'en ai aucune idée. En tout cas, la voie est libre puisque monsieur est aussi célibataire !
— Samuel, se présente-t-il.
— Je sais, souffle-t-elle près de son oreille, Élise.
Visiblement charmé, Samuel lui sourit malicieusement.
Bon ! On ne va peut-être pas camper dehors non plus...
— Allez, allons au chaud !
Merci Robin !
Le blond nous ouvre la porte tel un gentleman. D'un pas rapide, je rejoins Louise, souhaitant toujours garder une distance de sécurité entre le beau brun et moi. Le brun. Juste le brun.
Une fois à l'intérieur, nous nous dirigeons au sous-sol où l'ambiance est déjà festive.
Samuel
Nous nous installons à la table que j'ai préalablement réservée, vers le milieu de la pièce. Au moins, nous sommes à proximité de la scène et du bar.
Chacun trouve sa place, Robin à mes côtés, Louise juste en face de lui. Élise, elle, s'est rapidement installée en face de moi. Ce qui veut dire que ma jolie brune se retrouve isolée sur la table à ma gauche. Évidemment, elle s'est assise à côté de la rouquine plutôt que près de moi.
Je ne suis pas con, j'ai bien compris qu'elle me fuyait.
Je pense qu'il va falloir mettre rapidement les choses au clair, qu'elle n'ait pas à m'éviter chaque fois que nous nous croiserons. Non seulement elle se stresse pour un rien, mais moi ça va finir par me vexer. Ok, on a passé une nuit ensemble, ça ne veut pas dire que je vais lui sauter dessus à chaque occasion. Je sais me tenir, quand même ! Je ne suis pas un animal.
Ou alors, je lui plais et elle ne sait pas comment se comporter devant moi à cause de ça.
Non, pff, n'importe quoi. Elle m'a bien fait comprendre qu'elle s'en voulait d'avoir été aussi loin. Et puis, elle porte toujours sa bague à l'annulaire. J'ai d'ailleurs remarqué qu'elle la faisait souvent tourner autour de son doigt quand elle était mal à l'aise. Quand, moi, je lui parlais.
Rapidement une serveuse s'approche prenant nos commandes.
— Donc, Samuel, ce bel établissement t'appartient ? entreprend la belle rousse. Oh, on peut se tutoyer ? demande-t-elle à notre intention.
— Eh bien oui, tout droit sorti de mon imagination, je réponds fièrement. Et comme je l'ai dit le soir de l'inauguration, je me suis beaucoup inspiré de ma petite sœur, décédée l'an dernier. C'était une passionnée de verdure.
Je souris, nostalgique. Son salon était bondé de plantes de différentes teintes de vert. Certaines d'entre elles étaient même tachetées de blanc, ou même de rose ! Un jardin botanique.
Pour dire à quel point ses plantes comptaient pour elle, elle a même été jusqu'à donner son chat parce qu'il avait tenté de manger une feuille de son plant le plus rare. À chacun ses priorités.
— Et oui, on peut se tutoyer, je souris.
— Ça doit quand même prendre beaucoup de temps pour arroser toutes ses beautés !
— Oh que oui ! s'exclame Robin. Obligés de s'y mettre à plusieurs, pas le choix ! On essaye d'en arroser une vingtaine le matin avant l'ouverture, une vingtaine le soir, après le service, et on fait ça sur cinq ou six jours. Et toutes les 3 semaines, dit-il tout fier.
C'est Robin qui a acheté les trois quarts des plantes dont l'on dispose aujourd'hui. Ça lui tenait beaucoup à cœur d'apporter sa pierre à l'édifice. Pour Lana. Il les chouchoute vraiment beaucoup.
Nous n'avons jamais pris le temps de compter tous ces végétaux, mais effectivement, ils sont nombreux. Pour le plafond, nous avons quand même été dans l'obligation d'alterner avec de fausses plantes vertes. Le travail que nous effectuons tous ici nous prend déjà beaucoup de temps, nous ne pouvons malheureusement pas consacrer encore plus de temps pour la verdure.
Les trois filles nous regardent fascinées.
— Elles sont toutes belles ! s'exclame la nouvelle. Moi aussi j'adore les plantes !
La métisse glousse exagérément.
— T'aimes les plantes, toi ? Depuis quand ? se moque-t-elle.
— Depuis que tu es partie dans le sud avec ton mec, enchaîne la rousse sournoisement.
J'ai l'impression qu'elles ne s'apprécient pas beaucoup ces deux-là.
À la mention du « mec » de Louise, je jette un coup d'œil à mon pote qui pâlit.
— Ex-mec ! surenchérit Louise.
Ex-mec ! Je regarde une nouvelle fois Robin. Le voilà qui reprend des couleurs. Ouf !
Un long et profond soupir attire notre attention. Margot. Un soupir qui calme instantanément ses deux compères. On dirait bien qu'elle a l'habitude de jouer les médiatrices. Les deux se replacent bien droites sur leur chaise sans même s'adresser un regard. Obéissantes. Ma jolie brune serait-elle tortionnaire à ses heures perdues ? Elle m'a pourtant l'air d'être celle qui a le caractère le plus doux des trois. Les apparences sont parfois trompeuses dit-on. Intéressant.
— Bref ! ponctue la fameuse Élise. Ma préférée est de loin celle avec ses feuilles en forme de cœur découpées.
— La Monstera Deliciosa.
Deux voix se sont superposées sur la mienne pour répondre. J'ai reconnu celle de mon ami et il me semble que l'autre était celle de... Margot ?
Surpris, tous les regards se tournent une nouvelle fois vers elle. Probablement gênée d'avoir parlé en même temps que moi, elle s'empourpre. Tellement mignonne.
Sa voisine de gauche lui lance un regard étrangement mauvais. Peut-être est-elle vexée que son amie se soit souvenue du nom de cette plante avant elle.
— C'est une plante à la mode en ce moment, se justifie-t-elle, presque tout le monde en a, elle termine en haussant les épaules.
Et elle parle enfin. Pour mon plus grand bonheur. Une voix aussi douce qu'une pluie de pétales de marguerites.
J'ai besoin d'entendre sa voix encore un peu plus longtemps. Mais je sais qu'elle ne nous fera pas cet honneur. Alors je décide qu'il est temps d'avoir une conversation. La conversation.
*****
La fameuse conversation hein... Il serait peut-être temps qu'ils mettent les choses au clair ces deux-là !
Encore désolée pour le retard de publication !!!
A très vite,
FleurAzur 🤍
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