Chapitre 30: Action inhumaine
Le ciel est d'un gris sombre dû aux cendres qui tombent sans cesse depuis quelque temps sur la ville où je me trouve.
Cela fait la seconde fois que le décor change sans jamais s'améliorer, restant chaotique et stressant. J'ai l'impression d'enchaîner rêves sur rêves sans avoir la possibilité de me réveiller...
Je suis seule, fatiguée, effrayée et complètement perdue.
Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Est-ce que je suis morte et donc piégée à jamais dans les rêves ?
Personne ne peut me répondre, mais tout le monde veut ma mort. Et ça je l'ai bien vu lorsque j'ai retrouvé malheureusement cette silhouette encapuchonnée de noir au loin, une fois, deux fois, jusqu'à comprendre qu'elles étaient plusieurs et qu'elles cherchaient une chose.
Moi.
Depuis, je vis chaque minute dans la terreur de me faire repérer sans savoir ce qui m'attendra ensuite...
Mon cœur rate un battement en repérant ces inconnus sans visage au loin, je me plaque aussitôt contre un mur avant de tenter de me fondre dans une ruelle sombre, le sang pulsant dans mes oreilles, la respiration rapide et malheureusement fortement audible. Si quelqu'un passe ici, il pourra facilement me trouver.
L'air cendré n'aide en rien ma situation. J'ai du mal à respirer, je tousse, je ne vois pas très bien. Tout porte à croire que même le paysage essaye de me trahir.
Je coupe mon souffle lorsque j'entends des pas se rapprocher de ma position, collant mes mains contre ma bouche et mon nez pour ne faire plus aucun bruit.
J'ai peur, terriblement peur. Les larmes me montent aux yeux et s'apprêtent à glisser sur mes joues sales à cause de la cendre.
J'entends une minute, presque deux avant de m'autoriser à reprendre une bouffée d'air et de me rendre compte que je ne risque plus rien, à en entendre le silence qui m'entoure.
J'ose quitter ma ruelle sans lumière, passant ma tête en dehors pour surveiller les alentours de la ville morte. Aucun passant à part ces étranges silhouettes entièrement habillées de noir.
Je lézarde sur les murs, les sens en alerte et les muscles tendus, prête à partir en courant s'il le faut pour sauver ma vie, car oui, elle est en danger.
Je pourrais ressembler à ce moment à une gazelle entourée par des lionnes affamées, sans aucun moyen de m'échapper tant que je ne peux pas me réveiller...
Je frôle la crise cardiaque quand une main vient se poser sur ma bouche pour m'empêcher de crier, tandis qu'un bras entoure ma taille et me tire en arrière dans une ruelle.
Je tente de me sortir de son emprise, gigotant tant que je peux, essayant de crier à l'aide, mais je me fige d'un coup en sentant son souffle dans mon cou.
« Chut... c'est moi... c'est moi... »
Je m'arrête aussitôt de bouger en reconnaissant cette voix entre mille et voyant que je ne cherche plus à m'échapper, je me retourne pour faire face à celui que j'ai toujours voulu voir. Je fonds en larmes et viens me blottir contre lui qui n'hésite pas une seconde en me serrer dans ses bras.
Il me tient en silence contre son torse, son visage dans le creux de mon cou, attendant que je retrouve mon calme. Il me décale lentement de lui, passant ses mains sur mes joues pour essuyer ces gouttes d'eau salée souillée par la cendre sur ma peau.
Il vient ensuite cueillir mes lèvres entre les siennes en douceur, voulant me transmettre tout ce qu'il ressent en ce moment : peur, tristesse, reconnaissance, soulagement et surtout amour.
Je profite de la douceur de ses croissants de chair qui m'ont atrocement manqué, de son parfum qui reste le même dans les rêves que dans la réalité, de son être tout entier auquel je me suis donnée corps et âme.
Il se décale légèrement à nouveau de moi, caressant de ses pouces mes pommettes avant de coller son front au mien.
« J'ai eu si peur de te perdre... murmure-t-il doucement.
- Tu... tu es au courant pour mon accident, c'est ça ? Fis-je en grimaçant.
- Oui... Anna m'a mis au courant ainsi que Neil. »
Lorsque je l'entends prononcer le prénom du scientifique, je ressens comme du mécontentement, voire même de la haine. Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit mais... ça n'a pas l'air d'être une bonne chose.
Mais tout à coup, son regard qui s'était fait plus dur la seconde d'avant, redevient doux tandis qu'il me dévore de ses prunelles sombres avec une pointe de tristesse.
« Je suis désolé... tellement désolé de ne pas avoir répondu à ton appel... laisse-t-il entendre avant de se pincer les lèvres. »
C'est vrai... J'ai voulu l'appeler pour le mettre au courant, mais après ce qu'il s'est passé, je ne peux rien lui dire ou il sera en danger...
Ma propre expérience de la chose est une prévention. Ils me font comprendre que ce qui m'arrive, arrivera aussi à mon petit ami.
Je ne peux rien lui dire et ces informations vont finir par me brûler, je le sais et je le sens.
Je vois les traits de son visage se tendre un peu plus de peine face à ma non-réaction et je me rends compte que je l'ai blessé involontairement en gardant le silence, perdue dans mes pensées obscures.
« Ne t'en veux pas Jungkook ! Me rattrapé-je en posant mes mains sur mes joues. Tu dormais, tu ne pouvais pas répondre...
- J'aurais dû. D'ailleurs, tu semblais paniquée... tu... tu voulais me parler de quoi ? M'interroge-t-il en décollant son front du mien. »
Que lui répondre ? Je ne peux pas lui mentir, aucun mensonge ne sera assez fort pour masquer la vérité sur cette peur et ce besoin de se confesser qu'il a dû ressentir dans ma voix...
Alors que je suis sur le point d'ouvrir la bouche pour lui sortir un excuse minable, un bruit sourd, proche de la ruelle où nous nous trouvons, se fait entendre, me faisant manquer un battement de cœur.
« Ils sont là... articulé-je tout bas, les yeux écarquillés.
- Qui ça ? Lâche-t-il avec incompréhension, regardant rapidement autour de nous.
- Des ombres... elles... elles me poursuivent et me cherchent depuis que je suis là... »
Il assimile en deux secondes chrono ce que je dis avant d'attraper ma main et de partir à l'opposé du bruit, vers le fond le plus sombre de la ruelle.
Je ne dis rien et le suis, la respiration déjà rapide et les jambes fatiguées d'avoir trop couru sans s'être suffisamment reposées.
Je trébuche et me sens perdre l'équilibre en avant, mais je me retiens de justesse au bras de Jungkook qu'il a tendu en me voyant chuter.
Nous sursautons en même temps lorsque deux silhouettes encapuchonnées apparaissent à côté de nous. Elles tendent leurs mains dans ma direction pour m'attraper, mais le noiraud s'interpose d'un coup en me repoussant en arrière avant de donner un coup de pied à l'une pour l'envoyer fortement contre le mur tandis que l'autre, il l'assomme d'un coup bien placé de sa jambe au niveau de son cou.
Je le regarde avec un air ébahi, ne m'attendant pas à une telle démonstration de force de sa part.
« Ceinture noire de Taekwondo, dit-il simplement pour répondre à mes questions intérieures avant de reprendre ma main dans la sienne. »
Nous nous remettons à courir sans destination précise, recherchant juste un endroit pour se cacher.
Nous arrivons devant un bâtiment de pierres sombres et salies par la cendre. Il teste la poignée, ouvre la porte silencieusement avant de jeter un coup d'œil à l'intérieur pour vérifier qu'il n'y a aucun danger. Après quelques secondes, il finit par me faire signe de le suivre et nous pénétrons tous les deux dans l'habitacle.
Cela ressemble à un carnage ici, à croire que les personnes qui vivaient ici sont parties rapidement, mettant un bazar incroyable.
Le canapé est retourné, les lumières explosées, l'écran de la télé fissuré. Un champ de bataille dans une maison.
Le noiraud m'emmène dans la cuisine où il m'assoit sur une chaise en douceur avant de fouiller les placards pour sortir deux verres et de les remplir d'eau du robinet. Il m'en tend un et bois en même temps le sien avant de tourner la tête vers la fenêtre. Il se rapproche de cette dernière et tire le rideau pour cacher la pièce où nous nous trouvons mais reste tout de même à côté, observant les alentours nerveusement.
Le voir aussi inquiet me serre douloureusement le cœur. Si je n'avais pas fait ma curieuse, IL n'aurait pas eu besoin à se débarrasser de moi et donc, Jungkook ne serait pas ainsi à s'inquiéter pour ma propre survie...
« Je suis désolée Jungkook, laissé-je entendre en baissant la tête, fixant le verre plein entre mes mains. »
Il pivote son visage vers moi, les sourcils froncés avant de replacer le rideau correctement et se rapprocher de moi pour venir s'agenouiller en face, ses paumes sur mes genoux.
« Pourquoi tu t'excuses ? Me demande-t-il doucement.
- À cause de moi tu es inquiet et...
- Ne dis pas de bêtises, me coupe-t-il sans hausser la voix. Je m'inquiéterai toujours pour toi, que tu sois en bonne santé ou non, parce que je t'aime... déclare-t-il en caressant de ses pouces mes genoux. »
Ce qu'il me dit me touche beaucoup. Les larmes viennent combler l'espace entre mes yeux et mes paupières avant de glisser lentement sur mes joues, emportant un sourire triste du noiraud.
Il vient essuyer délicatement ces perles lacrymales avant de se redresser et de venir déposer un baiser sur mon front.
J'attrape soudainement son poignet lorsqu'il s'apprête à repartir en direction de la fenêtre, me pinçant nerveusement les lèvres.
« Tu m'as dit que tu as eu Neil... Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Fis-je en essayant de garder une voix calme pour ne pas me trahir.
- Il m'a dit que ta vie dans les rêves, mais aussi dans le véritable monde était menacée... Tu ne dois absolument pas perdre la vie ici, sinon tu ne reviendras jamais à toi, avoue-t-il en détournant son regard sur le côté.
- Donc... j'ai vraiment un risque de mourir ? Répété-je horrifiée par la nouvelle. »
Je commence à comprendre pourquoi j'avais l'impression que le danger de mort me collait à la peau, c'est en réalité le cas...
Ma respiration s'accélère inexorablement tandis que je commence à sentir mon cœur s'emballer dans ma poitrine. Je sais ce que je fais, j'en faisais quand j'étais au lycée surtout lors de ma période sombre... Je fais une crise de panique.
Jungkook réagit tout de suite et vient me prendre dans ses bras, caressant de haut en bas mon dos en embrassant de temps à autre ma tempe.
« Je ne te laisserai jamais... tu vas te réveiller et je serais là à tes côtés, assure-t-il en essayant de me calmer.
- Jungkook... tu habites en Corée et moi en France, répliqué-je en tentant de réguler ma respiration.
- Je sais. C'est pourquoi je vais venir à Bordeaux, te retrouver à l'hôpital. Je serai donc là avec toi, dans les rêves mais aussi dans la vraie vie, lâche-t-il sur un ton certain. »
Quoi ? Il veut venir en France ?
Je suis complètement stupéfaite par ses mots, mais pas pour autant d'accord avec son choix. Il ne doit pas mettre sa carrière de côté pour moi... je ne peux pas l'accepter. Peut-être que si on ne pouvait pas se voir dans les rêves, j'aurais eu l'égoïsme de vouloir qu'il reste près de mon corps mais ce n'est pas le cas.
C'est une idole coréenne et il fait partie d'un groupe. Ce dernier a besoin de lui, bien plus que mon pauvre corps plongé dans le coma...
J'ouvre la bouche dans l'intention de l'en dissuader mais la porte d'entrée s'ouvre tout d'un coup dans un bruit fracassant, me faisant sursauter brusquement ainsi que le noiraud.
Trois silhouettes entrent rapidement dans cette bâtisse qui nous servait de cachette et deux d'entre elle se jettent sur Jungkook tandis que la dernière se rapproche de moi.
J'écarquille les yeux en voyant le poignard qu'elle tient dans sa main et me recule le plus possible avant de sentir le rebord du plan de travail contre le bas de mon dos. L'inconnu profite de mon incapacité pour fuir pour se jeter sur moi et je réagis tout de suite en essayant de repousser son bras qui tient la lame avec l'énergie du désespoir tandis que cette dernière se rapproche de mon visage.
Je panique grandement alors que j'entends mon petit ami se battre seul contre deux personnes et même s'il l'a déjà fait, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter presque plus pour sa vie que la mienne.
Mais alors que la pointe de l'arme est proche de mon front, mon assaillant se fait pousser fortement sur le côté, sa tête cognant dans un bruit atrocement horripilant contre le meuble avant de tomber sur le sol, inerte. Jungkook se tient devant moi, le souffle court avant que soudain, un bras entoure sa gorge et l'étrangle sans qu'il ne puisse se défaire de l'emprise.
Je me précipite vers une chaise, l'attrape et sans hésitation, je l'abats de toutes mes forces contre le dos de son agresseur. Ce dernier s'effondre au sol, laissant enfin respirer le noiraud qui n'attend pas une seconde, prend ma main dans la sienne avant de partir en courant.
« On va où ?! Le questionné-je paniquée.
- Loin ! Loin d'ici ! Répond-il vaguement. »
Nous courons pendant de longues minutes qui me paraissent interminables, nous nous accordons une pause dans une ruelle, l'un en face de l'autre, adossés à un mur.
« Pourquoi tu as fait ça ? Me demande-t-il d'un coup entre deux respirations.
- Fait quoi ? Lâché-je, ne comprenant pas le sens de sa question.
- Pourquoi tu es restée ! Tu aurais dû m'abandonner et fuir ! »
J'arque soudainement un sourcil en entendant sa réponse. Il est vraiment sérieux lorsqu'il dit ça ?
« Tu te fous de moi, c'est ça ? Laissé-je entendre froidement. Tu allais te faire tuer, je n'allais pas partir comme ça pour sauver ma peau.
- Si tu aurais dû le faire ! Je te rappelle que la personne qui est en danger de mort c'est toi ! S'exclame-t-il en réduisant l'écart entre nous.
- Jungkook ! Tu t'entends parler ?! Ta vie est aussi importante que la mienne ! Ne me demande jamais de te laisser mourir...
- Mais moi je ne veux pas te perdre pour toujours ! Me coupe-t-il, la gorge serrée par l'émotion. S'il t'arrive quelque chose... je ne te reverrai plus et j'ai peur que cela arrive... Alors je t'en supplie... si je ne suis plus dans la capacité de te suivre... Laisse-moi tomber, je t'en prie, déclare-t-il, les yeux embués de larmes. »
Mon cœur me fait souffrir d'entendre ses mots provenir de sa bouche mais je sais qu'il a raison... J'ai moins de chance de m'en sortir vivante si je ne fais pas ce qu'il me demande... Mais je trouve cela tout de même inhumain de le faire.
Mais c'est à contrecœur que j'accepte en hochant difficilement la tête. Il vient me prendre en douceur dans ses bras, embrasse le dessus de mon crâne avant de déposer son menton dessus.
« Je t'aime plus que tout au monde alors je t'en prie... reste en vie jusqu'à que tu ouvres les yeux à mes côtés... murmure-t-il. »
Mais je garde le silence. Je ne peux lui promettre que j'arriverai à rester en vie même si j'en ai vraiment l'envie...
Un bruit se fait entendre proche de nous et nous n'avons pas besoin de nous concerter pour repartir dans notre course.
J'ai l'impression de n'avoir fait que fuir depuis tout ce temps... jamais je pourrai avoir un temps de pause ?
Un coup de feu retentit dans notre dos et j'entends un cri provenir de la part de Jeon. Je jette un coup d'œil vers lui et le vois étendu au sol, en train de se tenir la jambe gauche où une tache de sang est en train de se former.
Je fais demi-tour et viens m'accroupir à côté de lui avant de déchirer le bas de mon tee-shirt dans l'intention de penser sa plaie, mais il m'arrête dans mon mouvement en me prenant la main.
« Va-t'en.
- Jungkook... ne me demande pas ça... le supplié-je avec une grimace.
- Kira va-t'en, répète-t-il plus sévèrement. Pars sans te retourner, dépêche toi ! »
Les larmes coulent de nouveau sur mes joues crasseuses tandis que je me redresse après avoir déposé un bref baiser sur son front.
Je prends une grande inspiration avant de me remettre à courir en me forçant à ne pas me retourner comme il me l'a demandé, même lorsque j'entends ce second coup de feu qui, sans besoin d'être un génie, vient d'arracher le dernier souffle de vie de mon petit ami.
Tout ce qui nous arrive est à cause de LUI et malheureusement, je suis dans l'incapacité de le dénoncer.
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Chapitre 30 posté !
Il ne reste plus que 3 chapitres et un épilogue !
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