19 CONFRONTATIONS
— Arrêtez-vous là ! Je ne vous laisserais pas aller plus loin.
Willow cessa de s'avancer et se retourna lentement. Au même moment, le ciel se déchaîna et une terrible averse enchaina. A travers la pluie glaciale qui ruisselait devant ses yeux, la détective reconnut sans peine la courte silhouette avec des cheveux roux dépassant de sa casquette.
— Léaina Lachenaie...sourit Willow. C'est un plaisir de vous rencontrer.
— Je vois que vous vous êtes bien renseignés sur moi, cria Léaina pour couvrir les grondements du tonnerre.
— Le renseignement, c'est mon boulot, répliqua la russe au même moment où un éclair fendait le ciel obscur. Que le hasard fait bien les choses, c'est justement vous que je cherchais. A moins que ce ne soit pas le hasard ?
— Comment avez-vous su où se trouvait l'enfant ?
— La blessure de votre amie le docteur Delacruz, rétorqua la détective. La patiente folle, c'était moi. J'y ai inséré...
— ...un mouchard, termina Léaina. Je m'en doutais bien. Dommage que je n'aie pas suivi mon instinct.
— Oui, dommage. Mais que ce soit bien clair, vous n'irez nulle part avec Ingrid Winchester.
— Et qui va nous en empêcher ? se moqua Léaina sans rire, alors que la pluie augmentait en intensité. Vous ?
— « Il n'y a que l'imbécile qui ignore qu'il est imbécile », dicton russe, sifflota la détective alors qu'un vent froid s'insinua dans son manteau trempé en lui arrachant des frissons. Regarde autour de toi, il n'y a pas de caméras. Personne ne sera témoin de ce qui se passera dans ce parking.
— Tu as raison, appuya Léaina du tac au tac, sa voix couverte par le tambourinement de la pluie. Personne n'en saura jamais rien...
***
Kalen courait depuis bientôt cinq minutes. Il croyait avoir semé Ramis Winchester, mais il s'était une fois de plus trompé. Son patron trottait infatigablement derrière lui, lui intimant de s'arrêter. Kalen ne s'arrêterait pas. Sa sueur chaude se mêlait à l'eau gelée de la pluie.
Ses pieds lui faisaient un mal de chien. Son cœur sprintait contre lui et ses poumons commençaient à se révolter. Il ne tiendrait plus pour longtemps. Il fallait juste que Ramis craque avant lui. C'était tout. Mais connaissant la détermination du chef, il y avait fort à parier que Ramis ne jette jamais l'éponge.
— Attend, s'il te plait.
Ce n'était plus un ordre, mais une supplication de la part de son patron, suffoquant sous l'effort qu'il venait de fournir. Il s'arrêta et s'appuya sur ses genoux, supportant à peine les gouttes de pluie drues qui lui mitraillaient le dos. Kalen s'arrêta lui aussi, luttant contre l'irrésistible envie de se coucher sur le trottoir. On aurait dit que c'était le lit le plus confortable qu'il eut jamais vu.
— Je veux...je veux juste savoir...comment s'appelle-t-il ?
Kalen leva le regard vers son patron. Il songea qu'il lui devait au moins ça. Ils étaient seuls dans l'orage. Personne d'autre n'avait son nez dehors. Seuls quelques lampadaires aux flous halos orangés éclairaient la route inondée. Halloween était tombée à l'eau.
— Matteo, répliqua Kalen Lachenaie, dont le nez ensanglanté commençait à se boursoufler. S'appelle...Matteo...
Dans la pénombre, il vit un triste sourire étirer les lèvres de Ramis, dont le masque et la couronne étaient tombés depuis longtemps. Le kohl qui soulignait ses yeux avait coulé avec la pluie, laissant de grandes traces noires sur ses joues.
— Pourquoi...vous ne nous le remettez...pas ? haleta-t-il. Je suis pr...prêt à vous donner...il s'arrêta un instant pour reprendre son souffle...tout c'que vous...voulez. Deux millions...non, trois millions d'euros...en échange de Matteo.
— Nous ne voulons pas d'ar...d'argent...
— Mais quoi donc ? s'emporta Ramis. C'est notre fils !
— Nous l'avons sauvé, répliqua Kalen en essuyant l'eau sur son visage. Je suis navré...il ne peut en être...autrement...
— Pitié ! supplia Ramis en tombant à genoux.
Kalen eut le cœur déchiqueté de voir son patron dans cet état. Il ne supportait pas de savoir qu'il était à l'origine d'un si grand malheur, nonobstant ce qui s'était récemment passé entre eux. Voilà qu'il était fini par tomber dans le piège qu'il voulait à tout prix éviter dès le départ. Il s'était épris de Ramis Winchester. Pourtant, il savait bien que cette idylle ne conduirait jamais à rien. Il était un fugitif et Ramis un chef gastronomique.
Il ne pouvait rien avoir entre eux.
Une idée traversa soudainement Kalen. Il avait perdu Ingrid, mais il avait encore Ramis avec lui. C'étaient des frères jumeaux. La moelle osseuse de ce dernier pouvait bien servir pour la greffe de Matteo. De toute façon, il n'avait plus le choix. Tony avait déjà tout apprêté pour la transplantation. Il n'attendait sûrement plus que le greffon. Et c'était le rôle de Kalen de le lui amener.
— Tout ce que je peux vous offrir, tonna-t-il,c'est de...pouvoir le rencontrer, une fois. Ramis ouvrit grand les yeux. L'enfant est très malade. Une leucémie de type myéloïde...le seul moyen de lui sauver lavie, c'est par une greffe de moelle osseuse. Or, il y a des chances que vous,ses parents biologiques, puissiez le sauver. Si tu acceptes, je te promets de te laisser le tenir dans tes bras une fois. C'est un deal gagnant gagnant.
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