Antonio Delacruz était le nom de cette piste. Si jamais les suspects s'étaient aperçus de l'intrusion de leur vie privée, il y avait fort à parier qu'ils aient dû trouver un nouveau QG. Et ce fameux docteur Delacruz pouvait connaitre son emplacement. Si Willow arrivait à le piéger directement, elle serait sûre de savoir où se trouvait l'enfant. 

Mais ce plan était trop dangereux pour inclure le stagiaire Xander Christoffel. Elle était en train d'aller à l'encontre de la déontologie de son métier.

Cette fois, elle allait blesser quelqu'un...et de façon préméditée. Elle en avait marre d'attendre que les choses arrivent. Il fallait qu'elle les provoque et, le plus vite possible. C'était donc décidé, elle allait piéger Antonio Delacruz...

***

— C'était quoi ce délire ? grogna Kalen en entrant dans la grande maison qui servait de demeure à Antonio. Vous m'expliquez cette histoire de caméras et de micros espions ?

Le petit Matteo rampa rapidement vers Kalen, en riant aux éclats. Il semblait heureux d'avoir un si grand espace de jeu rien qu'à lui. La maison d'Antonio et de Nina Delacruz n'avait rien à envier à celle des Lachenaie. 

C'était une véritable villa, avec un patio immense et un somptueux jardin. Le salon était fortement éclairé par des luminaires décoratifs, et un immense lustre pendait au plafond. Il y avait une grande fenêtre avec vue sur la mer, et des tableaux décoratifs étaient accrochés un peu partout dans le salon jusqu'aux premières marches de l'escalier boisé. Kalen prit l'enfant dans ses bras, l'air surpris.

— Il a appris à ramper ? s'extasia-t-il en rejoignant son ami dans la salle à manger aux murs ivoirins décorés de toiles azurées.

— Oui, sourit Antonio en aidant sa femme à disposer les couverts sur la table. Rassure-toi, j'ai enlevé de sa portée tout objet qui pouvait le blesser.

— Je ne me fais pas de soucis, tu es chirurgien.

Il salua la femme de son ami, lorsqu'elle entra dans la pièce avec un immense saladier. Elle lui répondit par un sourire, qui s'effaça aussitôt que Léaina les eut rejoints, un gâteau au citron entre les mains. Cette dernière s'attabla en face d'Antonio, à l'endroit même où Nina Delacruz aurait voulu s'asseoir. Elle se mordit la langue et prit la place à gauche de son mari, juste en face de Kalen Lachenaie.

— Qu'est ce qui s'est passé aujourd'hui ? s'enquit celui-ci en empêchant Matteo de grimper sur la table pour atteindre le gâteau, dont l'odeur citronnée de la meringue avait gagné toute la maison. Sans attendre qu'il en demande plus, Léaina lui raconta toute l'histoire dans les moindres détails.

— Ma foi, s'ils savaient que Léaina signifie lionne chez moi, dit-elle à la fin, ils auraient réfléchi à deux fois avant de me prendre pour une conne.

— Si seulement tu ne l'étais pas, marmonna Nina pour elle-même.

— Du calme, s'écria Léaina, je vais te rendre tes fringues. Tu devrais me remercier d'avoir fait ta lessive.

— Comment peux-tu être sûre qu'il y avait des caméras ? s'enquit Kalen.

— J'ai lu quelque part que les micros pouvaient parfois causer des interférences lors d'un appel téléphonique. Alors pour vérifier, j'ai appelé Anto.

— Antonio, la reprit Nina.

— C'est bien ce que je dis, j'ai appelé Anto. Et en me baladant dans la maison, j'ai pu constater des interférences pendant ma conversation. Ma fois, elle est courte mais pas stupide, la Léaina.

— Si tu le dis, soupira Nina.

— Ça veut dire qu'ils nous ont vraiment démasqués, réalisa Kalen, le regard perdu dans le vide.

— Si c'était le cas, répliqua Antonio, on serait tous en taule. Pas autour d'un gâteau qui sent merveilleusement bon.

Florida vint les rejoindre et réclama une part de pâtisserie avec autant d'autorité que pouvait l'avoir une fillette de huit ans.

— Ils ne sont pas loin de nous avoir, songea Léaina en tendant son assiette à Nina qui découpait le gâteau. Celle-ci ignora la rousse et continua de fendre violemment la pâtisserie crémeuse.

— Alors, suppléa Antonio, on doit rapidement trouver une alternative...

— Antonio ce n'est pas ton affaire, siffla Nina. Laisse Kalen et... (elle toisa Léiana) sa sœur gérer tout ça.

Kalen et Antonio baissèrent simultanément le regard. Nina n'avait pas tort. Ils l'avaient entrainé malgré elle dans cette sordide affaire dans laquelle elle n'avait jamais demandé à être mêlée. Son mari avait dérobé un enfant qui n'était pas le sien, il l'avait volé à une morte. 

Il continuait de collaborer avec Léaina Lachenaie, au nom de leur amitié. Et cette collaboration n'était pas pour plaire à Nina. La relation entre Léaina et Antonio était trop fusionnelle, trop forte à son goût. Elle en était à se demander s'il ne s'agissait que d'amitié... elle connaissait bien la signification de ce mot, et elle était capable de jurer qu'il s'agissait de bien plus que ça. 

Et voilà ce qu'était l'ironie du sort. Nina était coach en relations amoureuses, mais son mariage battait déjà de l'aile après seulement sept ans...

— Le bal masqué, proposa Léaina en avalant un morceau de gâteau. Nous devons tout miser sur cette cérémonie. Si nous arrivons à kidnapper Ingrid, Anto pourra faire le prélèvement de moelle osseuse incognito. Et une fois la vie de Matt hors de danger, nous quitterons Amsterdam, et jamais nous ne remettrons les pieds ici. C'est la seule solution qui s'offre à nous, le bal masqué d'Halloween.

— Tu ne vas pas me dire que tu comptes vraiment partir, se morfondit Antonio en versant du vin dans la flute de Léaina, alors même que celle de sa femme était encore vide. 

Cette dernière lança un regard assassin à son mari, mais il ne s'en rendit même pas compte. Kalen, qui avait bien remarqué le courroux de la blonde, lui servit du vin avant de remplir son propre verre. Antonio pouvait être maladroit des fois, tout le monde le savait. Nina le savait.

— Au bal masqué d'halloween, brama le chirurgien en levant son verre.

— Au bal masqué d'halloween, trinquèrent-ils tous.

Tous, sauf Nina Delacruz...