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Mai - 5.

Avec toute la lenteur du monde, il émergea des ténèbres si douces qui l'entouraient. Les ombres devant ses yeux se dissipèrent, le laissant face à un voile flou. Le rideau de sommeil qui occultait encore sa vision finit également par s'effacer. Il put alors contempler ce plafond d'un blanc crème qu'il connaissait si bien.

La première chose qu'il constata alors, c'était son manque de fatigue. Il n'était pas du genre à se réveiller facilement. Sa mère lui demandait parfois plusieurs fois de se lever avant qu'il ne daigne enlever sa couverture. Et ce simple fait lui coûtait une énergie monumentale. Aujourd'hui, il aurait pu bondir du lit dès son réveil. Pourtant, il demeura immobile, le regard dans le vague. Incapable de bouger, il laissa ses pensées vagabonder.

Il faisait plutôt frais ; une brise légère faisait danser les légers rideaux de velours suspendus, chatouillant son petit nez retroussé. Machinalement, la première chose qu'il voulut faire était de remonter sa couverture pour se blottir dans un cocon de chaleur. Mais quand il referma sa main sur du vide à l'endroit où devait se trouver sa couverture, il comprit que quelque chose clochait.

Il cligna des yeux, toujours agacé par ce brouillard permanent qui l'empêchait de voir correctement. Puis une évidence s'imposa à lui : il n'avait tout simplement pas mis ses lunettes. Il les chercha donc d'une main hésitante sur sa table de nuit, et les mit sur son nez.

Y voyant tout de suite plus clair, et cette fois parfaitement réveillé, l'adolescent observa sa chambre. Une grande pièce lumineuse. Les volets à moitié ouverts laissaient filtrer quelques rayons matinaux. Un léger sourire flotta sur son visage alors qu'il plissait ses yeux émeraude.

Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi reposé. Son corps ne lui envoyait plus d'ondes douloureuses et son cerveau semblait avoir fait de l'ordre dans ses idées. Ce n'était pourtant pas facile tous les jours. Hors de question de le montrer à qui que ce soit... surtout pas à lui. Mais il souffrait constamment. Chaque pas s'avérait beaucoup plus difficile que le précédent.

Ce matin, une question demeurait quand même au creux de son esprit.

Combien de temps tiendrait-il encore ?

Ce matin, précisément, il se sentait capable de soulever des montagnes, de traverser les océans à la nage, de... La liste pouvait s'étirer encore sur des kilomètres. Il se sentait prêt à réaliser tous les exploits possibles, à inscrire son nom partout sur le livre des records. Mais il savait bien que ça ne durerait pas.

Il secoua nerveusement la tête de droite à gauche tout en se redressant sur ses coudes, pressé à l'idée de chasser ses pensées parasites et de commencer une nouvelle journée...

Nouvelle journée qui ne pouvait que bien commencer, puisque Victor se trouvait juste là.

Il était reposé, tout semblait marcher comme sur des roulettes, et son petit ami ne se trouvait pas loin...

Son petit ami.

Yann se redressa d'un bond alors que Victor s'approchait du lit. Il le regardait d'un petit air narquois dont lui seul avait le secret. Un coup d'oeil rapide lui fit comprendre qu'il n'était pas l'heure d'aller en cours. Plus l'heure.

— Victor ? s'exclama-t-il. Mais, que...

— Tu me fais une petite place ?

Le blond ne percuta pas, aussi, il fallut que Victor désigne la place libre à côté de lui pour que l'idée se fraye un chemin jusqu'à son cerveau.

— Mais... On a cours !

— Oh, tout doux, le rassura Victor. Reste allongé.

— Mais ça va pas ! Qu'est-ce que tu fais là ?

En guise de réponse, Victor s'assit à côté de son petit ami, bascula ses jambes en dessous de la couverture et jeta un regard amusé à Yann.

— Je te l'ai dit, non ?

— Tu as...

— Oui, j'ai séché la deuxième heure pour te rendre une petite visite et piquer un somme dans ton lit, beau gosse.

— T'as séché ? s'étrangla Yann. Pour venir pioncer dans mon lit ?

Victor le dévisagea, l'air de ne pas comprendre.

— J'ai ramené Panda, déclara-t-il simplement en montrant l'adorable peluche.

— Victor !

— Oh, Yannou... Fais-moi un câlin au lieu de me disputer.

La moue de son petit ami ne mit pas longtemps à outrepasser les barrières de sévérité que Yann avait érigées. Il passa un de ses bras derrière les épaules du plus petit, ramenant sa tête contre son torse.

— T'as vraiment séché ? T'es pas bien !

— Mais non, ricana Victor. Enfin... Que la deuxième heure. On n'avait pas philo, aujourd'hui.

— Quand même...

— C'était le cours d'anglais, répliqua-t-il comme si ça justifiait son comportement.

Yann le savait : peu importe ses arguments, ça n'atteindrait pas le coeur amoureux de Victor. Et cette discussion n'aboutirait de toute façon que sur une dispute. Or, il n'avait vraiment aucune envie de ça. Un soupir franchit ses lèvres, résigné, vite remplacé par un sourire. Il était franchement préférable de saluer cette audace que de la lui reprocher.

— Il est quelle heure ? s'interrogea soudainement Yann.

— L'heure que je dorme, rit Victor en se blottissant davantage dans les bras du blond. L'heure d'histoire était beaucoup trop chiante !

Écrasé par le poids de Victor et par les bras de Monsieur Panda, Yann étouffa un grondement mi-amusé, mi-dérangé. Visiblement, pour l'adolescent qui s'endormait trop rapidement au goût de Yann, il n'y avait pas une mais deux peluches...

— Eh, Vic. Victor !

— Hein... Laisse-moi dormir...

— T'es sérieux ? grogna Yann. Tu me réveilles pour ensuite t'endormir juste à côté de moi ? J'ai la dalle, moi.

— Eh bah va dans la cuisine...

— Pour ça, il faudrait déjà que tu me laisses l'occasion d'y aller.

Victor souffla, mécontent de laisser partir celui qui, dans ses bras, devenait le meilleur doudou de l'univers. D'un geste malhabile qui le fit grimacer, Yann se leva, laissant son amoureux s'étaler de tout son long. Ce dernier le regardait partir d'un petit oeil espiègle. Le blond, tout en remettant de l'ordre dans sa chevelure, secoua la tête, l'air désapprobateur.

Une dizaine de secondes plus tard, Yann se retrouva dans la cuisine. Il écarquilla les yeux un long moment. Deux pensées lui traversèrent l'esprit : premièrement, il se demanda comment il avait fait pour trouver le temps de ramener ça. Et deuxièmement, il se dit qu'il avait probablement le meilleur petit ami du monde.

Il s'installa donc à table, ravi, une tasse fumante devant lui. Il se frotta les yeux encore brouillés de fatigue et respira longuement l'alléchante odeur du café. Les volutes enivrantes s'échappaient et dansaient dans l'air. Yann inspira un grand coup.

Soudain, sa gorge se bloqua. Il écarquilla les yeux. Non... ça ne devait pas arriver ; pas maintenant. Il ferma la bouche et serra les lèvres, retenant sa quinte de toux. Puis il toussa. Une première fois. Puis une deuxième, une troisième, une quatrième. Il ne devait pas se réveiller. Il ne devait pas le voir dans cet état. Yann plaqua la main contre sa bouche.

Même habitué, ça n'était jamais amusant et cette crise dura bien trente secondes, trente longues secondes, trente longues et détestables secondes qui lui parurent interminables.

Enfin, le silence retomba. Ce n'était qu'une petite crise, une de celles qui le touchaient au détour d'un effort trop intense ou d'une respiration mal contrôlée. Il soupira. Finalement, l'odeur de ce puissant café le ramena à cette journée qui avait si bien débutée.

Il contempla avec amour les croissants et autres viennoiseries qui se tenaient sur cette table si appétissante. Il observa même d'un regard avide l'éclair au chocolat qui se dressait fièrement au milieu de sa cour de gourmandises, comme un roi au milieu de ses sujets.

Victor avait vraiment pensé à tout. Il se désola seulement de voir qu'il n'avait pas pris son parfum préféré, mais ce n'était pas bien grave. Alors qu'il allait la porter à sa bouche, une voix affolée résonna dans la pièce :

— Non !

Yann s'arrêta en un instant et dévisagea son jeune compagnon, lequel arrivait en courant, une main désespérée tendue vers la pâtisserie convoitée. Il arriva en moins de temps qu'il ne fallut le dire et ôta sa gourmandise des mains odieuses et coupables de celui qui s'apprêtait à commettre le crime le plus impardonnable.

— Bah quoi ?

— Pas touche ! tonna Victor. L'éclair au chocolat est à moi !

— Tu t'es levé pour ça ? Mais comment...

— Mes sens me l'ont dit !

— Mais, je veux dire, factuellement...

— J'ai entendu la boîte.

— De si loin ? s'étonna Yann.

— Oui, de si loin ! Tu ne peux pas comprendre ! Tu n'as pas été choisi par les dieux.

— Les dieux ?

Victor dévisagea Yann, comme si c'était l'évidence même. La question était si bête !

— Du chocolat, évidemment ! Tous les mille ans, un élu est désigné parmi ce peuple de mortels au goût impur. Un seul élu qui a le pouvoir de reconnaître ce met des dieux à sa juste valeur, et...

— Ouais, en gros, t'as un pif de goinfre, quoi.

— Eh ! Critique pas mon nez ! C'est que t'es jaloux, hein ? Ouais, c'est ça, t'es jaloux !

— Bon, avale ton tonnerre au chocolat et ne m'enquiquine pas.

— C'est un éclair ! corrigea Victor.

— Toujours est-il que tu es en train de manger mon petit-déjeuner...

— Chouine pas, y en a un au café.

— Je me disais... C'était étonnant que tu n'aies pas pensé à m'en prendre un au café.

— Bah oui, monsieur se prend pour un adulte à aimer le café, siffla Victor.

— Je suis un adulte. Ne serait-ce pas là une pointe de jalousie par hasard, bébé ?

Les deux garçons finirent par prendre leur petit-déjeuner sous les protestations de Victor. C'était définitivement une bonne journée.

— Tu vas où ?

— Prendre ma douche, répondit Yann après avoir débarrassé la table.

— Oh, je peux t'accompagner ?

— Hein ? Mais...

— J'ai pas pris ma douche ce matin !

L'expression rayonnante de Victor balaya l'agacement de Yann, qui se contenta de lever les yeux au ciel.

— Et il en est fier...

— Oui, je peux, donc ?

— Ramène tes petites fesses.

Et il leva les yeux une seconde fois quand il entendit Victor pousser un cri de joie. Lorsqu'ils arrivèrent dans la douche, il ne fallut pas plus de deux minutes pour que les deux garçons se préparent. Yann prit un instant pour admirer le corps de son petit ami : plus petit que lui, il restait pourtant assez musclé, ce qui étonna fortement le blond. Victor avait beaucoup mûri depuis qu'ils se connaissaient. 

Il sourit devant la peau de son petit ami, plus douce encore que le velours. Les cheveux et le corps mouillés, il se montrait beaucoup plus séduisant. Ce n'était pas pour autant comme s'il faisait quoi que ce soit pour renforcer sa capacité à attirer le blond.

Ce dernier secoua la tête ; ce n'était pas le moment. Lorsqu'il croisa le regard de Victor, il rougit un instant. Il se rassura bien vite en constatant qu'il n'était pas le seul...

Il esquissa un sourire et se rapprocha un peu plus de son amant. Il posa ses mains sur ses joues et s'empara de ses lèvres avec une telle douceur qu'ils furent cloués sur place. Combien de temps avait-il fallu pour qu'il s'empare de ces lèvres ?

Sortis de cette douche moins rafraîchissante qu'ils ne l'auraient voulue à la base, les deux lycéens s'installèrent dans le salon. Yann poussa un soupir nostalgique en repensant à cette fascination qu'il avait pour Victor, et aux jeux de regards qui leur faisait passer le temps.

— Bon ! Maintenant que nous sommes prêts, on fait quoi ?

Victor réfléchit un instant. Il jeta un coup d'oeil à la télévision et une idée naquit aussitôt :

— Et si on regardait un film ?

Il leur fallut beaucoup de temps pour le choisir, mais ils parvinrent à le faire au bout d'une longue argumentation. Les deux garçons durent faire un compromis et, satisfaits, s'installèrent devant l'écran. Le film n'était pas le plus passionnant mais Victor s'en moquait bien ; il se trouvait à côté de Yann, ce qui lui suffisait. Il jetait des coups d'oeil rapides vers la tête blonde qui se blottissait contre son torse.

Bien qu'il était habitué à ces moments de tendresse, Victor ne put s'empêcher de sentir son coeur battre bien plus vite. Leur proximité était tout sauf anodine. Il chercha longuement dans son esprit quelque chose, une pensée, pour dissiper la chaleur volcanique qui gonflait dans tout son corps.

Lorsque le film s'acheva, Victor sentit étrangement une pointe de soulagement. Yann se redressa, heureux. Moins concerné par ce qu'ils venaient de visionner, le brun se jeta sur son portable et parcourut d'un oeil distrait les dernières actualités des réseaux sociaux.

— J'ai la dalle, se plaignit soudainement Yann.

— Moi aussi, répondit Victor. Je nous prépare un truc ? Eh mais attends !

— Quoi ?

— Il est quelle heure ?

— Midi trente, pourquoi ?

— Bah on a cours !

— Victor...

— On va être en retard...

— Victor, on...

— Allez, grouille-toi !

— Victor ! cria maintenant Yann, avant de tousser plusieurs fois.

— Quoi ?

Yann se reprit assez rapidement et observa tranquillement l'air impatient de Victor.

— On est mercredi. On n'a pas cours l'après-midi.

Un ange passa. Puis Victor s'étala contre le canapé.

— T'aurais pu me le dire plus tôt !

— Pas faute d'avoir essayé... marmonna Yann.

Victor ne répliqua pas. Rassurés, les deux garçons décidèrent de passer en cuisine. Très rapidement, l'hôte de la maison se plia au commandement de l'autre, véritable cordon bleu. S'il maniait bien quelque chose avec plus d'habileté qu'un jongleur, c'étaient les ingrédients et les ustensiles. Déjà, l'épisode des crêpes avait su lui mettre la puce à l'oreille. Mais, maintenant qu'il l'avait sous les yeux, il devait reconnaître l'évidence : ça dépassait de loin ses attentes !

Une vingtaine de minutes plus tard, Yann s'installa à table après l'avoir dressée. Une incroyable odeur s'élevait depuis la cuisine. Il poussa un petit soupir discret, veillant bien à ce que Victor ne le remarque pas. Il se sentait coupable de faire travailler son petit ami. Mais il ne tenait pas la comparaison en cuisine.

Et la beauté des assiettes que l'autre adolescent posa sous ses yeux ne fit que renforcer son impression. Deux omelettes, dignes de grands restaurants, se tenaient devant lui avec la fierté d'un couple royal. Les oeufs dorés renvoyaient autant de lumière que le lever du jour, promesse d'un nouveau moment d'intense bonheur. Les pommes de terre, croustillantes et moelleuses à la fois, dégageaient une odeur agréable. Quant à l'accompagnement, il se passait de commentaires ; une salade composée des plus alléchantes reposait aux côtés de ce plat formidable.

— C'est trop bon ! s'exclama Yann. T'as appris à cuisiner où ?

— Simple recette de famille, confia Victor avec un petit clin d'oeil.

— Tu m'apprendras à la faire ?

— Un magicien ne révèle jamais ses secrets, voyons.

Le repas se passa presque dans un silence religieux ; trop occupés à déguster ce plat semblant venir tout droit de l'Olympe même, ils n'échangèrent que quelques banalités en regardant la télévision.

— Habituellement, révéla l'écrivain, je ne regarde pas trop la télévision. Je suis plus... radio. Mais pour toi, je fais un effort.

— Sacré effort, ironisa Victor en observant le rictus de Yann.

— Oh, ça va, râla ce dernier en détournant le visage.

— T'as pris tes médicaments, au fait ? Je ne t'ai pas vu.

— Mes... De quoi ?

Son air innocent cachait clairement quelque chose. Victor fronça les sourcils.

— Tes médicaments, répéta-t-il, plus sérieusement.

— Oh, ça ? Euh...

— Tu les as pris ?

— Je vais les prendre.

— Yann ! T'abuses ! C'est super important ! Sans eux, dans quel état est-ce que tu serais ?

— C'est pas comme si ça allait changer grand chose.

La claque qu'il prit derrière la tête le fit grimacer. L'air grave de Victor ne laissait pas de place à la discussion ou à la plaisanterie.

— Va prendre tes médicaments, imbécile. Ou je te les fais avaler de force.

— Tu n'oserais pas.

— Je vais me gêner ! clama le petit lycéen en faisant mine de se lever.

— D'accord, d'accord ! J'y vais ! Caractériel, grogna Yann en attrapant sa boîte de médicaments.

Victor le regarda faire, affichant une mine dépitée. Il se retint de tout commentaire, de peur de gâcher leur journée, mais il se promit de lui en toucher deux mots une autre fois. La nonchalance du jeune artiste agaçait plus que de raison le cuisiner.

— Bon, on fait quoi, cet après-midi ? J'aurais bien envie d'écrire, annonça Victor.

— T'y as pris goût ? Dans les débuts, tu râlais...

— La ferme !

— Preuve que t'y as pris goût... Attends, on est le... Oh merde !

La mine de Yann se renfrogna quand il regarda son portable. Victor haussa un sourcil, intrigué par le changement soudain du comportement de son petit ami. Ce dernier lui lança un regard désolé.

— Je ne crois pas qu'on pourra, cet après-midi.

— Pourquoi ?

— J'ai rendez-vous avec Arthur.

— Hein ? Quoi ? Tu te fous de moi ?

— Non.

— Et pourquoi tu dois le voir ?

— Pour l'aider.

— Pour l'aider ? répéta Victor, incrédule. Et il ne peut pas demander à un autre ? A moins que tu ne veuilles l'aider ?

Cette fois-ci, il mima des guillemets en l'air en appuyant sur l'aide. Yann secoua la tête en soupirant.

— Eh... Tu crois vraiment que je vais te tromper ? C'est ça que tu insinues ?

— Pourquoi pas ?

— Victor, je te croyais plus confiant que ça. Je vais l'aider dans ses cours de littérature. C'est un gamin ! T'as absolument rien à craindre !

— Si je n'avais rien à craindre, tu ne serais pas obligé de le préciser.

— Mais c'est une blague, j'espère ! C'est toi que j'aime, sombre crétin.

— Ouais... Je crois que je ne devrais pas rester.

L'annonce figea Yann, qui regarda Victor, l'oeil vide. L'adolescent, sentant les griffes de la jalousie gratter lentement sa peau, se demanda un instant si ce qu'il avait entendu n'était pas le bruit de son coeur qui se brisait en mille morceaux. Les yeux de Yann, derrière ses lunettes, brillaient d'un éclat de tristesse qui lui fendit la poitrine avec plus de force qu'un troupeau d'éléphants enragés.

Il expira un grand coup. Rencontrer Arthur ne pourrait pas être une si mauvaise idée après tout, songea-t-il un instant. Il devait bien faire des efforts.

— Bon... C'est d'accord... Je reste.

— C'est vrai ? Merci, Victor... Je suis sûr qu'il te plaira.

— Si tu le dis, grommela l'intéressé.

Pour l'avoir déjà croisé plusieurs fois, il dut puiser dans toute sa mauvaise foi pour répondre de cette façon. Arthur avait l'air très charmant, et, chaque fois qu'il avait pu l'apercevoir, il avait eu cette envie de lui parler. Puis la jalousie reprenait souvent le dessus et il s'abstenait.

Une petite boule d'angoisse mêlée d'excitation monta dans son ventre quand Yann lui annonça que l'autre adolescent, élève de première, allait arriver dans une petite heure. Une heure qui s'avéra longue.

— Bon, il arrive ? Il a déjà cinq minutes de...

La sonnerie de l'interphone l'interrompit dans sa plainte. Yann disparut dans le couloir quelques instants. Une paire de secondes plus tard, Victor put entendre la porte s'ouvrir. Le nez dans son téléphone, il prêta tout de même une oreille attentive à l'échange entre les deux adolescents. Ce ne furent que des banalités, mais Victor sourit.

Victor adorait beaucoup de choses : observer les gens en faisait partie. S'il y avait bien une chose qu'il avait appris, c'était qu'on pouvait découvrir une bonne partie de l'univers des gens grâce à leur voix. C'était d'ailleurs la première chose qui l'avait attiré chez Yann. Le lycée était peuplé de garçons blonds aux yeux verts ou bleus ; ça ne manquait pas. Mais des adolescents avec une voix si parfaite... Ni trop grave, ni trop aiguë, le timbre légèrement vibrant d'authenticité... Sa voix le laissait rêveuse. Certains diraient qu'il avait une voix orgueilleuse. Victor la trouvait parfaite.

La voix d'Arthur se trouvait à l'exact opposé de celle de Yann. Timide, presque chétive, une voix bien plus douce qu'on pourrait le penser. Et ce n'était pas parce qu'elle était plus aiguë que la moyenne. Il y avait beaucoup de réserve chez ce garçon. Une réserve qui, tout de suite, attendrit Victor sans qu'il ne comprenne pourquoi.

Il étouffa un petit rire en se rappelant que le propriétaire de cette voix était plus grand que lui. Son regard s'attarda un moment sur la coupe de cheveux en bataille de son cadet, ses mèches courtes lui donnant un air nonchalant. Pourtant, ses yeux trahissaient une attention redoublée, un sérieux à tout épreuve, un calme limpide mais qui pouvait vaciller à tout moment.

Lorsque leurs yeux se croisèrent, les deux garçons prirent une posture amicale. Malgré tout, Victor remarqua un détail.

— Salut, lança Victor en premier. Arthur, c'est ça ?

— Oui, répondit calmement le lycéen. Et toi, tu es Victor ? Yann m'a beaucoup parlé de toi.

— Oh, moi aussi, j'ai beaucoup entendu parler de toi, sourit le brun.

Les présentations faites, ils commencèrent à échanger des banalités. Une pensée restait tout de même tapie au fond de l'esprit de Victor. Lorsque les yeux d'Arthur étaient tombés sur lui, il avait pu y lire une petite étincelle, bien qu'ils reprirent très vite un éclat normal.

Une étincelle déçue.

Yann prit rapidement les devants et proposa à Arthur de s'installer sur la grande table de la cuisine, un endroit bien plus confortable pour travailler. Ils le suivirent donc, alors que l'élève de Yann — si on pouvait l'appeler ainsi — se confondait en remerciements.

— Eh, zen, lui lança Yann. Je vais pas te manger.

— N'essaie pas de le déranger quand c'est la pleine lune, conseilla Victor en lançant à Arthur un petit coup de coude complice.

— Je... Je m'en souviendrai, répondit Arthur.

— Ne l'écoute pas, grogna Yann. Je ne mange que les vilains garçons. Et toi, t'es trop mignon.

— Eh ! s'agaça Victor.

— Euh... Merci, murmura le troisième en s'interrogeant sur la nécessité de répondre ça.

— Surtout que tu devrais me connaître, ce n'est pas la première fois qu'on bosse ensemble.

Les trois adolescents avaient fini de s'installer. Désormais, quelques livres et manuels se trouvaient étendus sous leurs yeux avides de terminer cette petite séance d'exercices. Arthur grimaça légèrement en lisant ce qu'il allait devoir affronter.

— Prêt ? lui lança Yann, un sourire compatissant aux lèvres.

— Oui... Il le faut bien, de toute façon... Merci de m'aider. A toi aussi, Victor, s'empressa-t-il d'ajouter en tournant la tête vers le concerné.

— C'est normal, répliqua naturellement le blond. Alors...

Ils se mirent au travail. Rapidement, Victor comprit que ça n'allait pas être ausssi désagréable qu'il ne le pensait. Arthur se montrait très volontaire, un peu trop même, et ses difficultés n'étaient pas aussi prononcées que Yann ne l'avait laissé entendre. En une petite heure, ils avaient bien avancé.

— T'es plutôt doué, lança Victor pour rassurer Arthur. T'as des lacunes en méthodologie mais tu t'appliques, t'es doué.

— Pas tant que ça...

— Mais tu fais de ton mieux, ajouta Yann. Et toi, tu écoutes, au moins !

— Touché, grommela la victime de cette petite pique.

Victor se leva de table pour se chercher un verre d'eau et en ramena un à ses camarades.

— Je ne t'ai pas vu l'année dernière, lança-t-il, t'es nouveau ?

— Oui... Mon père a obtenu une mutation, donc... J'ai encore changé de lycée...

— Encore ? Ce n'est pas la première fois ?

— Non... Mon père travaille dans une boîte qui nécessite pas mal de déplacements... J'ai déjà changé en cours de seconde.

— C'est pour ça que t'es souvent seul ?

Yann lui lança un oeil noir. La question, indiscrète, fit rougir le pauvre Arthur, qui baissa les yeux.

— Ah, ça... Je... Je suis un peu timide.

— On ne l'avait pas remarqué, ironisa Victor.

— Victor ! grommela Yann en réhaussant les lunettes sur son nez d'un air désapprobateur.

— Ce n'est rien. C'est vrai que ça se voit quand même... 

— Et du coup, demanda le blond, tu as réussi à parler un peu avec... comment felle s'appelle... Clara ?

— Sarah, le corrigea Arthur. Et non, pas encore. Enfin, rapidement...

— Je te l'ai dit, Tuthur. Il faut que tu lui parles. Sinon, tu n'arriveras pas à t'intégrer dans la classe si tu ne commences pas quelque part.

Victor tiqua mais ne fit aucune remarque. Un surnom ?

— Attends, tu n'as toujours pas parlé aux autres ? Mais t'es arrivé quand ?

— Il y a un peu plus d'un mois. Et si, je leur parle, c'est juste que... Je ne suis pas proche d'eux.

— Ah ouais, je vois. Le strict minimum.

Arthur acquiesça.

— C'est Yann qui m'a fait visiter le lycée, crut-il bon de préciser.

— Je vois.

— Ordre direct de Delacour. Mais ça m'a fait plaisir.

Arthur esquissa un petit sourire. Il était clair que ce simple compliment venait totalement de transporter le gamin sur un petit nuage.

— J'ai cru comprendre que t'étais assez côté ici, remarqua Arthur. Être accueilli par une pointure du lycée, je suis chanceux.

— On peut dire ça, ricana Yann.

Parfois, Victor oubliait le statut que Yann occupait dans cette cour immense que représentait le lycée. S'il n'en était pas le roi, il y occupait au moins une place de choix. Place de choix dont il bénéficiait des effets parfois mais qu'il ne pensait pas mériter... D'autant plus si on ajoutait les regards envieux des autres lycéens. 

Sauf de certains. Arthur en faisait visiblement partie.

Décidément, ce gamin lui plaisait de plus en plus, même si le fait qu'il soit proche de Yann ne lui plaise qu'à moitié. Il se mordit la lèvre, voulant faire passer ce sentiment de jalousie. Il le voyait dans le regard de son petit ami. Au plus, il voyait Arthur comme un oisillon fragile dont il fallait s'occuper pour qu'il apprenne à voler de ses propres ailes.

Mais, d'une certaine manière, c'était la façon dont il le regardait aussi. Cette simple grimace manqua de le faire grimacer.

— Bon, et si on reprenait ? lâcha-t-il soudainement, ne voulant pas continuer cette conversation.

Arthur obéit et se remit au travail, plein de bonne volonté. Yann lança un regard assassin à son compagnon, l'air de lui dire de faire un peu plus d'efforts avec son petit protégé. Victor fit mine de ne pas le voir et se concentra sur la leçon d'histoire à réviser. Comme il s'agissait de sa matière préférée, il s'y mit de bon coeur et conseilla l'élève de première sur la meilleure méthode à suivre, parla avec passion des guerres mondiales et lui promit même de lui donner un livre dessus.

— C'est trop cool, s'enthousiasma Arthur.

— C'est normal.

Dans l'ombre, Yann esquissa un sourire. Longtemps, il avait eu peur que Victor n'accepte pas Arthur. Mais l'enthousiasme du petit brun face à son élève commençait à lui enlever les trop nombreux doutes qui l'assaillaient. Et quand Victor lui promet de l'aider lui-même, il ne peut s'empêcher de sourire plus que de raison.

Alors qu'ils allaient enchaîner sur d'autres exercices, une sonnerie retentit. Yann jeta un coup d'oeil à Victor, qui s'étonna en voyant que ce n'était pas son portable, mais celui du jeune élève de première. Ce dernier, déjà timide, se referma comme une huître en prenant son portable. Il écarquilla les yeux un instant. Très court. Mais suffisant pour que les deux lycéens le remarquent.

D'un geste mécanique, Arthur se leva et s'éloigna, les priant de l'excuser. Sa voix s'étouffa presque. Victor s'installa à sa place lorsque ce dernier disparut au détour du couloir.

— Allô... ? Oui. Oui mon oncle. Je suis chez mon prof. Non, pas un professeur du lycée. Un élève qui veut bien m'aider. Je sais... Oui. Désolé... Oui, mon oncle. Comme tu veux... Désolé... Oui. Très bien... Promis. Je serai là. Au revoir.

La conversation, brève, s'acheva dans un silence glaçant. Victor et Yann s'échangèrent un regard entendu. Quand Arthur revint, son regard clair s'était voilé dans un brouillard imperceptible.

— Excusez-moi, dit-il d'une toute petite voix.

— Tout va bien ? s'enquit Yann, un peu inquiet.

— C'était mon oncle. Il veut que je rentre bientôt pour l'aider. Je vais devoir partir.

— Tu ne veux pas rester un peu avant ? Genre, boire un coup, se faire une partie... Histoire qu'on ne se quitte pas sur des devoirs !

Arthur esquissa un petit sourire désolé en refermant son cahier.

— Navré, mais ce sera pour une prochaine, les gars. Je ne peux... Je ne veux pas faire attendre mon oncle, se reprit-il. Il a besoin de moi.

Yann, comprenant qu'il n'obtiendrait pas ce petit moment, décida de raccompagner l'autre lycéen devant la porte.

— Merci d'avoir pris le temps de vous occuper de moi. J'espère que je ne vous ai pas trop dérangés, je sais que vous vouliez passer un peu de temps ensemble...

— Pas du tout ! s'empressa de répondre le blond.

— Vraiment pas, renchérit Victor. C'était cool quand même.

— Merci, alors... Passez une bonne soirée.

— A toi aussi !

Arthur fit un petit signe de la main et disparut dans les ombres de l'escalier, laissant seuls les deux lycéens. Et lorsque le silence gagna l'appartement, sans trop savoir pourquoi, Victor songea qu'ils auraient peut-être dû le retenir un peu plus longtemps.

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