Mai - 2.
Pour la troisième fois d'affilée, Victor vérifia que tout était bon. Il relut le message pour être sûr que rien n'aille de travers. Il ne faudrait pas que quelque chose capote. Absolument pas.
— Tout est bon ? demanda Yann.
— Oui. Je lui envoie...
— Oui.
— De toute façon, intervint Pauline, si vous continuez à réfléchir, vous ne l'enverrez jamais.
— Alors c'est bon !
Victor appuya sur l'icône. Le message partit, et leur coeur avec. Il poussa un soupir, soupir qu'il avait retenu depuis trop longtemps déjà. Il se tourna vers Yann et Pauline qui lui tendirent leurs mains : il les tapa avec énergie.
— C'est fait !
— Alea jacta est !
— Puisse le sort nous être favorable !
Les encouragements et les félicitations s'entremêlaient. Presque trois semaines s'étaient écoulées depuis qu'ils avaient terminé leur roman, et mis à part deux ou trois jours de repos, ils avaient mis toute leur énergie dans la réécriture de leur oeuvre
Ils avaient fait appel à plusieurs de leurs amis : Pauline, qui avait même réussi à convaincre son père de l'aider, Matthéo qui avait tout de suite été ravi de lire l'histoire de Yann, mais même aussi Naomi, qui par la même occasion avait forcé Jordan à travailler dessus. Angelo avait essayé également, mais, pris par le temps, avait fini par simplement apporter son soutien aux deux garçons.
Plus encore, ils avaient même persuadé leur prof de littérature étrangère de les aider ! Ce n'était pas gagné ; avec le baccalauréat, ils avaient fort à faire. Mais elle avait accepté de lire l'histoire ! Mieux encore, elle leur avait fait un compte-rendu. Plus nuancé que ceux de leurs amis, certes, mais relativement positif.
Ils savaient qu'ils y arriveraient.
Et aujourd'hui, ils avaient enfin pris leur courage à deux mains pour envoyer le manuscrit à une maison d'édition. Plusieurs, même ; ne restait plus que l'interminable attente d'une réponse. Victor avait relu plusieurs fois le message avant de l'envoyer. Il fallait que tout soit parfait.
Maintenant, il se sentait comme un oiseau à qui on ouvrirait les portes de la cage pour la première fois. Il ne savait pas quoi faire. Il savait qu'au loin, le ciel l'attendait, et avec lui la liberté et d'autres horizons. Il jeta un regard à Yann, en quête d'une aide quelconque qui ne vint pas. A la place, il retrouva les bras de Pauline qui vinrent le cueillir comme une pomme juteuse.
— Je suis tellement content pour toi, Totor...
— Merci, Lili ! C'était long, mais on a passé une belle étape. On va y arriver.
— Long ? Vous avez carburé, les gars ! Eh, allez, viens là toi aussi, grand dadet !
Ce qui était un câlin de meilleurs amis se transforma bien vite en câlin général. Yann se blottit contre Victor et accepta avec joie l'accolade de Pauline. Aujourd'hui, le ciel avait chassé les nuages. Que pouvait-il bien se passer ?
La charmante embrassade s'acheva sur un langoureux baiser entre les deux garçons. A ce moment précis, rien n'avait plus d'importance : ils étaient invincibles. Invulnérables. Rien ne pouvait plus les atteindre.
— Bon, et si on fêtait ça ? proposa Pauline. Avec de bonnes crêpes ?
Exclamations de joie. Personne ne pouvait résister à des crêpes. Encore moins celles de Pauline. Le petit groupe se dirigea vers la cuisine. Victor n'avait aucune idée précise du pourquoi ils avaient choisi la maison de Pauline pour envoyer leur manuscrit et passer cette étape fondamentale. L'idée que de passer cette étape fondamentale ailleurs que dans un lieu qui leur était vraiment familier s'apparentait à subir moins de stress.
Les trois adolescents passèrent donc l'après-midi à cuisiner. La bonne odeur des crêpes, réconfortante, gagna très vite la pièce. Inutile de s'attarder sur les dégâts ; une pièce dans laquelle se trouvaient trois esprits aussi rebelles et joueurs ne pouvait pas finir intacte. Victor prit finalement les choses en main ; il attrapa, avec confiance, la poêle dans laquelle cuisait la crêpe. Comme tous les chefs dignes de ce nom, il donna un magistral coup de poignet pour la retourner. Elle s'éleva, gracile, lancée dans les airs, majestueuse, splendide, appétissante. Elle décrivit un magnifique arc de cercle avant de retomber.
A côté de la poêle, évidemment.
Tout le monde éclata de rire, mais cet incident n'empêcha pas le jeune cuisinier de recommencer. Pauline, toujours pliée en deux de rire, épousseta ses cheveux qui laissent tomber une légère bruine farineuse.
— Et il est passé où, le maître de la cuisine ? se moqua-t-elle.
— Oh, ça va, gronda-t-il, ça arrive à tout le monde de rater sa cible !
— A ce point-là, je crois que c'est plus que raté à ce niveau-là... dit Yann.
— C'est ça, de vouloir faire son intéressant devant son petit ami.
La remarque de Pauline fit rougir Victor. Il regarda tour à tour son petit ami et sa meilleure amie, écarlate.
— Mais... Mais non ! je... Je... N'importe quoi, d'abord ! Et arrêtez de vous foutre de moi !
— Oh, allez, mon coeur. Ne fais pas la gueule, tu sais qu'on plaisante ! le calma Yann. Désolé. Je voulais pas te vexer.
— Non, c'est bon, soupira Victor. Je boude.
— Quel dommage, on m'a dit que tes crêpes étaient les meilleures de cette ville.
— Eh ! protesta Pauline. Tu pousses pas le bouchon un peu loin ? Ses chevilles vont gonfler.
Mais Victor coupa tout débat en se dépêchant de préparer les autres crêpes, qui, cette fois, furent un succès. Elles s'accumulèrent, prêtes à être dévorées.
— Où est Martin, au fait ? demanda Victor.
— Chez un copain. Il devrait y rester encore une heure ou deux.
— Cool ! C'est bien qu'il sorte un peu.
— Ouais. Il reste un peu trop à la maison, c'est vrai. Vraiment pas comme moi, rit-elle de bon coeur. Ah mais j'y pense ! Ce sera la première fois qu'il te verra.
— Peut-être, répondit Yann en comprenant qu'elle lui parlait. Ah, mais non ! On s'est déjà croisés. Tu te souviens ? Au centre-ville, il y a...
Elle ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase. Elle approuva vivement devant l'oeil curieux de Victor.
— Mais oui, je suis con !
— Conne, fit remarquer Victor.
— Pardon ?
— On oublie un peu trop les accords.
— Je vais t'accorder moi, tu vas voir !
Sous les yeux hilares de Yann, Pauline poursuivit Victor à travers tout l'appartement, la première promettant de faire payer cet affront, le second d'être sage s'excusant. A bout de souffle, il finit par s'échouer sur le canapé. L'adolescente sauta sur l'occasion et chatouilla le pauvre garçon jusqu'à l'épuisement. C'était souvent ainsi : un bon goûter pouvait se transformer à tout moment en chamailleries...
Le ventre bien rempli, ils s'installèrent ensuite sur le canapé, happés par la série culte du moment. Victor poussa un petit soupir satisfait ; il pouvait enfin relâcher la pression après plusieurs semaines à penser négativement. Penser à autre chose.
Il laissa son esprit vagabonder durant toute la durée du programme. Dans un soupir ennuyé, sa tête bascula en arrière. Il s'attira dans ce mouvement une oeillade intriguée de Pauline. Elle devait très certainement se demander ce qui lui prenait, lui qui était resté désespérément silencieux. Son regard s'attarda sur Yann en songeant que lui non plus, il ne le savait pas vraiment.
Le soir, Pauline les avait gentiment invités, comme convenu plus tôt, à manger chez elle. S'il ne fallut pas beaucoup de temps pour convaincre Yann, ce fut une autre paire de manches pour Victor. Sous l'insistance de ses deux amis, puis de Martin qui était rentré, il finit par accepter. Pourquoi avait-il hésité ? Lui-même ne le savait pas vraiment. Mais il sentait le poids d'une solitude infondée peser sur ses épaules. Une étrange solitude. Non pas de celles qui envahissent le corps et pèsent lourdement. Plutôt celles qui se profilent à l'horizon. Celles qui annoncent le silence à venir. Celles qui empêchent de voir le paradis à portée de main parce qu'on voit les portes de l'enfer.
Il ne cessa de ruminer ces infâmes pensées pendant un long moment. Absent, excédé de sa propre indifférence, Victor prétendit avoir besoin de prendre l'air et s'éclipsa quelques instants sur le balcon. Plus il réfléchissait, plus il lui paraissait évident que le problème avait un nom.
— Tout va bien ?
Inutile de se retourner pour savoir à qui appartenait cette douce voix. Yann venait de le rejoindre, lui qui était la cause de tous ses tourments. Victor tenta de contenir sa nervosité.
— Ouais...
— Sûr ? C'est pas ton habitude de t'éloigner comme ça. Je sais que t'es discret, mais t'as pas décroché un mot pendant tout le film.
— Il n'était pas très intéressant.
— Tu ne te gênes pas pour le dire. D'habitude, je veux dire.
Yann s'approcha alors et s'accouda sur le balcon aux côtés de Victor. Ce dernier fixait un point à l'horizon, mais sentait le regard de son petit ami peser sur lui.
— Je sais reconnaître la mélancolie quand je la vois.
— Je ne suis pas...
— Tu n'es pas forcé de m'en parler, Victor. Je sais que c'est dur. Mais je veux juste... te dire... Je suis là. Je t'écouterai. Je ne vais pas t'obliger à le faire ; tu prends la décision avec laquelle t'es le plus à l'aise. Mais je suis là.
— D'accord.
Victor laissa glisser le silence quelques secondes avant de prononcer la question qui le taraudait depuis le début de la soirée.
— Et quand tu ne seras plus là ?
Une lueur encore inconnue passa dans les yeux de Yann. Ils n'osaient même plus se regarder en face. Victor avait mis le doigt sur un point sensible. Un point qu'aucun des deux garçons n'arrivait à affronter de face. Une épine dans le rosier de leurs délices.
— Quand je ne serai plus là... répéta-t-il, rêveur. C'est ça, qui te tracasse ?
— Me tracasser ? C'est un euphémisme, ouais ! Ouais, ça me tracasse, comme tu le dis si bien. Mon mec va mourir et je ne peux rien faire pour empêcher ça. Il n'y a plus que le désespoir devant moi.
— Ne dis pas ça.
— Parce que toi, ça ne te tracasse pas ?
La question, cruelle, avait fusé sans qu'il ne puisse la retenir. Cruelle... Oui, c'était cruel. Désobligeant. Sadique. Bien sûr que ça devait le tracasser. Comment pouvait-il en être autrement, alors qu'il n'avait d'autres choix que de regarder le sablier de son existence s'écouler ?
Yann ne répondit rien, mais son silence ne nécessitait aucun mot. Un vent frais caressa leurs cheveux.
— Désolé, lâcha Victor. C'était nul. Bien sûr que oui, ça te tracasse. Et plus que moi. Comment ça pourrait en être autrement ? Celui qui souffre, c'est toi. Pas moi. Tu affrontes quelque chose que je n'ai jamais traversé. Enfin, seulement en tant que spectateur. C'est pour ça que ça me fait péter un plomb. Désolé.
Victor ponctua sa tirade d'un petit rire.
— Pour quelqu'un qui pète un plomb, tu gères vraiment bien ! remarqua Yann. Victor... Je comprends ce que tu ressens. Ce que j'affronte, tu l'affrontes aussi. Et tu n'as pas à t'excuser de souffrir. Ce qu'on traverse est chiant.
— Chiant ? Pourquoi utilises-tu des euphémismes pour parler de... ce qu'on traverse ?
— Pourquoi utilises-tu des périphrases ?
— Un point partout. Visiblement, on a encore un peu de progrès à faire.
— On n'utilise même pas les bons mots. Pour des littéraires, ça craint.
— On craint, rectifia Victor avec une grimace.
Yann lui offrit un petit sourire. Ils craignaient peut-être, mais ils craignaient ensemble. Peut-être était-ce là le principal.
— Je ne saurais vraiment pas quoi te répondre, pour être honnête, lâcha Yann. Tu te souviens le nombre de fois que je t'ai dit qu'il ne faut pas perdre du temps ? Je pense que... Tu sais... Je crois avoir une théorie là-dessus.
— Ah bon ? Les théories, c'est pas trop ton truc, d'habitude.
— Pour une fois, si, sourit-il. Je pense que le temps peut être éternel.
L'ironie aurait eu de quoi faire sourire n'importe qui. Victor n'esquissa aucun mouvement, absorbé par les paroles de Yann.
— Si on construit quelque chose, on aura l'impression de sauvegarder un petit bout d'éternité. C'est évident que le temps n'est pas éternel. Mais on peut suffisamment s'y habituer pour passer outre. Ce que je veux dire, c'est que... qu'il nous faut continuer à construire ce qu'on a déjà commencé à bâtir, mais en s'épargnant l'énergie négative qui nous envahit dès qu'on pense au temps.
— Quoi, tu veux qu'on s'extirpe du temps ?
— En gros, oui. Se créer un paradis qui n'en finit pas. Un genre de monde qu'à nous, où même si on est loin l'un de l'autre, ça ne changera pas grand chose.
Yann poussa un petit soupir. Victor fronça les sourcils, croyant sentir l'odeur de l'ivresse. Il jeta un coup d'oeil à la bière posée sur une petite table. Pourtant, Yann n'était pas ivre. Pas complètement. Le brun haussa les épaules : après tout, il s'en fichait bien. Ce que lui offrait Yann importait plus que de savoir s'il le faisait avec une aide extérieure ou non.
— C'est dingue, commenta Victor. On a accompli un tas de trucs. J'ai l'impression d'avoir réussi ma vie. Mais alors ça...
— Oui, c'est dingue. Rendre le temps éternel, en fait, je crois qu'il y a une seule façon de le faire. Laisser une trace dans le monde. Et laisser courir cette trace à travers le temps.
Yann se tourna complètement vers Victor. Pour la première fois depuis leur discussion, leurs yeux se croisèrent, et Victor retrouva dans les yeux verts qui lui faisaient face l'intensité des premiers jours.
— Victor... Quand je ne serai plus là, je veux... j'aimerais que tu avances et que tu accomplisses tes rêves. Vis comme si tu vivais avec moi.
— Yann...
— Sois l'homme avec qui j'aurais aimé finir vieux et décharné et souris au monde pour moi.
Victor se mordit la lèvre inférieure. Ces mots avaient un arrière-goût de dernières volontés. Le mot sonna étrangement à ses oreilles. Sa volonté. Voilà ce que Yann lui transmettait à ce moment précis. Le ciel lui tombait sur la tête. Imaginer vivre sans l'amour de sa vie. Insupportable. Et il lui faudrait en plus vivre pour deux. Comment faire, quand exister pour soi-même paraît déjà si compliqué ? La mission qui lui était confiée n'avait pas l'allure d'une banale mission de routine. C'était son âme entière qui se trouvait à présent entre ses mains.
Aujourd'hui, sur ce balcon, accompagné de celui qu'il aimait de tout son coeur, ça lui semblait presque accessible. Devant son sourire, Victor se sentait prêt à tout. Mais quand il disparaîtra... Lorsqu'il aura plongé dans le grand bain, sera-t-il encore capable de nager ? Non. Pas de nager... de surfer sur les vagues qui voudront l'engloutir ?
Cette simple pensée lui refila la nausée. Victor serra les poings pour faire passer cette énergie négative qui le traversait. Il sourit en retour au blond. Un effort monumental qu'il faudrait marquer dans le livre des records. Catégorie : meilleur menteur. Mais comme les mots ne venaient pas, il se contenta de hocher la tête, solennel.
— Je t'aime tellement.
C'était simple, efficace ; loin des odes poétiques qui faisaient vibrer ses oreilles les premières fois. Pourtant, ce soir, les quatre mots qu'il venait d'entendre en avaient résumé mille.
— Moi aussi. Je me demande vraiment comment je vais faire pour tenir sans toi.
— Pense à ce que je t'ai dit. Tu ne seras jamais seul. Tu n'auras qu'à m'appeler : je serai là.
— Tu seras là ? rit Victor. Et comment ? Tu vas annuler ta partie de cartes avec les anges pour venir me voir ?
— Bah... Je risque d'être très occupé, effectivement. Mais je te promets que je serai là. D'une façon ou d'une autre. Puis... Je suis là. Regardons le présent en face. Sans nous défiler. Tu sais pourquoi ? Pour éviter le maximum de regrets. Ce sont les regrets qui tuent le plus.
Il marquait un point. Vivre avec des regrets ne faisait pas partie des plans de Victor. Surtout pas après cette année. Cette année durant laquelle il avait réussi à être heureux aux côtés de Yann. Réaliser un de ses rêves. Délaisser le poids de son passé. Les regrets ne devaient pas exister.
Il cassa la distance entre leurs corps et passa une main derrière sa nuque. La simple sensation de leur peau se collant le marqua. Une pensée terrible l'envahit. Bientôt, il ne serait plus capable de sentir ce contact. Il la chassa aussitôt, lui préférant la force tranquille de son petit ami qui lui inspirait bien des mots doux. Pourtant, il ne prononça aucun mot. Ils s'approchèrent juste un peu plus, et la collision de leurs lèvres combla le silence.
De plaisir, Victor ferma les yeux. Il savoura l'incroyable ballet de leurs langues, s'entrechoquant, virevoltant, plongeant et remontant avec grâce. L'odeur légère et boisée qui émanait du cou de Yann remontait jusqu'à ses narines. Il se pressa un peu plus contre son amant. Un râle échappa au blond. Victor approfondit alors leur baiser, pressant un peu plus son corps contre le torse de Yann. Il sentit deux puissantes mains passer dans ses cheveux. Quelle douceur... Les mots s'embrouillaient dans son esprit.
Rien ne pourrait les déranger.
— Victor ! Victor ! Viens voir ! Tu peux venir m'aider à éclater le boss ?
Les adolescents se figèrent, glacés par la petite voix fluette qui venait de les interrompre. Ils se séparèrent aussi vite qu'ils purent. Victor se posa contre la rambarde du balcon, adoptant la position la plus naturelle possible. La joie de se retrouver seul avec Yann lui avait fait oublier où ils se trouvaient et qu'ils n'étaient pas seuls.
Martin, devant la baie vitrée, les regardait d'un air surpris.
— Euh... commença Victor. Je... C'est super !
Heureusement, il se reprit assez vite. Il offrit un grand sourire rassurant à Martin. Le gamin les regardait avec de grands yeux. Victor commença à se détendre. Après tout, il était au courant.
— Je te rejoins dans deux minutes, avance en premier, bonhomme.
— Dans deux minutes ? Et pourquoi pas tout de suite ?
— Euh... Bah... Parce que... Je dois dire un secret à Yann, hasarda Victor.
Il savait qu'il allait regretter cette réplique pour le mois à venir, vu le petit rictus que le blond arborait.
— Un secret ? répéta envieusement Martin. Tu peux me dire ? S'il te plaît ?
— Euh... Bah c'est un secret.
— Quoi, comme secret ? Ah, j'ai compris !
— Euh, ah bon ?
— Ouais ! Vous allez vous dire des secrets d'amoureux ?
Yann et Victor se regardèrent, rouges, surpris par la perspicacité du petit frère de Pauline. Victor passa une main dans la chevelure rousse du gamin.
— Je peux pas te dire oui ou non, ricana-t-il. Top secret.
— Mouais, répondit l'enfant, peu convaincu.
— Martin ! Arrête d'embêter Victor ! gronda Pauline depuis le salon.
La réprimande de sa soeur glissa dans l'oreille du petit pour ressortir de l'autre. Victor lui fit signe de retourner dans sa chambre.
— Vous êtes trop beaux, lâcha le petit avant de disparaître dans le couloir.
Ce compliment était si spontané qu'il figea les deux adolescents.
— L'avenir n'est peut-être pas si désespéré que ça, sourit Yann.
— Oui. Il t'adore, répliqua Victor.
Le silence s'imposa entre les deux jeunes artistes. Ils admirèrent calmement la tempête de la jeunesse. Tout n'était peut-être pas perdu...
— Alors comme ça, t'as un secret pour moi ? se languit Yann.
— Hein ? Euh... J'ai dit ça...
— Pour le faire partir ? Je n'en crois pas un mot. Foutaises.
Les joues de Victor se colorèrent d'un beau rouge. Gagné.
— C'est un secret. Tu crois quand même pas que je vais te le dire si facilement ?
— C'est un défi ?
— Peut-être... Peut-être pas ! ricana Victor nerveusement.
Finalement, ils décidèrent de rejoindre Martin. Victor sourit. Il savait qu'il en aurait pour des jours. Mais tant pis, ça en valait bien la peine. Ce petit jeu compensait l'épais vide qui régnait dans son cœur...
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