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Juin - 13 (1).

La première fois que Victor s'était rendu à un enterrement, c'était lors du décès de son grand-oncle. Il ne l'appréciait pas vraiment et n'avait que peu de souvenirs de lui. Avec ses parents, il s'était installé au fond de l'église, sur un banc, entouré de gens qu'il avait vaguement connus. Des têtes qui ne lui disaient pas grand-chose. Il n'avait pas vraiment pleuré, seulement pleurniché à cause de la longueur de l'événement, de l'ennui, du temps maussade et, aussi, par mimétisme.

D'une certaine manière, ce souvenir le rendait honteux. Il comprenait bien pourquoi les gens pleuraient, mais il se doutait déjà, à cet âge, qu'il n'avait pas été le seul à verser des larmes parce que c'était la raison précise pour laquelle on se rendait aux enterrements. Les enterrements, ça ne servait qu'à transformer la graine des vivants en un arbre des souvenirs. Plus on en possédait, plus l'arbre était haut et faisait des fruits.

Le jour de l'enterrement de Yann, son arbre était si fleuri que faire un pas devenait une tâche insurmontable. Il lui fallut toute l'énergie du monde pour se lever. Mais plus les minutes s'écoulaient, plus Victor eut l'impression de regagner en énergie. Il s'habilla en quatrième vitesse, endossa un costume noir comme la nuit, bien éloigné des mèches enneigées qui fleurissaient sur la tête de Yann peu avant qu'il n'emprunte le chemin de l'hôpital, se coiffa rapidement.

Planté devant le miroir de sa chambre, Victor prit une bonne minute pour s'observer. Il soupira. Pendant quatre jours, il avait passé une trop grande quantité d'heures sans voir la lumière du jour. Ce jour-là, elle inondait toute la pièce d'un éclat salvateur. Les murs empestaient l'odeur fade de la solitude et de la pénombre. Il aurait presque pu humer les fragrances iodées de ses larmes.

Son reflet lui lançait un regard misérable ; des cernes pendaient sous ses yeux. Le teint blafard mais la chevelure bien ordonnée, Victor se sentait hors du temps. Ses prunelles d'enfant contrastaient avec son allure d'homme. Quel désastre... Il s'offrit un sourire pathétique pour se donner un peu de courage. Tout allait bien se passer. Du moins autant que possible. Tout le monde allait venir : ses parents, Pauline, Arthur... Tout le monde allait le soutenir. Il retint un haut-le-coeur et souffla. L'enterrement n'était-il pas l'événement le plus dur ?

Après, tout serait fini.

— Et toi, qu'est-ce que tu en penses ?

Un ronronnement lui répondit. Chamallow le fixait de ses grands yeux verts. Le chaton, confortablement installé sur son lit, s'étira et sauta au sol. Il avança d'un pas gracieux vers son maître, une petite queue levée comme un point d'interrogation. Victor l'observa faire, une pointe de tendresse lui déchirant doucement la gorge. Chamallow... Ce petit chaton qu'ils avaient recueilli... Deux mois s'étaient écoulés depuis ; il avait bien grandi, mais gardait son adorable minois. Sa bouille lui rappelait, chaque fois qu'il la voyait, l'air joyeux et bienveillant de Yann.

Cécile avait jugé bon de le laisser à Victor. Elle lui avait dit que ça lui ferait du bien. Après tout, c'était Yann qui avait insisté pour le garder. C'était leur chat, leur boule de poils, et elle ne se voyait pas lui refuser ce réconfort. Cela faisait une semaine que Chamallow occupait sa chambre ; il l'avait récupéré alors que Yann était à l'hôpital.

— Tu as raison, souffla Victor. On verra ça là-bas.

— Mon chéri ? demanda sa mère à travers la porte. Tu es prêt ? C'est l'heure.

— Oui, répondit-il. C'est l'heure.

L'ambiance devant les portes de l'église était étrange. Tout le monde se serrait dans les bras, échangeait quelques mots qui sonnaient comme d'interminables silences. Des têtes nouvelles sortaient du lot, des têtes que Victor ne reconnaissait pas, déformées par l'incompréhension et la tristesse. Parmi la masse d'inconnus, il repéra quelques-uns de ses camarades de classe qui avaient fait le déplacement. Victor serra les poings. Il aurait aimé que le couvercle gris qui toisait leurs têtes de sa laine pluvieuse décharge ses torrents furieux sur leur audace. Comment pouvaient-ils se montrer, eux et leur hypocrisie ? Une vague de colère le démangeait.

— Il aurait certainement écrit quelques vers, ça l'aurait inspiré...

Victor ne sursauta pas et se tourna vers Pauline. Elle se tenait à sa gauche, une main posée sur son épaule. Comme la plupart des gens ici, elle s'était vêtue sobrement. Seules ses boucles d'oreilles et ses mèches flamboyantes brillaient dans la grisaille.

— Peut-être. Il aurait aussi peut-être parlé à la plupart des gens ici. C'est dingue comment les certitudes disparaissent quand quelqu'un nous manque.

— Tu te sens prêt ?

— Autant qu'on le peut.

L'argument n'était pas tant pour son amie que pour lui, mais il fonctionna tout de même. D'un air grave, elle hocha sa tête soucieuse et porta son regard sur la petite bâtisse religieuse qui s'offrait à eux. Ce fut à ce moment que, pris d'un désir maladif de fuir le manteau de tristesse qui recouvrait le monde, Victor se détourna de cette vision.

Arthur, debout, à quelques pas d'eux, observait ce triste décor. Sa tenue, aussi grise que la lame d'une épée, le grandissait. Il dépassait d'une tête une bonne partie des gens présents, posant son regard hagard sur tout ce qu'il bougeait. Son visage, sans toutefois être aussi terne que celui de Victor, avait perdu de ses couleurs. Sa peau de lait, fatiguée, marquait autant sa fatigue que sa tristesse. Ses grands yeux bleus glissaient sur les passants sans jamais s'attarder. La seule pointe d'été dans ce monde infernal, songea Victor en le détaillant silencieusement.

Il faisait lourd. L'air, pesant mille tonnes, étouffait de ses bras meurtriers les poumons téméraires qui avaient l'audace de venir ici. Victor, taquiné par les gouttes qui ruisselaient sur son front et ses joues, les épongea du revers de la main, peu désireux de ne pas être parfait le moment venu.

Victor crut bien un moment, lorsqu'il accrocha le regard d'Arthur, que ce dernier allait fuir. Il avait l'allure d'une bête sauvage, blessée dans une course folle, prête à ramper pour se terrer dans les ténèbres. Cette pensée berça tendrement le garçon. N'était-ce pas la solution la plus facile ? N'était-ce pas là un sort plus enviable que de devoir affronter cent paires d'yeux, porteurs des mots qu'on ne voulait pas entendre ? Pourtant, son jeune ami, loin de choisir cette solution, ne se défila pas et approcha même d'un pas hésitant. Il ne lui en aurait pas voulu, s'il avait été absent ; lui-même peinait à trouver le courage d'être là — et d'être, tout simplement —, parmi tous ces visages inconnus. Seul un miracle agitait son corps comme une tendre poupée de chiffon, répondant aux sourires par d'autres petits étirements de lèvres, aux accolades par d'autres contacts physiques éphémères, aux larmes par des cascades de tristesse silencieuse.

Arthur s'arrêta devant lui. Les deux adolescents restèrent immobiles une poignée de secondes. Puis il lui présenta une main tremblante. Victor la saisit avec douceur. Il crut tenir du coton. L'émotion bouleversait ces âmes en peine. Cet océan de tristesse les submergea et Arthur prit aussitôt Victor dans ses bras. Surpris, le brun se laissa faire. Arthur agrippait sa veste de ses mains enfantines, secouées de spasmes affreux.

Un silence gênant flotta quelques secondes, troublé par les soubresauts du plus grand. Arthur avait grand-peine à retenir ses larmes, et il reniflait, comme un enfant privé de ses parents. Victor sentit le trou dans son coeur se métamorphoser en gouffre. Un gouffre sans fond. Il aurait aimé pouvoir lui parler. Il aurait aimé pouvoir lui caresser la tête, comme Yann le lui faisait quand la tristesse érodait sa joie. Il aurait aimé sécher ses larmes du bout des doigts.

Il se contenta d'un pauvre sourire et d'une tape sur l'épaule. S'il commençait à pleurer maintenant, il ne serait plus qu'une horrible masse grouillante de désespoir.

— Tu... Tu vas bien ? osa-t-il demander.

Victor manqua de se gifler. Il ne pensait pas pouvoir être plus maladroit. Arthur ne sembla pas remarquer l'indélicatesse de sa question et acquiesça doucement.

— Pauline et sa famille sont très gentils avec moi, répondit Arthur d'une toute petite voix. Ils sont très gentils tout court...

— Je suis le mieux placé pour le savoir, acquiesça Victor

Il ne riait pas, mais ses mots chantaient un petit ricanement. Un silence compréhensif accueillit cette réponse. Quelques secondes plus tard, les deux adolescents rejoignirent Pauline qui échangeait de petits regards discrets avec ses parents.

— Et Martin ? demanda le brun.

— Il voulait absolument venir, répondit-elle, un petit soupir dans la voix. Mes parents ont refusé. Ils ont dit que ce n'était pas un endroit pour les enfants.

Victor médita longuement ces mots. Les enterrements n'étaient pas un lieu fait pour les enfants, disait-on. Pourquoi ? Les enfants étaient-ils incapables de comprendre la mort ? Ou les considérait-on gênants parce qu'ils étaient synonyme d'une vie ? Les enfants n'étaient dès lors qu'un contraste insupportable dans ces lieux où sommeillent les regrets. Un haut-le-cœur saisit l'adolescent. Les enterrements rassemblaient tout l'amour du monde pour les donner aux fantômes partis. Si les enterrements, lieux où toute la vérité universelle sur le monde, cruel et plein d'amour, n'était pas fait pour les enfants, alors quel lieu pouvait mieux leur apprendre la vie ?

Emporté par un mouvement de foule indolente, il n'eut plus le temps de se perdre en pensées philosophiques. Tout le monde commençait à entrer dans l'église. Un parfum d'encens, trop écoeurant pour le coeur fragile de Victor, s'élevait dans l'air. Âcre et trop sucré à la fois, les fragrances de vanille brûlée frappait ses narines.

— Yann aurait détesté, grogna-t-il pour lui-même.

Accompagné d'Arthur et Pauline, il s'installa au premier rang. Un pauvre sourire désolé soulevait ses lèvres. Si on lui avait dit qu'il s'installerait au premier rang pour spécialement assister au départ définitif de l'amour de sa vie, alors il aurait ri. Néanmoins, il n'y avait pas de quoi rire et il resta de marbre durant tout le discours du prêtre. Il chercha du regard Cécile, assise à l'autre extrémité de la rangée. Elle était perdue dans ses pensées. Le dos droit bloqué dans un immobilisme glacial, la quadragénaire dévorait des yeux le bois couleur miel du cercueil, comme si, l'espace d'une courte et terrible seconde où tous les espoirs étaient permis, elle pouvait faire éclater le cercueil de sa simple volonté et redonner vie une seconde fois à cette âme de poète qu'elle avait portée il y a déjà tant d'années.

Dans sa béate contemplation, il distingua les visages fermés de certains lycéens. Les sanglots aigus de Doriane lui percèrent les tympans et le cœur, tandis que Mathéo pressait sa main avec une infinie tendresse. Angelo, bien plus émotif que son frère, peinait à retenir ses larmes qui roulaient déjà sur ses joues bronzées. Victor détourna le regard sur Jordan et Naomi au moment où il inspirait bruyamment. Le petit couple observait l'assemblée d'un air tendre mais un peu ennuyé, se demandant sûrement pourquoi ils avaient fait le déplacement. Certes, ils appréciaient Yann, mais au milieu de toute cette foule profondément touchée, ils se sentaient certainement de trop.

Victor ne connaissait que trop bien ce sentiment. Il serra la feuille qu'il tenait précieusement entre ses mains. Cette feuille dont il avait lu le contenu mille fois, jusqu'à ce que trône la lune dans un ciel sans étoiles. On appela d'abord Doriane, ce qui l'agaça. Qui, de moins légitime qu'elle, se trouvait dans cette pièce ? Elle parla d'une voix qui se voulait la plus claire possible, articula chaque mot, expliqua à quel point elle tenait à Yann.

— Je connais Yann depuis que j'ai commencé à prendre conscience du monde qui m'entoure, expliqua-t-elle, des trémolos dans la voix. Vous savez, cette belle période qu'on appelle l'adolescence. On s'est beaucoup aidés. Je suis restée à ses côtés assez longtemps pour me permettre de le dire : je l'aimais de tout mon cœur. C'était un garçon exceptionnel, on a vécu beaucoup de choses ensemble. Il m'a permis d'être là où je suis. Yann, c'est à toi que je t'adresserai ces quelques mots : tu étais beau, assez beau pour faire changer les choses. Et si tu n'as pas pu changer le monde, tu as su au moins... me faire changer. Alors merci du fond du cœur...

Surplombant les lignes d'âmes perdues comme une reine déchue, Doriane courba la tête et descendit de l'estrade, marche par marche, dans un silence approbateur. Victor haussa les sourcils quand elle accrocha son regard. Déjà, durant tout son discours, elle n'avait cessé de le fixer. Il crut voir ses lèvres bouger, mais quand il tenta de la questionner, elle s'était déjà assise.

Puis ce fut au tour d'Angelo et Mathéo. Les frères Garcia avaient décidé de parler de Yann ensemble, puisque c'était ainsi qu'ils s'étaient rencontrés. Ils parlèrent longuement de plusieurs choses que Victor écouta vaguement. Trop concentré sur ses propres mots, il ne prêta qu'une oreille à leur discours. Celui de Doriane, plus autocentré sur sa personne que sur l'honoré de ce jour maudit, l'avait énervé.

— Maintenant, écoutons les quelques mots de Victor, son petit ami, dit le maître de cérémonie.

L'angoisse noua la gorge de Victor, qui ne dut son salut qu'à la main de Pauline. D'un sourire, elle l'expédia vers l'estrade. Il se plaça devant le pupitre, posa sa feuille gribouillée de tout son amour et inspira longuement. En lisant sa première phrase, la honte, brûlante et amère, lui bloqua l'œsophage. Au moins n'avait-il pas eu à rectifier ce qu'il était vis-à-vis de Yann. Il ignora les regards insistants d'inconnus et se concentra sur ceux de ses proches.

— Si j'en avais eu la possibilité, commença-t-il, j'aurais parlé pendant des heures. Ce n'est pas avec une simple éloge qu'on peut résumer un tel être. Il faudrait tout un roman. Non pas un de ces romans que l'on peut écrire du bout des doigts. Non. Un roman qui nécessite toute notre âme. Et tout notre temps.

Sois fort, Victor. Ne craque pas, ne craque pas, ne craque pas.

— Un roman exceptionnel que seul un être exceptionnel peut écrire. Un roman que seul quelqu'un comme Yann pouvait écrire. J'ai eu la chance de le connaître au lycée. J'ai connu mon bout de paradis dans un endroit que beaucoup considèrent comme l'enfer. Moi aussi. Il m'a offert un morceau d'une réalité que je ne pensais pas connaître.

Il continua de fixer l'assemblée d'un oeil neutre.

— Je ne m'autorisais qu'à espérer. Il m'a appris à rêver. La différence est subtile, mais elle est là. L'espoir, finalement, n'est qu'une chose concrète. Il est là, et on peut nous le voler. Alors que les rêves, non, parce qu'ils appartiennent à tout le monde. Yann était de ceux qui... qui n'abandonnaient pas leurs rêves. Il persévérait tout le temps. Il n'abandonnait jamais. C'est...

Une larme solitaire roula sur sa joue. Le micro, stoïque face à sa bouche, couina sous la plainte gutturale qu'il poussa. Un sanglot.

— Désolé, murmura-t-il. Je l'aimais plus que je n'ai jamais aimé personne. Yann représente tellement pour moi. Je pourrais vous parler de ce qu'on faisait ensemble, je pourrais vous dire à quel point il était beau, intelligent, extraordinaire. Je pourrais vous raconter qu'il riait souvent le soir en regardant le ciel, qu'il pleurait plus souvent qu'on ne le pensait, je pourrais tout vous dire. Mais je crois que je ne vous dirais rien si je disais tout ça.

Victor avala doucement sa salive. Il avait écrit mille fois son discours, il l'avait récité cent fois devant son miroir dans un concert de larmes, et pourtant les mots glissaient tous seuls aujourd'hui. Les yeux brillants, il prit une bouffée d'air.

— Notre truc, à nous, notre lien, c'était la littérature. J'aimais lire. Ce qui est bien avec la lecture, c'est qu'on peut être quelqu'un d'autre l'espace d'un instant. J'aimais bien la littérature parce que je n'aimais pas être moi. Il aimait la littérature parce qu'il était libre. Il aimait la littérature pour être lui-même. Voilà ce qui le rend si différent des autres.

L'air commençait sérieusement à lui manquer, croulant sous le poids de ses souvenirs.

— Un jour, il m'a proposé d'écrire à deux notre histoire. Si je suis honnête, je dirais que je ne pensais pas réussir. J'allais le gêner. Si ça n'avait pas été pour lui, peut-être aurais-je abandonné. Mais... C'est grâce à lui que nous avons réussi. Sans s'en rendre compte, il a réalisé un de mes rêves. Il y a tant de choses que j'aimerais lui dire. Il y a tellement de choses que j'aurais aimé vivre avec lui. Quand il m'a proposé de sortir avec lui, de parier sur notre couple, au début, je n'y ai pas cru. Aujourd'hui, je le dis : c'était le pari le plus fou et le plus incroyable. Je suis heureux d'avoir misé là-dessus. Mais la vie n'est jamais tendre avec les rêveurs. Alors on a fait ce qu'on pouvait faire de mieux : rêver et aimer. Le monde est dur.

Victor déglutit difficilement. Ses yeux le piquaient. Un sanglot déforma ses traits. Il dut inspirer trois fois pour continuer son discours.

— Il arrive certains jours où on doit fuir tout ce qui nous entoure, y compris nous-mêmes. Il arrive que, peu importe où on se trouve, on a le sentiment de ne pas être à notre place. C'est difficile, c'est douloureux. Mais parfois, certaines personnes nous donnent l'impression que la nuit va bientôt céder à l'aube. Yann, tu as été l'aurore de mon existence, et pour ça, je ne pourrai jamais assez t'écrire de remerciements.

Il dut se mordre la lèvre pour ne pas craquer. Lorsqu'il redescendit de l'estrade, de timides sourires illuminaient son passage. En passant devant le cercueil, il s'arrêta une fraction de seconde. Le bois était chaud, doré. Ses rainures transpiraient la quiétude et la sérénité. Victor dut détourner les yeux violemment pour retourner s'asseoir sans craquer. Le banc sur lequel il retourna s'asseoir lui arracha une grimace. Dur. Froid. Il resta immobile une fois installé, le dos bien droit. Un courant électrique sur sa cuisse le traversa. Il baissa les yeux. La main de Pauline diffusait une douce chaleur sur sa peau.

— Tu as été génial, dit-elle entre deux sanglots silencieux. Il aurait été fier de toi.

Le reste de la cérémonie se déroula dans un concert de gémissements douloureux et de silences profonds. L'air absent, Victor se perdit dans ses contemplations. Il ne se réveilla de sa douce léthargie qu'au moment où tout le monde se leva. Pauline le poussa légèrement pour le faire avancer. Ce ne fut qu'à ce moment qu'il tomba nez-à-nez avec Cécile. Elle le prit aussitôt dans ses bras :

— Ton texte était génial, Victor, souffla-t-elle.

— Merci, répondit-il, gêné.

— Il va être enterré aux côtés de son oncle.

La révélation ne le surprit guère. Elle lui arracha un faible sourire :

— J'en suis heureux. Il méritait d'être avec celui qui l'a inspiré.

— Oui. Mon défunt frère était un homme génial, acquiesça-t-elle. Tellement généreux et inspiré...

Il approuva à son tour par politesse. Yann lui avait tant parlé de son oncle qu'il avait l'impression de le connaître.

— Je suis heureuse que tu sois mon beau-fils, dit Cécile.

Victor se sentit rougir.

— Je.... J'ai été heureux d'être à ses côtés. Et je suis heureux de vous connaître aussi. Mais vous savez, je n'ai fait que dire ce que je pensais, Yann m'a sauvé, et...

— Je sais. Tu l'as sauvé aussi. Merci pour tout.

Elle l'embrassa sur le front et se retourna. Aucun des deux ne souhaitait vraiment continuer cette discussion ; ils n'en avaient pas la force. Elle rejoignit un homme au regard dur mais triste. Ses grands yeux verts, en tous points similaires à ceux de Yann, frappèrent Victor. Ils se saluèrent d'un mouvement de tête. Peu avant la cérémonie, ils avaient échangé une poignée de main, mais Victor ne savait pas qu'il s'agissait du père de Yann. 

Il se retourna vers le cercueil. Une dernière fois.

Tout était fini.

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