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Juillet - 2.

NDA : Bonjour à tous et à toutes !

Voici le nouveau chapitre ! Je fais une petite NDA pour vous souhaiter une bonne lecture et pour vous prévenir : ce chapitre contient un TW. Il contient des pensées un peu noires. Rien de très dur comparé à ce qu'on peut voir avant, mais je me devais de vous prévenir. 

Bref, bonne lecture ! <3

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Dans le ciel indifférent et hostile, le soleil commençait à décliner, colorant la coupole céleste d'une teinte caramel qui remplirait de joie tout photographe. Victor, tête basse, errait dans les rues de la ville. Il prenait soin d'éviter les grandes avenues, se fondait dans la masse quand il le devait, les lèvres scellées, il se gardait bien de bousculer ou de gêner quiconque. Ne parler à personne. Apprécier le vent qui fouettait les cuisses brûlées par la chaleur estivale. Apprécier la nuit qui tombait, les lampadaires qui inondaient les rues de leur lumière artificielle.

La tête vide, il marchait. Un pas après l'autre. Le refus de la maison d'édition courait toujours dans ses pensées, comme un refrain détestable. Le refrain d'une promesse souillée, d'un rêve piétiné, un refrain qui érigeait encore une autre barrière entre lui et ses espoirs.

Comme un robot, il traversait ce dédale plein de sourires, de rires, d'yeux brillants, de mains entrelacées, de cris de joie, de cheveux colorés, de peaux bronzées, de tongs sautillantes, d'un bonheur dégoulinant. Ils l'entouraient de leur aura bienveillante tandis qu'il avançait. Un pas après l'autre. Les mots de ce fichu commentaire lui revenaient en mémoire. En boucle.

Pas de talent. Reviens dans trois ans. Talent. Trois ans. Trois. Trois ans... Pas de talent... Arrête... Trois ans... Naze... Trois ans. Trois ans. Reviens... Reviens... Arrête... Reviens...

Sa voix intérieure, impitoyable, jonglait entre ces quelques assemblages de lettres, alors qu'il progressait dans le centre-ville. Les fantômes qui évoluaient à ses côtés arboraient des visages heureux. Une masse grouillante de gens qui, peut-être, avaient connu la même douleur qui irradiait dans tout son être comme un soleil brûlant, un soleil qui devient plus douloureux la seconde d'après, plus aveuglant à chaque seconde de plus passée à le contempler sans être capable de détourner les yeux ; peut-être connaissaient-ils le même vide, peut-être avaient-ils nagé si longtemps qu'ils avaient fini par retrouver la berge. Cette image, loin de rassurer Victor, l'étouffa. Il porta sa main sur sa poitrine. Vite. Changer d'air. De monde. D'univers. Sortir de l'eau, s'extirper de l'océan. Vagabonder ailleurs.

La cage thoracique en feu, il s'éloigna des passants qui le regardaient bizarrement, comme s'il était à part. Comme s'il devenait translucide et qu'ils assistaient lentement à sa transformation en spectre. Cette pensée l'inquiéta. Sa métamorphose était-elle si voyante ? Le prenait-on pour une apparition, un fou, quelque chose d'irréel, d'anormal ? Le voyait-on, lui, traînant l'énorme boulet piquant de sa peine, déambuler sans bras amoureux accroché à son propre bras ? Avancer sans main pour le tirer ? Mais comme tous les spectres, il finit par redevenir invisible, le souvenir d'une seconde étrange, la réminiscence d'un moment banal, parmi tant d'autres, et on détourna bien vite les yeux.

Alors il continua sa route. Même ses talons sur les pavés ne faisaient aucun bruit. Seuls les battements de son coeur tonnaient. Son coeur fatigué. Son coeur qu'il aurait donné sans hésiter une seule seconde, qu'il avait donné sans le faire sortir de sa poitrine.

Après bien des minutes de marche, ressassant cette unique pensée, ce mantra, ce vers noir, Victor gagna un petit parc. Le parfum des arbres chatouilla ses narines et il ralentit le pas. Levant un oeil mou, il reconnut l'aire de jeu de son enfance. Là où, enfant, il criait en glissant sur le toboggan brûlant. Là où, adulte, il aurait aimé emmener le fruit de leurs espoirs et de leur amour. Là où, adolescent, il n'avait plus mis les pieds que très récemment. Comme le terrain de basket-ball, celui où il avait discuté avec Arthur, se trouvait à l'autre bout du parc, il n'avait pas eu l'occasion de regarder le petit paradis perdu de son enfance.

Il avança sans accorder une seconde de plus à ce petit carré où bourgeonnaient les espoirs. Il n'y avait rien à regarder ; la nuit tombait et l'aire restait désespérément vide. Quelques éclats de voix enfantines s'élevaient, bien trop loin pour être reconnaissables. Des rires. Des pleurs, aussi, qui perçaient le ciel bleu roi.

Victor leva les yeux vers le ciel. Il ne pleuvait pas, il faisait même plutôt beau. Un parfum frais, doucement amené par les mains généreuses du vent, lui apportait sur un plateau d'argent le saint été. Cette saison durant laquelle les barrières volent. Les arbres, au-dessus de lui, étendaient leurs branches qui fracturaient la peinture céleste. Victor ne voyait plus qu'un fond bleu uniforme, lardé de coups par les bras acérés de la nature. Le feuillage, menaçant, couvrait le halo lunaire, timide et lâche.

Je suis comme la lune, tu es mon soleil. Mais la nuit est longue quand la lune n'éclaire plus le ciel.

Encore une fois, il continua d'un pas tranquille. Presque sautillant. L'air vivifiant des lieux faisait couler dans son sang l'excitation des premières chaleurs, tandis que la fraîcheur du soir rubéfiait ses joues. Son coeur hibernait ; son corps, lui, parfaitement réveillé, arpentait ces sentiers délaissés, vierges de toute âme aventurière. Tout le monde semblait avoir déserté l'endroit. Parfois, Victor crut apercevoir une silhouette, mais ce n'était que l'ombre de sa solitude.

Les arbres se succédaient, les uns après les autres, laissant parfois leur place à une étendue de fleurs. Des petites marguerites fragiles. D'autres plantes que son esprit léthargique ne lui permettait d'identifier. Des fleurs minuscules, jaunes, blanches, parfois violettes un peu aussi, ondulant au gré de la bise nocturne, des fleurs prêtes à être cueillies et dépouillées, fauchées par le ras-de-marée humain.

Victor traversa le parc en quelques minutes, n'accordant que de larges regards au décor. Il embrassait le monde mais ne s'attardait plus sur les détails. Chaque chêne sous lequel il passait lui rappelait l'inégalité du monde ; comment la vie choisissait-elle qui était fragile et qui ne l'était pas ?

Bientôt, il arriva au niveau d'un pont, construit pour rappeler les jardins japonais. Un arc de bois se tenait, dressé au-dessus d'un cours d'eau, magnifique, majestueux, solennel. Sa balustrade, d'un bel orgueil écarlate, dominait la rivière qui serpentait en bas, fuyant inlassablement au ralenti, dans un glissement quasi-immobile. Victor s'approcha, doucement, comme on s'approcherait d'un animal blessé, d'un trésor, comme un aventurier qui atteindrait, après dix jours et autant de nuits d'angoisses, l'orée de la forêt, pour tomber sur un trésor inestimable. Un air grave tirait les traits du jeune homme, plus pensif que le penseur, cherchant dans cet implacable vide qui vrillait ses neurones une étincelle de vie.

Fatigué, le corps meurtri par tant de marche — l'écran de son portable sonnait plus de vingt-deux heures, à présent —, il se laissa choir contre la balustrade, les coudes appuyés contre le bois. Il ne chercha même pas à supporter sa tête trop lourde, qu'il reposa contre ses bras croisés. De loin, l'on aurait dit un énième adolescent, une âme perdue, lassée de tout. Il s'imaginait bien les discours des passants : il faut avoir plus d'énergie, mais qu'est-ce qu'il fait dehors à cette heure-ci ? Pourquoi est-il seul ? Peut-être s'est-il fait larguer ?

D'une certaine façon, c'était peut-être le cas, après tout... Ne disait-on pas, sur l'autel, qu'on s'aimait jusqu'à ce que la mort sépare les âmes bienheureuses ? La mort avait déchiré de sa faux d'ébène la page de leurs certitudes, effacé le chapitre de leurs espoirs, mis au pilori le tome de leur avenir. La saga était terminée.

Un hibou passa au-dessus de lui, observa ce curieux visiteur de ses pupilles mordorées et s'en alla aussitôt dans un hululement sinistre. Victor ne trouva même pas la force de sourire à l'animal. Les yeux rivés sur le point d'eau qu'il dominait de son mètre soixante-et-onze de problèmes et de déception, il admirait les lieux. La Lune avait depuis peu remplacé le soleil, tout petit maintenant de l'autre côté de la planète.

— Est-ce que tu le vois, maintenant ?

Il avait murmuré cette question. Mille autres déjà toquaient à sa porte. Souffrait-il encore ? Le voyait-il, pathétique, tout petit, perdu ? Si oui, se plaignait-il ? Ou bien avait-il repris son art, écrivait-il sur les nuages ? Se préparait-il à repartir sur cette planète ? Ou l'attendait-il ?

Cette dernière question le rassura. Il se pencha un peu plus au-dessus de l'eau. Aucune trace de vie, seulement de l'eau. L'élément préféré de Yann. Il déglutit. Elle avait l'air bonne, à la bonne température. Accueillante.

Profonde.

Sans se l'expliquer, Victor se retourna, s'adossa à la balustrade, renversa la tête vers les cieux. Une myriade d'étoiles se cachait derrière l'obscurité. Mais tout ce qu'il voyait, c'étaient les ténèbres. Tout ce qu'il entendait, c'était la mélopée, tranquille, douce, de l'eau, qui coulait sans se soucier du monde qui l'entourait. Il ferma les yeux, eut envie de couler avec elle.

Partir. Loin.

Oublier.

Puisque l'encre ne coulait plus, il ne restait qu'à trouver une autre source. Et si cette source était plus forte que lui, alors tant pis.

— C'est moi qui aurais dû être à ta place...

Il porta de nouveau son attention sur l'eau. Dans ce flux, il aperçut une feuille. Une unique feuille, tombée d'un arbre. D'où venait-elle ? Avait-elle été bercée par le vent pour passer sous son regard ? Elle tâchait l'imperturbable cours d'eau qui ruisselait tranquillement. Il l'observa dériver sans un mot, l'image de la lettre de Yann se superposant à cet innocent fragment de vie, arraché à son sein par le zéphyr.

La nuit était fraîche.

Un bon royaume pour dormir...

Pourrait-il saluer quelques nymphes, au détour d'un courant ? Y verrait-il le reflet de son amour ? Penché au-dessus de la surface, il imagina le visage de Yann. Son visage. Son bras se mit à pendre dans le vide. Trop loin de l'eau. Il finit par le ramener mais resta lamentablement prostré contre la balustrade. Il n'y avait personne aux alentours. Personne. Seulement lui, lui et ce reflet qui le narguait. Lui et l'image brouillée de ses espoirs.

— Victor ?

Victor tressaillit. La voix était douce, hésitante, vibrante. La mâchoire serrée, il tourna lentement et s'installa de nouveau correctement. Arthur, les bras ballants, le scrutait avec attention. Une attention qui, sans qu'il ne le comprenne vraiment, agaça Victor autant qu'il ne l'apaisa.

— Salut, marmonna le brun.

Arthur lui fit un petit signe de la main et s'accouda à son tour à la balustrade, à une distance respectable. Les deux adolescents demeurèrent muets une longue minute, ou peut-être quelques secondes. Quand il se trouvait avec lui, Victor avait l'impression d'être tranquille, un peu hors du temps. Pas de la même façon que Yann, mais la bonté naturelle d'Arthur le rendait supportable.

— Je suis content de te voir.

Incapable de formuler une réponse cohérente pour le moment, Victor se contenta d'un léger sourire. Un sourire qui aspira une bonne partie de son énergie. Arthur le lui rendit. Victor ne savait pas trop quoi lui dire. Arthur s'était toujours montré gentil, attentionné, admiratif parfois. Avec lui comme avec Yann. S'il comprenait parfaitement pourquoi on pouvait éprouver ce genre de sentiments envers son petit ami, il n'admettait pas que ce soit la même chose pour lui. Qu'avait-il de similaire à l'artiste qu'était Yann ?

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Arthur ne broncha pas, absolument pas surpris par le ton, presque abrupt, de son aîné.

— Lili habite assez loin du parc, continua Victor. Ça fait un bout de chemin jusqu'ici.

— Toi aussi, et pourtant...

— J'ai pris le bus, répliqua le brun en haussant les épaules.

Ce n'était pas tout à fait un mensonge ; il avait d'abord tenté de prendre les transports en commun, peu désireux de marcher longtemps. Mais l'air irrespirable du véhicule avait pulvérisé sa conviction de s'habituer au reste du monde et il avait préféré reprendre son vagabondage, loin de la transpiration, du sifflement des moteurs, de l'odeur assommante des pots d'échappement et de la clameur citadine.

Victor fixa Arthur, attendant la réponse à sa question. Il n'avait pas particulièrement envie de parler, mais la compagnie d'Arthur ne le dérangeait pas non plus. Il ne souhaitait juste pas s'éterniser en discussions futiles. Se répéter le fatiguait.

— La vue est belle, finit par répondre Arthur. J'aime bien ce parc.

Logique. Après tout, plus loin, il y avait ce terrain de basket.

— Tu es venu jouer ?

— Non.

— Tu m'as suivi ?

— Quoi ? s'étonna-t-il.

Victor avait posé cette question sans réfléchir, mais maintenant qu'il s'entendait, il ne trouvait pas l'idée si absurde. Pourquoi pas, après tout ?

— Pas du tout ! s'indigna Arthur. Pourquoi je ferais un truc pareil ?

Il avait pris de l'assurance, le petit. Victor souffla.

— Je sais pas. Je me dis juste que c'est curieux qu'on se retrouve ensemble dans ce parc.

— Je l'aime bien.

— Il est grand, on pourrait y foutre la moitié du lycée qu'on ne serait même pas sûrs que certains se croiseraient...

— C'est justement ce qui me plaît dans ce parc, avoua Arthur. On se sent petit, ici, mais on est libre.

— Si tu le dis.

— Tu ne trouves pas ?

— Pas trop.

Nouveau silence. Victor sentait le poids du regard de son camarade, qui le détaillait discrètement. Pas autant qu'il l'aimerait, visiblement.

— Tu apprécies la vue ? ironisa-t-il.

Arthur ne sembla pas comprendre la question de Victor ; il répondit d'un hochement de tête avant d'observer les alentours.

— Tu fais quoi ici, Arthur ? Sincèrement.

— Je... Je suis venu me vider la tête. Me retrouver un peu seul, avoua-t-il d'une petite voix brisée. J'aime Pauline et j'aime sa famille, ils me font me sentir à ma place, ils m'épaulent, mais... je... je crois que je ne suis pas encore prêt. Je ne suis pas encore prêt à accepter ça.

— La mort de Yann ?

— Ouais... Tu...

— Y a pas de lézard, Arthur. J'ai appris qu'il était malade il y a quelques mois. Tout va bien.

Fadaises, comme dirait Pauline. Mais il ne voulait pas faire fuir Arthur. Alors il avala sa douleur, sourit, se redressa.

— Je... Je vois... Pour moi, tu sais, il a toujours été un genre de modèle, alors... Je ne voulais pas le... Bordel...

Il grinçait des dents, les poings serrés, contre la balustrade. Des larmes coulaient sur ses joues blêmes. Amères. Victor ne bougea pas d'un centimètre. Il contempla ce grand enfant, plus grand que lui, plus grand que Yann mais si petit à la fois, pleurer, doucement, tendrement. Silencieusement.

— Je voulais qu'il reste avec moi... Je voulais lui montrer que j'étais capable de remonter la pente, que j'allais réussir, que j'allais... Que j'allais enfin être moi-même. Je ne pourrais jamais assez vous remercier. Toi et lui.

— Ce n'est rien, assura Victor d'une voix blanche.

— Pas pour moi.

Il essuya une perle au coin de ses yeux du revers de sa veste. Victor remarqua à ce moment qu'ils portaient presque la même, ce qui l'attendrit davantage. La même veste noire à col, légère. Presque le même pantalon. Presque la même coupe de cheveux, courte, ornant quelques pointes rebelles.

— J'ai décidé de prendre un peu l'air. Depuis qu'il est parti, j'ai l'impression que tout a changé.

— Parce que rien n'est pareil, acquiesça Victor gravement.

— Tout le monde est si... Il y a des façades qui ne tiennent pas. Même le silence n'a pas la même saveur. On sait que tout va mal, on essaie juste de tenir... Je voulais retrouver un silence qui avait le goût du silence. Du vrai, je veux dire. Tu... Tu vois ce que je veux dire ?

Oui, je vois ce que tu veux dire.

Ses lèvres restèrent fermées. Arthur n'ajouta rien. Le silence se suffisait à lui-même. C'était leur réponse.

— Et toi, qu'est-ce que tu faisais ici ?

Victor baissa les yeux vers le point d'eau. Soudain, il prit conscience de la chose. Terrible. Imposante. Une pulsion qu'il aurait qualifiée de poétique sur l'instant. Maintenant, il ne pouvait réprimer cette bulle de vide qui résonnait dans sa poitrine. Il continua malgré tout à s'accouder à la balustrade.

— Rien de spécial. J'essayais de faire qu'un avec le paysage. M'imprégner des lieux.

Arthur le dévisagea de longues secondes. Des secondes qui durèrent une éternité. Avait-il compris ?

— Comme un genre de super-poète ? demanda-t-il.

La question aurait pu sembler innocente. Elle laissa Victor pantois un court instant. Il ferma les yeux. Au même moment, un courant d'air caressa son visage.

— Un super-poète, hein... Un poète qui dépasse sa condition... Peut-être... Tu parles comme lui.

Arthur détourna le visage ; Victor devina dans la nuit les rougeurs qui parcouraient son visage.

— Tu vas continuer d'écrire ?

— Je n'en sais rien.

— Tu es super doué, moi, je trouve... Tu écris bien... T'es un bon poète.

La remarque négative sur le forum l'avait percuté de plein fouet. La remarque d'Arthur, elle, l'enveloppait dans une douce chaleur.

Reviens dans trois ans... Tu es super doué, moi, je trouve... Arrête... Tu es un bon poète...

— Tu as du talent, murmura son cadet.

Victor se figea. L'image du parc, près de l'hôpital, lui revint en mémoire. Yann qui lui murmurait quelques mots à l'oreille. Quelques mots qu'il avait oubliés. Quelques mots qui maintenant dansaient devant lui. Les phrases se bousculèrent dans sa tête.

Encore une fois, il prit du temps pour répondre.

— Merci, souffla Victor. Mais c'est Yann qui a...

— Non. Yann est doué, mais vous étiez deux. C'est ce que Pauline m'a dit...

Celle-là, elle lui avait raconté toute l'histoire ! Il ne put s'empêcher de maudire sa meilleure amie, et en même temps, de la remercier un peu.

— Je verrai, déclara Victor. Et toi ? Tu ne veux pas t'y mettre ?

— Eh bien, justement, à ce propos...

— C'est bien. C'est bien que tu cherches de quoi te maintenir la tête hors de l'eau.

Arthur acquiesça, mais Victor ne le regarda pas. La lumière de son portable perça l'obscurité. Vingt-trois heures. Sa mère n'allait pas tarder à rentrer. Peut-être même était-elle rentrée en avance, puisqu'il avait reçu plusieurs messages. Arthur regarda à son tour son téléphone

— On devrait rentrer, suggéra Arthur. Ils vont s'inquiéter.

— Ouais. Ils vont s'inquiéter, répéta Victor, peu convaincu.

Il quitta la balustrade et s'époussetta les bras.

— Je te raccompagne ?

Ce n'était pas vraiment une question, pas vraiment une affirmation non plus. Victor accepta, comprenant que son camarade ne lui laissait pas le choix. Ils partaient de toute façon dans la même direction. Heureusement, Pauline n'habitait pas vraiment loin de Victor, à peine trois ou quatre rues plus loin.

Le chemin inverse se passa dans un silence indescriptible. Reposant et pourtant chargé de questions. Victor repensa au pont avec un sentiment innommable. Aussitôt, il réduit la distance qui le séparait d'Arthur. Si Pauline l'apprenait... Il espérait qu'Arthur ne l'avait pas compris. Il espérait sincèrement que ce moment resterait gravé dans son coeur solitaire.

Une dizaine de minutes plus tard, ils se retrouvèrent au carrefour de deux rues. Non loin de l'appartement de Victor. Là où ils allaient se quitter. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer, Victor sentit une pression sur son épaule. Il se retourna. Arthur le dévisageait, l'air plus grave que jamais. Victor s'en rendit compte ; Arthur avait gagné en maturité. Ses yeux bleus irradiaient d'une lueur inconnue. L'adolescent s'avérait déjà mature, mais ces derniers jours, son regard était transcendé.

Victor se figea quand il sentit les deux bras du plus grand se refermer autour de son dos.

— Prends soin de toi, Victor. S'il te plaît.

Il avait compris. Sa voix cassée avait compris. Il attendit quelques secondes avant de lever ses bras et de les tapoter dans le dos innocent de son cadet.

— Toi aussi, Arthur, souffla-t-il.

Lorsque son étreinte se desserra, Arthur se décolla et tourna les talons. Victor bifurqua à son tour. Sans se retourner. Dans l'unique larme qu'il versa, la lune reflétait ses rayons d'argent.

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