Martin
On était mardi, et le mardi Martin mettait sa veste grise avant d'aller à l'Université. Même si celle-ci ne rouvrirait que dans un mois et demi. Et puis, peut-être y avait-il une chance qu'il croise Sandra en ville, ou même devant l'école. Alors, elle serait obligée de le voir, peut-être de se moquer de lui, mais ça valait toujours mieux que d'être invisible.
Il aurait très bien pu entrer dans son esprit, et l'obliger à le regarder, ne serait-ce qu'une fois. Mais il ne pouvait pas faire ça. Pas à elle. Et de toutes façons, ils s'étaient tous promis de ne plus jamais avoir à se servir de ces manœuvres, sauf en cas d'urgence.
S'échappant de ces pensées obscures, Martin sortit de son immeuble, en faisant déguerpir les pigeons qui s'étaient regroupés sous la fenêtre de Madame Song, une vieille femme aimant passer son temps à nourrir les oiseaux des villes, et qui l'empêchaient de passer sur la place. La femme se pencha par-dessus sa barrière pour constater la cause de la fuite de ses protégés, et sermonna Martin sur le respect que l'on doit aux animaux. Il partit avec politesse quand elle eut finit son discourt, et entama son parcours hebdomadaire.
Ce que le jeune homme aimait le plus en ville, c'était le bruit. Le bruit chaotique du trafic et des conversations, le bruit musical des pas sur les trottoirs, le bruit poétique des feuilles qui s'entrechoquent, le bruit répétitif des respirations. Même si la ville était plus calme en été, elle n'en restait pas moins vivante. C'était pour ça, comme dans l'espoir de voir Sandra, qu'il prenait autant de plaisir à effectuer ce chemin.
Il passa d'abord devant un kiosque à musique dans lequel les jeunes adolescents du quartier se donnaient rendez-vous. Ils parlaient de tout, de leurs histoires, de la dernière console à la mode, de la mauvaise qualité du papier journal et des probabilités de gagner au loto. Martin aimait énormément cet endroit, et c'est là qu'il avait passé tout son temps lorsque, l'année de son bac, les autres réviser alors que lui n'en avait pas besoin. Malgré toutes ses décision, il avait encore du mal à voir ses capacités comme une malédiction.
Il arriva ensuite à l'angle du grand boulevard, où les voitures formaient une espèce de marée fantastique de mille couleurs qu'il pouvait voir se réverbérer sur tous les murs alentours. La foule qui s'amassait sur les trottoirs pressait le pas, comme s'ils allaient tous être en retard. Martin préférait prendre son temps, admirant chaque pierre et chaque brique de chaque mur, unique dans sa similitude. Quitte à perdre son temps.
La grande bâtisse finit par apparaître au bout de la rue. Martin s'en approcha, et posa ses mains contre les grilles fermées. Il abaissa ses paupières, et se concentra sur le métal. Il pouvait entendre les fibres rouillées grincer sous la pression de ses doigts, les battements de son cœur résonner dans la carapace de fer. Il se laissa bercer par cette harmonie de sons.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se rendit compte que quelque chose n'allait pas. Même concentré comme il l'était, il aurait dû se rendre compte de leur arrivée.
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