Une valse inoubliable
"Avec grand plaisir Itadori, j'accepte"
Cette phrase dès qu'il l'a entendue a fait bondir le coeur du jeune homme dans sa poitrine. Elle résonne dans sa tête. Encore ce matin, à peine réveillé et encore au fond de son lit il y repense et se demande si tout ça il ne l'a pas rêvé. Tout s'est passé merveilleusement bien, et le jeune homme avait eu l'impression de flotter sur un nuage toute cette soirée d'hier et encore ce matin au réveil. Yuji ne peut pas s'empêcher de se rejouer la scène, sans omettre aucun détail de cet instant qu'il qualifierait de magique, cette simple phrase prononcée par Ayame a égayé sa soirée.
Le jeune homme sourit et passe ses mains derrière la tête, son torse se découvre et il fixe le plafond de sa petite chambre étudiante avec un grand sourire. Finalement il avait bien fait d'y aller.
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Ayame prend la main de Yuji et la place sur sa hanche avant de rapporter son corps contre celui de son élève. Le visage de ce dernier vire au rouge, à tel point qu'il pourrait rivaliser avec la robe de sa professeure. Il lutte de toutes ses forces pour la regarder dans les yeux et pour ne pas laisser son regard vagaboner sur sa poitrine a moitié dénudée, et retracer des yeux les contours de son tatouage. Ayame pose ses mains sur les épaules de Yuji et le jeune homme déglutit avant de poser son autre main, non sans hésiter, sur l'autre hanche de la femme. Il n'arrive pas à réaliser ce qu'il se passe et tremble de tout son corps malgré lui en espérant sincèrement que sa professeure ne s'en rende pas compte.
Toucher Ayame, avoir la chance de poser ses mains sur son corps parfait, il l'avait imaginé tellement de fois... Il l'avait imaginée dans des situations auxquelles il ne peut pas y penser sans que la chaleur lui monte aux joues et pourtant le voilà paralysé, incapable du moindre geste, en la touchant il a peur de la salir, de bafouer son honneur.
Les yeux bleus sombres d'Ayame rencontrent ceux du jeune homme, et la femme lui sourit avant de donner le pas, incitant Yuuji à la suivre. Les airs de piano, doux et légers, se prêtent parfaitement à la situation, les transportent dans un autre monde. La foule, le hall, tout s'efface autour du jeune homme, il ne voit plus que cette femme face à lui.
"Tu as l'air pensif Itadori... Tout va bien ? Ayame resserre doucement son étreinte sur le dos de son élève en souriant, elle le regarde dans les yeux.
- Oui, tout va bien... Yuji sourit, oui tout va merveilleusement bien."
Ayame lui sourit et lache la main du jeune homme une seconde pour ramener une mèche de cheveux dans son dos, découvrant ainsi son cou gracieux et un autre tatouage, très discret, près de son oreille. Une jolie plume très détaillée d'un ancien style avec des petites notes de musiques qui l'entourent. Sans qu'il ne puisse dire pourquoi et comment, Yuji se sent attiré par ce tatouage, par cette plume qui appelle à être observée de plus près. Le cou de sa professeure, découvert de la sorte, fait frissonner le jeune homme et le plonge dans un état d'hébétude qui ne se dissipe qu'à l'instant où Ayame entremêle ses doigts fins avec les siens.
Yuji n'a jamais été doué pour la danse, et sa professeure semble bien l'avoir remarqué, mais elle ne dit rien et se contente de guider les pas du plus jeune en souriant. Les notes jouées par le piano plongent Yuji dans un état d'extase magique, que rien ne pourrait briser. Il regarde Ayame dans les yeux et lui sourit. Il aimerait pouvoir se libérer du poids qui pèse sur son coeur et de tout lui avouer de l'attirance qu'il a pour elle.
Les airs de piano cessent, ainsi que la valse, et Ayame regarde son élève en souriant, et passe ses mains sur les plis des pans de sa robe et arrange son col. Le coeur de Yuji se serre devant la femme, elle est si belle. Si proche mais pourtant si inaccessible.
"Merci pour la danse Itadori, ta valse est un peu faible, mais si tu le souhaites, je t'aiderais à t'améliorer avec plaisir.
- Je... O.. Oui pourquoi pas.. Yuji ouvre de grands yeux, Ayame a-t-elle vraiment prononcé ces mots ?"
Les airs de piano reprennent, plus doux et plus langoureux. Le jeune homme déglutit, il n'est pas excellent en musique classique mais il reconnait un air de slow quand il en entend un. Yuji se frotte les mains nerveusement, il a envie d'inviter Ayame a danser encore une fois, et cette envie le ronge. Mais un slow ? Un slow ? Devant son mari ? Il prendrait un énorme risque. En jetant un coup d'oeil au mari d'Ayame, il s'aperçoit que ce dernier regarde par dessus ses lunettes noires, la jeune fille brune a la robe rouge, celle-là même qui est arrivée aux bras de cet homme derrière le piano. Yuji fronce les sourcils, même si cette situation l'arrange il ne peut imaginer qu'on puisse délaisser une femme comme Ayame.
"Ayame ma jolie... Je peux t'inviter à danser ?"
Cette voix grave, il l'avait déjà entendu. En tournant la tête ses craintes se confirment. Ce grand homme, Toji Fushiguro, est penché sur sa professeur, un bras passé autour de sa taille, son corps collé au sien, et son visage un peu trop près de celui d'Ayame. La jeune professeure le repousse d'une main.
"Fushiguro... Elle fronce les sourcils: Non.
- Arrête un peu de te mentir à toi-même Ayame. Toji resserre son étreinte autour de la jeune professeure: Comment Gojo peut laisser une femme comme toi sans surveillance."
Il plaque son corps contre celui de la femme et Yuji ne peut s'empêcher d'être témoin de sa poitrine qui s'écrase contre le torse de cet homme. Le visage d'Ayame n'exprime rien. Elle ne lui sourit pas, mais ne lui résiste pas non plus. Un coup d'oeil à son mari, ce Satoru Gojo suffit à Yuji pour comprendre: cette danse lui est bénéfique, probablement pour ses affaires.
Alors il va rester là à la regarder se perdre sur la piste de danse avec cet homme, à le regarder balader ses mains sur la cambrure du dos d'Ayame, pour venir négligemment la poser sur ses fesses. Yuji voit Toji Fushiguro se pencher sur l'oreille de sa cavalière et mumurer quelque chose qui fait prendre aux joues de la jeune femme une jolie teinte rose.
Yuji serre les poings. Il attrape un verre sur un plateau, un verre complètement au hasard et le descend d'une traîte. Il s'apprête à aller rattraper Ayame, à la ramener à lui. C'est à lui que revient ce slow, il lui revient de droit.
"Bah alors Itadori ? Qu'est-ce que tu fais? Todo parle un peu fort, il passe un bras autour du cou de Yuji et s'affale su lui de tout son poids, son haleine sent l'alcool à plein nez: Ohhh je vois... Il est là tous les ans celui là... Tous les ans il essaie de la ramener chez lui...
- Et... C'est déjà arrivé ? Yuji pose la question de but en blanc, sans même jeter un regard à son ami.
- Non... Enfin presque, mais Gojo est toujours intervenu. Je crois que ce type et lui ne s'entendent vraiment pas bien...
- Bien. Je vais faire en sorte qu'il ne tente rien cette année. Yuji fixe le couple qui danse."
Il coupe la parole à Todo, cette vision il ne peut plus la supporter et est bien décidé à séparer Ayame de ce bouffon balafré qui n'a pas hésité une seconde à lui couper l'herbe sous le pied. Les doux airs de piano cessent et l'homme aux longs cheveux noirs se lève et salue le public qui reprend ses discussions une fois qu'il a quitté le piano. L'université n'en est plus une. Le hall ressemble maintenant à une de ces salles chic où se retrouve le beau monde, en même temps c'est ce qu'elle est devenue aujourd'hui.
Au milieu de tout ce raffinement, Yuji se sent étranger. Ayame est la seule pour qui il a voulu faire le déplacement, elle est la raison de sa présence. Il voulait découvrir son monde pour qu'elle puisse l'accepter. Alors il ne va pas laisser tomber en si bon chemin. Yuji donne son verre vide à Todo, arrange la veste de son costume et sa cravate. Il se dirige vers Ayame et son cavalier, qui maintenant semble s'attarder à lui faire lourdement du charme. Le visage renfrogné de la femme parle de lui-même.
"Professeur Nakajima ? Yuji pose sa main sur l'épaule d'Ayame, ses yeux brûlent d'une détermination terrible: J'aimerais que vous m'appreniez la valse... Maintenant. Comme ça, pour la prochaine danse, je pourrai être un partenaire correct."
Le visage d'Ayame traduit son incompréhension, puis ses lèvres s'étirent en un tendre sourire, elle penche légèrement la tête sur le côté et regarde son élève dans les yeux avec une douceur qui fait fondre le coeur du jeune homme.
Elle lui tend la main, une main gracieuse et fine, aux ongles parfaitement manucurés, aux doigts habillés de plusieurs bagues fines faites d'un métal argenté, presque blanc. Dans un premier lieu, Yuji aurait dit qu'elles étaient en argent, mais il est bien plus probable qu'elles soient en or blanc.
Après une contemplation de la main de sa professeure, il s'en saisit doucement en souriant, comme s'il avait peur de la briser, l'enlevant ainsi à Toji Fushiguro qui regarde le jeune homme avec un regard aussi surpris qu'agacé, regard que Yuji fait bien attention à ne pas croiser, de peur de se défiler au dernier moment. Il entraîne Ayame au milieu du hall, avant de froncer les sourcils et de rapporter son regard dans celui de la femme.
"Il n'y a pas de musique... Yuji se gratte la tête.
- On s'en fiche. Je fredonnerai un air de valse. Ayame sourit d'un air sournois: Tu as dit que tu voulais être un bon cavalier pour la prochaine danse. J'ai donc jusqu'à ce que Geto ait fini de jouer au bourgeois pour que tu sois un danseur exceptionnel."
Face à ce sourire, le jeune homme ne sait pas comment réagir. Il laisse sa professeure lui attraper les mains et les placer sur son corps: une en bas de son dos et une entrelacée avec la sienne, puis regarde Ayame lui sourire, elle prend une grande inspiration et Yuji ne peut s'empêcher de jeter un coup d'oeil rapide en espérant de tout son coeur que la jeune femme ne l'ait pas remarqué.
"Bon, Itadori... Regarde mes pieds et suit le mouvement. Ayame sourit: C'est toujours pareil tu verras, rien de compliqué."
Yuji baisse la tête, il ne voit pas les pieds d'Ayame, son regard se plonge dans son décolleté et il entend un petit ricanement.
"Il faut que tu laisses un petit espace entre nous deux... Ayame le regarde et à l'instant où les yeux de Yuji croisent les sien, il devient tout rouge.
- A... Ah oui... Yuji recule d'un petit pas et regarde les pieds de sa professeure, en essayant de suivre."
Finalement, ce n'est pas aussi compliqué que ça. Concentré sur sa professeure, il n'a pas eu a regarder le sol bien longtemps avant d'assimiler les pas. Yuji regarde Ayame qui lui fait un gentil sourire, visiblement pour l'encourager. Le coeur du jeune homme bat fort dans sa poitrine. Il est heureux d'y être arrivé, mais en même temps, un peu triste d'avoir été si rapide, il passera peut être moins de temps avec Ayame.
La jeune professeure arrête, lache la main de Yuji et lui sourit.
"Félicitations Itadori. Tu sais valser. Ayame tourne la tête vers cet homme, Geto: Eh, Suguru, tu veux bien retourner au piano ?"
L'homme lève la tête et cherche d'où provient cette voix, puis finit par croiser le regard d'Ayame et souffle avant de trainer le pas jusqu'au piano. La jeune femme rapporte son regard sur son élève.
"Bien, tu vas mettre en pratique ce que tu as appris maintenant..."
Yuji la regarde dans les yeux, repositionne ses mains et à l'instant où les airs de piano commencent à résonner dans la pièce, tout le monde autour de lui s'est tu. En symbiose parfaite avec Ayame, Yuji ne prête plus aucune attention à ce qui l'entoure. Il n'y a que lui et elle. Le panorama autour d'eux s'efface, le bruit s'estompe, le piano lui-même ne se fait plus entendre. Il regarde sa cavalière fermer les yeux et se laisser porter en fredonnant l'air joué au piano. Il n'entend plus qu'elle, rien d'autre.
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"Et on a dansé longtemps... J'ai encore des courbatures... Yuji, toujours en train de fixer son plafond, sourit de toutes ses dents, il parle tout seul, oui, mais il est incapable de contenir sa joie."
Cette nuit il ne l'oubliera jamais, il l'a ressentie comme un rapprochement important avec sa professseure. Cependant, il n'a pas non plus oublié cet homme aux cheveux blancs, qui est venu lui retirer sa cavalière en pleurnichant qu'il avait envie de rentrer chez lui.
De toute évidence, cet homme avait tout ce qu'il voulait, et visiblement, il a toujours eu ce qu'il voulait. Yuji lui, il ne voulait qu'Ayame, et même ça, on venait lui enlever. Et il n'y pouvait rien. Après s'être excusée auprès de son élève, Ayame s'était éclipsée avec son mari, près de la table du buffet, probablement le temps de dire au revoir à des connaissances.
"Fais chier. Yuji se tourne vers le mur, pourquoi faut-il qu'il se rappelle de cette partie aussi."
Le regard qu'avait eu Ayame pour son élève lui avait transpercé le coeur: elle n'avait pas seulement l'air désolée, elle avait l'air déçue de le quitter. Et lui, il était resté là à la laisser partir. Puis elle avait quitté les lieux, et Yuji s'était affairé à aller retrouver Todo et Nobara pour rentrer lui aussi, il n'avait plus rien à faire ici.
Seulement, il demeurait une partie de cette soirée que Yuji avait oublié, il n'en avait aucun souvenir. Peut être parce que l'alcool avait enfin fait son effet, peut être à cause du choc, mais aucun de ses neurones ne peut lui restituer ce court moment.
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"Itadori ? Ayame marche vers lui, d'un pas rapide, elle est probablement sur le départ.
- Ah ? Professeure ? Yuji la regarde, les yeux rouges, probablement un mélange d'alcool, de fatigue, et peut être de larmes.
- Merci... De m'avoir fait danser. Tu as sauvé ma soirée. Ayame lui sourit et dépose un léger baiser sur sa joue.
- Je..."
Je vous en prie, ça m'a fait plaisir, je vous aime.
Voilà ce qu'il aurait aimé répondre. Mais le doux contact des lèvres de sa professeure sur sa peau l'a privé de parole, il s'est retrouvé bloqué, et il ignore combien de temps.
"Je dois vraiment partir Itadori... Mais encore merci. Pour tout. Pour les danses et parce que tu m'as écoutée. Ayame sourit: Si j'avais ton âge, je pense sincèrement que je tenterais ma chance avec toi."
Blackout. Yuji regarde le visage de sa professeure en face du sien sans vraiment le voir et un sifflement strident envahit ses oreilles. Il a entendu ce qu'elle lui a dit, il n'arrive seulement pas à le restituer. Le jeune homme a l'impression que son coeur est en train d'exploser dans sa poitrine, un sentiment de joie immense l'envahit.
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Mais ça, il ne s'en souvient pas le moins du monde. Yuji se gratte la tête avant de bailler et de s'asseoir sur le bord de son lit. Son pied touche quelque chose de bizarrement élastique, et des grognements ne tardent pas à se faire entendre. En baissant la tête, il se rend compte qu'il écrase la tête de Todo de son pied droit et prend une seconde avant de comprendre qu'il doit le retirer.
Le jeune homme finit par se lever et se diriger vers son étroite salle de bain en râlant. Cet homme aux ridicules cheveux blancs et aux absurdes lunettes de soleil lui avait retiré sa cavalière.
"Foutu Satoru Gojo."
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