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Chapitre 6

Un rayon de soleil vint éclairer un bout de fourrure allongé sur un sol entièrement mousseux. L'astre solaire réchauffait doucement la petite chatte qui dormait paisiblement. Sa poitrine se soulevait à intervalles réguliers, ses moustaches s'agitaient de temps à autre, le félin paraissait en plein songe. La jeune femelle aurait voulu rester encore longtemps ainsi, mais une vive douleur au niveau de son ventre la frappa d'un coup. Elle fût ainsi réveillée brutalement et grogna. Elle se tourna sur le côté pour regarder son flanc, laissant apparaître un ventre grossièrement arrondi par une grossesse qui semblait absurde par rapport à l'âge de la femelle. Ses traits étaient encore enfantins, dans ses yeux dansait la lueur candide de la jeunesse et de l'innocence, mais cette gestation prématurée contrastait avec son apparence.

Un nouveau grognement sortit de la gorge de la féline qui se mit debout en s'ébrouant. Son court pelage noir et roux ainsi éclairé par les rayons du soleil avait presque l'air beau. Ses yeux couleur noisette se posèrent sur une femelle à la fourrure crème, son unique œil émeraude fixant la jeune chatte avec attention.

« Déjà réveillée Nuage de Sauterelle ? lui lança la reine borgne avec un bâillement.

 — Déjà, déjà, tu étais réveillée avant moi ! C'est toujours comme ça, sourit la jeune chatte. Tu es toujours la première à te réveiller, et pourtant, tu dis toujours que je me réveille tôt ! Alors que ça veut dire que toi, tu te réveilles encore plus tôt que moi !

— Ah, Nuage de Sauterelle... C'est parce que tu es jeune que je dis ça, ronronna la plus âgée des deux. Tu sais, à ton âge je dormais toujours jusqu'au retour de la patrouille de l'aube ! Et puis, les apprentis, c'est réputé pour dormir tard. C'est parce que tu grandis encore ! 

— Ah oui, tu as raison, en principe ! Mais moi, je ne suis plus techniquement une apprentie depuis une lune déjà ! s'amusa Nuage de Sauterelle. Je ne m'entraîne plus comme les autres novices, je passe mes journées ici, à faire pas grand-chose. Oh, pas que ça m'ennuie, ne le prend pas mal Œil d'Émeraude, au contraire ! J'adore ! J'aime bien discuter avec toi, j'ai l'impression que tu m'écoute. Bon, au début je crois que tu te forçais un peu, mais maintenant ça va mieux, non ? Parce que si ça va pas mieux et que tu te forces encore à m'écouter et que ça t'embêtes, alors je devrais peut-être...

— Tu ne m'embêtes pas du tout, Nuage de Sauterelle, la rassura la reine au poil crème, bien qu'une lueur de pitié brillait dans son unique œil. Crois-moi, si j'en avais marre de t'écouter, je t'aurais demandé de te taire depuis longtemps !

— Oh, comme si tu savais comment ça me soulage Œil d'Émeraude ! J'avais peur de te déranger ! Souvent, quand je parle aux gens, j'ai l'impression que ça les embête, ils ne veulent pas m'écouter. Dans la tanière des apprentis, ça a toujours été comme ça, énonça la jeune chatte avec un mine triste, avant de sourire à nouveau. Mais ici, c'est tellement mieux ! On est peut-être seulement deux, mais moi, ça me suffit amplement ! Et puis, j'ai si hâte d'élever nos chatons ensembles ! Tu imagines, ils seront meilleurs amis ! Ils pourront jouer ensemble, ça sera fantastique ! »

Les deux reines ronronnèrent en concert. La reine écaille-de-tortue était sincère, elle était réellement heureuse que ses futurs petits aient des partenaires de jeu avec qui grandir. Et puis, Œil d'Émeraude n'avait elle non plus pas révélé l'identité du père de sa progéniture, alors elles pourraient s'entraider pensait la novice.

Nuage de Sauterelle proposa à Œil d'Émeraude de partager un lapin, alors la jeune femelle sortit de la pouponnière pour aller chercher à manger. Elle croisa sur sa route Nuage de Paon, qui lui adressa un sourire distant. Nuage de Sauterelle trouvait ça dommage, depuis que Nuage de Jonquille était devenue novice, l'apprentie calico lui adressait beaucoup moins la parole, alors qu'elle était alors une des seules personnes qui passait encore un peu de temps à l'écouter.

Cela faisait une lune que Nuage de Sauterelle avait rejoint la pouponnière. Quand Plume de Feuille lui avait annoncé qu'elle attendait des chatons, elle avait été partagée entre deux sentiments très puissants : une immense peur, et une joie intense. Elle était heureuse de devenir mère, elle savait qu'elle aimerait ses chatons comme aucune reine n'a jamais aimé ses chatons, elle les chérirait comme elle n'avait jamais chéri personne, et elle les protègerait au prix de sa vie. Elle avait hâte de rencontrer les petites vies qui grandissait dans son ventre. Elle avait déjà réfléchi à des noms. Sa peur quant à elle avait été que la guérisseuse du Clan de la Roche lui annonce qu'elle était trop jeune pour porter ces chatons, et qu'ils mourraient avant de naître. Cela n'avait pas été le cas, Plume de Feuille s'était faite rassurante tout le long de sa grossesse, bien que Nuage de Sauterelle l'ait surprise en train d'en parler à ses parents. La jeune femelle rousse et noire était venue voir la soigneuse alors que Cœur de Mousse et Œil de Faucon s'y trouvaient déjà. Plume de Feuille leur avait expliqué les risques de devenir mère si jeune, mais les deux guerriers n'avaient sourcillé. De toutes façons, cela faisait bien longtemps que les parents de Nuage de Sauterelle ne se préoccupaient plus d'elle, ni de son frère.

Alors qu'elle avait saisi un lapin dodu entre ces crocs, elle aperçu Perle de Jais qui rejoignait une patrouille. Elle s'approcha du guerrier au pelage noir comme la nuit et déposa le gibier au sol avant de l'apostropher avec un grand sourire. Il se retourna vers elle, un air interrogateur au visage.

« Tu pars en patrouille de chasse ? Ou bien en patrouille frontalière ? C'est toi qui mènes la patrouille ? 

— On part en patrouille frontalière. C'est Aile d'Étourneau qui dirige la patrouille. »

Perle de Jais avait répondu sèchement et après un petit signe de la tête, s'était posté à côté de l'ancien mentor de Nuage de Sauterelle. Cette dernière lui avait sourit mais la femelle au pelage noir ne lui avait adressé qu'un petit regard à la jeune chatte avant de se détourner rapidement. Elles ne se parlaient presque plus, et cela avait beaucoup déçu la petite reine. Elle qui pensait que son mentor s'était attachée à elle autant qu'elle, elle s'était trompée. Dès qu'elle avait appris que Nuage de Sauterelle attendait des chatons et qu'elle devrait mettre en suspend son apprentissage pendant sept lunes au moins, Aile d'Étourneau n'avait plus accordé autant d'attention à son ancienne apprentie, voire plus du tout.

Nuage de Sauterelle reprit le lapin dans sa gueule pour l'apporter à Œil d'Émeraude. Elle croisa en chemin Poil du Crépuscule et lui sourit, mais il l'ignora superbement pour rejoindre Pelage de Brindille. Le cœur de la femelle écaille se serra mais elle tenta d'ignorer sa tristesse et entra dans la cavité rocheuse qui abritait la pouponnière. Elle sourit quand elle vit que Plume de Feuille se tenait en la compagnie de la reine crème. Elle déposa le rongeur sur le sol mousseux de la tanière et accueillit la guérisseuse avec un large sourire.

« Oh tient Plume de Feuille ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu ma soigneuse préférée ! Je suis contente de te revoir.

— Merci Nuage de Sauterelle, rit distraitement la femelle à la fourrure grise légèrement rayée. Je suis venue voir comment vous alliez. Œil d'Émeraude devrait mettre bas d'ici une dizaine de levers de soleil, je compte au minimum deux chatons. Je vais t'inspecter à ton tour, approche. »

La voix de la guérisseuse était douce, elle était attentionnée, comme toujours, et veillait à ce que les deux futures mères se portent bien. Elle leur rendait régulièrement visite et avait toujours été aux petits soins avec Nuage de Sauterelle.

La jeune reine obéit docilement et s'allongea face à Plume de Feuille et cette dernière commença à lui tâter délicatement le ventre. La chatte noire et rousse ravala un grognement, et la guérisseuse remarqua immédiatement le changement d'attitude de sa patiente, qui se sentit obligée de s'expliquer.

« Cela fait quelques jours que j'ai mal au ventre dès que je me réveille... Je sens mes chatons bouger, et taper très fort contre mon ventre, c'est vraiment pas agréable, enfin si, ça va, ça n'est pas si dérangeant que ça, mais ce n'est pas non plus une partie de plaisir quoi.

— Tu aurais dû me prévenir dès que ça a commencé... miaula la soigneuse en rabattant ses oreilles en arrière. Je vais commencer à te faire prendre de la bourrache, comme je te l'avais expliqué. 

— Oui, vu que je suis jeune, je dois manger des plantes pour être sûre que je produis assez de laits pour mes chatons, blablabla... » plaisanta Nuage de Sauterelle.

Mais Plume de Feuille ne rit pas. L'air préoccupé, elle vit volte-face et sortit de la pouponnière. Un silence de plomb s'installa mais la femelle grise tigrée réapparu bientôt, elle déposa aux pattes de la petite chatte des feuilles séchées. Cette dernière les regarda avec dégoût, mais devant l'air insistant et sévère de la guérisseuse, elle les avala d'un coup en grimaçant.

« Beurk ! C'est vraiment pas bon, c'est amer ! Heureusement que j'allais manger juste après, sinon j'aurais eu ce goût horrible dans la gueule jusqu'à ce soir ! Je n'aurais pas supporté ! se plaint la femelle écaille-de-tortue.

— C'est pour le bien des chatons, répliqua Plume de Feuille en levant ses yeux ambrés vers le ciel.

— Et c'est bien pour cette seule raison que j'accepte de me nourrir de ces plantes, c'est comme si j'étais une proie, parce que les proies, elles, elles mangent des plantes, et moi, je suis pas une proie ! Alors normalement, je ne mange pas de plantes, que de la bonne viande comme ce lapin ! »

Elle se lécha les babines en regardant à nouveau le gibier, qu'Œil d'Émeraude avait rapproché d'elle, prête à croquer dedans. Mais Plume de Feuille reprit la parole avant que Nuage de Sauterelle ne se jette sur son repas.

« Je pense que tu attends un chaton, peut-être deux, mais pas plus. Pour le moment tout est normal, mais tu pourrais mettre bas d'un instant à l'autre alors je te défends de sortir du camp. »

La soigneuse, prenant un air autoritaire, faisait froncer ses sourcils dans une mine sévère qui ne lui allait pas. Ses traits légers ne s'accordaient pas avec cette rigueur apparente, qui ne correspondait pas non plus avec son caractère.

« Je suis ravie de l'entendre ! ronronna la future mère. Tu es vraiment géniale Plume de Feuille, tu es la meilleure guérisseuse que je connaisse ! Ah, j'aimerais bien qu'un de mes chatons devienne guérisseur, comme toi ! »

Nuage de Sauterelle était sincère, ce qui parut toucher la chatte tigrée. La jeune femelle pensait réellement que Plume de Feuille était excellente dans son domaine, bien qu'elle soit la seule soigneuse qu'elle connaisse. Si l'un de ses petits voulaient suivre cette voie, Nuage de Sauterelle l'encouragerait avec joie. De toutes façons, elle aimerait ses petits plus que tout au monde, peu importe leurs choix, elle le savait au plus profond de son être.

La soigneuse s'éclipsa, laissant les deux reines discuter. Elles partagèrent le lapin que Nuage de Sauterelle avait ramené dans la pouponnière. Les deux femelles passèrent un long moment à parler de tout et de rien, à aborder quelques sujets un peu plus sérieux mais durant lesquels la plus jeune des deux avait tendance à partir dans tous les sens, comme si les phrases fusaient directement hors de son esprit.

Puis Œil d'Émeraude s'était endormie pour une de ses siestes habituelles. Alors Nuage de Sauterelle était sortie dans le camp pour laisser la guerrière borgne se reposer tranquillement, ne voulant pas la déranger. La jeune reine se réjouit d'avoir choisi ce moment pour quitter la pouponnière ; Perle de Jais et sa patrouille revenait à l'instant. Nuage de Sauterelle voulu se précipiter vers son frère, mais son ventre grossièrement arrondi sur ses pattes courtes lui imposait une démarche gauche. 

« Alors, tout s'est bien passé ? Vous n'avez pas rencontré d'autre patrouille ni eu de problème ? Vous étiez sur quelle frontière ? 

— Oui, ça s'est bien passé, répondit le matou au pelage de jais en agitant les oreilles. On n'a vu personne sur la frontière avec le Clan du Lac. 

— C'est super ça ! Ça aurait quand même été dommage s'il t'était arrivé quoi que ce soit, tu n'aurais jamais pu rencontrer tes neveux ou tes nièces, tu te rends compte ! Et moi, j'aurais été très triste tu sais ! »

Le chasseur ne répondit pas, son regard indéchiffrable posé sur sa petite sœur. C'était sa façon à elle de montrer son attachement à son frère, elle ne savait l'exprimer autrement. Face à l'absence de réaction de la part de Perle de Jais, la petite chatte reprit, d'un ton plus posé cette fois, ce qui était plutôt inhabituel chez elle.

« Perle de Jais, j'aimerais que tu me parle. Depuis que je sais que j'attends des chatons, tu ne m'adresse plus la parole, tu m'évite. Je le vois tu sais ! Je sais que ça fait longtemps qu'on n'est plus aussi proche qu'on ne l'était chatons, mais ce n'est pas une raison... Même avant qu'on apprenne ma grossesse, tu me parlais davantage... Je veux que tu me parle, Perle de Jais, je veux savoir pourquoi tu n'as plus envie de me parler... »

Nuage de Sauterelle reprit son souffle après sa tirade. Elle vit une lueur dans les prunelles ambrées de son frère changer. Est-ce qu'il avait compris ce qu'elle voulait dire ? La reine écaille-de-tortue y avait longuement réfléchis, lors de nuits où elle ne trouvait pas le sommeil, et elle avait enfin décidé de l'avouer à son frère. La vérité, c'était qu'il lui manquait. Il était là, mais c'était comme si ce n'était pas vraiment le cas. Bien sûr, avant ils discutaient presque uniquement pendant les entraînements ou les patrouilles, mais dès lors qu'ils avaient cessé de partager cela, Perle de Jais s'était éloigné. Pourtant, Nuage de Sauterelle avait remarqué qu'il la regardait. Souvent, elle le surprenait, mais elle n'avait jamais rien dit jusqu'à présent.

« Nuage de Sauterelle... soupira le jeune guerrier en secouant ses oreilles une nouvelle fois. Viens, discutons hors du camp. Tu me suis ? »

D'un hochement de la tête et d'un large sourire, la femelle lui confirma qu'elle était d'accord. Elle savait que Plume de Feuille lui avait interdit de quitter le camp, mais elle était trop heureuse que son frère accepte de discuter avec elle pour penser aux consignes de la guérisseuse. Le frère entraîna sa sœur jusqu'à un coin calme du territoire du Clan de la Roche, une parcelle plaine où quelques larges rochers se trouvaient. Les deux chats s'assirent l'un en face de l'autre sur l'herbe alors que Nuage de Sauterelle cherchait une position confortable, chose qui n'était pas aisée à cause de la taille de son ventre.

Perle de Jais se râcla la gorge. Il paraissait chercher ses mots, ce qui n'était pas rare pour le mâle au pelage noir. Il préférait toujours le silence à des phrases inutiles. Avec lui, c'étaient souvent quelques courtes phrases concises et efficaces plutôt que de longues tirades sentimentales. Pourtant, jamais sa sœur ne se serait attendue à cette prise de parole :

« Tu m'as demandé pourquoi je te parlais moins depuis que j'ai été nommé guerrier. De façon réaliste, tu sais bien qu'en étant chasseur, j'ai des obligations différentes des tiennes étant donné que tu es toujours une apprentie. J'ai moins de temps à passer avec toi ou n'importe quel novice, j'ai des devoirs autres. Tu avais tes entraînements, j'avais mes patrouilles. 

— Mais ça ne t'empêche pas te trouver le temps de parler à Aile Rousse ou Éclat de Glace ! s'exclama Nuage de Sauterelle, coupant son frère. Tu as toujours le temps de discuter avec eux, mais pas avec moi. Ils ont beaux être guerriers tout comme toi, ça n'est pas un problème de temps alors. En plus, ça fait une lune que je dors à la pouponnière, que j'ai arrêté mon entraînement, tu aurais pu venir me voir, je ne suis jamais occupée. Tu as honte que je sois restée apprentie quand tu es devenu guerrier, c'est ça la vérité ? Je te fais honte... »

Voir son frère se faire nommer guerrier avant elle, cela avait été très douloureux. Elle lui en avait voulu, à lui, d'être aussi doué, aussi parfait aux yeux de tout le monde. Elle en avait voulu à leur meneuse, d'abord d'avoir pris Perle de Jais comme apprenti, et ensuite elle lui en avait voulu d'avoir pris la décision de lui donner son nom de chasseur avant elle. Comme s'il méritait plus, alors qu'elle aussi se démenait à devenir la meilleure possible. Sans cesse elle faisait des efforts. Sans cesse elle essayait de répondre aux attentes des autres, d'être assez ceci, assez cela, pour leur plaire. Mais peu importe à quel point elle donnait de sa personne pour atteindre les objectifs fixés par les autres, ça n'était jamais assez.

« Laisse-moi finir, repris sans détour Perle de Jais. Je t'ai parlé d'un point de vue technique, mais tu as raison, c'est bien plus profond que cela. Tu as changé, Nuage de Sauterelle, depuis que tu as appris que tu attendais des chatons. Tu es beaucoup trop heureuse pour un événement qui risque de te coûter la vie. Peut-être que père et mère ne s'en inquiètent pas, mais moi si. Pas seulement de ta mise bas, mais de la chatte que tu deviendras après un pareil événement.

— J'ai changé depuis bien longtemps, et toi aussi. Tu le sais aussi bien que moi, ironisa la reine au poil bicolore.

— Arrête d'en rire ! Je sais également que tu ne l'as pas aussi bien pris. C'est à cause de ça que tu as changé, que tu es devenue ainsi. C'est depuis ce moment-là que tu as revêtis ce masque de bonheur permanent, cette attitude, mais tout ça, tu sais aussi bien que moi que c'est totalement faux ! Tu essaie de l'imiter, mais tu ne seras jamais comme lui ! Ce n'est pas en t'étalant sans cesse sur des sujets futiles que tu pourras éviter de parler de tes sentiments à tout jamais, tu ne peux pas indéfiniment cacher tes émotions en faisant croire au monde entier que tu es la plus heureuse des chattes. »

Son honnêteté brutale avait pris Nuage de Sauterelle au dépourvu, qui avait couché ses oreilles en arrière. Elle ressentait le besoin de se défendre vis-à-vis des paroles de son frère, elle sentait quelque chose d'étrange bouillonner en son for intérieur. Des sensations qu'elle avait retenu et caché depuis bien longtemps. Perle de Jais lui aussi se lâchait, alors elle aussi allait le faire.

« Tu t'es convaincue que tu étais amoureuse de Poil du Crépuscule, tu as essayé de prendre ton mentor pour ta mère, rien de tout cela n'a pas fonctionné. Tu cours derrière leur amour en sachant pertinemment qu'ils n'en sont pas dignes. Mais tu t'en fiche de ça, oui, tu cherches simplement quelqu'un à aimer parce que tu ne sais pas t'aimer toi-même. C'est ça le problème Nuage de Sauterelle, tu ne sais plus qui tu es, tu ne t'aime plus, tu ne sais pas aimer ni être aimée, voilà ce qui cloche.

— Vas-y, dis-le, dis que c'est de ma faute si Petit Soleil est mort. »

La voix de la jeune reine s'était muée en grondement. Ses yeux lui piquaient et elle luttait pour garder la face alors que le regard du matou se durcissait.

« Depuis la mort de Petit Soleil, tu n'es plus la même. C'était il y a des lunes, et tu ne t'en es toujours pas remise, ajouta Perle de Jais avec un regard désolé.

— Comme si tu t'en étais remis toi, la bonne blague ! Tu es devenu si distant, si froid de toute chose ! Tu dis que je ne sais plus aimer, mais observe donc ce que tu es devenu ! Simple calculateur qui obéit aux ordres, qui ne cherches à réfléchir plus loin que ce qu'on lui apprend ! Tu es mon frère et tu te comportes comme n'importe quel inconnu. Ah, c'est bien beau de me donner des leçons quand tu n'es pas mieux ! »

Perle de Jais secoua la tête, baissa le regard avant de poursuivre. Sa sœur face à lui était dévastée, il le voyait mais ne faisait rien pour atténuer la rage et la tristesse qui bouillonnaient en elle.

« Ces chatons, je ne sais même pas de qui ils sont... Tu as encore dû chercher quelqu'un à aimer, et te voilà, même pas encore guerrière et déjà mère. »

Nuage de Sauterelle se sentait prête à exploser. Perle de Jais n'avait pas tord, à vrai dire, il avait raison sur presque toute la ligne. Mais cette vérité était bien douloureuse à entendre. Elle allait craquer, elle n'y tenait plus. C'était trop dur. Elle avait fait semblant tout ce temps, pour ne plus réussir maintenant ? Quel gâchis. Depuis toujours, elle criait, appelait à l'aide, mais personne ne semblait l'avoir jamais entendue. Et c'était seulement maintenant que son frère lui en parlait. Des larmes commencèrent à rouler sur ses joues sans qu'elle ne réussisse à les retenir. Faute de force ou de volonté.

« Le pire dans tout ça, articula la jeune femelle, c'est que tu as raison. Bien sûre que je suis responsable de la mort de Petit Soleil, c'est moi qui ai mené cette expédition lorsque nous étions chatons... C'est moi qui ai décidé et organisé notre fuite... C'est à cause de moi que... À cause de moi que Petit Soleil s'est retrouvé face à ce chien, c'est ma faute si... »

Ses sanglots repartirent de plus belle alors que Perle de Jais luttait contre les larmes qui montaient à ses yeux. Les traits du jeune mal se tendaient sous une crispation apparente.

« Nos parents savent que c'est moi qui aie fait ça... Depuis que Petit Soleil est mort, ils ne nous accordent plus d'attention, ils me méprisent, et par ma faute ils ne te parlent plus non plus... Pour eux, j'ai tué leur fils préféré et tu en es complice... Tu savais que nous allions fuguer et tu ne nous en a pas empêché... Ils croient que c'est ma faute et la tienne...

 — Cœur de Mousse et Œil de Faucon sont des cervelles de lapin... Tu n'étais qu'un chaton, Petit Soleil aussi, moi aussi. Ce n'est la faute de personne si vous avez rencontré un chien à ce moment-là. Petit Soleil. Mais ce n'est pas en ressassant tout cela que tu arriveras à t'en remettre. Ce n'est pas en cherchant à devenir comme il était que tu iras mieux ni que tu le retrouveras. Ce n'est pas comme ça que cela fonctionne. »

Nuage de Sauterelle releva la tête, son regard reflétait tout son désespoir et son impuissance. Ses joues étaient trempées et ses yeux rougissaient à cause de ses pleurs. La vérité, c'est qu'elle avait cessé d'être elle-même lors de cette expédition.

« Alors qu'est-ce que je suis sensée faire ? Je suis sensée l'oublier ou montrer à tous mes vulnérabilités ? Ils me prennent tous pour l'imbécile du Clan, ils ne voient en moi qu'une gamine qui ne sait pas se taire ! Ils n'arrivent pas à voir aussi bien que toi qui je suis, ils ne me regardent pas, ne m'entendent pas, ils ne veulent pas comprendre à quel point c'est dur et à quel point je souffre ! Personne n'est jamais là pour moi, nos parents nous ont abandonné et toi tu es devenu si distant ! Qu'est-ce que je dois faire pour arrêter d'être si seule ?

— Être toi-même, ne pas chercher à remplacer Petite Soleil. Vivre et aimer ta vie comme bon te semble. Penser à toi, maintenant à tes chatons. Laisse-toi porter par le Clan, ne cherche pas à ce que tout le monde approuve ton comportement, sois simplement toi-même et personne ne t'en voudra, tous seront plus enclin à t'écouter si tu ne joues pas un rôle. »

La jeune femelle ne répondit rien. Les oiseaux s'étaient tus en cette fin de journée et seuls les sanglots de Nuage de Sauterelle venaient briser le calme qui régnait sur la plaine. Quelques nuages voilaient un ciel bleu dans lequel l'astre solaire commençait à peine sa descente. Un léger vent venait secouer les brins d'herbes et les pelages des deux félins qui se faisaient face. Le chat à la fourrure de jais ne bougeait pas. Tout son corps semblait tendu et son regard paraissait absent. La petite femelle à ses côtés ne releva la tête que de longues minutes après, et ensemble, sans un mot, ils regagnèrent le camp, queues entremêlées.

Perle de Jais fila dans sa tanière et Nuage de Sauterelle rejoint la pouponnière où la reine borgne avec qui elle partageait cette tanière dormait. Un sentiment étrange habitait tout le corps de la chatte au pelage bicolore. Cette discussion avec son frère l'avait vidée de toute son énergie et elle se sentait toute bizarre soudainement. Elle voulut se rouler en boule pour dormir mais une vive douleur traversa son bas-ventre, lui arrachant un feulement. Œil d'Émeraude se réveilla tout de suite.

« Nuage de Sauterelle ? miaula-t-elle, encore un peu dans les vapes. Mais où étais-tu ? Tornade de Glace... »

Mais un nouveau feulement empêcha la femelle au pelage crème de continuer sa phrase. Nuage de Sauterelle se tordait de douleur.

« Mon... Ventre ! » articula la jeune chatte alors qu'un nouveau soubresaut secouait son corps.

Immédiatement, la reine borgne comprit que c'était des contractions annonçant sa mise bas qui touchaient la novice écaille de tortue. Œil d'Émeraude se précipita hors de la pouponnière, laissant Nuage de Sauterelle seule. Elle luttait contre son corps qui lui faisait si mal. Elle aussi avait réalisé ce qu'il se passait : elle allait donner vie à ses chatons. Après ce que lui avait dit Perle de Jais, ces petits êtres allaient devenir sa raison de vivre, sa raison d'être elle-même et de changer de trajectoire. Elle n'allait plus faire semblant d'être heureuse avec eux, elle allait vivre le moment et réellement être joyeuse. Elle n'avait qu'une hâte : que son accouchement soit rapide et qu'elle fasse la connaissance de ses chatons au plus vite.

Œil d'Émeraude revint, le souffle court, flanquée d'une Étoile de Cerise à la mine sombre.

« Plume de Feuille était partie chercher des remèdes avec Aile Rousse, ils devraient être revenus depuis un moment alors j'ai envoyé Plume Argentée les chercher. Ils ne devraient pas tarder, ne t'en fais pas... » miaula la meneuse au pelage roux.

Les minutes paraissaient des heures aux trois femelles qui se trouvaient dans la pouponnière. La jeune femelle continuait à se tordre de douleur sous des contractions de plus en plus fortes. La reine borgne caressait le flan de Nuage de Sauterelle du bout de la queue comme pour l'apaiser, lui chuchotant quelques mots pour qu'elle croit qu'elle allait y arriver. Étoile de Cerise quant à elle paraissait anxieuse, elle ne cessait de faire des allers-retours entre la pouponnière et le camp, et on pouvait voir sa fine queue battre furieusement, signe de son angoisse.

Après ce qui parut une éternité de souffrance à la petite femelle bicolore, le visage familier de la guérisseuse apparu enfin au-dessus d'elle. Elle déposa sur le sol mousseau de la pouponnière quelques choses que Nuage de Sauterelle ne remarqua pas tant elle luttait contre la douleur. Elle entendit vaguement Aile Rousse expliquer à Étoile de Cerise la raison de leur retard.

« On a été attaqué alors qu'on commençait à rentrer au camp. Le chat qui nous a attaqué s'en est pris à Plume de feuille alors je l'ai défendu. Mais il était fort et ça m'a pris du temps... »

Mais l'attention de la jeune chatte fut détournée par la voix de Plume de Feuille qui la ramenait à la réalité.

« Nuage de Sauterelle, je vais te demander de te concentrer uniquement sur moi et sur ce que je vais te dire. On va commencer par... »

Mais un cri sortir de la gorge de la novice bicolore, coupant la soigneuse, qui posa doucement sa main sur le ventre arrondi de la jeune femelle.

« Le premier petit arrive, je vais te demander de pousser le plus fort possible. Tiens, je t'ai ramené ce bâton, sert-le fort entre tes crocs à mon signal. »

Un court instant, Nuage de Sauterelle crut que la douleur s'atténuait, mais son corps se tordit une nouvelle fois et elle entendit Plume de Feuille lui dire de pousser tout de suite. Elle s'exécuta avec difficulté, et le bâton se brisa dans sa mâchoire tant l'effort fourni avait été intense.

Un petit paquet roula sur le sol et les yeux de l'apprentie s'illuminèrent d'une lueur nouvelle. 

« Je veux le voir ! Montrez-le moi ! » miaula-t-elle alors qu'elle était à bout de souffle.

Mais elle voyait la guérisseuse le lécher, longtemps, et son regard s'assombrit.

« Je suis désolée Nuage de Sauterelle, il est déjà mort... »

La reine poussa un cri déchirant alors que ses contractions reprenaient de plus belle. Des larmes roulaient sur ses joues alors que Plume de Feuille reprenait la parole.

« Tu dois continuer à être forte et à m'écouter, tu dois le faire pour tes autres chatons. Il en reste deux ! Allez Nuage de Sauterelle, je sais que tu peux le faire, tu es brave, allez ! Pousse, maintenant ! »

Le corps de la petite chatte était secoué de spasmes, elle avait l'impression de ne plus totalement avoir possession de son corps tant la douleur était immense. Son premier chaton était mort, mais il en restait deux autres avait dit la guérisseuse, alors il fallait qu'elle trouve en elle assez de force pour leur donner la vie...

Mais elle n'y arrivait pas. Elle n'avait déjà plus assez d'énergie et était à bout de souffle.

« Je vais pas... Y arriver... souffla-t-elle entre ses dents.

— Si, allez Nuage de Sauterelle ! Ce n'est plus très long !

— Je vais pas réussir... » répéta la reine écaille-de-tortue.

Les femelles présentent autour d'elle essayaient de motiver leur cadette, mais celle-ci n'arrivait plus à les écouter.

« Je veux que... Je veux que vous disiez à mon frère... et à mes parents, que je les aime... »

Ses sanglots rendaient ses paroles difficiles à comprendre. Son visage était déformé par la douleur et l'expression de son visage était terrifiante.

« S'il vous plaît, si un des chatons survit, appelez-le Petit Soleil... 

 — Tu peux le faire, ne dis pas ça Nuage de Sauterelle ! » tenta Œil d'Émeraude pour encourager la jeune reine.

Mais la douleur était trop intense pour la petite chatte. Comment être mère alors qu'on n'est pas tout à fait adulte. Son corps ne le supportait pas, et elle sentait ses dernières forces la quitter. 

Une ultime larme roula sur sa joue, encore un effort pour expulser un second chaton, et ce fut la fin. Nuage de Sauterelle poussa son dernier soupir et ses paupières se fermèrent. Elle avait cessé de lutter, certaine que Plume de Feuille et Œil d'Émeraude veilleraient sur sa progéniture.

La guérisseuse avait compris. Elle savait que sa patiente était morte. Alors elle mit tout en œuvre pour que son unique chaton vive. Elle ordonna qu'on lui apporte de la mousse, demanda à ce qu'on l'aide. Elle s'était mise à lécher le chaton de toutes ses forces, espérant voir cette minuscule poitrine se soulever.

Mais jamais elle ne bougea.

Petit Soleil ne fut pas. Il avait directement rejoint sa mère et son homonyme. 

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